B. DES DISPOSITIONS CONTRAIRES À LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR ET EXCÉDANT LE PÉRIMÈTRE DE L'HABILITATION
L' article 1 er de l'ordonnance tend à réécrire les dispositions du chapitre VIII du titre II du livre III du code de l'urbanisme intitulé « Établissement public Paris La Défense », composé des articles L. 328-1 à L. 328-17.
Conformément aux termes de l'habilitation, l' article L. 328-1 prévoit la création, au 1 er janvier 2018, d'un nouvel établissement public local - Paris La Défense - établissement public industriel et commercial sui generis exerçant les compétences d'aménagement et de gestion aujourd'hui assumées respectivement par l'EPADESA et Defacto. Votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-6 (article 6) de son rapporteur concernant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance.
L' article 2 de l'ordonnance précise que la dissolution de l'EPADESA et de celle de Defacto seront concomitantes à la création du nouvel établissement.
1. Des périmètres d'intervention strictement délimités et donc peu susceptibles d'évolution
Paris La Défense serait compétent au sein de trois périmètres d'intervention, définis aux articles L. 328-2 à L. 328-4 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense :
- un périmètre d'aménagement correspondant au périmètre d'intervention actuel de l'EPADESA, soit une partie des territoires des communes de Courbevoie, La Garenne-Colombes, Nanterre et Puteaux. Au sein de ce périmètre, Paris La Défense pourrait réaliser toutes opérations foncières ou immobilières, toutes actions ou opérations d'aménagement et tous ouvrages de bâtiment et d'infrastructures ;
- un périmètre d'aménagement et de gestion , correspondant à l'actuel périmètre d'intervention de Defacto : il couvrirait une partie des territoires des communes de Courbevoie et de Puteaux, dans l'attente d'un décret en Conseil d'État pris après avis de ces communes. Les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général concernés seraient ceux qui appartiennent à Paris La Défense ou relevant de sa compétence, ainsi que ceux appartenant à l'État ou aux collectivités locales membres de sa gouvernance, sous réserve des stipulations d'une convention conclue à cet effet ;
Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, les ouvrages relevant de la compétence de Paris La Défense sont ceux inventoriés dans un procès-verbal de 2008, à savoir : - des ouvrages d'infrastructures supportant les espaces publics, en particulier ceux qui constituent l'appui des différents espaces, équipements et services publics et concourant à leur stabilité et à leur solidité (voiles, poteaux, piles, poutres, dalles, voûtes) ; - des parkings (parcs de stationnement, locaux techniques, accès y compris ascenseurs, rampes vers les autres niveaux, ventilation, dispositifs de désenfumage, équipements de sécurité, de télésurveillance et de communication et l'ensemble des équipements dévolus à la gestion, l'entretien et la sécurité des parkings) ; - des ouvrages d'art (ponts, rampes et passerelles) ; - des passages souterrains ; - des murs de soutènement ; - des galeries techniques ; - des ouvrages d'assainissement. |
- un périmètre au sein duquel l'établissement aurait une compétence exclusive de gestion et d'aménagement . Selon les termes du rapport au président de la République relatif à l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense, ce périmètre a été « conçu pour renforcer la synergie des actions nécessaires au bon fonctionnement du quartier d'affaires et déterminer clairement la personne publique responsable de l'ensemble ». Ce périmètre devrait correspondre à la dalle de La Défense, circonscrite par le boulevard circulaire qui l'entoure.
La définition précise de ces périmètres ferait l'objet de décrets en Conseil d'État pris après avis des communes concernées et au plus tard dans les six mois suivant la création de l'établissement, soit le 1 er juillet 2018. À titre transitoire, le III de l' article 4 prévoit que les deux premiers périmètres correspondront respectivement aux anciens périmètres de compétence de l'EPADESA et de Defacto, fixés par les décrets n os 2010-743 7 ( * ) et 2010-744 8 ( * ) du 2 juillet 2010.
L'établissement public pourrait exercer ses missions au-delà de ces périmètres sous réserve que les opérations soient en continuité avec des opérations mises en oeuvre dans l'un d'entre eux ( article L. 328-5 du code de l'urbanisme ). Dans ce cas, seraient requis, d'une part, l'avis conforme des communes concernées et de l'établissement public territorial « Paris Ouest La Défense » 9 ( * ) , d'autre part, l'autorisation du ministre chargé de l'urbanisme.
Les avis des collectivités seraient réputés favorables s'ils n'étaient pas émis dans un délai de trois mois. La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages a précisé à votre rapporteur que ce délai courrait à compter du lendemain de la date d'envoi du courrier de consultation ( article L. 328-16 du code de l'urbanisme ).
Les élus locaux entendus par votre rapporteur ont regretté que ces périmètres soient déjà bornés par l'ordonnance. En effet, le périmètre d'aménagement ne pourrait excéder celui des deux opérations d'intérêt national (OIN), celle de La Défense et celle de Seine-Arche, tandis que les deux autres périmètres ne pourraient excéder celui de l'OIN La Défense.
Or plusieurs échanges ont eu lieu entre le préfet de la région d'Île-de-France et les maires concernés dans l'objectif de profiter du changement de gouvernance pour rationaliser les périmètres d'intervention du nouvel établissement public. À titre d'exemple, à Courbevoie, le quartier du Faubourg de l'Arche est un secteur sur dalle qui ne relève pas aujourd'hui de la compétence de Defacto car situé hors de l'OIN La Défense. Un accord a été trouvé pour l'inclure dans le périmètre du nouvel établissement, mais la rédaction de l'ordonnance ne le permet pas. Il en est de même pour le quartier Arago-Bellini à Puteaux ou la ZAC des Groues à Nanterre. Cette dernière représente le potentiel de développement pour le quartier d'affaires de La Défense, car elle permettrait d'accueillir de nouvelles activités et de nouvelles entreprises qui ne sont pas aujourd'hui présentes dans le périmètre historique du quartier. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le préfet de région serait d'accord pour l'intégrer au périmètre du nouvel établissement public.
Cette situation semble affaiblir le 3° de l'habilitation relatif à la définition du périmètre après concertation avec les communes concernées, précision adoptée par l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre ancienne collègue députée Jacqueline Fraysse, avec l'avis favorable du Gouvernement. L'ordonnance définit des périmètres trop stricts, qui ne pourront qu'être précisés par décret en Conseil d'État après avis des communes concernées. Elle ne respecte pas la volonté du législateur d'une définition des périmètres en concertation avec les collectivités locales.
Votre commission a donc adopté, sur la proposition de son rapporteur, l'amendement COM-2 (article 2) visant à supprimer les limites des périmètres prévues par l'ordonnance et à permettre ainsi de redessiner, si besoin, les périmètres d'intervention du nouvel établissement public local après concertation, et non plus un simple avis, des communes concernées, afin d'actualiser les périmètres de La Défense, et non se contenter de reprendre le coeur historique du quartier d'affaires, au moment où le Brexit pourrait conduire à un renforcement de sa place européenne et internationale.
Enfin, il procède à une coordination et une précision dans le texte de l'article L. 328-16 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 3 mai 2017.
2. Une gouvernance confiée à un conseil d'administration local
a) Une composition laissant une large place aux collectivités territoriales
L'administration du futur établissement serait assurée par un conseil d'administration de dix-sept membres ( article L. 328-8 du code de l'urbanisme ). En application de l'article R. 32 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant du décret n° 2017-1040 du 10 mai 2017 relatif à l'établissement public Paris La Défense, quinze de ses membres représenteraient les collectivités territoriales et leurs groupements :
- neuf représentants du département des Hauts-de-Seine, qui seraient majoritaires ;
- un représentant des communes de Courbevoie, de Nanterre et de Puteaux ;
- un représentant de la ville de Paris ;
- un représentant du conseil régional d'Île-de-France ;
- un représentant de la métropole du Grand Paris ;
Deux personnalités qualifiées en raison de leurs compétences en matière d'aménagement et de développement économique nommées par l'État complèteraient le conseil d'administration du futur établissement public.
Les représentants des collectivités territoriales seraient désignés pour la durée de leur mandat électif tandis que le mandat des personnalités qualifiées serait de six ans. Le conseil d'administration élirait son président, parmi les membres représentant les collectivités territoriales. Le mandat du président du conseil d'administration et des vice-présidents élus en son sein serait de quatre ans.
Le conseil d'administration règlerait par ses délibérations les affaires de l'établissement public, dans les conditions et selon les modalités fixées par décret en Conseil d'État.
Il nommerait également son directeur général pour un mandat de cinq ans renouvelable et révocable, parmi une liste de candidats établie après appel à candidatures, après avis motivé du préfet de région.
Le directeur général serait chargé de l'administration de l'établissement ainsi que de la préparation et de l'exécution des décisions de son conseil d'administration ( article L. 328-13 du code de l'urbanisme ). L' article 2 de l'ordonnance prévoit la désignation d'un directeur général par intérim par le préfet de la région d'Île-de-France, qui exercerait ses missions jusqu'à la nomination d'un directeur général désigné dans les conditions présentées précédemment.
Le conseil d'administration devrait tenir sa première réunion au plus tard six mois après la création de Paris La Défense, soit le 1 er juillet 2018. C'est au cours de cette première réunion que le conseil d'administration élirait son président dans les conditions décrites précédemment ( article L. 328-8 du code de l'urbanisme ).
Aux côtés du conseil d'administration, serait mis en place un conseil de développement, reprenant la formule déjà existante auprès de Defacto 10 ( * ) , représentant des utilisateurs (personnes morales ou physiques) réguliers des équipements et espaces publics gérés par Paris La Défense. Il serait consulté, au moins une fois par an, sur les orientations retenues par l'établissement public ( article L. 328-9 du code de l'urbanisme ).
En application de l'article R. 328-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant du décret n° 2017-1040 du 10 mai 2017 relatif à l'établissement public Paris La Défense, le conseil de développement de l'établissement public Paris La Défense serait composé de treize membres : - quatre représentants de l'Association des utilisateurs de La Défense (AUDE) ; - deux représentants de la chambre de commerce et d'industrie de Paris ; - un représentant de la chambre des métiers et de l'artisanat des Hauts-de-Seine ; - un représentant des associations de commerçants de La Défense ;
- un représentant des associations
représentant les habitants de
- un représentant des associations représentant les usagers des transports de La Défense ; - un propriétaire d'immeubles de bureaux de La Défense ; - un propriétaire d'immeubles d'habitation de La Défense ; - un propriétaire d'autres catégories d'immeubles de La Défense. La composition de ce futur conseil serait identique à celle du conseil de développement de l'actuel établissement Defacto, à l'exception des deux représentants de l'EPADESA, celui-ci ayant vocation à disparaître pour donner naissance à Paris La Défense. Les représentants seraient désignés pour un mandat de six ans. Le conseil de développement émettrait un avis sur les orientations retenues par Paris La Défense, selon les modalités fixées par le conseil d'administration de ce dernier, au moins une fois par an, sur le budget et, le cas échéant, les budgets annexes, le document d'engagement, les actions et animations concernant le quartier d'affaires de La Défense. Le conseil d'administration de Paris La Défense pourrait soumettre au conseil de développement toute question dont l'examen lui paraîtrait utile dans l'exercice de ses missions. Enfin, le président du conseil de développement pourrait saisir le président du conseil d'administration de l'établissement public de toute question jugée importante. L'avis serait rendu à la majorité absolue des suffrages exprimés. |
b) Des droits de vote conditionnés par la participation financière des collectivités territoriales aux charges de gestion
Les droits de vote au sein du conseil d'administration seront conditionnés par la participation financière des collectivités territoriales aux charges de gestion.
Ils seraient majorés en fonction , d'une part, de la contribution des collectivités membres du conseil d'administration au budget du futur établissement et , d'autre part, de la signature d'une convention et, à défaut de celle-ci, par un coefficient fixé par décret en Conseil d'État. Selon l'article R. 32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction résultant du décret n° 2017-1040 du 10 mai 2017 relatif à l'établissement public Paris La Défense, la somme des droits de vote ainsi majorés ne pourrait excéder une valeur égale à vingt-cinq, cette majoration procédant de l'attribution proportionnelle d'un ensemble de dix droits de votes supplémentaires.
Cette majoration ne pourrait remettre en cause la majorité des droits de vote accordée au département des Hauts-de-Seine . En d'autres termes, la contribution du conseil départemental devrait donc représenter au moins la moitié des contributions financières totales au budget de Paris La Défense. Par ailleurs, l'article L. 328-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 précitée, précise que les collectivités territoriales qui ne contribueraient pas aux charges de gestion disposeraient d'une simple voix consultative au conseil d'administration si la règle de majoration était fixée par les collectivités et d'une voix décisionnelle non majorée dans l'hypothèse où ces règles seraient fixées par décret en Conseil d'État.
Les contributions de chaque collectivité membre du conseil d'administration seraient définies à l' article L. 328-10 du code de l'urbanisme . Dès lors que les collectivités locales s'engagent à contribuer au financement du nouvel établissement public, dans le cadre d'une convention conclue entre elles pour une durée de dix ans, alors cet engagement contractuel qualifierait de dépense obligatoire cette participation. Cette convention devrait être notifiée au ministre chargé de l'urbanisme. À défaut, la répartition des contributions de chaque membre sera précisée selon une clé de répartition prévue par décret en Conseil d'État, reposant sur une répartition des charges entre les collectivités principalement bénéficiaires des recettes fiscales découlant de l'activité au sein du quartier d'affaires de La Défense (il s'agira principalement du département des Hauts-de-Seine et des communes de Courbevoie et de Puteaux).
Le II de l' article 4 de l'ordonnance prévoit que cette convention devra être notifiée au ministre chargé de l'urbanisme pour la première fois au plus tard six mois après la création de l'établissement public Paris La Défense, soit le 1 er juillet 2018
Votre commission a adopté deux
amendements de
précision
COM-4 (article 4) et COM-8 (article 8)
de son
rapporteur portant sur la signature et la notification de la convention.
3. Des ressources pérennes
Outre les contributions de ses membres prévues à l'article L. 328-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017, le nouvel établissement public bénéficierait des ressources listées à l' article L. 328-15 du même code :
- les dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations susceptibles d'être apportés par l'État, l'Union européenne, les établissements publics, les collectivités territoriales ou leurs groupements ;
- le produit des emprunts ;
- la rémunération des prestations de services ;
- le produit de la gestion des biens entrés dans son patrimoine ;
- le produit de cession des biens et droits mobiliers et immobiliers ;
- le revenu des biens et droits mobiliers et immobiliers ;
- les dons et legs ;
- toutes autres ressources autorisées par les lois et règlements.
4. L'exercice de missions d'aménagement et de gestion
a) L'élaboration d'un document d'engagement
En vertu de l' article L. 328-11 du code de l'urbanisme , dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 précitée, Paris La Défense élaborerait et approuverait un « document d'engagement » , destiné à définir ses engagements sur dix ans, en particulier sur les investissements de mise aux normes nécessaires et les objectifs, la stratégie et les moyens mis en oeuvre par l'établissement public et ses membres pour les atteindre. Ainsi, sur la base d'un programme pluriannuel d'investissements, ce document fixerait la trajectoire financière pluriannuelle des projets d'aménagement et de gestion du futur établissement public. Il est prévu un bilan à cinq ans du fonctionnement et de la réalisation des opérations d'investissement.
Ce document devrait tenir compte des priorités prévues dans divers documents d'urbanisme (les plans locaux d'urbanisme actuels et le futur plan local d'urbanisme intercommunal élaboré à l'échelle de l'établissement public territorial Paris Ouest La Défense et le schéma directeur de la région d'Île-de-France) et des objectifs de réalisation de logements précisés par le programme local de l'habitat métropolitain.
Le premier document d'engagement devrait être approuvé dans les six mois suivant la création de Paris La Défense ( I de l'article 4 de l'ordonnance ), soit au plus tard le 1 er juillet 2018. Si le document n'était pas approuvé dans ce délai, les décisions du conseil d'administration ne pourraient acquérir de caractère exécutoire qu'après l'approbation du préfet de région. Ce premier document d'engagement devrait comporter un programme pluriannuel des investissements de mise aux normes et de gestion des ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général évalué à au moins 360 millions d'euros sur dix ans. Ce montant minimal correspondrait à la somme des prévisions d'investissement actuelles de Defacto et des besoins d'investissement nécessaires pour la remise en état des biens et ouvrages publics dans le quartier d'affaires de La Défense.
b) La participation au capital de sociétés publiques locales
En vertu de l' article L. 328-6 du code de l'urbanisme , dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 précitée, Paris La Défense pourrait participer au capital de sociétés publiques locales d'aménagement dont l'objet concourrait directement à la réalisation de ses missions.
Les dispositions régissant ces sociétés ne prévoient que la participation des collectivités territoriales et de leurs groupements, ce qui exclut les établissements publics locaux. Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, il est apparu opportun, selon le Gouvernement, de prévoir une exception en matière d'aménagement pour permettre la participation de Paris La Défense à des sociétés publiques d'aménagement, en raison notamment de la création future d'une telle société pour la principale opération d'aménagement du territoire, la zone d'aménagement concerté (ZAC) des Groues (située à Nanterre).
Par ailleurs, les représentants d'une commune au sein du conseil d'administration de Paris La Défense pourraient représenter ce dernier dans les organes délibérants des sociétés publiques locales d'aménagement qui interviendraient exclusivement sur le territoire de cette commune.
Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont regretté cette disposition trop restrictive et estimé que Paris La Défense devrait également pouvoir prendre des participations dans d'autres formes de sociétés concourant directement à la réalisation de ses missions, comme le prévoit d'ailleurs l'article L. 321-16 du code de l'urbanisme pour les établissements publics d'aménagement de l'État.
C'est au demeurant ce que prévoit l'article R. 328-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant du décret précité n° 2017-1040 du 10 mai 2017, qui dispose que le conseil d'administration de Paris La Défense « décide des créations de filiales et des prises, extensions et cessions de participation financière. »
Votre commission a donc adopté l'amendement COM-3 (article 3) de son rapporteur visant à prévoir explicitement la faculté, pour Paris La Défense, de créer des filiales, d'acquérir ou de céder des participations dans d'autres formes de sociétés, groupements ou organismes dont l'objet concourt à la réalisation des missions du nouvel établissement.
Enfin, l' article L. 328-7 du code de l'urbanisme autorise le futur établissement, d'une part, à recourir à l'expropriation et à exercer les droits de préemption et de priorité et, d'autre part, à constituer des réserves foncières.
5. Les pouvoirs spécifiques, et parfois exorbitants, de l'État
Bien que ne disposant d'aucune voix au conseil d'administration, l'État détiendrait certains pouvoirs spécifiques sur le nouvel établissement public.
En vertu de l' article L. 328-12 du code de l'urbanisme , le préfet de la région d'Île-de-France assisterait aux réunions du conseil d'administration et se verrait adresser ses procès-verbaux et ses délibérations. En outre, il veillerait à l'application du document d'engagement, assurerait le contrôle de légalité dans les conditions de droit commun prévues par le code général des collectivités territoriales ainsi que le contrôle budgétaire ( article L. 328-14 du code de l'urbanisme ), et nommerait le comptable public chargé des comptes de l'établissement public, après avis du directeur régional des finances publiques. Il désignerait également le directeur général de Paris La Défense par intérim avant que ne soit désigné, par le conseil d'administration, le directeur général dans les conditions fixées par l'article L. 328-13 du code de l'urbanisme. Le préfet de région devra également rendre un avis motivé sur la désignation du directeur général de l'établissement public choisi par le conseil d'administration.
Surtout - et c'est la novation la plus importante, le préfet de la région d'Île-de-France pourrait priver les décisions du conseil d'administration de leur caractère exécutoire et demander une deuxième délibération, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception, pour les décisions qui porteraient manifestement atteinte aux intérêts nationaux , en particulier aux intérêts patrimoniaux de l'État, ou au bon fonctionnement des services publics .
En application de l'article R. 328-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant du décret précité du 10 mai 2017, dans un délai de quinze jours suivant la transmission d'une délibération du conseil d'administration, le préfet de la région d'Île-de-France, s'il décidait de suspendre le caractère exécutoire d'une décision, en informerait le conseil d'administration. La délibération ne serait pas exécutée et serait inscrite à l'ordre du jour du prochain conseil d'administration. Au cours de celui-ci, le préfet de la région communiquerait aux administrateurs les éléments montrant en quoi ladite délibération porterait atteinte aux intérêts nationaux ou au bon fonctionnement des services publics. Une nouvelle délibération serait alors prise à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, le conseil d'administration pouvant alors passer outre la position du préfet de région.
Si ces pouvoirs exorbitants paraissent légitimes pour garantir les intérêts nationaux, y compris les intérêts patrimoniaux de l'État, on peut s'interroger, en revanche, sur la faculté de suspendre le caractère exécutoire des décisions du conseil d'administration de Paris La Défense en cas d'atteinte au bon fonctionnement des services publics. En effet, en application des articles L. 328-2 à L. 328-4 du code de l'urbanisme précités, la responsabilité du bon fonctionnement des services publics locaux incombera au seul établissement public Paris La Défense, en tant qu'établissement public local reprenant les compétences de gestion de Defacto. En outre, comme rappelé précédemment, les décisions du conseil d'administration feront l'objet d'un contrôle de légalité du préfet de la région d'Île-de-France.
Ainsi, les pouvoirs spécifiques de l'État à l'égard des décisions du nouvel établissement public susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement des services publics semblent méconnaître les compétences dévolues à Paris La Défense en matière de gestion des services d'intérêt général dans son périmètre d'intervention.
C'est pourquoi votre commission a adopté l' amendement COM-5 (article 5) de son rapporteur supprimant le pouvoir du préfet de région de suspendre le caractère exécutoire des décisions du conseil d'administration de Paris La Défense pour atteinte au bon fonctionnement des services publics. Ce pouvoir n'apparaît pas justifié aux yeux de votre commission puisqu'il méconnaît les compétences reconnues au nouvel établissement en matière de gestion des services d'intérêt général dans ses périmètres d'intervention et que les décisions du nouvel établissement seraient déjà soumises au contrôle de légalité du préfet de région.
6. Les transferts des biens, droits, obligations et personnels : une exception injustifiée pour les parcs de stationnement
L' article 3 de l'ordonnance précise les modalités de transfert des biens, droits, obligations et personnels de l'EPADESA et Defacto à Paris La Défense. Ces transferts s'effectueraient en pleine propriété et à titre gratuit .
Le transfert des droits et obligations de l'EPADESA et Defacto sera effectif à la date de création du nouvel établissement et ne donnerait lieu à aucune perception de droits, impôts ou taxes, ni au versement d'honoraires au profit des agents de l'État ou à la contribution de sécurité immobilière.
L'ordonnance exclut toutefois de ce transfert les parcs de stationnement qui seraient la propriété de l'État. Néanmoins, leur gestion serait confiée au nouvel établissement public pour une durée de soixante ans, celle-ci pouvant être écourtée pour un motif d'intérêt général ou en raison d'une méconnaissance, par Paris La Défense, de ses obligations. Au terme de ce délai de soixante ans, l'État retrouverait la gestion des parcs de stationnement, à titre gratuit même en cas d'amélioration de l'état des parcs.
Cette disposition particulière relative aux parcs de stationnement semble méconnaître le périmètre de l'habilitation définis par l'article 55 de la loi relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. En effet, le 4° de cet article prévoit que l'habilitation porte sur « la substitution [du nouvel établissement public local créé] à l'Établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense et à l'Établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche ». Il en résulte que, par « substitution », le législateur a souhaité transférer l'ensemble des biens, droits, obligations et personnels des deux établissements existants, l'EPADESA et Defacto, au nouvel établissement Paris La Défense. Selon les représentants de l'État entendus par votre rapporteur, les parcs de stationnement seraient la propriété de l'État, non de l'EPADESA, ce que contestent à la fois les élus rencontrés par votre rapporteur et les représentants de l'EPADESA lui-même.
Par ailleurs, cette disposition spécifique applicable
uniquement aux parcs de stationnement conduirait à pérenniser les
difficultés régulièrement dénoncées par la
Cour des comptes. Dans son rapport public annuel de 2015, celle-ci
relève les difficultés liées à la gouvernance du
quartier d'affaires de La Défense et à la prise en charge des
coûts, dans un contexte institutionnel d'incertitude juridique et
opérationnelle résultant de la distinction entre, d'une part, les
droits de propriété détenus par l'EPADESA sur les ouvrages
- et notamment les parcs de stationnement, espaces publics et services
d'intérêt général - et, d'autre part, les
prérogatives de gestion confiées à Defacto. La distinction
des droits de propriété de l'État sur les parcs de
stationnement et des prérogatives de gestion attribuées à
Paris La Défense aurait pour effet de pérenniser ces
difficultés opérationnelles, et constituerait un obstacle
à la bonne conduite des opérations d'aménagement. Cette
situation rendrait nécessaire en effet d'obtenir l'autorisation du
propriétaire pour la moindre cession de places de stationnement, ce qui
est inéluctable pour des opérations d'aménagement à
La Défense avec de nouvelles constructions sur dalle impactant
généralement des volumes de parkings situés en
infrastructure.
Cette disposition est vécue par les futurs membres du conseil d'administration de Paris La Défense comme un moyen, pour l'État, de conserver un contrôle sur l'aménagement de La Défense, constituant ainsi un frein important à une conduite autonome et agile des opérations par le nouvel établissement.
C'est pourquoi à l'initiative de son rapporteur et sous réserve d'éléments complémentaires fournis par les représentants de l'État, votre commission a adopté l'amendement COM-7 (article 7) supprimant, à l'article 3 de l'ordonnance, la disposition excluant les parcs de stationnement du transfert en pleine propriété des biens de l'EPADESA vers le nouvel établissement.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, votre commission est favorable à la ratification de l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense.
Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.
* 7 Décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 portant création de l'Établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) et dissolution de l'Établissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense (EPAD) et de l'Établissement public d'aménagement de Seine-Arche (EPASA).
* 8 Décret n° 2010-744 du 2 juillet 2010 relatif aux opérations d'aménagement d'intérêt national du quartier d'affaires de La Défense et de Nanterre et La Garenne-Colombes.
* 9 Il s'agit de l'un des douze établissements publics territoriaux (EPT) constituant la Métropole du Grand Paris.
* 10 Cf. actuel article R. 328-8 du code de l'urbanisme.