B. UNE SITUATION AGGRAVÉE PAR LA CRISE
Dans un rapport 3 ( * ) de décembre 2011, le conseil d'orientation pour l'emploi (COE) avait souligné que la tendance à long terme du chômage de longue durée en France , qui était stable autour de 40 % des demandeurs d'emploi, avait été rompue par la crise de 2008 . Alors que le nombre de chômeurs au sens du BIT a augmenté de 26 % entre 2008 et 2011, de 44 % entre 2008 et 2014 et même de 45 % jusqu'au troisième trimestre 2015, celui des chômeurs de plus d'un an a progressé, sur ces deux premières périodes, de respectivement 38 et 64 % .
Nombre de chômeurs de longue durée au sens
du BIT
Nombre de chômeurs au sens du
BIT
Graphique n° 4 : Progression comparée du nombre de chômeurs et du nombre de chômeurs de longue durée au sens du BIT entre 2008 et 2014
S ource : Insee
Ainsi que l'explique le COE, le chômage de longue durée réagit avec un léger retard aux évolutions du chômage global . Dans un premier temps, une forte augmentation du nombre de nouveaux chômeurs se traduit par une diminution de la part des chômeurs de longue durée : ainsi, entre 2008 et 2009, le nombre de chômeurs au sens du BIT est passé de 1,97 million à 2,46 millions ( + 25 % ), tandis que la part de chômeurs de plus d'un an dans ce total a diminué de 37,4 à 35,1 % ( - 6,1 % ) et que leur nombre n'a augmenté que de 17,1 % . Dans un second temps, si aucune reprise économique ne se produit au bout de douze mois, un rattrapage s'effectue et vient corriger cette impression initiale. Entre 2009 et 2010, alors que le nombre de chômeurs a progressé de 1,9 % , celui des chômeurs de longue durée a connu une croissance de 16,5 % et leur part dans la population globale des chômeurs a augmenté de 14,2 % , pour atteindre 40,1 % .
L'observation des données de Pôle emploi révèle des évolutions encore plus marquées. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégories A, B et C a augmenté de 33,7 % entre mai 2008 (date à laquelle il avait atteint, à 3,055 millions , son plus bas niveau depuis 1991) et mai 2011 ( 4,086 millions ). Cette augmentation s'est poursuivie de manière ininterrompue depuis cette date ( + 43 % à la fin du mois de mai 2012, + 57 % à la fin du mois de mai 2013, + 64 % à la fin du mois de mai 2014 et + 78 % à la fin du mois d'octobre 2015, soit 5,436 millions de personnes).
Toutefois, on constate que le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an progresse à un rythme plus soutenu : + 59 % entre mai 2008 et mai 2011, + 72 % à la fin du mois de mai 2012, + 98 % à la fin du mois de mai 2013, + 118 % à la fin du mois de mai 2014 et enfin + 145 % à la fin du mois d'octobre 2015. Entre mai 2008 et octobre 2015, il est passé de 977 000 à 2,44 millions et sa part dans le nombre total de demandeurs d'emploi inscrits en catégories A, B et C a augmenté de 40 % : auparavant de 32 % , elle s'établit désormais à 44,8 %.
Demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an
à Pôle emploi en catégories A, B et C
(en
milliers de personnes)
Graphique n° 5 : Progression comparée du nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégories A, B et C et du nombre de demandeurs d'emploi inscrits dans ces catégories depuis plus d'un an entre 2010 et 2015
Demandeurs d'emploi inscrits
à Pôle
emploi en catégories A, B et C
(en milliers de
personnes)
Source : Insee
Tableau n° 6 : Evolution du nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégories A, B et C et du nombre de demandeurs d'emploi inscrits dans ces catégories depuis plus d'un an entre 2008 et 2015
(en milliers
|
2008 |
2009 |
Evol. n/n-1 (en %) |
2010 |
Evol. n/n-1 (en %) |
2011 |
Evol. n/n-1 (en %) |
2012 |
Evol. n/n-1 (en %) |
2013 |
Evol. n/n-1 (en %) |
2014 |
Evol. n/n-1 (en %) |
2015 * |
Evol. n/n-1 (en %) |
Evolution
2008-2015
|
Demandeurs d'emploi inscrits
|
3 105 |
3 630 |
16,9 |
3 951 |
8,8 |
4 125 |
4,4 |
4 434 |
7,5 |
4 805 |
8,4 |
5 059 |
5,3 |
5 436 |
7,5 |
+ 75,1 |
Demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an |
986 |
1 124 |
14,0 |
1 425 |
26,8 |
1 566 |
9,9 |
1 709 |
9,1 |
1 958 |
14,6 |
2 158 |
8,7 |
2 437 |
12,9 |
+ 147,1 |
Source : Insee * au 31 octobre
De même, l'indicateur conjoncturel de durée du chômage (ICDC), établi par Pôle emploi pour mesurer l'incidence de la conjoncture économique sur l'état du marché du travail et qui évalue la durée moyenne d'inscription d'une cohorte fictive qui évoluerait dans un marché du travail qui ne connaîtrait, pendant toute sa période de chômage, aucune évolution, a connu une profonde dégradation depuis 2008. Alors qu'il s'élevait à 237 jours au premier trimestre 2008, il a atteint 453 jours au troisième trimestre 2015 ( + 91 % ) 4 ( * ) .
Il est donc indéniable que la crise économique dont la France peine encore à sortir constitue le facteur essentiel de l'aggravation du chômage de longue durée que subit notre pays depuis 2008. Entre cette année et 2014, la proportion de chômeurs au sens du BIT depuis un an ou plus est passée, selon Eurostat, de 37,1 % à 42,8 % ( + 15,4 % ). En valeur absolue, l'augmentation se chiffre à 475 000 ou, dans le cas des demandeurs d'emploi inscrit à Pôle emploi, à 1,46 million . Dès lors, le chômage de longue durée est devenu l'un des principaux handicaps de l'économie française , en raison de ses conséquences sociales mais aussi de son coût budgétaire et fiscal au titre des mesures d'indemnisation, des prestations de solidarité et des dispositifs d'aide à la reprise d'emploi qu'il entraîne.
* 3 Conseil d'orientation pour l'emploi, « Le chômage de longue durée », décembre 2011.
* 4 Source : « Amélioration de l'ICDC au 3 è trimestre 2015 », Statistiques et indicateurs n° 15 042, Pôle emploi, 2 décembre 2015.