PREMIÈRE PARTIE : MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

Le présent projet de loi de finances prévoit que l'État consacrera 45,1 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 45,2 milliards d'euros de crédits de paiement à la mission « Engagements financiers de l'État » en 2016 .

La maquette de la mission est identique à celle du projet de loi de finances pour 2015, qui avait vu le rattachement à la mission du programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque ».

La mission « Engagements financiers de l'État » comprend cinq programmes d'importance très inégale et dont les finalités sont très différentes les unes des autres :

- Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », sur lequel insistera plus particulièrement votre rapporteur, regroupe les crédits nécessaires au paiement des intérêts de la dette de l'État. Il représente à lui seul 98 % des crédits de paiement de la mission ;

- Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » rassemble les crédits qui correspondent à des garanties accordées par l'État à certains secteurs d'activité (agriculture, exportations, aides aux entreprises) ;

- Le programme 145 « Épargne » finance principalement les primes d'épargne logement versées par l'État lors de la clôture de plans d'épargne logement (PEL) ou de la mobilisation de comptes épargne-logement (CEL) ;

- Le programme 168 « Majoration de rentes » sert des majorations légales acquises par le passé et a vocation à s'éteindre lors des vingt prochaines années ;

- Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque » finance le fonds de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés , créé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. À ce programme est rattaché un fonds de concours alimenté à hauteur de 11,5 millions d'euros par an depuis 2014 par la Société de financement local (SFIL) et sa filiale la Caisse française de financement local (CAFFIL) à hauteur de 10 millions d'euros d'une part, Dexia à hauteur de 1,5 milliard d'euros d'autre part.

Les programmes 336 « Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité » et 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement » ne sont pas dotés de crédits en 2016 .

Évolution en valeur et à périmètre courant des crédits de paiement de la mission

(en euros)

Programmes et actions

LFI 2015

PLF 2016

Variation

PLF 2016 / LFI 2015

117 - Charge de la dette et trésorerie de l'État

44 337 000 000

44 452 000 000

0,3 %

1 - Dette négociable

43 401 000 000

43 532 000 000

0,3 %

3 - Trésorerie

936 000 000

920 000 000

-0,2 %

114 - Appels en garantie de l'État

187 966 523

150 000 000

-20,2 %

1 - Agriculture et environnement

1 000 000

1 000 000

-

2 - Soutien au domaine social, logement, santé

10 000 000

16 900 000

69 %

3 - Financement des entreprises et industrie

10 000 000

4 000 000

-60 %

4 - Développement international de l'économie française

149 300 000


127 600 000

-44 %

5 - Autres garanties

17 666 523

500 000

-99 %

145 - Épargne

476 700 000

354 000 000

-25,7 %

1 - Épargne logement

474 342 650

352 203 000

-25,7 %

2 - Instruments de financement du logement

2 357 350

1 797 000

-23,8 %

168 - Majoration de rentes

168 000 000

151 000 000

-10,1 %

1 - Participation de l'État aux majorations de rentes viagères

168 000 000

151 000 000

-10,1 %

336 - Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité (MES)

-

-

-

1 - Dotation en capital du MES

-

-

-

338 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

-

-

-

1 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

-

-

-

344 - Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

100 000 0000

100 %

1- Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

100 000 000

100 %

Totaux pour la mission

45 219 666 523

45 207 000 000

0,0 %

Source : projet annuel de performances pour 2016

Après les modifications apportées par l'Assemblée nationale, (voir infra ), les crédits de la mission s'établissent à 44,6 milliards d'euros en AE et 45,15 milliards d'euros en CP.

I. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ÉTAT »

Le programme 117 regroupe les crédits que consacre l'État au paiement des intérêts des emprunts qu'il a souscrits pour financer ses déficits successifs .

Ces crédits devraient atteindre en 2016 44,5 milliards d'euros , soit une hausse de 5 % par rapport à la prévision révisée pour 2015 (42,4 milliards d'euros).

Les crédits de l'action 01 « Dette » correspondent à la charge d'intérêt des emprunts de moyen-long terme de l'État et devraient s'élever à 43,53 milliards d'euros , soit une hausse de 5 % par rapport à la prévision révisée pour 2015.

Les crédits de l'action 02 « Trésorerie » représentent le coût pour l'État de son financement infra-annuel. Ce coût devrait atteindre 920 millions d'euros en 2016 .

L'ensemble de ces crédits sont situés en dehors du périmètre de la norme étroite d'évolution des dépenses (norme « zéro valeur »).

A. LA DETTE DE L'ÉTAT VA CONTINUER SON INEXORABLE PROGRESSION EN 2016

1. L'encours de la dette aura augmenté de 62 % entre fin 2008 et fin 2016

La dette de l'État résulte de l'accumulation des déficits budgétaires qui se sont succédés sans discontinuer année après année depuis maintenant plus de quarante ans. Pour mémoire, plus aucun budget n'a été exécuté en équilibre depuis 1974.

À la fin août 2015, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait à 1 574,1 milliards d'euros en valeur actualisée, pour 1 554,8 milliards d'euros d'encours nominal réparti comme suit :

- les titres de maturité résiduelle supérieure à 10 ans représentent 336,5 milliards d'euros , soit 21,6 % de l'encours ;

- les titres de maturité résiduelle comprise entre 5 et 10 ans représentent 400,4 milliards d'euros , soit 25,8 % de l'encours ;

- les titres de maturité résiduelle comprise entre 2 et 5 ans représentent 381,5 milliards d'euros , soit 24,5 % de l'encours ;

- les titres de maturité résiduelle inférieure à 2 ans représentent 436,4 milliards d'euros , soit 28,1 % de l'encours, dont 158,4 milliards d'euros de BTF, soit 10,2 % de l'encours nominal.

Au total, la durée de vie moyenne de la dette négociable au 31 août 2015 était de 7 ans et 32 jours .

Les titres composant la dette négociable de l'État

« La composition de la dette de l'État a été rationalisée par la création de trois catégories de titres standardisés, les valeurs du Trésor : les OAT, les BTAN et les BTF. Ces titres, dont la coupure nominale est de 1 euro, se distinguent par leur maturité à l'émission.
À compter du 1 er janvier 2013 et dans un souci de simplification, les nouveaux titres de références créés sur le moyen terme (de maturité 2 ans et 5 ans) seront désormais émis sous la forme d'OAT (Obligation Assimilable du Trésor) , comme pour les titres de long terme (10 ans et plus). La dénomination spécifique de BTAN (Bon du Trésor à intérêts Annuels) pour les titres de moyen terme n'a en effet plus l'utilité qu'elle avait à l'origine. Les souches de BTAN existantes continueront à être abondées et leur liquidité sera ainsi assurée.

Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont le support de l'endettement à moyen et long terme de l'État. La maturité de ces titres est comprise entre deux et cinquante ans. La plupart des OAT sont à taux fixe et remboursables in fine. Mais le Trésor émet aussi des obligations à taux variable (OAT TEC 10 indexées sur le taux de l'échéance constante à 10 ans) et des obligations indexées sur l'inflation (OATi, OATei).

Les OAT long term e sont émises par adjudication le premier jeudi de chaque mois ; l'État adjuge à cette occasion une ligne à taux fixe d'échéance 10 ans, et si les conditions de marché s'y prêtent, d'autres lignes d'OAT à taux fixe. L'échéance des OAT et la date de paiement du coupon sont fixés au 25 du mois.

Les OAT moyen terme et indexées (TEC 10, OATi, OATei) sont émises par adjudication le troisième jeudi de chaque mois, dans la cadre d'un calendrier annuel publié à l'avance ; l'État émet à cette occasion au moins une ligne d'échéance 2 ou 5 ans.

Les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) représentaient, jusqu'au 31 décembre 2012, l'endettement à moyen terme de l'État. Leur maturité à l'émission était de deux ou cinq ans. Le dernier BTAN arrivera à échéance le 25 juillet 2017.

Les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) sont l'instrument de gestion de trésorerie de l'État. Ils servent à couvrir les fluctuations infra-annuelles de la trésorerie de l'État, qui découlent pour l'essentiel du décalage entre le rythme d'encaissement des recettes et celui du paiement des dépenses, et de l'échéancier d'amortissement de la dette. La maturité des BTF à l'émission est de moins d'un an. Ils sont émis chaque lundi par voie d'adjudication, dans le cadre d'un calendrier trimestriel publié à l'avance et précisant les échéances des bons qui seront mis en adjudication. Un BTF à 3 mois est émis chaque semaine ; s'y ajoute, selon les cas, une émission de BTF semestriels ou annuels. Certains BTF peuvent être émis hors calendrier pour des durées de 4 à 7 semaines en fonction des besoins de trésorerie. »

Source : Agence France Trésor

Selon le projet annuel de performances pour 2016, l'encours nominal de la dette négociable de l'État passera de 1 584,6 milliards d'euros fin 2015 à 1 647,1 milliards d'euros fin 2016, soit une augmentation de 3,9 % . Cette hausse correspond au plafond de la variation de la dette à moyen et long termes 1 ( * ) (60,5 milliards d'euros), à l'évolution du coût d'indexation (2 milliards d'euros), tandis que la dette à court terme resterait stable.

La progression de l'encours de la dette nominale ralentit par rapport au paroxysme de la crise économique et financière de 2008-2009, en raison de la réduction très progressive du déficit de l'État : elle s'élève à 3,7 % entre 2014 et 2015, après 4,8 % entre 2013 et 2014, 5,3 % entre 2012 et 2013, 5,6 % entre 2011 et 2012, 6,8 % entre 2010 et 2011 et 7,1 % entre 2009 et 2010.

Toutefois, votre rapporteur tient à souligner qu'entre la fin 2008 et la fin 2016 , l'encours de la dette de l'État devrait avoir augmenté de 630,5 milliards d'euros , soit une très forte hausse de 62 % .

Alors qu'il devrait s'attaquer frontalement à ce problème en réduisant massivement les dépenses publiques , le Gouvernement se limite à freiner leur croissance tendancielle, se résignant à maintenir un déficit quasiment inchangé en 2016 (72 milliards d'euros) par rapport à 2015 (73 milliards d'euros).

Évolution de l'encours de la dette négociable de l'État

(en milliards d'euros)

encours

fin
2010

fin
2011

fin
2012

fin
2013

fin
2014

fin
2015
(prévision)

Fin
2016
(prévision)

Ensemble de la dette - valeur nominale

1 212,3

1 293,9

1 365,5

1 437,6

1 507,2

1 565,3

1 625,8

OAT & BTAN

1 025,2

1 116,1

1 198,9

1 263,8

1 331,9

1 404,8

1 465,3

BTF

187,1

177,8

166,6

173,8

175,3

160,5

160,5

Supplément d'indexation à la date considérée

16,7

19,1

20,7

20,2

20,4

19,3

21,3

Ensemble de la dette - valeur actualisée (1)

1 229,0

1 313,0

1 386,2

1 457,2

1 527,6

1 584,6

1 647,1

variation d'une année à l'autre

+81,0

+84,0

+73,2

+71,0

+70,4

+57,0

+62,5

(1) Nominal pour les titres à taux fixe ; nominal + supplément d'indexation à la date considérée pour les titres indexés

Source : projet annuel de performances pour 2016

2. 63,9 % de la dette négociable de l'État est détenue par des non-résidents, ce qui témoigne d'une relative confiance mais peut aussi constituer une source de vulnérabilité

À la fin du deuxième trimestre 2015, 63,9 % de la dette française était détenue par des non-résidents, contre 60,5 % en 2007 . Ce taux devrait toutefois diminuer dans les mois à venir sous l'effet du Public Sector Purchase Programme (PSPP) mis en place par la BCE depuis le mois de mars (voir infra ).

Selon le sondage Coordinated Portfolio Investment survey (CPIS) du FMI de juin 2014, 59,5 % de ces titres de dette seraient détenus par des investisseurs en provenance d'autres pays de la zone euro .

Part des détenteurs non-résidents de la dette de l'État

(en %)

Date

BTF

BTAN

OAT

Total dette négociable

31/03/2015

82,6

85,2

60,6

64,4

31/12/2014

82,5

85,6

59,6

62,4

31/12/2013

80,1

81,6

58,3

63,9

31/12/2012

72,0

83,9

54,8

61,9

31/12/2011

79,6

86,7

55,2

64,0

Source : Banque de France

La part des non-résidents atteint 82,6 % pour les BTF , 85,2 % pour les BTAN et 60,6 % pour les OAT .

Avec 57,2 % de sa dette publique (toutes administrations publiques confondues) détenue par des non-résidents en 2014 selon Eurostat, la France atteint un niveau légèrement supérieur à celui de l'Allemagne, dont la dette est jugée comme la plus sure de la zone euro.

Part de détention de la dette publique par des non-résidents
dans les différents pays de l'Union européenne (2014)

Source : Eurostat, juin 2015, données indisponibles pour le Royaume-Uni, le Danemark et la Grèce

Cette part des non-résidents traduit une diversification des détenteurs de notre dette et une relative confiance dans la signature de l'État , ce dont votre rapporteur ne peut que se réjouir.

Dans le même temps, il convient de souligner que le fait que la dette de l'État soit détenue aux deux tiers par des non-résidents peut également apparaître comme une source de vulnérabilité .

En effet, les investisseurs internationaux sont davantage susceptibles d'être influencés par les phénomènes de volatilité excessive des marchés financiers .

Les détenteurs résidents de la dette française présentent également une réelle diversité, dans la mesure où les titres de l'État sont détenus :

- à 18,9 % par des compagnies d'assurances ;

- à 9,7 % par des établissements de crédits ;

- à 1,8 % par des organismes de placements collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

Détention des titres de l'État par groupes de porteurs

Source : Banque de France

En 2015 et en 2016, la demande pour les titres de l'État est et sera déformée par la mise en place du programme d'achats de titres du secteur public ( Public Sector Purchase Programme - PSPP) de la BCE qui conduit la Banque de France à acheter chaque mois près de 8 milliards d'euros de titres de l'État , soit près de 80 % de l'appel net au marché effectué par l'AFT .

La mise en place de ce programme, qui devrait se poursuivre jusqu'en septembre 2016 , emporte deux conséquences sur le profil des détenteurs de la dette de l'État, ainsi que l'a expliqué à votre rapporteur Anthony Requin, directeur général de l'AFT, lors de son audition :

- « la distribution géographique de la demande et de la détention de la dette française devraient présenter un biais domestique fort sur cette période [ entre mars 2015 et septembre 2016] » ;

- « l'impact de ces mesures de politique monétaire sur les taux, notamment l'atteinte de niveaux historiquement bas, a modifié le comportement de nombreux investisseurs, certains adoptant une attitude plus attentiste, dans l'attente d'un retour à des niveaux de taux plus favorables pour leurs investissements. »

3. La notation de la dette française se situe désormais au troisième niveau de l'échelle des différentes agences de notation, loin derrière celle de l'Allemagne

Le 18 septembre 2015, l'agence de notation Moody's a procédé à une nouvelle dégradation de la note de la dette française , qui est passée de « Aa1 » avec perspective « négative » à « Aa2 » avec perspective « stable ».

Pour justifier sa décision, l'agence a invoqué « la faiblesse continue » des perspectives de croissance française, faiblesse qui selon elle « devrait perdurer jusqu'à la fin de la décennie » et empêcher toute « réduction significative du fardeau de la dette ».

Cette anémie , selon l'agence, est principalement due aux « contraintes institutionnelles et politiques », ainsi qu'à la « rigidité du marché du travail », en grande partie responsable d'un taux de chômage élevé.

Cette dégradation répond à celle opérée par Fitch Ratings le 12 décembre 2014 (passage de la note AA avec perspective « stable » à la note AA avec perspective « négative ») et à celle de Standard & Poor's survenue le 10 octobre 2014 (passage de la note AA+ avec perspective « stable » à la note AA avec perspective « négative »).

En maintenant dans le même temps toute leur confiance à l'Allemagne, qui bénéficie auprès de chacune d'entre elles de la note AAA, les agences de notation ont clairement marqué tout l'écart qui sépare aux yeux des investisseurs un pays capable de dégager un excédent budgétaire d'un pays incapable de s'attaquer sérieusement au redressement de ses finances publiques .


* 1 Plafond fixé par l'article d'équilibre du présent projet de loi de finances, conformément à l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

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