TITRE V
L'ACTION DE GROUPE
CHAPITRE IER - L'ACTION DE GROUPE DEVANT LE JUGE
JUDICIAIRE
Article 19 - Domaine d'application de la procédure d'action de groupe de droit commun
L'article 19 du projet de loi constitue le premier des articles relatifs à l'action de groupe.
Sur la question de l'action de groupe, nos collègues députés sont revenus au texte initial sur des dispositions importantes , par exemple sur la question de l'indemnisation du préjudice dans l'action de groupe en matière de discrimination dans les relations de travail. De plus, ils ont ajouté des dispositifs nouveaux soulevant de sérieuses interrogations, à l'initiative du Gouvernement, en créant une action de groupe concernant les préjudices individuels causés à des personnes physiques ou morales par des dommages environnementaux et une action de groupe pour réparer les dommages causés à des personnes physiques à raison d'un manquement à la législation en matière d'informatique, de fichiers et de libertés, ainsi qu'en intégrant l'action de groupe en matière de santé, créée par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dans le régime commun de l'action de groupe institué par le présent projet de loi.
Par conséquent, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a préféré s'en tenir, pour l'essentiel, à l'équilibre trouvé par le Sénat en première lecture, en écartant les novations suscitant trop d'incertitudes . Le foisonnement des actions de groupe n'est pas raisonnable, a fortiori dans des domaines où le préjudice est particulier, comme l'environnement, alors que l'on ne dispose d'aucun bilan et d'aucun recul sur le système pourtant simple de l'action de groupe en matière de consommation et de concurrence et que les dispositifs nouveaux proposés dans le présent texte ne semblent pas pleinement aboutis.
Votre rapporteur tient néanmoins à souligner que l'Assemblée nationale a adopté conformes un certain nombre d'articles ou les a adoptés dans une rédaction proche de celle du Sénat, de sorte que votre commission a également adopté un certain nombre d'articles sans modification dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
S'agissant du champ, fixé par le présent article, du régime commun de l'action de groupe institué par le présent texte, votre commission a donc écarté les nouveaux cas d'actions de groupe créés par l'Assemblée nationale, en adoptant un amendement COM-95 présenté par son rapporteur.
Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .
Section 1 - Objet de l'action de
groupe, qualité pour agir
et introduction de l'instance
Article 20 - Objet de
l'action de groupe
L'article 20 du projet de loi précise les finalités de l'action de groupe, c'est-à-dire soit la cessation d'un manquement causant un dommage, soit l'engagement de la responsabilité de l'auteur d'un dommage pour obtenir la réparation du préjudice qui en résulte.
Si le Sénat avait prévu que ce dommage ne pouvait affecter que des personnes physiques, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial, en concevant qu'une action de groupe puisse être engagée en cas de dommage touchant des personnes morales. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-96 pour s'en tenir à la version plus encadrée retenue par le Sénat en première lecture.
Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .
Article 21 - Qualité pour agir
L'article 21 du projet de loi détermine quelles sont les organisations juridiquement habilitées à engager une action de groupe, en cas de dommage affectant plusieurs personnes dans les conditions prévues à l'article 20.
Afin d'éviter que la faculté d'engager une telle action soit distribuée trop largement et qu'elle puisse être exercée par des organisations qui n'en ont pas la capacité ou qui pourraient instrumentaliser cette action à d'autres fins, en permettant notamment à de simples associations ayant cinq ans d'existence d'exercer une telle action pour la défense des intérêts prévus par leur objet statutaire, le Sénat a souhaité, en première lecture, réserver cette faculté à des associations titulaires d'un agrément national reconnaissant leur expérience et leur représentativité, à l'instar de que prévoit l'action de groupe en matière de consommation. Nos collègues députés ont voulu, sur ce point, revenir au texte initial, permettant à toutes les associations agréées et toutes les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans d'exercer l'action de groupe.
Compte tenu des risques inhérents à une trop large attribution de la capacité à exercer cette action, votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a adopté un amendement COM-97 afin de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.
Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .
Section 2 - Cessation du manquement
Cette section ne comporte plus d'articles en discussion.
Section 3 - Réparation des préjudices
Sous-section
1 - Jugement sur la responsabilité
Article 24 - Jugement
sur la responsabilité, définition des critères de
rattachement au groupe des victimes et fixation du délai de constitution
du groupe
L'article 24 du projet de loi prévoit que le juge saisi, dans le cas d'une action visant à la réparation de préjudices, statue sur la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage, détermine les critères de rattachement au groupe et les préjudices susceptibles d'être indemnisés ainsi que les délais dans lesquels les éventuelles victimes peuvent adhérer au groupe pour se prévaloir du jugement sur la responsabilité.
Alors que le Sénat, en première lecture, avait encadré le pouvoir du juge de fixer les délais de constitution du groupe, entre deux et six mois après l'achèvement des mesures de publicité qu'il a ordonnées pour informer les victimes, nos collègues députés ont préféré s'en tenir au texte initial, laissant au juge le soin de fixer ces délais. Votre rapporteur se rallie à cette solution, tout en considérant que ces délais ne pourront pas à l'évidence être trop brefs ni trop longs, sauf à dénaturer la procédure, mais qu'ils pourront être proportionnés à chaque situation, en fonction du nombre potentiel ou de la localisation des victimes, ou encore de la connaissance ou non de la liste précise des victimes.
Votre commission a adopté l'article 24 sans modification .
Sous-section 2 - Mise en oeuvre
du jugement et réparation des préjudices
Paragraphe 1 - Procédure individuelle de
réparation des préjudices
Ce paragraphe ne comporte plus d'articles en discussion.
Paragraphe 2 - Procédure
collective de liquidation des préjudices
Article 30 - Adhésion au groupe et
négociation, par le demandeur,
de l'indemnisation du préjudice
subi
L'article 30 du projet de loi précise les modalités de constitution du groupe, par la déclaration des personnes lésées auprès de l'association qui exerce l'action de groupe, afin qu'une indemnisation soit négociée en leur nom par l'association. Les délais et les conditions dans lesquels les personnes lésées peuvent se joindre au groupe, en se déclarant auprès de l'association, sont fixés par le juge. L'association est chargée de solliciter le défendeur aux fins d'indemnisation des personnes qui se sont déclarées auprès d'elle.
Cet article précise que l'adhésion au groupe vaut mandat au profit de l'association demanderesse pour négocier l'indemnisation. Ce mandat ne vaut ni n'implique adhésion à l'association.
L'Assemblée nationale n'a apporté que de légères modifications de nature rédactionnelle à cet article, qui ne soulèvent aucune objection de la part de votre rapporteur.
Votre commission a adopté l'article 30 sans modification .
Article 31 - Homologation de l'éventuel accord d'indemnisation entre le demandeur et le défendeur et sanction des manoeuvres dilatoires
L'article 31 du projet de loi prévoit une procédure d'homologation, par le juge ayant déjà statué sur la responsabilité, de l'éventuel accord d'indemnisation intervenu entre le demandeur à l'action et le défendeur, à la suite de la négociation prévue à l'article 30 du texte - accord qui peut être partiel et qui doit être accepté par les victimes concernées. Le juge doit également liquider les préjudices subsistants après la conclusion de l'accord.
En première lecture, le Sénat avait considéré que l'homologation ne devait pas être obligatoire, mais laissée à l'appréciation des parties, au nom de la liberté qui doit présider à la négociation. Il avait également supprimé l'amende civile prévue pour sanctionner le demandeur ou le défendeur faisant obstacle de manière dilatoire ou abusive à la conclusion de l'accord, considérant qu'elle avait pour effet d'instituer une « négociation forcée », contraire à l'esprit de la médiation, d'autant qu' in fine le juge sera toujours compétent pour liquider les préjudices qui n'auront pas été indemnisés dans le cadre d'un accord.
Nos collègues députés sont revenus en partie au texte initial, en rétablissant le caractère obligatoire de l'homologation et l'amende civile. Ils ont toutefois conservé, en particulier, les conditions de délais prévues par le Sénat pour fixer le terme de la négociation et la condition d'acceptation de l'accord par les membres du groupe, de façon à ce que les victimes qui ne s'estiment pas correctement indemnisées par l'accord puissent tout de même obtenir que le juge se prononce sur leur préjudice.
À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc admis le caractère obligatoire de l'homologation, dans un esprit de compromis, tout en supprimant l'amende civile, pour les mêmes raisons qu'en première lecture, en adoptant un amendement COM-98 en ce sens.
Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié .
Sous-section 3 - Gestion des
fonds reçus au titre de l'indemnisation
des membres du groupe
Article 32 - Versement
à la Caisse des dépôts et consignations des fonds
destinés à l'indemnisation des victimes et encadrement des
possibilités de maniement des fonds par le demandeur
L'article 32 du projet de loi prévoit que, sous réserve des textes régissant le maniement des fonds des professions judiciaires réglementées, toute somme reçue du défendeur en vue de l'indemnisation des victimes est immédiatement versée sur un compte ouvert à cette seule fin à la Caisse des dépôts et consignations. Ainsi, ces fonds n'ont pas à transiter par les avocats obligatoirement via la caisse des règlements pécuniaires des avocats. Le compte ne peut faire l'objet de mouvements en débit que pour le règlement de l'affaire pour laquelle il a été ouvert.
Si l'Assemblée nationale est revenue à une rédaction plus proche du texte initial, celle-ci ne présente que des différences d'ordre rédactionnel avec le texte issu des travaux du Sénat.
Votre commission a adopté l'article 32 sans modification .
Section 4 - Médiation
Cette section ne comporte plus d'articles en discussion.
Section 5 - Dispositions
diverses
Article 35 -
Suspension de la prescription des actions individuelles en cas d'action de
groupe
L'article 35 précise les conditions selon lesquelles l'action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices entrant dans le champ de l'action de groupe.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale ne diffère de celui adopté par le Sénat que par certains aspects uniquement rédactionnels.
Votre commission a adopté l'article 35 sans modification .
Article 41 bis (suppression maintenue) - Interdiction de la sollicitation par les avocats à effet d'engager une action de groupe
Issu d'un amendement adopté par le Sénat, en séance, à l'initiative de notre collègue Nathalie Goulet, puis supprimé par l'Assemblée nationale, l'article 41 bis précisait qu'était prohibée toute sollicitation par un membre d'une profession réglementée à effet d'engager une action de groupe.
Si cette disposition visait à expliciter le fait que le monopole de l'engagement d'une action de groupe appartient aux associations et autres organismes habilités à cet effet, dans les conditions prévues par la loi, et pas aux avocats, sa portée normative était limitée compte tenu des règles déjà prévues dans les divers régimes d'action de groupe, y compris celui prévu par le présent texte, de sorte que votre rapporteur n'a pas proposé de la rétablir.
Votre commission a maintenu la suppression de l'article 41 bis .
Article 42 (art. L. 211-9-2 [nouveau] et L. 211-15 du code de l'organisation judiciaire et art. L. 623-10 du code de la consommation) - Compétence du tribunal de grande instance pour connaître de l'action de groupe et coordinations avec l'action de groupe en matière de consommation
L'article 42 du projet de loi tend principalement à confier au tribunal de grande instance la compétence pour connaître des actions de groupe.
L'Assemblée nationale n'a modifié que des aspects rédactionnels de cet article par rapport au texte résultant des travaux du Sénat, de sorte que votre commission a pu l'adopter en l'état.
Votre commission a adopté l'article 42 ainsi modifié .