EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 16 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, puis de M. Charles Guené, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Frédérique Espagnac et M. Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale de la mission « Économie » . - La mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME des secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie, ainsi que les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces diverses politiques.

L'ensemble représente environ 1,9 milliard d'euros, un montant très stable ces dernières années. Pour 2018, les crédits affichent une très légère baisse de 0,6 % par rapport à 2017, à peu près équivalente à la hausse de 0,4 % prévue l'année dernière.

Cette stabilité résulte, fondamentalement, de l'éclatement des dispositifs et des structures qui caractérise la mission « Économie ».

Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » porte, à lui seul, la moitié des crédits de la mission, et la quasi-totalité des instruments de soutien aux TPE-PME. Ceux-ci prennent la forme d'aides directes ou indirectes, de prêts, de garanties, de contributions à des actions collectives de formation, de promotion ou de mutualisation des moyens à l'échelle d'une filière. Ils portent sur des secteurs très divers, allant de la petite industrie aux métiers d'arts, en passant par les commerces de centre-ville, les services à la personne ou encore les jeunes PME innovantes.

Le plus souvent, il s'agit d'aides indirectes versées à des intermédiaires, qui sont tout aussi nombreux : opérateurs de l'État, chambres de commerce et d'industrie (CCI), chambres des métiers et de l'artisanat (CMA), centres techniques industriels, organisations internationales, organismes de formation professionnelle, etc. Dans ces conditions, il est difficile de percevoir des choix politiques clairs ou une action volontariste du Gouvernement en faveur des PME, du commerce ou de l'artisanat, ou du moins cette politique ne passe pas par les outils du programme 134, trop hétérogènes et sédimentés.

À vrai dire, les arbitrages budgétaires de ces dernières années ont surtout consisté à réduire progressivement le format de ces multiples dispositifs, selon une logique du rabot. Ceux-ci sont ainsi passés de 112,6 millions d'euros en 2015 à 81,2 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 28 % en trois ans. L'année prochaine, la baisse devrait être de 12 %.

Reste que cette logique du rabot finira bien par trouver ses limites : au lieu de réduire chaque année un peu plus le budget de tel ou tel instrument sans trancher sur sa pertinence, il serait préférable d'engager une réflexion d'ensemble et de faire des choix.

L'exemple le plus significatif est celui du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) : entre 2010 et 2018, sa dotation est passée de 80 millions à 14 millions d'euros, et ce montant inclut la reprise des aides aux stations-service de proximité autrefois versées par un organisme distinct. Certes, le Fisac a connu des dysfonctionnements, auxquels la réforme de 2014 a en partie remédié, en passant d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets. Mais peut-on vraiment porter une politique efficace de lutte contre la désertification des territoires et la dévitalisation des centres-ville avec 14 millions d'euros pour 65 millions d'habitants ?

Voilà un problème typique de la mission « Économie » : à ne pas choisir entre les outils, on finit par ne plus pouvoir mener de politique ambitieuse. Si le nouveau Fisac fonctionne, ses crédits devraient être augmentés ; sinon, ses crédits devraient être transférés directement à d'autres acteurs, le cas échéant au niveau local, auxquels reviendrait l'initiative de financer les projets, ce qui aurait au moins le mérite d'éviter la lourdeur de la double instruction des dossiers. J'estime que ce fonds devrait être réévalué au vu des besoins locaux que nous avons tous pu observer.

Tous ces dispositifs d'intervention, toutefois, ne comptent que pour 30 % des crédits de la mission « Économie ». Celle-ci est également constituée pour moitié de crédits de personnel, et pour un cinquième de crédits de fonctionnement.

Les crédits de personnel présentent par nature de fortes rigidités : ils diminuent de seulement 0,8 % en 2018, pour s'établir à 930 millions d'euros, et ce malgré une réduction de 182 équivalents temps plein (ETP) pour un plafond d'emplois de 12 018 ETP au total.

Les économies de fonctionnement, quant à elles, sont entravées par la multiplicité des structures. Dans le détail, toutefois, la situation diffère selon les programmes.

Le programme 134 est le plus éclaté : il porte les crédits de plusieurs administrations centrales mais surtout de la DIRECCTE, ainsi que de trois opérateurs - Business France, l'INPI et l'Agence nationale des fréquences - et de deux autorités administratives indépendantes, l'Autorité de la concurrence et l'ARCEP - l'année 2018 étant celle du déménagement de cette dernière dans de nouveaux locaux, moins chers.

Le programme 220 porte les crédits de l'Insee. Les économies prévues pour 2018 sont modestes, mais cela s'explique par les surcoûts liés au déménagement d'une partie de ses services au centre statistique de Metz, en voie d'achèvement après bien des difficultés, et par le déménagement du siège à Montrouge en 2018. À terme, ces opérations devraient permettre des économies importantes, auxquelles s'ajouteront celles qui proviennent de la dématérialisation des enquêtes et de l'usage de nouveaux outils d'analyse de données.

Les crédits du programme 305, soit 434 millions d'euros, sont en hausse de 1,5 % en 2018, une hausse en grande partie exogène.

Ce programme comprend les crédits des services économiques de la Direction générale du trésor à l'étranger, qui représentent près de la moitié des effectifs. Or le taux de change actuel de l'euro fait mécaniquement augmenter le montant de l'indemnité de résidence à l'étranger.

Au-delà de ces trois programmes permanents, la mission retrace également, sur le programme 343, la participation de l'État au plan France Très haut débit. Celle-ci s'élève à 3,3 milliards d'euros sur les 20 milliards d'euros prévus à l'horizon 2022, avec l'ambition d'une couverture de 100 % du territoire. Sur ces 3,3 milliards, 208 millions d'euros d'autorisations d'engagements sont prévus pour 2018.

Dans les zones denses, les résultats sont satisfaisants : 66,2 % des locaux sont d'ores et déjà couverts. Il faut dire que les zones denses représentent 10 % du territoire mais 55 % de la population, et sont donc les plus rentables.

On ne peut pas en dire de même des réseaux d'initiative publique (RIP) dans les zones non denses. À ce jour, seuls 31,2 % des locaux ont accès au très haut débit, dont seulement 5,5 % à la fibre optique. Il faut en effet rappeler, car il y a souvent une ambiguïté sur ce point, que le « très haut débit » inclut des technologies traditionnelles modernisées, comme le cuivre et le câble, permettant un débit compris entre 30 et 100 mégabits par seconde, mais que seule la fibre optique « jusqu'à l'abonné » permet un débit optimal, supérieur à 100 mégabits par seconde, lequel sera in fine indispensable pour l'aménagement et la cohésion de nos territoires.

Le retard du plan France Très haut débit dans les zones rurales, que nous sommes nombreux à constater, a de multiples explications, depuis les lourdeurs des procédures administratives jusqu'aux difficultés pratiques sur le terrain. Dans ce contexte, le Président de la République a réaffirmé en juillet dernier l'objectif d'une couverture à 100 % en 2022, mais sans annoncer de financements supplémentaires.

Cela dit, à défaut de moyens financiers, il existe d'autres pistes que le Gouvernement gagnerait à mobiliser au plus vite : utiliser la possibilité, prévue par les textes depuis 2016, d'obtenir des engagements contraignants de la part des opérateurs, le cas échéants assortis de sanctions financières ; engager le plus vite possible de nouveaux contrats, pour tirer parti des conditions actuelles des marchés financiers - avec la faiblesse des taux, l'investissement dans les infrastructures de télécommunication devient plus rentable, y compris dans les zones non denses - ; mobiliser l'opinion publique, par exemple en s'appuyant sur l'outil mis en ligne par l'Agence du numérique qui permet de suivre de déploiement de la fibre en temps réel, ou en exerçant une grande vigilance sur la communication parfois ambiguë des opérateurs.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial de la mission « Économie » . - Je commencerai par évoquer le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Il correspond au Fonds pour le développement économique et social (FDES), doté de 100 millions d'euros, qui permet de faire face aux besoins d'entreprises en difficulté. Le taux de consommation effective n'a pas dépassé 0,3 %. La suppression de cet outil pourrait le cas échéant être envisagée, ou du moins la réduction de sa dotation initiale.

Nous n'avons pas encore trouvé de solution au problème du déficit du commerce extérieur de la France. Le gouvernement précédent a mis en place deux instruments : Bpifrance et Business France. Mais encore faut-il que tous les acteurs concernés travaillent ensemble, ce qui n'est pas toujours le cas. La superposition des compétences ne fait pas le talent de l'ensemble.

En tant que parlementaires, nous nous faisons les défenseurs des TPE-PME et des ETI. Mais nous nous rendons compte que les dispositifs d'aide, de même que la réglementation fiscale, sociale et économique, n'ont pas été conçus pour ce type d'entreprises. Nous nous félicitons quand Airbus vend des avions, mais nous ne voyons pas ce qui n'a pas été fait pour les TPE-PME.

Business France est un outil intelligent qui peut répondre aux attentes des TPE et des ETI. Cette agence, qui résulte de la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), a atteint avec un an d'avance l'objectif de 10 000 PME et ETI accompagnées à l'export. En outre, elle a développé une véritable offre commerciale, qui génère des recettes propres.

Cependant, le dispositif public de soutien à l'exportation demeure défaillant en raison de l'éclatement des acteurs. Je souhaite que notre commission accepte de mettre en place une mission spécifique pour proposer au Gouvernement des réformes, sur le modèle de ce que nous avons en matière d'économie collaborative. Cette mission pourrait être transcourants et transversale.

L'un des enjeux concerne le déploiement du dispositif sur le territoire. Les CCI sont des acteurs incontournables pour aider les entreprises à développer leurs exportations et elles disposent d'un réseau de « conseillers en développement international » pour cela. Mais comme chacun défend son territoire, sa ville, son département, sa région, nous sommes peut-être les meilleurs, mais nous avons les pires résultats ! Nous aurions intérêt à spécialiser les acteurs dans ce qu'ils font de mieux : par exemple, la formation professionnelle aux CCI, et l'accompagnement à l'international à Business France. Il n'est pas évident que les PME et les ETI profitent de ces compétences et du développement de cette intelligence collective.

Un mot enfin sur le French Tech Central (FTC), qui montre que les acteurs peuvent travailler ensemble.

J'ai visité avec Thierry Carcenac l'incubateur « Station F » dans le XIII e arrondissement de Paris, créée par Xavier Niel. Il regroupe plus de 1 000 start-ups et 3 000 postes de travail, ainsi qu'une trentaine de services publics dédiés aux entreprises - de l'Institut national de la propriété intellectuelle à la Direction générale des finances publiques, en passant par Business France, Bpifrance... -, qui permettent d'apporter une réponse immédiate, concentrée, transversale aux entreprises.

C'est un regroupement d'intelligence, de talents, de compétences des agents de l'État pour répondre aussi vite que les start-ups en ont besoin. Il faudrait s'inspirer de ce modèle, parce qu'il est adapté à notre époque. Dès qu'une start-up est créée, elle doit viser le marché mondial. Si l'on veut que nos investissements soutiennent les entreprises naissantes et innovantes qui sont l'avenir de notre pays, il faut que nous en prenions conscience très vite.

Lorsque nous nous sommes rendus dans la Silicon Valley avec le rapporteur général et d'autres membres du groupe de travail de la commission des finances sur le numérique, nous avons pu constater combien la liberté de créer, de produire, d'échanger constituait une force. Nous devons nous en inspirer, tout en gardant notre French touch et notre volonté de garder nos services publics de talent pour protéger les marques et l'environnement, et promouvoir un modèle de production et de commerce éthique.

Avec Frédérique Espagnac, nous vous invitons à voter les crédits de la mission « Économie ».

M. Antoine Lefèvre . - S'agissant du Fisac, il n'est plus possible de continuer ainsi. Un montant de 14 millions d'euros, c'est ridicule face aux enjeux. Les élus locaux sont soumis à une forte pression pour préparer des dossiers Fisac. La double instruction, les délais : tout cela est absurde, alors que les commerçants insistent sur l'urgence des dossiers. Quelle suite sera donnée au rapport commandé par Martine Pinville sur la revitalisation des centres-ville en 2016 ?

J'ai découvert récemment l'Observatoire France Très haut débit. Les élus sont très mobilisés sur cette question. Nous sommes pourtant quelquefois menés en bateau par certains opérateurs. La visualisation de la situation en temps réel grâce à cet observatoire permettra peut-être d'éviter les doublons évoqués par Frédérique Espagnac.

M. Marc Laménie . - Je félicite les deux rapporteurs. Je m'interroge sur les moyens de lutter contre l'empilement des structures : collectivités territoriales, État, préfecture et sous-préfectures, services déconcentrés, organismes consulaires, agences de développement économique...

Les chefs d'entreprise ne savent pas à qui s'adresser. Les départements ne peuvent plus intervenir dans le domaine économique. Alors faut-il s'adresser à l'intercommunalité, à l'agglomération, à l'État ?

Que vont devenir les fonds d'État comme le Fisac ? N'est-il pas possible de les uniformiser ?

Enfin, je veux évoquer les moyens humains : fonctionnaires d'État, opérateurs. L'Insee, qui représente de nombreux emplois, produit beaucoup de statistiques, y compris en dehors du monde économique.

Que préconisez-vous pour simplifier et permettre aux services de mieux communiquer entre eux ?

M. Bernard Delcros . - S'agissant du Fisac, je veux citer le cas d'un appel à projets national auquel des communautés représentant la moitié de mon département et regroupant 109 communes ont répondu. Nous avons attendu des mois, payé des études d'impact, monté des dossiers... La réponse a certes été positive, mais pour un montant de 200 000 euros. La procédure est lourde, complexe, coûteuse, longue, pour des enjeux financiers qui ne sont pas à la hauteur des besoins.

Frédérique Espagnac a abordé la couverture en très haut débit du territoire et son développement trop lent dans les zones rurales. Je partage l'idée qu'il faut imposer des engagements contraignants aux opérateurs.

Dans le cadre de l'acte II de la « loi Montagne » voté en décembre 2016, nous avions adopté une mesure incitative selon laquelle les investissements des opérateurs dans les trois prochaines années pourraient bénéficier d'une exonération totale de l'IFER. Ce dispositif a-t-il permis une accélération des investissements des opérateurs ?

M. Michel Canevet . - Est-il pertinent de conserver le Fisac ? Les régions doivent-elles prendre l'entière responsabilité des actions en faveur des artisans et des commerçants, en lien avec les intercommunalités ? La lourdeur et les délais d'instruction des dossiers sont des sujets récurrents d'insatisfaction. Il faudrait doper le Fisac en lui allouant les crédits nécessaires pour conduire une véritable politique.

Je suis préoccupé par la question des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Il est proposé une nouvelle ponction de 150 millions d'euros, qui fait suite à de très nombreuses autres. Le réseau a dû se restructurer de façon très importante ; mais je crains que les chambres ne soient mises dans de très grandes difficultés à un moment où les entrepreneurs ont besoin d'accompagnement. La diminution des moyens humains des CCI ne doit pas se traduire par l'obligation pour les collectivités territoriales de recruter pour pallier l'arrêt de certains services. Certains chefs d'entreprise pourraient aussi se retirer de la gouvernance des CCI : il serait dommage de se priver de ces responsables bénévoles.

J'ai également des inquiétudes sur les chambres de métiers et de l'artisanat. Des rapprochements avec les CCI sont-ils envisageables ? Les réseaux doivent-ils rester indépendants l'un de l'autre ? Je souscris à la volonté de mieux articuler le travail des conseillers internationaux des CCI la stratégie définie par Business France. Nous devons agir pour améliorer le déficit de la balance commerciale française.

En ce qui concerne le plan France Très haut débit, je rappelle que la fibre jusqu'à l'abonné est envisagée en Bretagne en 2030, compte tenu des 2,5 milliards d'euros d'investissements nécessaires. On entend qu'il serait difficile de trouver des entrepreneurs. En réalité, des opérateurs ont mis la main sur le dispositif et veulent sous-traiter les travaux à des niveaux de prix tellement faibles que la rentabilité des entreprises ne serait pas assurée. Dans ces conditions, comment permettre l'accès de tous à du très haut débit en 2022 ?

M. Philippe Dallier . - Nous constations voilà une dizaine d'années que les crédits du Fisac n'étaient pas consommés, ou de façon inégale selon les régions. C'est aujourd'hui l'inverse : il n'y a plus de crédits. C'est une évolution caricaturale et assez française.

Au moment où le commerce local part à vau-l'eau dans les villes moyennes et les banlieues difficiles, les collectivités locales ont besoin d'un outil pour agir. Je ne suis pas favorable à la disparition du Fisac, mais à sa transformation. Il faut calibrer ses moyens et mettre en place des procédures efficaces.

On constate un empilement des dispositifs d'aide à l'export : Business France, les CCI, sans compter les différents bureaux de soutien à l'exportation d'Île-de-France. Il y a matière à simplifier, mais qui a la main sur le système ? Chacun continue à faire ce qu'il veut, même si on signe des conventions pour agir ensemble.

Ponctionne-t-on les CCI pour les contraindre à faire des choix ? Que peut-on proposer pour rationnaliser ces dispositifs ?

M. Thierry Carcenac . - Je partage les conclusions de nos rapporteurs. Pour ce qui concerne la modernisation de l'action publique, il faut essayer de décloisonner les différents systèmes. L'approche est intéressante.

Sur le plan France Très haut débit, comment se répartissent les crédits, ceux du programme 343 de la mission « Économie » et ceux qui relèvent de la mission « Politique des territoires » ? Cette superposition des deux systèmes ne donne pas une vision claire de l'action à conduire. Les propos sur le « bon haut débit » du Président de la République, lors de la Conférence nationale des territoires, ont créé une certaine incertitude. Par ailleurs, des opérateurs disent pouvoir tout faire, sans moyens publics.

M. Philippe Dallier . - Avec quel résultat !

M. Thierry Carcenac . - Dans certaines zones, les opérateurs perturbent les réseaux d'initiative publique existants. Votre proposition visant à contraindre les opérateurs à respecter leurs engagements est intéressante. La future mission « Action publique 2022 » devrait aussi apporter des réponses.

Mme Christine Lavarde . - La baisse des crédits de l'Insee est justifiée, pour partie, par la baisse de la dotation versée aux collectivités pour les opérations de recensement, du fait de la numérisation croissante. Les modalités de recensement vont-elles évoluer ? Pourtant, même dans les territoires très connectés, le nombre d'agents recenseurs ne semble pas baisser.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - J'ai l'impression que le Gouvernement veut bel et bien supprimer le Fisac, et non pas seulement le transférer aux régions. On réduit l'enveloppe alors que les besoins sont réels pour le commerce, dans les banlieues et les villes moyennes - à Pau, la situation est catastrophique ! Et dans les petites communes rurales, sans le Fisac, il n'y a plus rien. Nous présenterons la semaine prochaine un amendement tendant à augmenter les crédits de ce fonds, car chaque commune en a besoin.

Sur le plan France Très haut débit, il faut un point d'étape, et nous reviendrons devant vous pour faire le point de la situation.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Nous souhaitons que soit créée une mission spécifique sur l'empilement des structures en matière de soutien public à l'exportation, car nous devons comprendre pourquoi les choses dérapent. La superposition des compétences ne fait pas le talent.

Sur l'avenir des CCI et des chambres des métiers et de l'artisanat, il faut faire évoluer un système mis en place à la fin du XIX e siècle et qui montre aujourd'hui ses limites. La preuve en est que nous importons beaucoup et que nous exportons peu. Or ces chambres avaient pour mission première de développer le commerce autour du vaste monde.

Il nous faut savoir regrouper, avec réactivité, les services publics au profit des entreprises.

M. Bernard Delcros . - Il est important de présenter un amendement tendant à augmenter les crédits du Fisac : cela attirera l'attention sur ce problème et mettra peut-être fin à la démarche en cours pour le supprimer.

Présidence de M. Charles Guené, vice-président

M. Charles Guené , président . - Quel est l'avis des rapporteurs spéciaux sur la mission et le compte de concours financiers ?

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Nous proposons de réserver le vote sur les crédits de la mission jusqu'à la semaine prochaine. Nous vous proposerons alors les amendements nécessaires.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Économie » et a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

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Réunie à nouveau le mercredi 22 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné les crédits de la mission « Économie », précédemment réservés, et des articles additionnels rattachés n os 54 quinquies , 54 sexies , 54 septies et 54 octies .

M. Vincent Éblé , président . - Nous en arrivons à l'examen des crédits de la mission « Économie », précédemment réservés, et des articles additionnels rattachés n os 54 quinquies , 54 sexies , 54 septies et 54 octies .

Mme Frédérique Espagnac , rapporteur spécial . - Entre 2010 et 2018, la dotation du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) est passée de 64 millions d'euros à 11 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 83 %. Nous le disons clairement : il n'est tout simplement pas possible de mener une politique ambitieuse de lutte contre la désertification des territoires et la dévitalisation des centres ville, sur l'ensemble du territoire français, avec 11 millions d'euros pour 65 millions d'habitants.

L'Assemblée nationale a majoré les crédits du Fisac de 2 millions d'euros, mais on voit bien que cela ne constitue pas une véritable réponse. Nous vous proposons donc, avec Bernard Lalande, un amendement visant à porter les crédits du Fisac à 30 millions d'euros, soit un doublement, pour sortir enfin d'une situation où l'on réaffirme des objectifs sans s'en donner les moyens.

Sur les 17 millions d'euros prévus, 5 millions d'euros seraient réservés aux stations-service de proximité. Comme vous le savez, leur nombre ne cesse de diminuer au profit des grandes surfaces, et les stations indépendantes font face à des coûts souvent insurmontables : changement des cuves, remises aux normes, diversification etc. Jusqu'en 2015, elles bénéficiaient d'aides versées par le Comité professionnel de distribution de carburants (CPDC). Le Sénat s'était mobilisé - avec succès - pour la reprise des dossiers en cours par le Fisac, mais il importe maintenant de prévoir un dispositif pérenne.

L'Assemblée nationale a adopté d'autres amendements de crédits à la mission « Économie », pour assurer notamment un effort en faveur des mouvements de consommateurs et des associations permettant aux familles démunies de partir en vacances. Nous vous proposons donc de confirmer l'adoption des crédits de la mission « Économie », tels que modifiés par l'Assemblée nationale et par l'amendement que nous vous proposons.

Par ailleurs, deux amendements du Gouvernement ont été adoptés sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Le premier amendement prévoit l'ouverture de 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement : il tire les conséquences de la décision de financer le projet de liaison CDG-Express par un prêt de l'État, à hauteur de 1,7 milliard d'euros, plutôt que par un emprunt souscrit auprès d'établissements financiers, comme le prévoyait le schéma d'origine. Cette décision, justifiée par l'urgence de ce chantier dans la perspective des jeux olympiques de 2024, a fait l'objet d'un article en première partie du projet de loi de finances.

Le second amendement ouvre 100 millions d'euros sur le compte de concours financiers, afin de permettre à l'État d'accorder un prêt à Bpifrance dans le cadre de son nouveau dispositif de soutien à l'exportation en Iran.

Quelques explications s'imposent. Comme vous le savez, les banques privées sont encore réticentes à accorder des financements aux entreprises françaises ayant des projets en Iran, même si les sanctions internationales ont pour l'essentiel été levées. Afin de remédier à cette défaillance, Bpifrance prépare le lancement d'une offre de financement public à destination des exportateurs désireux de profiter de l'ouverture du marché iranien et de ses opportunités.

Afin de ne pas tomber sous le coup des sanctions américaines, Bpifrance doit toutefois mobiliser des ressources financières dédiées à l'Iran, séparées de ses autres activités. Cet amendement, qui autorise l'État à prêter 100 millions d'euros à Bpifrance, devrait avoir un effet d'entraînement sur les autres investisseurs potentiels.

Le prêt serait effectué aux conditions de marché, et son déblocage serait neutre pour le solde budgétaire : le montant de 100 millions d'euros est en effet gagé par une annulation à due concurrence des crédits du programme 851 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

L'État et Bpifrance travaillent depuis plusieurs mois sur ce dispositif, dont les modalités juridiques et financières semblent crédibles. Son importance est cruciale pour les exportateurs français. D'autres pays se sont déjà dotés d'un mécanisme identique, dont l'Allemagne. Nous vous proposons donc d'adopter cet article.

Reste qu'il s'agit d'un dispositif substantiel, et son dépôt par le Gouvernement, au dernier moment, en seconde délibération, interdit un examen approfondi. Nous avons demandé des précisions. Si des éléments nouveaux devaient apparaître d'ici à la séance publique, nous aurions bien sûr la possibilité de revenir sur cette adoption.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - L'Assemblée nationale a également adopté quatre articles additionnels rattachés à la mission « Économie ».

L'article 54 quinquies vise à instaurer un mécanisme de contribution volontaire permettant aux différentes associations professionnelles représentant les entités contrôlées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) de financer des projets d'intérêt commun portés par cette dernière. Ce dispositif pose une question de principe sur laquelle le rapporteur général vous dira son sentiment.

L'article 54 sexies vise, quant à lui, à créer une taxe affectée au Centre technique du papier (CTP). C'est un dispositif vertueux, que je vous propose d'adopter.

L'article 54 septies supprime la possibilité, pour les établissements bancaires, de centraliser à l'excès les ressources tirées des dépôts du livret A et du livret de développement durable vers le fonds d'épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. L'adoption de cet article est nécessaire pour sécuriser le fonctionnement et garantir la pérennité de ce fonds d'épargne.

Enfin, l'article 54 octies , issu d'un amendement du rapporteur spécial de la mission « Économie » à l'Assemblée nationale, reprend les préconisations de notre propre rapport, qui visaient à conforter le financement de Business France. Nous observions alors que superposer des structures, souvent rigides et anciennes, n'équivaut nullement à les additionner. Certes, les conseillers rattachés aux chambres de commerce et d'industrie, se veulent les meilleurs défenseurs de leur territoire, mais il semble qu'une telle superposition de talents ne soit pas le meilleur remède au déficit de notre commerce extérieur. Mieux vaut additionner les compétences que les superposer. Sachant que cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'évolution du financement de Business France dans les prochaines années, je vous proposerai un amendement tendant à inclure cette question de la superposition des compétences dans le champ de ce rapport.

Je pense d'ailleurs qu'une réflexion plus globale sur le dispositif public de soutien à l'exportation s'impose aujourd'hui : nous avons des acteurs performants, mais trop nombreux et souvent concurrents plus que partenaires. La semaine dernière, j'avais évoqué la piste d'une mise à disposition de Business France des conseillers en développement international aujourd'hui rattachés aux chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Je lis dans Les Échos que l'Afep, l'Association française des entreprises privées, considère que les grands groupes doivent coacher les PME. Mais on sait aussi que lorsque l'on dépend de quelqu'un, c'est lui qui décide chez vous. Il est temps de mettre en place une vraie politique d'exportation au lieu de défendre des chapelles qui remontent au XVIII e siècle.

M. Albéric  de  Montgolfier , rapporteur général . -L'article 54 quinquies représente à mon sens le summum de l'horreur en matière budgétaire. L'Autorité des marchés financiers, l'AMF, comme beaucoup d'organismes, est financée par une taxe affectée, plafonnée. Afin de financer un programme informatique important, dont je ne conteste pas la nécessité, mais qui aurait pu passer par une modification du plafond, le gouvernement a imaginé un dispositif inédit : les organismes contrôlés par l'AMF paieraient une contribution « volontaire » - une sorte de don, en somme, mais qui n'est pas sans contrepartie : en échange de cette contribution, les organismes concernés bénéficieraient, tout bonnement, d'une réduction du taux de leur contribution légale. Gardons-nous de mettre le doigt dans un tel engrenage ! C'est pourquoi je vous proposerai un amendement de suppression de cet article.

Mme Nathalie Goulet . - Je soutiens l'excellente initiative prise sur l'Iran, un marché de 85 millions de personnes sur lequel nos banques sont fragilisées par la pression que maintiennent les États-Unis. J'en ai fait l'expérience dans mon département, avec un projet d'exportation de bétail.

Une observation pour rebondir sur les propos de Bernard Lalande au sujet de Business France : il est des dispositifs régionaux qui fonctionnent bien, et dont on gagnerait à s'inspirer. Je pense, par exemple, à l'Agence d'attractivité mise en place en Alsace, qui a créé un dispositif de collecte des appels d'offre internationaux, répartis ensuite entre les entreprises de la région. Cela classe l'Alsace au troisième rang en termes d'attractivité en matière d'échanges internationaux.

M. Vincent Delahaye . - Je soutiens la position de nos rapporteurs sur le Fisac, tout en m'interrogeant, cependant, sur le fléchage de 5 millions en faveur des stations-service de proximité : ces crédits viendront-ils s'ajouter à des aides déjà existantes ? Je reviens d'un séjour en Corse où j'ai été frappé par le nombre de stations-service que l'on rencontre sur la côte est ! Nos rapporteurs peuvent-ils m'apporter un éclairage ?

M. Yannick Botrel . - Sur le commerce extérieur, le constat est cruel mais rejoint ce que nous écrivions, il y a quelques années, dans notre rapport sur le dispositif de soutien aux exportations agroalimentaires, où nous concluions à une concurrence entre différents opérateurs financés par l'État et relevions que pas moins de cinq ministères se trouvaient impliqués, dont aucun n'était prêt à renoncer à son pouvoir. Nous y examinions, en contrepoint, la situation des Pays-Bas, où le ministère de l'économie centralise la compétence et où un seul opérateur est chargé de porter les projets de développement. Quelques années plus tard, force est de constater que rien n'a avancé.

Pour aller dans le sens de Nathalie Goulet qui vantait le dispositif mis en place en Alsace, je mentionnerai deux autres exemples. Celui du Languedoc-Roussillon, qui a su développer une politique intéressante de soutien au commerce extérieur, et celui de la Bretagne, qui a opéré une fusion des services des chambres de commerce et d'industrie et des services régionaux respectivement concernés dans une entité dénommée Bretagne Commerce International. Preuve que des territoires ont su s'organiser hors de structures nationales impuissantes. Il est temps, en effet, que l'on s'empare du sujet.

M. Didier Rambaud . - Les dispositions retenues par nos rapporteurs pour le Fisac répondent à une vraie attente des petites communes, mais je suis surpris du fléchage vers les stations-service. Dans mon canton, qui compte 32 communes, j'ai vu des fermetures en chaîne, car il est clair que ces stations ne sont pas en mesure de lutter contre la concurrence des grandes surfaces.

M. Jacques Genest . - Je suis moi aussi favorable à l'amendement de nos rapporteurs en faveur du Fisac, qui, alors qu'il a fait ses preuves dans les territoires ruraux, a souffert d'une chute brutale de ses crédits au cours du dernier quinquennat. En revanche, je n'ai pas les mêmes interrogations que mes collègues sur les stations-service. Elles méritent d'être soutenues face aux grandes surfaces, et s'il en existe davantage en Corse, c'est peut-être que les hypermarchés sont moins nombreux à y vendre de l'essence.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Je connais mal la situation en Corse mais ce que je puis dire, c'est que dans les zones rurales, ces stations indépendantes, qui servent aussi souvent de dépôt de pain, d'épicerie, rendent un vrai service de proximité. Confrontées à de lourdes contraintes d'entretien et de mise aux normes, leurs propriétaires n'ont bien souvent d'autre choix que de livrer leur station. Je crois que nous pouvons, une dernière fois, prévoir des crédits fléchés au profit de tous ceux qui veulent continuer à délivrer un service de proximité en zone rurale ou en montagne.

S'agissant des dispositions concernant le marché iranien, je précise que les 100 millions que prêterait l'État à Bpifrance visent à créer un effet de levier. Si l'État ne marque pas sa volonté, comme cela est son rôle, c'est un marché de 85 millions d'habitants qui risque de nous rester fermé.

Si je propose de donner à Business France une vision d'ensemble, ce n'est pas par jacobinisme. Chaque département, chaque région, chaque grande ville, chaque agglomération est exportateur par nature. Et cependant, notre déficit commercial ne cesse de croître. Quand on connaît un marché, autant y aller en commando « France » plutôt qu'en ordre dispersé. Le marché est mondial : nous avons besoin d'un organisme national pour développer et conseiller nos PME en matière commerciale.

L'amendement de crédits n°1  est adopté.

L'amendement n° 2 de suppression de l'article 54 quinquies est adopté.

L'amendement n°3 à l'article 53 octies est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Économie », tels que modifiés par son amendement, la suppression de l'article 54 quinques , l'adoption de l'article 54 sexies , ainsi que de l'article 54 septies , et l'adoption de l'article 54 octies tel que modifié par son amendement.

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Économie », tels que modifiés par son amendement. Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, elle a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », de supprimer l'article 54 quinquies , d'adopter sans modification les articles 54 sexies et 54 septies et enfin d'adopter l'article 54 octies , tel que modifié par son amendement.

1. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

CCI France

- M. Bernard FALCK, directeur général ;

- M. Dominique BRUNIN,  directeur de l'international ;

- M. Jérôme PARDIGON, directeur des relations institutionnelles.

CCI Paris Île-de-France

- M. Didier KLING, président ;

- Mme Véronique ÉTIENNE MARTIN, directrice de cabinet.

Business France

- M. Christophe LECOURTIER, directeur général.

Agence du numérique

- M. Antoine DARODES, directeur de l'Agence du Numérique ;

- M. David MONTEAU, directeur de la mission French Tech ;

- M. Louis FLEURET, responsable du French Tech Central à Station F.

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