EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er - Prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 1er novembre 2017
Compte tenu des articles additionnels adoptés par votre commission, le texte qu'elle a établi compte désormais trois articles, alors que le projet de loi initial était composé d'un article unique.
Le I de l'article 1 er du projet de loi a pour effet de proroger l'état d'urgence, qui aurait dû cesser de s'appliquer à compter du 15 juillet 2017 à minuit, conformément à l'article 1 er de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016.
L'état d'urgence a été déclaré sur le territoire métropolitain le 14 novembre 2015, puis élargi aux outre-mer le 18 novembre 2015. Il a ensuite été prorogé pour une durée de trois mois à deux reprises, puis pour une durée de deux mois, pour une durée de six mois, avant de voir sa date de fin fixée au 15 juillet 2017.
À l'instar de la loi du 19 décembre 2016, la nouvelle prorogation soumise à l'appréciation du législateur est proposée par référence, non pas à une durée, mais à une date précise fixée au 1 er novembre 2017.
En revanche, contrairement aux cinq précédents textes de prorogation, le présent projet de loi ne précise pas la date de début de cette nouvelle phase de l'état d'urgence. Faute d'une telle précision, il pourrait en être déduit que le législateur a entendu que celle-ci démarre dès l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, soit le lendemain de sa publication au Journal officiel . Cette ambiguïté pourrait être source de difficultés administratives dans la mesure où certaines mesures de l'état d'urgence, qu'il s'agisse des assignations à résidence ou des décisions de fermeture de lieux de réunion, doivent être renouvelées lors du début d'une nouvelle phase si l'exécutif entend les maintenir en vigueur. Dans ces conditions, le présent projet de loi étant susceptible d'entrer en vigueur avant le 15 juillet prochain, date de fin de la cinquième phase selon les termes de la loi du 19 décembre 2016, les autorités administratives se verraient privées d'un délai de quelques jours supplémentaires leur permettant de renouveler les actes qu'elles souhaitent maintenir en application.
Ce raisonnement a conduit votre rapporteur à proposer à votre commission, qui l'a accepté, un amendement COM-1 tendant à insérer dans le I de l'article 1 er une précision en vertu de laquelle la sixième phase de l'état d'urgence débute le 16 juillet 2017 41 ( * ) . Dès lors, la cinquième phase de l'état d'urgence demeurera applicable jusqu'au 15 juillet prochain à minuit, sans qu'il puisse y avoir de doute à ce sujet.
Le II de l'article 1 er comporte la mention expresse requise par le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 afin de donner à l'autorité administrative la possibilité d'ordonner des perquisitions administratives au cours de cette nouvelle période de prorogation de l'état d'urgence.
Enfin, à l'instar de ce qu'avaient prévu toutes les précédentes lois de prorogation du présent état d'urgence, le III prévoit qu'il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l'échéance du 1 er novembre 2017. En ce cas, il en serait rendu compte au Parlement.
Le Gouvernement fait valoir que cette faculté pourrait être utilisée dans le cas où l'examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme serait achevé avant la date du 1 er novembre 2017 42 ( * ) .
Votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-2 de son rapporteur sur le III puis a adopté l'article 1 er ainsi modifié .
Article 2 (art. 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence) - Rétablissement des interdictions de séjour
L'article 2, introduit par votre commission à l'initiative du Gouvernement avec l'adoption de l' amendement COM-5 , tire les conséquences de la décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017 ( M. Émile L. ) du Conseil constitutionnel par laquelle ce dernier a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatives à l'interdiction de séjour.
Dans sa rédaction actuelle, ce dispositif permet aux préfets d'interdire le séjour, dans tout ou partie du département dans lequel l'état d'urgence a été déclaré, de « toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics ».
Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec une telle rédaction, « le législateur a permis le prononcé d'une telle mesure sans que celle-ci soit nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public ». Par ailleurs, il a considéré que « le législateur n'a soumis cette mesure d'interdiction de séjour, dont le périmètre peut notamment inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne visée, à aucune autre condition et il n'a encadré sa mise en oeuvre d'aucune garantie ».
Par conséquent, le Conseil constitutionnel a jugé que « le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale » et déclaré le 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 contraire à la Constitution.
Considérant que l'abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel a reporté au 15 juillet 2017 la date de cette abrogation pour permettre au législateur d'en tirer les conséquences.
L'amendement adopté par votre commission a pour objet de rétablir la possibilité pour les préfets de prendre des mesures d'interdiction de séjour, compte tenu de leur utilité en période d'état d'urgence, en respectant les prescriptions du Conseil constitutionnel.
En effet, depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence le 14 novembre 2015, 618 mesures individuelles d'interdiction de séjour ont été prises par les autorités administratives. L'essentiel de ces mesures a été pris pendant les manifestations organisées pendant les débats relatifs au projet de loi « travail » au cours du printemps 2016 avec 438 mesures édictées (mais seulement 169 arrêtés ont été effectivement notifiés aux intéressés), et également pour assurer la sécurité de l'Euro 2016 (stades et « fan zones »). L'utilisation de cette prérogative a largement diminué au cours des deux dernières phases de l'état d'urgence avec 30 interdictions de séjour au cours de la quatrième phase et 48 mesures au cours de la cinquième phase.
La notion « d'entrave à l'action des pouvoirs publics » employée dans la loi du 3 avril 1955 étant en effet une notion très vaste dont l'utilisation pourrait être étendue à des personnes dont le comportement ne présente pas une menace pour l'ordre public, la rédaction retenue par le Gouvernement et votre commission privilégie la même référence qu'aux articles 6 (assignations à résidence) et 11 (perquisitions administratives) en prévoyant que l'interdiction de séjour peut être prise à l'encontre de toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Le nouveau cadre juridique précise également que l'arrêté doit énoncer la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s'applique, qui ne peut inclure le domicile de la personne intéressée.
Par ailleurs, le régime juridique des trois mesures prévues à l'article 5 du 3 avril 1955 (interdictions de circulation, zones de protection ou de sécurité, interdictions de séjour) est complété afin de prévoir qu'elles ne peuvent avoir pour finalité que la prévention de troubles à la sécurité et à l'ordre publics et qu'il doit être tenu compte, par l'autorité administrative, de la vie familiale et professionnelle des personnes susceptibles d'être concernées par ces mesures - obligation qui figure déjà à l'article 6 pour les mesures d'assignation à résidence.
Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .
Article 3 (art. 15 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence) - Application outre-mer des modifications apportées au régime juridique de l'état d'urgence
L'insertion, à l'initiative du Gouvernement, de l'article 2 dans le texte du projet de loi afin de rétablir le dispositif des interdictions de séjour impose de modifier l'article 15 de la loi du 3 avril 1955, relatif à l'application outre-mer du régime juridique de l'état d'urgence.
L'article 3, dont l'introduction résulte de l'adoption de l' amendement COM-4 de votre rapporteur, a ainsi pour objet d'assurer l'application dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative (îles Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises) des modifications apportées par l'article 2 du projet de loi au régime juridique des mesures de police administrative prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955. À cet effet, le « compteur outre-mer » 43 ( * ) , existant à l'article 15 de la loi du 3 avril 1955, a été actualisé.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .
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Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.
* 41 À zéro heure.
* 42 L'exécutif n'a fait usage qu'une seule fois de cette faculté d'arrêt anticipé, lors de la mise en oeuvre de l'état d'urgence à la suite des émeutes urbaines de l'automne 2015. Alors que la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 avait prévu une durée de prorogation de trois mois, le décret du 3 janvier 2006 mit fin à l'application de l'état d'urgence à compter du 4 janvier 2006. À cette occasion, le Gouvernement répondit à l'obligation de rendre compte au Parlement sous la forme d'une lettre adressée aux présidents des assemblées parlementaires, le Parlement étant en phase d'interruption de ses travaux en séance plénière.
* 43 La technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.