EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 52 (Articles L. 165, L. 166, L.330-6 et L. 395 du code électoral) - Dématérialisation de la propagande électorale
Commentaire : le présent article vise à modifier plusieurs articles du code électoral afin de dématérialiser les données transmises aux électeurs dans le cadre de la propagande électorale diffusée lors des élections légoslatives.
I. LE DROIT EN VIGUEUR
La propagande électorale pour les élections législatives est régie par le chapitre VI du titre 2 du livre premier du code électoral.
Les principales dispositions sont les suivantes :
- l'article L. 165 du code électoral dispose qu'un décret en Conseil d'État fixe le nombre et les dimensions des circulaires et bulletins de vote que les candidats peuvent faire imprimer et envoyer aux électeurs ;
- l'article L. 166 du code électoral prévoit l'institution dans chaque circonscription d'une commission chargée d'assurer l'envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale ;
- l'article L. 167 du code électoral dispose que l'État prend à sa charge les dépenses liées aux opérations effectuées par les commissions visées à l'article L. 166 et qu'en outre il rembourse aux candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés le coût du papier, l'impression des bulletins de vote, affiches et circulaires ainsi que frais d'affichage de leur propagande électorale.
Dans les faits, il appartient aux candidats de faire imprimer leurs bulletins de vote, leurs affiches et leurs professions de foi, puis d'adresser ces documents aux commissions administratives de propagande prévues par l'article L. 166. Ces dernières sont chargées de contrôler la conformité des affiches et des circulaires aux dispositions des articles R. 27 et R. 29 du code électoral 39 ( * ) et des bulletins de vote aux dispositions des articles R. 30 et R. 110 du code électoral 40 ( * ) et de valider leur envoi.
Une fois les documents de propagande validés par la commission, il revient aux services préfectoraux d'assurer leur mise sous pli et leur acheminement aux électeurs . Les préfectures peuvent choisir d'effectuer cette activité en régie directe, de la déléguer à des collectivités territoriales et en particulier aux communes 41 ( * ) , ou de recourir à un prestataire extérieur.
L'envoi de la propagande électorale fait l'objet d'un marché public conclu avec le groupe La Poste par le ministère de l'intérieur, avec des tarifs variant en fonction du poids des plis et de la date de prise en charge par La Poste de ces plis.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article tend à la dématérialisation de l'essentiel du volume de la propagande électorale à travers la cessation des envois aux domiciles des électeurs.
En ce sens, il est proposé de modifier les articles L. 165 et L. 166 du code électoral ainsi que les articles L. 330-6, relatif aux opérations électorales intéressant les députés élus par les Français établis hors de France, et L. 395, qui précise les conditions d'application du code électoral aux élections des députés des territoires ultramarins, du même code.
La propagande électorale (bulletin de vote et circulaires) ne serait plus adressée aux électeurs mais remise à la commission électorale instituée en application de l'article L. 166.
Dans ces conditions, le décret en Conseil d'État visé par l'article L. 165 verrait son objet modifié. Le nombre des circulaires et bulletins de vote que chaque candidat peut faire imprimer serait déterminé à raison, non plus d'un envoi à chaque électeur, mais des besoins de remise à la commission électorale seule destinataire de ces documents.
Ces besoins seraient réduits du fait de la modification du rôle de ladite commission. Celle-ci ne serait plus chargée d'assurer l'envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale aux domiciles des électeurs.
Elle assurerait l'envoi des bulletins de vote dans chaque mairie et aurait pour mission d'adresser à la préfecture du département ainsi qu'à chaque sous-préfecture et à chaque mairie de la circonscription pertinente un exemplaire de la circulaire de chaque candidat, tous lieux où les électeurs seront mis en mesure de les consulter.
Elle serait également chargée de mettre en ligne le bulletin de vote et la circulaire de chaque candidat sur le site internet désigné par un arrêté du ministre l'intérieur.
Néanmoins, l'envoi postal serait maintenu dans les circonscriptions électorales de Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française, les îles Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pour les élections des députés représentant les Français résidant hors de France, l'article modifie l'article L. 330-6 en étendant la cessation des envois postaux aux électeurs pour leur substituer des solutions analogues à celles prévues pour le territoire français mais adaptées à la réalité administrative locale : les ambassades et les postes consulaires sont désignés pour être les lieux de consultation des documents sous forme papier et c'est au ministre chargé des affaires étrangères qu'il appartient de désigner le site internet où la mise en ligne de la propagande est assurée.
Enfin, par coordination, l'article modifie la rédaction de l'article L. 395 du code électoral qui prévoit l'application des dispositions du titre II du livre du livre premier du code électoral à l'élection des députés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.
III. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. UNE MESURE QUI PRODUIRAIT DES ÉCONOMIES
Les dépenses de propagande électorale représentent une part majeure du coût de l'organisation des élections . En effet, l'État prend en charge les opérations de mise sous pli et d'acheminement de la propagande et il rembourse aux candidats, sous certaines conditions, les frais qu'ils ont engagés pour l'impression de celle-ci.
La mesure proposée conduirait à abattre ces dépenses de 75 %. Les dépenses demeurant prises en charge concerneraient :
- les bulletins de vote imprimés par les candidats et distribués dans les mairies ;
- les affiches et frais d'affichage ;
- les circulaires imprimées et transmises aux préfectures, sous-préfectures et aux mairies (soit environ 40 000 points de consultation au lieu de plusieurs millions d'adressage postal) ;
- les frais d'affranchissement et d'envoi correspondant ;
- les frais de mise sous pli correspondant.
Les différents frais subsistants, qui sont chiffrés, s'élèveraient à 18,9 millions d'euros pour les impressions des candidats, 16,3 millions d'euros pour les frais d'affranchissement et d'envoi des bulletins de vote aux communes, 19,6 millions d'euros pour les frais d'impression et d'envoi des circulaires aux préfectures, sous-préfectures et mairies (qui, en réalité, représente une dépense nouvelle) et 30,6 millions d'euros pour les frais de mise sous pli, pour un total de 85,4 millions d'euros. Compte tenu d'une estimation des frais de propagande électorale pour les élections présidentielles et législatives se montant à 240,4 millions d'euros, les frais non chiffrés, en particulier affiches et frais d'affichage, s'élèveraient à 155 millions d'euros.
Les économies brutes pour la mission se monteraient à 176,9 millions d'euros dont 86,4 millions d'euros au titre des frais d'affranchissement et d'envoi aux électeurs et 40,7 millions d'euros au titre de la mise sous pli tandis que l'économie sur le remboursement aux candidats de leurs impressions serait de 47,5 millions d'euros.
Hormis la dépense nouvelle correspondant aux envois aux mairies, préfectures et sous-préfectures, une dépense de 8 millions d'euros est provisionnée pour financer une campagne d'information sur les nouvelles modalités du scrutin.
Au total, l'économie nette est chiffrée à 168,9 millions d'euros.
B. UNE MODIFICATION PRÉMATURÉE
Il est possible que le chiffrage de l'économie réalisée par le Gouvernement surestime quelque peu les effets réels du dispositif. Les frais de constitution du site internet qui doit prendre le relais de l'information électorale ne sont pas pris en compte non plus que les coûts que devront engager les candidats pour adapter leur communication à ce nouveau média et qui pourraient être supérieurs à ceux mis en oeuvre dans le cadre de l'information par papier. Par ailleurs, un certain nombre de coûts administratifs tenant à la nécessité d'accueillir les électeurs souhaitant consulter la propagande électorale sur place ne sont pas mentionnés.
Cependant, c'est au-delà de ces considérations qu'il faut porter l'attention.
Des dispositifs d'inspiration analogue avaient été proposés, pour les élections européennes à l'article 61 du projet de loi de finances pour 2014, et pour les élections dans les départements, les régions et les assemblées de Guyane et de Martinique à l'article 46 du projet de loi de finances pour 2015. Ces articles avaient été supprimés par l'Assemblée nationale 42 ( * ) , et le Sénat avait confirmé leur suppression recommandée par votre commission des finances sur la suggestion des deux rapporteurs spéciaux successifs des crédits de la mission AGTE.
Votre rapporteur spécial réitère la position déjà exprimée par les députés et les sénateurs, contre la dématérialisation de la propagande électorale :
- la réception de la propagande électorale constitue la principale, et parfois, la seule information des électeurs sur l'organisation d'un scrutin ; la supprimer ferait encourir un risque accru de détournement d'une partie des électeurs de la participation à la vie démocratique, alors même que les scrutins suivent une tendance à la réduction du taux de participation ;
- tous les citoyens ne sont pas, loin de là, reliés à Internet, et les « zones blanches » affectant la couverture d'une partie du territoire accroissent encore les inégalités d'accès à l'information qui résulteraient du dispositif proposé, notamment pour les personnes âgées et celles qui maîtrisent mal le français.
L'exercice de la démocratie a un coût qu'il convient d'accepter. Le seul motif budgétaire ne saurait justifier la création d'inégalités entre les citoyens dans la participation à la vie politique.
Votre rapporteur spécial suggère que si des expérimentations devaient être réalisées dans ce domaine, elles le soient auprès d'électeurs volontaires.
Pour ces différentes raisons, votre rapporteur spécial propose de confirmer la suppression du présent article .
ARTICLE 52 bis (nouveau) (Article L. 167-1 du code électoral) - Prise en charge par l'État des dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle
Commentaire : le présent article a pour objet d'inscrire dans la loi le principe d'une prise en charge par l'État des dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 167-1 du code électoral règle les conditions de la campagne audiovisuelle pour les élections législatives. Il précise les conditions dans lesquelles les partis et groupements politiques ont accès aux sociétés nationales de télévision et de radiodiffusion sonore qui varient entre le premier et le deuxième tour du scrutin et selon la représentation desdites formations politiques dans les groupes politiques de l'Assemblée nationale.
* 39 L'article R. 27 prévoit l'interdiction des affiches et circulaires électorales comprenant une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge à l'exception de la reproduction de l'emblème d'un parti ou groupement politique. L'article R. 29 réglemente la taille et le grammage des circulaires.
* 40 L'article R. 30 règlemente la taille et le grammage des bulletins de vote. L'article R. 110 prévoit que le bulletin de vote doit faire mention du nom des personnes appelées à remplacer les membres du binôme de candidats aux élections départementales en cas de vacance de poste.
* 41 Les préfectures concluent à cette fin avec les collectivités concernées des conventions fixant les modalités techniques et financières de réalisation de la mise sous pli. Pour compenser les différentes charges transférées aux collectivités dans le cadre de cette mise sous pli « déléguée », les conventions prévoient le versement aux collectivités d'une enveloppe de crédits calculée en fonction du nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune. Ainsi, lors des élections municipales de 2014, les préfectures ont majoritairement confié la mise sous pli aux communes dans le cadre de conventions.
* 42 Celle-ci a en première lecture supprimé la disposition sous revue.