CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS TENDANT À L'AMÉLIORATION
DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT
DE LA JUSTICE DES MINEURS

Ce chapitre résulte de l'adoption en première lecture, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement, en conséquence de l'insertion de plusieurs dispositions relatives à la justice des mineurs.

Article 14 quinquies (art. L. 228-4 du code de l'action sociale des familles) - Financement de l'aide sociale à l'enfance par le département

Introduit par un amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en commission, l'article 14 quinquies vise à revenir sur les modalités de détermination du département en charge du financement de l'aide sociale à l'enfance, telles que modifiées par l'ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon , entrée en vigueur le 1 er janvier 2015.

Jusqu'à cette date, les dépenses afférentes à l'aide sociale à l'enfance, indépendamment de tout type de placement, étaient prises en charge par le département du siège de la juridiction ayant prononcé la mesure en première instance.

Afin de tirer les conséquences de la création de la métropole de Lyon, qui exerce sur son territoire à la fois les compétences d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et celles du département, et notamment de l'existence d'un tribunal pour enfants dans le périmètre de la métropole , l'ordonnance précitée a prévu, à l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles, une nouvelle répartition des dépenses entre la métropole de Lyon et le département du Rhône.

Pour que la contribution financière de la métropole de Lyon ne soit pas excessive, l'ordonnance précitée a opéré une distinction dans les modes de prise en charge :

- en cas de placement au sein d'un service de l'aide sociale à l'enfance, les dépenses afférentes doivent être supportées par le département auquel le mineur est confié par l'autorité judiciaire ;

- pour les autres prises en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance, notamment par des personnes physiques dans le cadre d'une délégation de l'autorité parentale ou en cas de placement dans un établissement habilité, les dépenses sont à la charge du département sur le territoire duquel le mineur est domicilié ou sur le territoire duquel sa résidence a été fixée.

Cette clé de répartition selon le mode de placement s'applique à tous les départements. Or, dans de nombreux cas, la personne physique à qui peut être confiée l'enfant ne se trouve pas dans le même département que celui du siège de la juridiction.

De plus, l'ambiguïté de la rédaction provoque des interprétations divergentes des départements, notamment en cas de dépaysement 51 ( * ) .

En conséquence, le présent article vise à rétablir une sécurité juridique en rétablissant le principe selon lequel les dépenses de l'aide sociale à l'enfance sont prises en charge par le département du siège de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance.

Néanmoins, lorsqu'une juridiction s'étend sur plusieurs départements, à l'instar du tribunal pour enfants de la métropole de Lyon, la détermination de la prise en charge s'opère selon les distinctions prévues par l'ordonnance du 19 décembre 2014.

Votre commission a adopté l'article 14 quinquies sans modification .

Article 14 sexies (art. 1er, 2, 3, 6, 8, 8-2, 9, 10, 12, 13, 24-5, 24-7 et le chapitre III bis de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; chapitre Ier bis du titre V du livre II du code de l'organisation judiciaire) - Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs

L'article 14 sexies du projet de loi a été introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative conjointe de nos collègues députés Colette Capdevielle et Alain Tourret. Il tend à supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs.

Créés par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, le tribunal correctionnel pour mineurs est une formation spécialisée du tribunal correctionnel, selon l'article L. 251-7 du code de l'organisation judiciaire.

Présidé par un juge des enfants entouré de deux magistrats non spécialisés, ce tribunal est compétent pour le jugement de mineurs de plus de seize ans , poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale .

Ce rapprochement avec la justice des majeurs avait pour vocation de déspécialiser la justice des mineurs et de renforcer la solennité du jugement applicable aux mineurs récidivistes.

Néanmoins, dans sa décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 relative à la loi précitée du 10 août 2011, le Conseil constitutionnel a souligné « qu'une telle juridiction ne peut être regardée comme une juridiction spécialisée » au sens du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs, qui ne fait pas obstacle, en lui-même, à ce que « le jugement des mineurs soit confié à une juridiction composée de trois magistrats ou de trois magistrats et deux assesseurs dont seul le président est un magistrat spécialisé dans les questions de l'enfance » mais qui « impose que le tribunal correctionnel des mineurs soit saisi selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ». Dès lors, a-t-il censuré les dispositions permettant de convoquer ou de faire comparaître directement le mineur de la juridiction de jugement sans instruction préparatoire (possibilité de saisir le tribunal par la voie d'une convocation par officier de police judiciaire et celle de la procédure de présentation immédiate) 52 ( * ) .

En conséquence, seule une ordonnance de renvoi du juge des enfants permet aujourd'hui de saisir le tribunal correctionnel pour mineurs, ce qui conduit à allongement des délais de jugement pour les récidivistes et donc réduit l'efficacité de la réponse pénale.

La suppression de ces tribunaux est attendue par les juridictions. En effet, alors même qu'ils connaissent un nombre infime du contentieux des mineurs, ces tribunaux désorganisent grandement les juridictions.

Votre commission a tenu à faire des auditions spécifiques, le 8 juin dernier, sur la justice des mineurs, pour apprécier l'opportunité de maintenir ou non ces tribunaux 53 ( * ) .

Lors de son audition par votre commission, Mme Véronique Léger, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats, soulignait que « les tribunaux correctionnels pour mineurs sont chronophages, puisqu'il faut prévoir un audiencement spécifique. Ils courent des risques d'erreur car il faut une connaissance pointue de la procédure applicable aux mineurs. Ils ajoutent de la complexité en cas de pluralité d'auteurs, puisque lorsqu'une affaire mêle majeurs et mineurs il faut passer devant le tribunal correctionnel, le tribunal pour enfants et le tribunal correctionnel pour mineurs, avec des risques de contradiction dans les décisions ».

Enfin, cette suppression redonnerait de la lisibilité à l'organisation du contentieux des mineurs délinquants : aujourd'hui, le tribunal pour enfants connaît des faits criminels commis par des mineurs de moins de seize ans mais ne connaît pas du jugement délictuel de mineurs de seize ans et plus en état de récidive légale.

En conséquence, votre commission approuve la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et a adopté un amendement COM-65 de son rapporteur visant à supprimer les dispositions relatives à l'application outre-mer, regroupées à l'article 53 du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 14 sexies ainsi modifié .

Article 14 septies (art. 2, 19, 20 et 20-10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Généralisation du cumul des mesures éducatives et des condamnations pénales

Le présent article a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, au stade de l'examen du texte en commission.

Il vise à généraliser un principe de cumul entre, d'une part, les condamnations pénales, c'est-à-dire les sanctions éducatives 54 ( * ) ou les peines et les mesures éducatives, afin de favoriser une réponse répressive adaptée à chaque mineur.

Actuellement, les dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 obligent généralement le juge à choisir entre mesures éducatives et condamnations pénales, tout en permettant, dans certaines hypothèses, le cumul. Ainsi, peuvent être cumulées une mesure de la liberté surveillée et une condamnation pénale.

Mesures éducatives

Sanctions éducatives

Peines

Admonestation

Remise à ses parents ou à une personne digne de confiance

Avertissement solennel

Liberté surveillée

Placement

Mise sous protection judiciaire

Mesure d'aide ou de réparation

Mesure d'activité de jour

Dispense de mesure

Ajournement d'une mesure éducative

Confiscation

Interdiction de paraître

Interdiction de rencontrer la victime

Interdiction de rencontrer les co-auteurs ou complices

Mesure d'aide ou de réparation

Stage de formation civique

Placement

Exécution de travaux scolaires

Avertissement solennel

Dispense de peine

Ajournement de peine, simple ou avec mise à l'épreuve

Réparation-sanction

Amende dans la double limite de la moitié du montant encouru par un majeur et de 7 500 €

Suivi socio-judiciaire

Stage de citoyenneté

Emprisonnement avec sursis simple, avec sursis et l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, ou avec sursis et mise à l'épreuve

Emprisonnement

Outre une meilleure lisibilité de l'ordonnance de 1945, le présent article vise à faciliter la prise en charge éducative des mineurs, en supprimant toute distinction entre la liste des mesures possibles avant jugement ou après jugement et en offrant ainsi plus de souplesse aux juridictions.

Votre rapporteur juge bienvenue cette modification du droit en vigueur qui permettrait à la fois de prononcer une condamnation du mineur et d'ordonner une mesure de réparation du préjudice subi par la victime.

En revanche, votre rapporteur estime inopportun l'ajout en séance publique, en première lecture et à l'initiative de notre collègue député Joël Giraud et de plusieurs de ses collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, puis amélioré par l'adoption d'un amendement du Gouvernement par la commission des lois en nouvelle lecture, visant à interdire le prononcé de la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour un mineur de moins de dix-huit ans .

Le droit actuel limite d'ores et déjà la peine maximale pouvant être prononcée , lorsque la réclusion criminelle à perpétuité est encourue, à vingt ans de réclusion criminelle. Toutefois, pour les mineurs de plus de seize ans, à titre exceptionnel et par une décision spécialement motivée fondée sur les circonstances de l'espèce et la personnalité de l'auteur, la peine de réclusion à perpétuité peut être exceptionnellement prononcée.

Dans le contexte actuel où des mineurs de seize ans révolus ont commis des assassinats terroristes, crimes punis d'une peine de réclusion à perpétuité, il n'apparaît pas souhaitable d'interdire la possibilité d'une telle sanction d'ores et déjà très encadrée. En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-86 visant à revenir sur cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 14 septies ainsi modifié .

Article 14 octies (art. 4, 5, 8-1 [rétabli], 12 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Rétablissement de la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant le juge des enfants - Facilitation de la césure du procès pénal des mineurs - Assistance d'un avocat pour les mineurs

Cet article a été introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement.

Il vise à rétablir la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant le juge des enfants, supprimée par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs qui lui a préféré la convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen. En effet, la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement limitait les possibilités de jugement à la relaxe, la dispense de peine ou la condamnation à une mesure éducative.

Elle permettait néanmoins d'apporter une réponse pénale rapide à des faits qui ne nécessitaient pas tous une audition du tribunal pour enfants. Or une réponse rapide peut être nécessaire pour les mineurs primo-délinquants, même si aucune peine d'emprisonnement ne peut y être prononcée.

Le présent article facilite également la césure du procès pénal des mineurs, en permettant de prononcer rapidement une mesure éducative présentencielle, telle une mesure de réparation au profit de la victime, puis différer le jugement final dans l'attente de plus amples investigations sur la personnalité de l'auteur. Tout en permettant, dans des délais brefs, de statuer sur reconnaissance de la culpabilité, la césure du procès pénal autorise à des investigations supplémentaires sur la personnalité de l'auteur pour décider ultérieurement du prononcé d'une condamnation pénale ou même l'ajournement d'une mesure prononcée.

Enfin, cet article a été complété, en séance publique en première lecture, à l'initiative de notre collègue député Joël Giraud et plusieurs de ses collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, afin de rendre obligatoire « la demande » de l'assistance d'un avocat par le mineur de plus de 13 ans en cas de garde à vue et le mineur de 10 à 13 ans en cas de retenue.

La rédaction a été améliorée en nouvelle lecture par l'adoption par la commission des lois d'un amendement du Gouvernement visant à préciser que c'est bien l'assistance d'un mineur par un avocat qui est obligatoire et non le fait que le mineur ou ses parents doivent le demander. Si le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas désigné d'avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l'instruction ou l'officier de police judiciaire informe le bâtonnier afin qu'il en commette un d'office.

Votre commission approuve ces mesures qui sont de nature à permettre une meilleure organisation des juridictions pour mineurs et une réduction des délais de jugement.

Votre rapporteur s'interroge néanmoins sur l'opportunité même de l'assistance obligatoire par un avocat d'un mineur en garde à vue, alors que c'est d'ores et déjà un droit. Or, la création de cette disposition qui apparaît comme une garantie supplémentaire va obliger les familles, pour la majorité d'entre elles qui ne sont pas admises à l'aide juridictionnelle, à financer les avocats qui auront été commis d'office pour leur enfant, même lorsqu'elles n'auront pas demandé l'assistance d'un avocat.

Enfin, elle a adopté un amendement COM-28 rectifié du Gouvernement visant à reporter l'entrée en vigueur de ces dispositions relatives à l'assistance obligatoire d'un avocat. En effet, ces dispositions n'ayant fait l'objet d'aucune étude d'impact, ni consultation ni sensibilisation des fonctionnaires de police ou des magistrats, il est nécessaire d'en reporter l'entrée en vigueur afin d'éviter toute nullité procédurale.

Votre commission a adopté l'article 14 octies ainsi modifié .

Article 14 nonies (art. 24-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Harmonisation du régime de la césure du procès pénal des mineurs

Cet article a été introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement.

En cohérence avec la facilitation de la procédure de césure prévue à l'article 14 octies , le présent article vise à fixer à un an la durée maximale de césure du procès pénal des mineurs, entre le renvoi et une décision sur une mesure éducative, une sanction éducative ou une peine.

En nouvelle lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à supprimer la disposition relative à l'application en outre-mer, transférée à l'article 53 du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 14 nonies sans modification .

Article 14 decies (art. 24-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Recours à la force publique pour l'exécution des mesures éducatives de placement

Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative du Gouvernement, l'article 14 decies du projet de loi vise à permettre de recourir à la force publique pour l'exécution de mesures éducatives de placement prononcées dans le cadre pénal de répression de la délinquance des mineurs.

Actuellement, en l'absence de fondement légal, cet accompagnement, parfois contraint, est effectué par les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, ce qui ne relève pourtant pas de leurs missions.

Le présent article permet au juge des enfants, au juge d'instruction, au juge des libertés et de la détention, mais également aux magistrats du parquet de décider d'une telle réquisition, après évaluation de sa nécessité.

En nouvelle lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à supprimer la disposition relative à l'application en outre-mer transférée à l'article 53.

Votre commission a adopté l'article 14 decies sans modification .


* 51 Question écrite n° 19 872 de M. Guy-Dominique Kennel, sénateur, publiée dans le Journal officiel du 4 février 2016, en attente de réponse.

* 52 Considérant 51.

* 53 Le compte rendu de ces auditions est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160606/lois.html#toc5

* 54 Introduites par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, les sanctions éducatives sont des mesures qualifiées d'« hybrides » par la doctrine. Similaires aux mesures éducatives, elles sont néanmoins considérées comme une peine au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen.

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