B. DE PROBABLES CHANGEMENTS D'ORIENTATION À ATTENDRE

1. Certaines actions peuvent aisément s'intégrer dans les orientations fixées par le nouveau Gouvernement

Certaines actions entrent déjà aisément dans les axes définis par le Gouvernement dans le cadre du « Grand plan d'investissement » .

Ainsi en est-il, par exemple, de l'action 04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », qui participe de l'axe « Édifier une société de compétences », ou encore de l'ensemble des actions du PIA 3 en faveur de l'innovation et qui rejoignent pleinement les objectifs du plan pour « ancrer la compétitivité sur l'innovation » .

De même, l'accélération de la transition écologique , qui constitue également un des axes du « Grand plan d'investissement », devrait se concrétiser dans le cadre de diverses actions du PIA 3 :

- au niveau de la recherche, avec l'appel à projets « make our planet great again » de l'action 02 « Programmes prioritaires de recherche » du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » précité ;

- pour valoriser la recherche, avec le volet « démonstrateurs de recherche de la transition énergétique et écologique » de l'action 03 « démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » du programme 422 « Valorisation de la recherche », poursuivant ainsi ce qui a déjà été développé dans les précédents programmes ;

- dans le même esprit, l'action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants » du même programme comprend un volet « transport » dont l'opérateur est l'Adème ;

- enfin, dans le domaine de l'innovation, l'action 05 « concours d'innovation » du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » qui, pour 150 millions d'euros confiés à l'Adème, permet d'octroyer une aide financière à des entreprises à très fort potentiel de croissance sur le thème de la transition écologique.

Au-delà du « Grand plan d'investissement », les crédits du PIA consacrés à l'innovation pédagogique peuvent également contribuer à l'action pilotée par le ministère de l'enseignement supérieur afin de répondre aux enjeux de la diversification des parcours en licence .

Pour toutes ces actions, c'est la définition des cahiers des charges des prochains appels à projets qui permettra d'orienter pleinement le PIA 3 dans le sens des objectifs définis par le Gouvernement.

2. D'autres actions seront redéfinies voire pourraient être remises en cause

Il est fort probable que de nouvelles orientations soient données à certaines actions du PIA et même que quelques-unes soient remises en cause .

Cela s'est d'ailleurs déjà concrétisé dans le cadre de la création de nouveaux instituts hospitalo-universitaires (IHU) . Alors qu'un appel à projets avait été lancé en mars 2017, le Gouvernement a décidé de le reporter à quelques jours de la date butoir de remise des dossiers et de lui apporter un certain nombre de modifications.

Ainsi, dans un communiqué de presse conjoint du 2 octobre 2017, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ont indiqué que « l'évaluation à mi-parcours [des premiers IHU] confirm[ait] le grand intérêt scientifique des projets mais soulève des questions à ce jour non résolues concernant la gouvernance et le modèle économique à terme . »

En conséquence, un nouvel appel à projets a été relancé jeudi 26 octobre 2017, pour une remise des dossiers au 15 décembre 2017. Il diffère en particulier du précédent par :

- la création de 2 IHU et non plus de 3 ;

- l'enveloppe financière allouée qui n'est plus que de 100 millions d'euros (au lieu de 200 millions d'euros initialement prévue), correspondant à 50 millions d'euros pour chaque IHU créé ;

En outre, en termes de gouvernance, il est demandé qu'il ne soit plus créé spécifiquement de fondations de coopération scientifique (FCS) pour porter ces IHU.

Autre exemple, l'avenir reste incertain pour le « plan numérique à l'école » tel qu'il a été mis en place sous le précédent gouvernement. En conséquence, en fonction des nouvelles dispositions qui seront prises, l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » du programme 421 pourrait évoluer pour ce qui concerne son volet « enseignement scolaire » . La Caisse des dépôts et consignations, opérateur pour cette action, attend de connaître les orientations finalement retenues.

Il paraît tout-à-fait logique que de telles évolutions soient opérées et que le PIA puisse répondre, le cas échant, aux priorités définies par le nouveau Gouvernement .

Cependant, il conviendra de rester vigilant quant aux choix opérés et de s'assurer que certains projets pourtant essentiels , notamment en matière de recherche et d'enseignement supérieur, ne soient pas remis en cause .

De même, il convient d'éviter , comme pour le cas des IHU, que des appels à projets déjà bien avancés ne soient brutalement stoppés , alors que des structures ont déjà pu travailler plusieurs mois et que le processus de sélection est enclenché.

Actuellement, comme indiqué précédemment, la seule action dont la concrétisation semble réellement incertaine est « Grands défis » .

Dotée de 700 millions d'euros en autorisations d'engagement mais d'aucun crédit de paiement pour 2018 ni pour 2019 et 2020 d'après la programmation triennale, cette action vise à soutenir des entreprises innovantes par la prise de « gros tickets » de 100 à 200 millions d'euros, en particulier dans les secteurs des nouvelles technologies en matière de santé ( medtechs ) ou de finance ( fintechs ).

Tout en mettant en évidence le fort dynamisme des entreprises françaises dans ce secteur, le rapporteur spécial de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, avait souligné l'an dernier, dans son rapport sur la mission, que « la seule inscription des crédits ne saurait garantir la capacité du PIA et de l'opérateur (la Caisse des dépôts et consignations) à prendre des risques par définition très importants compte tenu de la nature même de ces projets - d'autant que le fonds de fonds "Grands défis" a vocation à demeurer, comme toujours, un investisseur minoritaire, ce qui implique que d'autres acteurs soient déterminés à prendre ce risque. En d'autres termes, il n'est pas certain que cela suffise à "retenir en France" les prochains Blablacar et autres Criteo » .

Il avait également marqué son étonnement quant au fait que ce programme pourrait « financer toute transformation de modèle économique, (...) dans le domaine de la culture par exemple ». Il existait notamment un risque que le PIA soit ainsi utilisé pour contribuer au financement de la rénovation du Grand Palais. Dans ce cas, votre rapporteur spécial ne peut qu'à son tour craindre ce risque de débudgétisation évident et noter qu'un tel détournement de l'esprit du PIA ne paraît plus envisagé à ce stade.

3. La crainte d'une réallocation des crédits du PIA au sein du « Grand plan d'investissement » apparaît politiquement peu crédible

Votre rapporteur spécial s'est également interrogé sur le fait que le PIA puisse faire l'objet de réallocations de crédits avec les autres actions du « Grand plan d'investissement » . En effet, le rapport remis au Premier ministre par Jean Pisani-Ferry prévoit expressément des réallocations de crédits chaque année au sein du plan, afin d'adapter les investissements aux résultats obtenus et de concentrer les efforts sur ce qui fonctionne.

En principe, les crédits du PIA pourraient donc être réalloués à d'autres actions du GPI .

Toutefois, en pratique, ces mouvements devront passer par la voie législative , dans le cadre de redéploiement de crédits, en fonction des ministères concernés et des montants en jeu.

En outre, les règles exceptionnelles applicables au PIA - et notamment le fait qu'il n'entre pas dans les normes de dépenses, contrairement aux autres crédits du « Grand plan d'investissement » - rendent ces mouvements moins probables.

Enfin, d'un point de vue politique, une telle réallocation des crédits reviendrait à remettre en cause l'enveloppe initiale de 10 milliards d'euros pour le PIA 3, ce qui pourrait susciter de vives réactions , notamment dans les secteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur.

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