B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES AUX RÈGLES DE L'ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
La modification des règles relatives à l'élection du Président de la République à l'approche du scrutin présidentiel n'est pas inédite. Elle s'est produite avant les scrutins de 2007 et de 2012 avec la loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l'élection du Président de la République et la loi organique n° 2012-272 du 28 février 2012 relative au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle
Dans leur version initiale, les deux textes soumis à votre examen portaient uniquement sur l'élection du chef de l'État. Au terme de la première lecture devant l'Assemblée nationale, certaines dispositions portent sur l'ensemble des élections. Cette particularité résulte de l'application de règles de droit commun, relevant de la loi ordinaire, à l'élection du Président de la République, par un renvoi de la loi organique.
En effet, à la différence des autres scrutins, les règles relatives à l'élection du Président de la République relèvent du domaine de la loi organique en application du dernier alinéa de l'article 6 de la Constitution. Ces règles sont fixées aux articles 3 et 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. Cependant, par facilité, l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 renvoie aux dispositions ordinaires du code électoral, en prévoyant ponctuellement des règles spéciales y dérogeant. Ainsi, les modifications du code électoral ne sont applicables à l'élection présidentielle que par l'actualisation du renvoi opéré par l'article 4 de la loi du 6 novembre 1962 à ce code.
Les modifications proposées par la proposition de loi organique ne concernent pas le mode de scrutin, mais se concentrent sur :
- la présentation des candidatures ou « parrainages » ;
- le déroulement de la campagne électorale ;
- les opérations préparatoires au vote et de vote.
Il est à noter que plusieurs dispositions actuellement règlementaires, notamment les règles de transmission des « parrainages » et temps de parole des candidats, sont rehaussées au niveau de la loi organique par l'effet de ce texte, à défaut de l'avoir été en 1962 et ultérieurement.
1. La présentation des candidatures à l'élection présidentielle
S'agissant de la présentation des candidatures, le texte maintient le nombre requis pour que la candidature d'une personne soit admise à l'élection du Président de la République. Cependant, pour éviter la pression exercée sur les personnes habilitées à présenter un candidat, il est proposée de réserver à ces « parrains » le droit d'adresser, par voie postale, leur présentation, dans l'objectif de rendre la solennité et la sérénité requise par ces opérations ( article 2 de la proposition de loi organique ). Comme le rappelait le rapporteur de l'Assemblée nationale, « Trop souvent, certaines pratiques regrettables en découlent, qu'il s'agisse de faire pression sur les élus, en particulier sur les maires, d'entretenir opportunément le doute sur le nombre de parrainages recueillis ou encore de réduire, au détriment des autres candidats, le nombre de signataires potentiels ».
À la suite d'un ajout adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, la transmission par voie électronique serait ouverte aux « parrains », à compter de l'élection présidentielle de 2020 ( article 2 de la proposition de loi organique ).
Parallèlement, la liste des personnes habilitées à présenter un candidat serait actualisée, afin de tenir compte des modifications institutionnelles intervenues depuis le dernier scrutin présidentiel (création de la métropole de Lyon, des communes nouvelles, etc.) en reconnaissant à de nouvelles catégories d'élus la qualité de « parrain » ( article 1er de la proposition de loi organique ).
Enfin, la liste des « parrains » avec leur nom et leur qualité serait rendue intégralement publique, après la clôture de la période de recueil ( article 3 de la proposition de loi organique ). Cette demande, formulée depuis 1974 par le Conseil constitutionnel, permettrait de mettre fin à une inégalité de fait en termes de probabilité de voir leur « parrainage » rendu public selon le nombre de « parrainages » recueillis par les candidats.
2. Le déroulement de la campagne électorale (communication audiovisuelle, financement de la campagne électorale, propagande électorale à l'étranger, encadrement des sondages)
a) La communication audiovisuelle en période de campagne
En matière d'expression des candidats dans les médias audiovisuels ou de couverture par ces médias de la campagne, il est proposé de modifier la règle applicable aux temps de parole , et non aux temps d'antennes, pendant la « période intermédiaire » . Cette période court de la date de publication au Journal officiel de la liste des candidats jusqu'à la veille de l'ouverture de la campagne officielle, soit quinze jours avant le premier tour de scrutin.
Le droit en vigueur serait modifié sur deux points ( article 4 de la proposition de loi organique ), le second apportant un tempérament au premier :
- le principe applicable pour la « période intermédiaire » serait l'équité et non l'égalité pour le temps de parole (propos rapportés du candidat), ce qui est déjà le cas pour le temps d'antenne (informations consacrées à un candidat) ;
- les conditions de programmations devraient être comparables dès la « période intermédiaire ».
Seraient également consacrés les critères retenus pour appliquer le principe d'équité, à savoir :
- la contribution à l'animation du débat électoral de chaque candidat ;
- la représentativité du candidat, elle-même fondée sur deux sous-critères, à savoir les résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou formations politiques qui les soutiennent et les indications des enquêtes d'opinion.
b) L'encadrement des sondages électoraux pendant la campagne et le vote
Sur proposition de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, la commission des lois a renforcé les prérogatives de la Commission des sondages en lui permettant d'exiger des chaînes publiques de radios et de télévision qu'elles programment et diffusent sans délai ses mises au point lorsque, dans le délai d'une semaine précédant un tour de scrutin, un sondage irrégulièrement élaboré ou diffusé est publié, diffusé ou commenté ( article 2 ter de la proposition de loi ).
De même, le montant de l'amende encourue en cas de divulgation, avant la fermeture des bureaux de vote, des résultats, partiels ou définitifs, de l'élection est élevée de 3 750 euros à 75 000 euros ( article 2 de la proposition de loi ).
c) Le financement de la campagne électorale des candidats
S'agissant du financement de la campagne des candidats à l'élection du Président de la République, si le texte initial proposait un abaissement à six mois de la période de comptabilisation au compte de campagne des recettes et des dépenses électorales du candidat ( article 6 de la proposition de loi organique ), cette durée, d'abord approuvée et étendue à toutes les élections par la commission des lois ( article 1 er A de la proposition de loi ), a été ramenée pour la seule élection présidentielle à un an, soit le droit en vigueur.
Dans un souci de transparence, la commission des lois a imposé la présentation détaillée, en annexe du compte de campagne de chaque candidat, des concours financiers et en nature fournis par des partis et groupements politiques au candidat ( article 6 ter de la proposition de loi organique ).
De même, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pourraient s'entourer d'experts pour apprécier correctement les coûts des services et des prestations retracés dans le compte de campagne ( article 1 er de la proposition de loi ).
d) L'harmonisation des règles de propagande électorale à l'étranger
Enfin, les règles de propagande électorale pour la campagne électorale menée à l'étranger dans le cadre du scrutin présidentiel sont alignées sur celles applicables sur le territoire national. Il est ainsi mis fin à l'interdiction d'assurer la diffusion de cette propagande électorale dans les pays hors de l'Union européenne ou qui ne sont pas partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH) ( article 9 de la proposition de loi organique ).
Suivant la même logique, les limitations applicables en France (« phoning », ouverture d'une ligne téléphonique gratuite) seraient également applicables pour la campagne conduite à l'étranger ( article 10 de la proposition de loi organique ).
3. Les opérations préparatoires et de vote (inscription sur les listes électorales consulaires, horaires de fermeture des bureaux de vote, etc.)
a) Une radiation facilitée de la liste électorale consulaire en cas de retour en France de l'électeur
La proposition de loi organique modifie les règles relatives à l'inscription des électeurs français établis hors de France. Ces électeurs disposent actuellement de la possibilité d'être inscrit, notamment pour voter lors de l'élection du Président de la République, sur une liste électorale consulaire et sur la liste électorale d'une commune française, sous réserve d'opter pour un vote à l'étranger ou en France, afin d'éviter tout double vote.
Si, dans un premier temps, les présents textes envisageaient la fin de la faculté de double inscription ( article 8 de la proposition de loi organique et article 3 de la proposition de loi ), cette réforme a été renvoyée à l'examen de textes ultérieurs relatifs aux inscriptions sur les listes électorales, déjà déposés à l'Assemblée nationale. Cependant, pour éviter que des électeurs ayant élu domicile en France après leur expatriation ne soient empêchés de voter en France s'ils avaient omis de se désinscrire de la liste électorale consulaire, la commission des lois de l'Assemblée nationale a proposé leur radiation automatique de cette dernière dès lors qu'ils solliciteraient leur radiation du registre des Français établis hors de France, et sauf opposition de leur part ( article 8 de la proposition de la loi organique ).
b) La suppression des commissions de contrôle des opérations de vote
S'agissant des opérations de vote, il serait mis fin, pour l'élection du Président de la République, à la convocation des commissions de contrôle des opérations de vote , instituées dans les communes de plus de 20 000 habitants ( article 5 de la proposition de loi organique ). En effet, ces dernières font doublon avec les délégués du Conseil constitutionnel chargés également de contrôler ces mêmes opérations lors de l'élection du Président de la République.
c) Une précision pour les sanctions pénales applicables au vote électronique
Par ailleurs, à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il serait précisé que les infractions pénales prévues au sein du code électoral s'appliquent également lorsqu'il est recouru aux machines à voter dans les bureaux de vote, pour l'élection du Président de la République ( article 2 bis de la proposition de loi ). En effet, la rédaction actuelle pourrait, en raison du libellé souvent ancien de certaines infractions, ne pas garantir leur application au « vote électronique ».
d) La réduction de l'amplitude horaire pour la fermeture des bureaux de vote
Enfin, les horaires de fermeture des bureaux de vote seraient modifiés pour le scrutin présidentiel. La fermeture aurait lieu, par principe, à 19 heures avec une possibilité de dérogations locales jusqu'à 20 heures ( article 7 de la proposition de loi organique ). Le décalage actuel entre 18 heures et 20 heures favorise en effet, en dépit des interdictions légales, la diffusion prématurée avant la fermeture des derniers bureaux de vote de résultats partiels ou de sondages réalisés à partir de bureaux de vote « tests », au mépris du respect de la sincérité du scrutin. Une partie du corps électoral peut ainsi modifier son vote au regard d'informations, parfois fausses, sur le sens général des votes déjà émis. Afin d'y remédier, l'écart entre la fermeture des premiers et des derniers bureaux de vote est réduit à une heure.