EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 3 mars 2016 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :
M. Michel Billout . - Je vous remercie de reconnaître que le problème est réel. Cependant, vous me faites un mauvais procès sur les limites de l'État hébreu. J'avais demandé une rectification de la date de 1948 dans le bon à tirer, qui n'a pas été prise en compte. L'erreur ne figure pas dans le texte de la proposition de résolution, dénué de toute ambiguïté, mais seulement dans l'exposé des motifs, et j'ai demandé, à temps, une rectification.
Certains membres du groupe d'amitié France-Palestine, ont souhaité se joindre à moi pour cosigner cette proposition de résolution européenne. D'autres m'ont assuré de leur soutien, bien que leur groupe ne les ait pas autorisés à s'associer à la proposition, ce que je déplore.
Depuis des années, l'étiquetage des produits issus des colonies israéliennes en Palestine occupée fait débat en France mais également au niveau européen, donnant lieu à des discussions et des tergiversations au sein du Parlement européen. Toutefois, nous ne pouvons que nous satisfaire de l'avancée significative dans ce domaine enregistrée le 11 novembre dernier, avec la publication par l'Union européenne d'une notice interprétative sur l'origine des produits en provenance des territoires occupés par Israël. Ceci marque une étape importante dans le respect du droit international.
Si elles étaient pleinement appliquées, ces lignes directrices permettraient aux consommateurs européens de faire la distinction entre les produits qui proviennent de l'intérieur des frontières internationalement reconnues d'Israël et ceux provenant des colonies illégales, installées dans les territoires palestiniens occupés. On me parle de boycott ; mais si les consommateurs étaient mieux informés, les positions seraient plus nuancées que l'appel au boycott général des produits israéliens lancé par certaines associations, auquel je ne souscris pas.
Dans le même temps, plusieurs enseignes de la grande distribution, confrontées aux actions citoyennes, ont sollicité les pouvoirs publics à plusieurs reprises pour obtenir des instructions précises sur l'étiquetage des produits des colonies. Ces demandes n'ont jamais eu de réponse. Il est donc urgent pour le gouvernement de mettre en oeuvre les lignes directrices sur l'étiquetage différencié. Je regrette que le rapport n'ait pas abordé ce point.
Au-delà de cette application de la réglementation en vigueur, la France doit respecter et faire respecter le droit international humanitaire, conformément à l'article 1 er de la convention de Genève de 1949. Elle doit se mettre en conformité avec ses obligations de ne pas reconnaître la légalité des colonies. En cohérence avec ses déclarations récurrentes sur la condamnation des colonies illégales, elle doit par conséquent prendre les mesures nécessaires pour qu'Israël mette fin à la colonisation.
Ainsi, l'obligation coutumière de ne pas reconnaître comme licite une situation illégale vise à interdire toute reconnaissance officielle d'une situation illégale et tout acte qui impliquerait une telle reconnaissance. Dans cette logique, l'Union européenne a adopté en juillet 2013 des lignes directrices excluant les colonies des « prix, instruments financiers ou subventions » financés par l'Union européenne. Ces lignes directrices visent « à garantir le respect des positions et des engagements adoptés par l'UE en conformité avec le droit international en ce qui concerne la non-reconnaissance par l'Union de la souveraineté d'Israël sur les territoires occupés » .
Ces lignes directrices ont été appliquées par l'Union européenne dans le cadre de sa politique de coopération scientifique : l'accord « horizon 2020 » conclu avec Israël exclut de ces financements les entreprises et universités israéliennes implantées au-delà des frontières de 1967. Des pays tels que l'Allemagne et les États-Unis ont déjà inscrit une clause de territorialité précise au sein des critères d'éligibilité de leurs entités nationales de coopération bilatérale scientifique : aucun projet mené dans les territoires placés sous autorité du gouvernement israélien après 1967 n'est soutenu par la GIF (Fondation germano-israélienne pour la recherche scientifique et le développement) en Allemagne, ni par la BSF (fondation scientifique américano-israélienne) aux États-Unis.
Cette démarche sur l'étiquetage des produits se pratique déjà dans certains pays. En effet, le Royaume-Uni, le Danemark et la Belgique ont déjà mis en oeuvre des codes de conduite proposant notamment aux distributeurs d'apposer une mention sur les produits issus des colonies précisant leur origine. Il aurait été souhaitable de procéder à une harmonisation au niveau de l'Union européenne, car ces dispositions sont difficiles à mettre en oeuvre et sont très largement contournées.
Apporter ces précisions sur l'étiquetage à destination des consommateurs ne devrait donc être en aucun cas une difficulté pour les importateurs, du fait de la relation privilégiée qu'ils entretiennent avec leurs fournisseurs. Et si tel n'était pas le cas, la majorité des informations concernant l'origine des produits se trouvent sur les documents douaniers. En outre, cette précision sur les documents douaniers est obligatoire afin d'être en règle avec les dispositions des accords UE-Israël et bénéficier des tarifs préférentiels.
L'origine précise des produits est donc déjà établie. Il n'est donc en aucun cas difficile de retranscrire cette information au consommateur. Il appartient à l'Union européenne et à la France de prendre les mesures nécessaires pour un étiquetage adéquat indiquant les différentes origines des produits : TPO, Israël.
L'objet de cette proposition de résolution européenne n'est ni plus ni moins de renforcer l'action de la Commission européenne dans ce domaine, car il y a une avancée et il me semble indispensable de l'encourager notamment au niveau national, par la mise en oeuvre de cet étiquetage.
Contrairement à ce qui est écrit dans le rapport, cette proposition de résolution européenne présente un véritable intérêt, celui de s'appuyer sur un texte européen, certes non contraignant pour les États membres mais invitant ces derniers à agir pour une pleine information du consommateur. Elle demande par conséquent au Gouvernement d'agir auprès de la Commission pour que cette dernière puisse continuer son travail dans ce sens, et même le renforcer afin que cette notice devienne une référence. Dans cette logique, nous invitons le gouvernement à mettre en oeuvre les préconisations de cette dernière au niveau national : cela répond bien aux motivations d'une proposition de résolution européenne.
C'est pourquoi je vous propose de voter cette résolution.
M. Yves Pozzo di Borgo . - Je m'associe pleinement aux conclusions des rapporteurs.
La commission des affaires étrangères a entendu hier le ministre, M. Ayrault. La plus grande partie de son intervention a porté sur l'Union européenne.
M. André Gattolin . - Ça change !
M. Yves Pozzo di Borgo . - J'y ai vu des signes d'inquiétude vis-à-vis des défis que l'Europe rencontre, une confrontation nouvelle aux réalités. Nous avons une technocratie hors sol, ce qui est aussi vrai au niveau européen. Voyez la manière dont les Russes ont pris à partie la Commission et le Parlement européen, leur demandant pourquoi le développement de l'Otan s'était poursuivi après la chute de l'Union soviétique... En France comme à Bruxelles, une technocratie nous dirige. Les pères fondateurs voulaient une Commission européenne qui structure la dynamique européenne ; mais plus je vais à Bruxelles, plus le constat d'un véritable problème s'impose à moi. Voyez encore la décision de la Cour de justice de l'Union européenne en décembre dernier sur le Front Polisario, qui a tout bloqué alors que nous avons tant besoin du Maroc dans la lutte anti-terroriste... Le problème des Affaires étrangères, c'est désormais l'Europe.
M. Simon Sutour . - Je prends acte de la rectification de l'exposé des motifs demandée par M. Michel Billout, mais d'un point de vue juridique, nous devons nous prononcer sur le texte de la proposition de résolution tel qu'il est.
M. Michel Billout . - Le texte de la résolution elle-même est sans ambiguïté.
M. Simon Sutour . - Le texte invite le Gouvernement « à mettre en oeuvre un étiquetage précis à l'échelon national » : je ne m'y oppose pas sur le fond, mais il s'agit alors d'un problème national plutôt qu'européen. Page 16, notre rapport précise bien que « la mise en oeuvre de la législation douanière relève de la compétence des États membres » . En l'état, nous ne pouvons par conséquent que rejeter votre proposition de résolution européenne.
M. Jean Bizet , président . - La position de l'Union européenne sur les colonies israéliennes n'a jamais varié. La proposition de résolution qui nous est présentée se limite à saluer la communication interprétative de la Commission européenne ; de plus, l'étiquetage relève du droit national.
À l'issue de ce débat, la commission des affaires européennes a conclu, par 12 voix contre 2 et 3 abstentions, au rejet de la proposition de résolution européenne.