C. LES INCERTITUDES PESANT SUR LA FIN DE GESTION
Compte tenu de ces tensions, les incertitudes pesant sur la fin de gestion sont particulièrement préoccupantes :
- la levée totale ou partielle de la réserve de précaution (1,4 milliard d'euros sur la mission « Défense »), le programme 146 ayant bénéficié d'une levée totale de sa réserve de précaution (614,9 millions d'euros) en août 2015 ;
- la compensation effective du coût net pour le programme 146 du versement à la Russie des indemnités liées à l'annulation de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), soit 56,7 millions d'euros ;
- les modalités de financement du dépassement de la provision OPEX (670 millions d'euros), auxquels s'ajoutent de moindres recettes sur le SSA et des surcoûts liés à l'opération Sentinelle ;
- la couverture de l'insuffisance de titre 2 en application du principe d'auto-assurance ;
- la contribution du ministère de la défense à la solidarité interministérielle ;
- la mise en oeuvre effective de la programmation actualisée par la prochaine loi de finances rectificative à travers la substitution intégrale de crédits budgétaires aux recettes exceptionnelles qui devaient initialement provenir de la cession de la bande de fréquences des 700 Mhz.
Lors de l'audition précitée, le délégué général pour l'armement indiqué qu' « à la veille de la loi de finances rectificative, les créances dues par ce programme atteindront près de quatre milliards d'euros. Si la loi de finances rectificative est au rendez-vous au montant prévu, le report de charge sera [...] maîtrisé, mais à la condition qu'il n'y ait pas d'annulations de crédits pour couvrir les surcoûts induits par les OPEX, Sentinelle ou une éventuelle insuffisance sur le titre 2. » Laurent Collet-Billon avertit même que « si le programme 146 subit de nouvelles amputations, notamment s'il ne dispose pas de la totalité du montant actuellement prévu en loi de finances rectificative de décembre - soit 2,2 milliards d'euros -, il faudra procéder à un réexamen des commandes et de l'étalement des livraisons, nécessaire pour assurer sa viabilité financière. »
Une telle éventualité ne semble pas acceptable à votre rapporteur spécial.
Lors son audition précité du 15 octobre dernier, le chef d'état-major des armées a estimé lui que la fin de gestion 2015 « conditionne la bonne ?mise sur les rails? de l'année 2016 » . Par conséquent, non seulement « l'ensemble des crédits de la mission ?Défense? doit être au rendez-vous en fin de gestion 2015 selon le volume prévu par la loi de finance initiale, soit 31,4 milliards d'euros » , mais « les charges nouvelles doivent également être couvertes tout en exonérant la défense des abattements traditionnels de fin d'année » . Ces charges correspondent « à environ 950 millions d'euros comprenant notamment les surcoûts OPEX, au-delà de la provision initiale, Sentinelle, et la révision de la trajectoire de déflation des effectifs avec la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre » .
Votre rapporteur spécial considère qu'en tant que tels les crédits de la mission « Défense » pour 2016 sont conformes à la programmation actualisée, qui représente un net progrès par rapport à la LPM initiale. En pratique, ils ne peuvent toutefois être appréciés de manière parfaitement pertinente qu'au regard des conditions de l'exécution 2015, et notamment des mesures de fin de gestion. En effet, les différents exercices de cette programmation sont étroitement liés entre eux et toute insuffisance sur l'un d'entre eux met en péril l'ensemble de la trajectoire tant physique que financière.
À cet égard, on relèvera que le projet de loi de finances rectificative, présenté le 13 novembre dernier en Conseil des ministres, prévoit l'ouverture de 2,2 milliards d'euros de autorisations d'engagement et de crédits de paiement au profit de la mission « Défense », essentiellement sur le programme 146 « Équipement des forces » :
- 2,144 millions d'euros en substitution des recettes attendues sur le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ». Sur ce compte, clôturé en 2016, la mission « Défense » conserve pour 2015 le bénéfice de 19 millions d'euros de crédits au titre des « redevances versées en 2015 pour les fréquences déjà utilisées par les opérateurs mobiles », le reste des crédits étant annulés ;
- 56,9 millions d'euros pour « compenser le surcoût supporté par le programme consécutivement à l'accord franco-russe sur le règlement des obligations liées à la cessation de l'accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement ».
Parallèlement, sont annulés 20 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », au titre de la solidarité interministérielle.
Par ailleurs, l'exposé des motifs du projet de loi indique que « le Gouvernement prévoit de publier un décret d'avance », qui, s'agissant de la mission « Défense », porterait :
- l'ouverture de 342 millions d'euros de crédits de titre 2 et de 501 millions d'euros de crédits hors masse salariale, pour couvrir des dépenses liées aux opérations extérieures et intérieures, soit 843 millions d'euros au total ;
- l'annulation de 205,7 millions d'euros de crédits, sans qu'il soit pour l'instant précisé la part respective de l'auto-assurance et de la contribution du ministère de la défense à la solidarité interministérielle.
L'examen du projet de loi de finances rectificative devra confirmer que ces éléments sont effectivement de nature à sécuriser la trajectoire de la loi de programmation actualisée.