B. SOUS LA COMMUNICATION, LA DÉBUDGÉTISATION
Le projet d'un fonds pour l'innovation procède en réalité d'une idée ancienne , portée par le directeur général de BPI-Groupe Nicolas Dufourcq.
Le rapport de la mission d'information sur « la Banque publique d'investissement Bpifrance » publié en septembre 2015 indique à ce titre qu'afin « de soutenir l'effort global de la Bpi en faveur de l'innovation, cette dernière a présenté un projet visant à instaurer une fondation dont la dotation budgétaire reposerait sur les dividendes assis sur un portefeuille d'actions actuellement détenues par l'Agence des participations de l'État. Ce système alternatif aurait pour but de compenser la baisse constatée de la dotation budgétaire du programme 192 et ainsi de permettre à la Bpi de verser davantage d'aides individuelles ».
Cependant, « si les membres de la mission d'information comprennent la démarche de Bpifrance et partagent son inquiétude relative à la baisse de la dotation budgétaire, ils n'adhèrent cependant pas à la création d'une fondation dont le fonctionnement, tel qu'il est actuellement envisagé, conduirait à institutionnaliser un mécanisme de débudgétisation qui n'apparaît conforme ni aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ni aux principes de vote et de contrôle du Parlement sur l'ensemble du budget » 60 ( * ) .
Entendu par la mission d'information, le directeur général de BPI-Group Nicolas Dufourcq indiquait « nous avons imaginé un autre schéma. Dès lors qu'il existe 90 milliards d'euros de fonds propres gérés par l'Agence des participations de l'État et vingt milliards d'euros de fonds propres gérés par Bpifrance, dont 25 %, soit cinq milliards d'euros, uniquement sur Orange, on pourrait placer sept de ces cent dix milliards d'euros dans une fondation - la fondation pour l'innovation - qui gérerait cet actif, recevrait les dividendes et injecterait chaque année deux cents millions d'euros dans le financement des aides à l'innovation. [...] J'ai parlé de la création de cette fondation pour l'innovation au Premier ministre, au secrétaire général de la présidence de la République, ainsi qu'à Emmanuel Macron et à Michel Sapin » 61 ( * ) .
C'est bien le même projet, désormais renommé « fonds pour l'innovation de rupture », qui est promu par le Gouvernement.
Or, en parallèle, le Gouvernement poursuit la diminution de la dotation à l'activité de Bpifrance financement portée par le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Nicolas Dufourcq indiquait à ce sujet devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le 20 septembre 2017 que « la diminution [du programme 192] est effectivement un problème. [...] La programmation à moyen terme ne prévoit plus que 136 millions d'euros », contre 250 millions d'euros à la création de la Bpi en 2012, et 344 millions d'euros pour les dispositifs préexistants en 2009.
Le graphique ci-après illustre l'érosion progressive de cette dotation, en baisse de près de 60 % depuis 2009.
Évolution de la dotation d'intervention du
programme 192
en faveur de l'innovation depuis 2009
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Au-delà des interrogations entourant l'efficacité réelle du dispositif, il est donc permis de douter des objectifs réellement poursuivis.
À rebours des règles budgétaires, des pouvoirs de contrôle du Parlement, des intérêts patrimoniaux de l'État et de ses capacités d'intervention en soutien des secteurs stratégiques de l'économie nationale, le fonds pour l'innovation procède d'un palliatif à la diminution d'une dépense budgétaire . La mesure s'apparente de facto à une débudgétisation.
De ce point de vue, les précisions apportées par le Premier ministre le 20 novembre dernier renforcent cette appréciation.
* 60 Rapport d'information de la mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement Bpifrance, Assemblée nationale, 30 septembre 2015, pages 127 et 128.
* 61 Audition par la mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement Bpifrance, 6 juillet 2015.