Rapport n° 135 (2015-2016) de M. Mathieu DARNAUD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 novembre 2015
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ LOCALE
DE LA CONCURRENCE : UN PARCOURS LÉGISLATIF SUR LE POINT D'ABOUTIR
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A. LA MODERNISATION DU DROIT CALÉDONIEN DE LA
CONCURRENCE
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B. LE CHOIX D'UNE AUTORITÉ LOCALE DE LA
CONCURRENCE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
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1. L'autorisation du législateur organique
de créer une autorité de la concurrence de la
Nouvelle-Calédonie
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2. La création d'une autorité de la
concurrence de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la
Nouvelle-Calédonie
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3. Des nominations des membres de l'autorité
de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie en suspens
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1. L'autorisation du législateur organique
de créer une autorité de la concurrence de la
Nouvelle-Calédonie
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A. LA MODERNISATION DU DROIT CALÉDONIEN DE LA
CONCURRENCE
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II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION :
PRÉVOIR UN STATUT RÉALISTE POUR LES MEMBRES DE L'AUTORITÉ
DE LA CONCURRENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
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I. LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ LOCALE
DE LA CONCURRENCE : UN PARCOURS LÉGISLATIF SUR LE POINT D'ABOUTIR
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EXAMEN EN COMMISSION
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PERSONNE ENTENDUE
N° 135
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2015 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique de Mme Catherine TASCA et plusieurs de ses collègues relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie ,
Par M. Mathieu DARNAUD,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto . |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
574 (2014-2015) et 136 (2015-2016) |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOISRéunie le mercredi 4 novembre 2015 sous la présidence de M. François Pillet, vice-président , la commission a examiné le rapport de M. Mathieu Darnaud et établi son texte sur la proposition de loi organique n° 574 (2014-2015), présentée par Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues, relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie . Le rapporteur a d'abord présenté les évolutions du cadre légal rendues nécessaires par la volonté des autorités calédoniennes de mettre en place une autorité administrative indépendante, créée par la Nouvelle-Calédonie, pour exercer des prérogatives en matière de régulation de la concurrence sur ce territoire. Il a expliqué les difficultés soulevées par l'incompatibilité professionnelle fixée par la loi organique pour les membres de cette autorité. Pour permettre la mise en place de cette autorité, le texte examiné propose de réduire le périmètre de cette incompatibilité. Afin de prendre en compte l'avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur la proposition de loi organique et dans un souci de rapprochement des points de vue avec l'Assemblée nationale, la commission des lois a adopté un amendement de son rapporteur. Seul le président de l'autorité administrative indépendante, compte tenu de la particularité de ses fonctions, serait assujetti à une incompatibilité avec tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie tandis que les autres membres seraient seulement soumis à une incompatibilité avec un emploi public exercé dans les institutions locales. En outre, il est prévu un délai de carence de trois ans empêchant la désignation de ces membres s'ils ont exercé les fonctions couvertes par les incompatibilités professionnelles trois ans auparavant. La commission des lois a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Compte tenu de ses compétences en matière de droit de la concurrence et de droit commercial, votre commission est particulièrement attentive à la question de la « vie chère » dans les outre-mer comme en témoigne l'avis de notre collègue Thani Mohamed Soilihi sur la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer 1 ( * ) ainsi que les travaux d'information qu'elle consacre régulièrement aux collectivités ultramarines.
À la suite de leur déplacement en Nouvelle-Calédonie à l'été 2014, nos collègues Sophie Joissains, Jean-Pierre Sueur et Catherine Tasca ont exposé, dans leur rapport d'information 2 ( * ) , la situation sociale de ce territoire, en relevant « un effort croissant mais récent en faveur de la concurrence ».
Ces progrès sont le fruit des mouvements sociaux d'ampleur, notamment en février 2011 et en mai 2013, motivé par niveau élevé des prix pour les biens de consommation courante. Ce phénomène s'explique par de multiples facteurs, comme l'insularité, l'éloignement des circuits de distribution, les habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains ou encore les frais de transport maritime ou aérien.
C'est pourquoi, par convention en date du 14 février 2012, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a sollicité l'expertise de l'autorité de la concurrence en vue de la réalisation de deux études portant respectivement sur les mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation et sur l'organisation des structures de contrôle en matière de concurrence. L'autorité de la concurrence a dressé, dans ses rapports du 21 septembre 2012 3 ( * ) , un diagnostic qui a confirmé les obstacles à la libre concurrence.
Le secteur économique reste marqué par une concurrence amoindrie pour la fourniture des biens et des services. En effet, l'autorité de la concurrence relevait en 2012 que « dans le grand Nouméa, deux groupes, le groupe Bernard Hayot et le groupe Kénu-In disposent de plus de 80 % de parts de marché en surfaces de vente » 4 ( * ) . L'instauration d'une véritable concurrence libre et non faussée est donc une revendication récurrente de la société civile qui espère ainsi une baisse du niveau général des prix, particulièrement pour les biens de première nécessité.
L'introduction en 2013, au sein de la loi statutaire de 1999, de la faculté pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes avait pour origine la volonté calédonienne de mettre en place une autorité locale de la concurrence. Un objectif identique anime cette proposition de loi organique présentée par notre collègue Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste et républicain.
Toutefois, comme le soulignait notre collègue Catherine Tasca, alors rapporteure du projet de loi organique en 2013 5 ( * ) , le cadre ainsi fixé aurait vocation à régir d'autres autorités administratives indépendantes, à l'instar d'un Conseil supérieur de l'audiovisuel local, si cette compétence devait être transférée aux institutions de la Nouvelle-Calédonie 6 ( * ) .
I. LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ LOCALE DE LA CONCURRENCE : UN PARCOURS LÉGISLATIF SUR LE POINT D'ABOUTIR
La mise en place d'une autorité locale de la concurrence a appelé une refonte du droit applicable localement , tant de la part des autorités locales que nationales qui ont dû, à cette occasion, coordonner leurs interventions normatives respectives.
La Nouvelle-Calédonie est en effet compétente, au moins depuis 1999, pour les matières suivantes « réglementation des professions (...) commerciales, (...) consommation, concurrence et répression des fraudes, droit de la concentration économique, (...) réglementation des prix et organisation des marchés » (article 22 de la loi organique du 19 mars 1999). Sa compétence s'étend, depuis le 1 er juillet 2013, au droit commercial. La Nouvelle-Calédonie doit cependant composer avec la compétence des provinces « en matière d'urbanisme commercial », leur permettant notamment d'autoriser ou non l'ouverture de magasins de la grande distribution.
Pour sa part, l'État a accompagné les institutions calédoniennes pour les mesures relevant de son domaine de compétence (libertés publiques, procédure pénale et organisation judiciaire). Au niveau organique, le Parlement a ainsi dû autoriser la création d'autorités administratives indépendantes. Puis, habilité par le législateur 7 ( * ) , le Gouvernement a publié l'ordonnance n° 2014-471 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l'État en matière de pouvoirs d'enquête, de voies de recours, de sanctions et d'infractions. Particulièrement vigilant sur cette question, le Parlement a déjà modifié à deux reprises cette ordonnance, lors de sa ratification en décembre 2014 8 ( * ) et, plus récemment, en octobre 2015 9 ( * ) .
A. LA MODERNISATION DU DROIT CALÉDONIEN DE LA CONCURRENCE
Pour favoriser la concurrence, les institutions calédoniennes ont profondément rénové et modernisé le cadre juridique en matière de droit économique, en s'appuyant sur les préconisations formulées par l'autorité de la concurrence .
Tout d'abord, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté la loi du pays n° 2014-7 du 14 février 2014 relative aux livres III et IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, il a modernisé l'arsenal juridique à la disposition des autorités locales pour assurer un marché plus concurrentiel et réprimer les comportements anti-concurrentiels. Parallèlement, le contrôle administratif des prix, fortement développé, a été maintenu mais allégé au profit d'une surveillance renforcée de la fixation de ces prix.
Les autorités calédoniennes ont longtemps recouru à la fixation par voie administrative des prix en espérant limiter leur hausse. En 2012, le rapport de l'autorité de la concurrence relevait plusieurs difficultés liées à ce système : il requiert un personnel de contrôle suffisamment nombreux pour en assurer le respect - ce qui n'était pas le cas localement - et il peut conduire à des erreurs de fixation du « juste prix » au regard de la diversité des acteurs économiques (taille des distributeurs, coût de transport variable entre le Grand Nouméa et le reste de l'archipel, situation juridique du distributeur, etc.). Et de conclure : « compte tenu de ces inconvénients, le système de « liberté surveillée » paraît préférable à un système de contrôle des prix, susceptible de générer des distorsions de concurrence entre les provinces » 10 ( * ) .
Le principe de liberté de fixation des prix est donc désormais assorti de deux exceptions :
- le régime de la « liberté surveillée » : les prix sont déposés auprès du service compétent du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au moins quinze jours avant leur entrée en vigueur ;
- le régime de la « liberté contrôlée » : les prix sont soumis à l'accord préalable du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
S'agissant du contrôle de la concurrence, l'autorité de la concurrence relevait, en 2012, l'absence de disposition relative au contrôle des concentrations , malgré une délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie de 2009 restée sans suite. Suivant les pistes de réflexion esquissée par l'autorité de la concurrence, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a institué un tel contrôle selon un mécanisme proche de celui applicable en métropole. Au terme de l'instruction d'une demande présentée sur une opération envisagée de concentration (absorption, fusion, prise de contrôle du capital, etc.), le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie autorise, éventuellement sous conditions, ou refuse l'opération par un arrêté motivé et susceptible d'un recours devant le tribunal administratif. En cas d'absence de demande ou de violation de la décision arrêtée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ce dernier peut adresser une injonction, éventuellement assortie d'une astreinte, ainsi que des sanctions pécuniaires.
Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dispose de pouvoirs similaires pour le contrôle des opérations dans le secteur du commerce de détail lorsque la mise en exploitation, la reprise ou le changement d'enseigne ou de secteur d'activité porte sur un commerce dont la surface de vente est ou devient supérieure à 350 mètres carrés.
Saisi de la loi du pays par la présidente de l'assemblée de la province Sud, le Conseil constitutionnel a validé ces règles, y compris celles plus rigoureuses qu'en métropole « eu égard aux particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie et au degré de concentration dans ce secteur d'activité » 11 ( * ) .
De même, le Conseil constitutionnel a admis le prononcé d'injonctions structurelles 12 ( * ) à l'encontre d'entreprises ou de groupes d'entreprises en cas de position dominante, en l'absence d'engagements proposés par l'entreprise ou le groupe d'entreprise ou si ces engagements ne paraissent pas de nature à mettre un terme aux « préoccupations de concurrence ». Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie peut alors enjoindre de modifier, compléter ou résilier tous accords et actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui permet les pratiques constatées en matière de prix ou de marges et peut également enjoindre de procéder à la cession d'actifs si cette cession constitue le seul moyen de garantir une concurrence effective. L'inexécution de ces injonctions peut aboutir à des sanctions pécuniaires, assorties éventuellement d'astreintes.
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a également mieux défini et réprimé les pratiques anticoncurrentielles (abus de position dominante, entente, etc.) ou restrictives de concurrence (refus de vente, reventes à perte, pratiques abusives ou discriminatoires, etc.). Suivant également une recommandation de l'autorité de la concurrence en 2012, il a introduit une procédure non contentieuse pour les situations qui, sans constituer une pratique anticoncurrentielle, soulève des préoccupations sur la situation de la concurrence. Dans le cadre de cette procédure négociée, l'entreprise propose, sur une base volontaire, des engagements qui, s'ils apparaissent pertinents, crédibles et vérifiables, sont rendus obligatoires par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ce qui a pour effet de clore la procédure.
Enfin, le législateur national a prévu les pouvoirs d'enquête et les voies de recours relevant de la procédure pénale . Contrairement aux options du Gouvernement au sein de l'ordonnance du 7 mai 2014, le Parlement a choisi :
- à l'initiative de l'Assemblée nationale, de confier le contentieux judiciaire de l'autorité de la concurrence à la cour d'appel de Paris, déjà compétente pour connaître du contentieux de l'autorité nationale de la concurrence, et non à celle de Nouméa ;
- à l'initiative du Sénat, d'appliquer, au regard du principe constitutionnel d'égalité devant la loi pénale, les mêmes peines d'emprisonnement pour les pratiques anticoncurrentielles interdites par le code de commerce applicable localement (abus de position dominante, entente, etc.) que celles en vigueur en métropole.
B. LE CHOIX D'UNE AUTORITÉ LOCALE DE LA CONCURRENCE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Le contrôle du respect de ces nouvelles règles, fortement inspirées du droit applicable en métropole, repose sur le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Cependant, les autorités calédoniennes ont choisi de confier, à terme, cette responsabilité à une autorité administrative indépendante. Cette solution a été privilégiée par rapport à une simple autorité consultative chargée d'assister le gouvernement ou à un partenariat ponctuel avec des autorités administratives ou publiques indépendantes nationales. À titre transitoire, ses pouvoirs restent exercés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie jusqu'à la réunion constitutive du collège de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.
L'option d'une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs décisionnels imposait, sur le modèle de la faculté ouverte à la Polynésie française dès 2011 13 ( * ) , de modifier les dispositions organiques formant le statut de la Nouvelle-Calédonie.
1. L'autorisation du législateur organique de créer une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie
Comme le Conseil d'État le rappelait dans un avis du 22 décembre 2009 sollicité par M. Philippe Gomès, alors président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, aucun obstacle constitutionnel n'existe à la création par le congrès de la Nouvelle-Calédonie d'autorités administratives indépendantes dans les domaines relevant de sa compétence. Cependant, l'exercice par cette dernière d'un pouvoir de règlementation, de sanction ou de transaction appelait une modification de la loi organique du 19 mars 1999 pour doter le congrès de la Nouvelle-Calédonie de la faculté de créer un organe exerçant des compétences normalement dévolues au gouvernement local.
Répondant au souhait du comité des signataires, le Parlement ouvrait cette voie, par un vote unanime, avec l'article 1 er de la loi organique n° 2013-1027 du 15 novembre 2013. Au cours de la discussion parlementaire, le Parlement s'est attaché à fixer les conditions de l'indépendance et de l'impartialité des membres appelés à siéger au sein de cette autorité.
À l'initiative de notre collègue Catherine Tasca, rapporteure, le Sénat a inscrit le principe de l'irrévocabilité du mandat de tout membre de cette autorité, en n'autorisant sa révocation « qu'en cas d'empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l'autorité » (article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999). Pour asseoir leur autorité, notre Haute assemblée a prévu, toujours à l'initiative de sa rapporteure, que le gouvernement local ne peut procéder à leur nomination que si, après une audition publique du candidat proposé, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie approuve, par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, cette candidature (article 93-1 de la loi organique du 19 mars 1999).
Parallèlement, l'Assemblée nationale, suivant la proposition de son rapporteur M. René Dosière, a soumis les membres de cette autorité à un régime d'incompatibilité stricte : « La fonction de membre d'une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation » (article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999).
2. La création d'une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie
La loi du pays n° 2014-12 du 24 avril 2014 portant création de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et modifiant le livre IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie a marqué une nouvelle étape. Cette loi du pays, finalement adoptée à l'unanimité, crée une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie au statut d'autorité administrative indépendante.
Cette autorité « veille au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés en Nouvelle-Calédonie ». À compter de son installation, elle exercera les prérogatives actuellement détenues par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Elle comprendra un président et trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans et parmi lesquels sera désigné un vice-président. S'il est prévu que « le président exerce ses fonctions à plein temps », les autres membres seront « non permanents ».
L'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie délibérera sous la forme de collège comprenant le président et deux autres membres. Cette règle doit permettre au collège de statuer, à la majorité des membres, tout en permettant à un membre, au besoin, de ne pas participer à la délibération.
En effet, chaque membre de l'autorité est tenu à une règle de déport lorsqu' « il a un intérêt ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées ». Il doit également informer le président de l'autorité des intérêts détenus ou acquis et des fonctions exercées dans une activité économique, ainsi que de toute fonction rémunérée au cours des cinq années précédentes (fonctions au sein d'une entreprise exerçant, directement ou indirectement, une activité à but lucratif en Nouvelle-Calédonie et fonction de conseil exercée, directement ou indirectement, au bénéfice d'une telle entreprise).
Les candidats pressentis à ces fonctions devront non seulement se soumettre à la procédure précédemment rappelée mais aussi disposer de compétences reconnues en matière de concurrence. Il est ainsi expressément prévu que : « Le président est nommé en raison de ses compétences dans les domaines juridique et économique, ainsi qu'en raison de son expérience significative en droit et en pratique en matière de concurrence. [...] Outre son président, le collège comprend trois membres non permanents désignés en raison de leur expérience significative en matière juridique ou économique. »
Sur le modèle de l'autorité nationale de la concurrence, l'autorité locale disposera d'un rapporteur général qui dirigera le service d'instruction. Cette distinction permet d'assurer la séparation, exigée par le juge constitutionnel, des autorités de poursuite et des formations de jugement.
Le rapporteur général est soumis aux mêmes obligations que les membres du collège en termes d'incompatibilités et de nomination (désignation par le gouvernement après audition publique et approbation à la majorité qualifiée du congrès de la Nouvelle-Calédonie). La fin de ses fonctions ne pourra, hors le cas de démission, être provoquée par le gouvernement que sur avis conforme, à la même majorité, du congrès de la Nouvelle-Calédonie.
En contrepartie de cette indépendance, les conditions du contrôle de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie par l'autorité politique sont prévues. Si « le président de l'autorité rend compte des activités de celle-ci devant le congrès de la Nouvelle-Calédonie, à sa demande », un rapport public est également adressé, chaque année, avant le 30 juin, au gouvernement et au congrès de la Nouvelle-Calédonie.
3. Des nominations des membres de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie en suspens
Bien que l'ensemble des textes législatifs et règlementaires aient été pris par les autorités locales et nationales pour mettre en place l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, cette instance n'a toujours pas été installée à ce jour . Interrogée le 17 juin 2014 par notre collègue Catherine Tasca, la ministre des outre-mer n'indiquait aucune date pour la désignation des membres de l'autorité. Quelques mois plus tard, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, autorité de nomination, a fait savoir ses difficultés à recruter des membres au regard des incompatibilités prévues par le législateur organique.
Cette situation a été exposée, en séance publique à l'Assemblée nationale le 15 juillet 2015, par le député Philippe Gomès : « Le problème est que, si cette incompatibilité ne soulève pas de difficultés s'agissant du président et du rapporteur de cette autorité administrative indépendante - car ils exercent ces fonctions à temps plein -, il n'en va pas de même pour les autres membres, qui ne peuvent pas vivre uniquement des vacations qui leur sont allouées au titre des délibérations » 14 ( * ) .
Comme notre collègue Catherine Tasca, à l'occasion de l'examen de la loi organique n° 2015-987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, notre collègue député Philippe Gomès souhaitait modifier, à la faveur du texte examiné, la loi statutaire. Au regard de l'objet de la réforme débattue, votre commission des lois, par la voix de son président, et le Gouvernement, par la voix de la ministre des outre-mer, étaient convenus de la difficulté soulevée, tout en appelant à examiner une telle disposition au sein d'un texte dédié.
Au Sénat, comme le rappelle l'auteur de la présente proposition de loi organique, le Gouvernement s'était engagé à soutenir une initiative parlementaire en ce sens, ce qui avait conduit notre collègue Catherine Tasca à retirer son amendement. En conséquence, elle a, avec les collègues de son groupe, déposé, dès le 30 juin 2015, la proposition de loi organique que votre commission est appelée à examiner. À l'Assemblée nationale, deux propositions de loi organiques, au dispositif différent de l'initiative sénatoriale, ont également été déposées avec la même finalité.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : PRÉVOIR UN STATUT RÉALISTE POUR LES MEMBRES DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
La présente proposition de loi organique propose de modifier l'article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999 afin de limiter l'incompatibilité applicable aux membres d'une autorité administrative indépendante, créée par la Nouvelle-Calédonie, aux seuls emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie. Elle permet ainsi le recrutement de fonctionnaires ou contractuels employés par une personne publique, sous réserve qu'ils n'exercent pas sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, sans distinction de l'employeur public.
Saisi par le président du Sénat, en application de l'article 77 de la Constitution, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a, le 28 septembre 2015, émis un avis favorable sur ce texte sous réserve d'une demande de complément et de modification .
D'une part, le congrès de la Nouvelle-Calédonie appelait à reprendre une rédaction plus souple de l'incompatibilité, adoptée par M. Philippe Gomès dans la proposition de loi organique qu'il a déposée. Il avait exprimé son point de vue en juillet 2015 puisqu'il proposait alors de « limiter l'interdiction aux emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie, sous l'autorité des instances calédoniennes », envisageant que « des fonctionnaires d'État - magistrats financiers ou professeurs d'économie, par exemple - pourraient ainsi venir utilement en Nouvelle-Calédonie pour y effectuer des vacations et permettre ainsi à cette autorité de s'installer 15 ( * ) ».
D'autre part, le congrès de la Nouvelle-Calédonie s'interrogeait « sur la possibilité d'introduire un délai de carence d'au moins trois années s'agissant d'agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie pour le compte de l'État ou d'agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie et ayant atteint l'âge de la retraite », appelant à retenir un « délai significatif ».
Souhaitant prendre en compte ces observations, votre commission des lois a adopté un amendement COM-1 de son rapporteur . Ce dernier présente une solution de compromis par rapport à la rédaction initiale de la proposition de loi organique et l'avis exprimé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Serait ainsi distingué le régime d'incompatibilité professionnelle du président par rapport aux autres membres d'une autorité administrative indépendante, compte tenu de la différence de situation. Comme le prévoit la loi du pays du 24 avril 2014, le président a un régime spécifique : à temps plein, il peut prendre des décisions seuls (notamment en matière d'irrecevabilité des demandes). En outre, il est l'autorité à laquelle les autres membres de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sont chargés de faire état d'éléments de nature à entraîner un conflit d'intérêts.
Par voie de conséquence, le président serait soumis à une incompatibilité professionnelle plus rigoureuse puisqu'il ne pourrait exercer, comme le prévoyait la rédaction initiale du texte, aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie. En revanche, les autres membres pourraient exercer parallèlement un emploi public mais uniquement au sein de l'État, notamment au sein des juridictions ou de l'université, comme l'appellent de ses voeux le congrès de la Nouvelle-Calédonie et le député Philippe Gomès.
Cette solution est conforme aux règles constitutionnelles. D'une part, elle n'apporte pas une atteinte disproportionnée à la liberté des membres au regard de l'objectif de prévention des conflits d'intérêts, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a jugé, en 2013, conforme à la Constitution une incompatibilité professionnelle au périmètre plus large. D'autre part, cette différence de traitement entre le président et les autres membres ne contrevient pas au principe d'égalité puisqu'elle est justifiée par la différence de situation entre eux.
Pour prolonger l'observation du congrès de la Nouvelle-Calédonie, votre commission a également institué un délai de carence de trois ans , empêchant que soit nommée une personne qui, au cours des trois années précédant sa désignation, aurait exercé les mandats ou fonctions ou détenu les intérêts compris dans le champ des incompatibilités s'appliquant respectivement au président ou aux autres membres d'une autorité administrative indépendante.
Par cette solution, votre commission a manifesté son souhait d'aboutir, dans les meilleurs délais, à l'adoption de ce texte dans une approche consensuelle entre les deux assemblées parlementaires, comme il est d'usage depuis de nombreuses années, pour les textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
*
* *
Votre commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
__________
M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Le coût élevé de la vie dans les outre-mer est une question à laquelle notre commission prête la plus grande attention, du fait de ses compétences en matière de droit de la concurrence et de droit commercial.
La Nouvelle-Calédonie représente à ce sujet un cas d'espèce, puisque les biens de consommation courante sont soumis à des prix élevés, à cause de nombreux obstacles dressés face à la libre concurrence et constatés en 2012 par un rapport de l'autorité de la concurrence.
L'introduction en 2013, au sein de la loi statutaire de 1999, de la faculté pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes avait pour origine la volonté calédonienne de mettre en place une autorité locale de la concurrence. Un objectif identique anime cette proposition de loi organique présentée par notre collègue Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste et républicain.
Les autorités calédoniennes ont choisi de confier, à terme, la responsabilité du contrôle de la concurrence à une autorité administrative indépendante.
L'option d'une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs décisionnels imposait, sur le modèle de la faculté ouverte à la Polynésie française dès 2011, de modifier les dispositions organiques formant le statut de la Nouvelle-Calédonie.
Comme le Conseil d'État le rappelait dans un avis du 22 novembre 2009, aucun obstacle constitutionnel n'existe à la création par le congrès de la Nouvelle-Calédonie d'autorités administratives indépendantes dans les domaines relevant de sa compétence. Cependant, l'exercice par cette dernière d'un pouvoir de règlementation, de sanction ou de transaction appelait une modification de la loi organique du 19 mars 1999 pour doter le congrès de la faculté de créer un organe exerçant des compétences normalement dévolues au gouvernement local.
Répondant au souhait du comité des signataires, le Parlement ouvrait cette voie, par un vote unanime, avec l'article 1er de la loi organique du 15 novembre 2013. Au cours de la discussion parlementaire, il s'est attaché à fixer les conditions de l'indépendance et de l'impartialité des membres appelés à siéger au sein de cette autorité.
À l'initiative de notre collègue Catherine Tasca, rapporteure, le Sénat a inscrit le principe de l'irrévocabilité des membres de cette autorité, et a prévu leur nomination après un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du congrès.
Parallèlement, l'Assemblée nationale, suivant la proposition de son rapporteur M. René Dosière, a soumis les membres de cette autorité à un régime d'incompatibilité stricte, rendant cette fonction incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation.
La loi du pays du 24 avril 2014 a marqué une nouvelle étape, en créant une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie au statut d'autorité administrative indépendante.
Elle comprendra un président et trois autres membres - dont un vice-président - nommés pour une durée de cinq ans. S'il est prévu que « le président exerce ses fonctions à plein temps », les autres membres seront « non permanents ».
Si l'ensemble des textes législatifs et règlementaires ont été pris par les autorités locales et nationales pour la mettre en place, cette instance n'a pas été installée à ce jour.
Interrogée le 17 juin 2014 par notre collègue Catherine Tasca, la ministre des outre-mer n'indiquait aucune date pour la désignation des membres de l'autorité. Quelques mois plus tard, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, autorité de nomination, a fait savoir ses difficultés à recruter des membres au regard des incompatibilités prévues par le législateur organique.
Cette situation a été exposée en séance publique à l'Assemblée nationale par le député Philippe Gomès, rappelant que si cette incompatibilité ne soulève pas de difficultés s'agissant du président et du rapporteur qui exercent ces fonctions à temps plein, il n'en va pas de même pour les autres membres.
Comme notre collègue Catherine Tasca, à l'occasion de l'examen de la loi organique du 5 août 2015 relative à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, notre collègue député Philippe Gomès souhaitait modifier, à la faveur du texte examiné, la loi statutaire. Au regard de l'objet de la réforme débattue, votre commission des lois, par la voix de son président, et le Gouvernement, par la voix de la ministre des outre-mer, étaient convenus de la difficulté soulevée, tout en appelant à examiner une telle disposition au sein d'un texte dédié.
Au Sénat, comme le rappelle notre collègue Catherine Tasca, le Gouvernement s'était engagé à soutenir une initiative parlementaire en ce sens, ce qui l'avait conduite à retirer son amendement. En conséquence, elle a déposé dès le 30 juin 2015, la présente proposition de loi organique. À l'Assemblée nationale, deux propositions de loi organiques, au dispositif différent de l'initiative sénatoriale, ont également été déposées avec la même finalité.
Je vous propose de prévoir un statut réaliste pour les membres de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.
La présente proposition de loi organique propose de modifier l'article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999 afin de limiter l'incompatibilité applicable aux membres d'une autorité administrative indépendante, créée par la Nouvelle-Calédonie, aux seuls emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie. Elle permet ainsi le recrutement de fonctionnaires ou contractuels employés par une personne publique, sous réserve qu'ils n'exercent pas sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, sans distinction de l'employeur public.
Saisi par le président du Sénat, en application de l'article 77 de la Constitution, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a, le 28 septembre 2015, émis un avis favorable sur ce texte sous réserve d'une demande de complément et d'une demande de modification.
D'une part, le congrès appelait à reprendre une rédaction plus souple de l'incompatibilité, retenue par M. Philippe Gomès dans la proposition de loi organique qu'il a déposée. Il avait exprimé son point de vue en juillet 2015 puisqu'il proposait alors de « limiter l'interdiction aux emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie, sous l'autorité des instances calédoniennes » , envisageant que « des fonctionnaires d'État - magistrats financiers ou professeurs d'économie, par exemple - pourraient ainsi venir utilement en Nouvelle-Calédonie pour y effectuer des vacations et permettre ainsi à cette autorité de s'installer ».
D'autre part, le congrès de la Nouvelle-Calédonie s'interrogeait « sur la possibilité d'introduire un délai de carence d'au moins trois années s'agissant d'agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie pour le compte de l'État ou d'agents ayant exercés en Nouvelle-Calédonie et ayant atteint l'âge de la retraite », appelant à retenir un « délai significatif ».
Souhaitant prendre en compte ces observations, je vous propose un amendement qui présente une solution de compromis par rapport à la rédaction initiale de la proposition de loi organique et l'avis exprimé par le congrès sur ce texte.
Serait ainsi distingué le régime d'incompatibilité professionnelle du président par rapport aux autres membres d'une autorité administrative indépendante, compte tenu de la différence de situation. Comme le prévoit la loi du pays du 24 avril 2014, le président a un régime spécifique : à temps plein, il peut prendre des décisions seul. En outre, il est l'autorité à laquelle les autres membres de l'autorité sont chargés de faire état d'éléments de nature à entraîner un conflit d'intérêts.
Par voie de conséquence, le président serait soumis à une incompatibilité professionnelle plus rigoureuse puisqu'il ne pourrait exercer aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie, comme le prévoyait la rédaction initiale du texte. En revanche, les autres membres pourraient exercer parallèlement un emploi public mais uniquement au sein de l'État, notamment au sein des juridictions ou de l'université, comme l'appellent de ses voeux le congrès et le député Philippe Gomès.
Cette solution est conforme aux règles constitutionnelles. D'une part, elle n'apporte pas une atteinte disproportionnée à la liberté des membres au regard de l'objectif de prévention des conflits d'intérêts, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a jugé, en 2013, conforme à la Constitution une incompatibilité professionnelle au périmètre plus large. D'autre part, cette différence de traitement entre le président et les autres membres ne contrevient pas au principe d'égalité puisqu'elle est justifiée par la différence de situation entre eux.
Pour prolonger l'observation du congrès, je vous propose également d'instituer un délai de carence de trois ans, empêchant que soit nommée une personne qui, au cours des trois années précédant sa désignation, aurait exercé les mandats ou fonctions ou détenu les intérêts compris dans le champ des incompatibilités s'appliquant respectivement au président ou aux autres membres d'une autorité administrative indépendante.
Par cette solution, je vous propose d'aboutir, dans les meilleurs délais, à l'adoption de ce texte dans une approche consensuelle entre les deux assemblées parlementaires, comme il est d'usage depuis de nombreuses années, pour les textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
Mme Catherine Tasca . - Je souscris au rapport présenté par le rapporteur.
Je souhaiterais expliciter les interrogations concernant la préservation de l'indépendance de cette autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. L'archipel présentant une superficie limitée, des liens existent entre différents acteurs de sa vie publique et économique. Notre préoccupation a donc consisté à prévoir des mesures pour s'assurer de l'indépendance des membres de cette autorité. Il est particulièrement important d'assurer cette indépendance dès la mise en place de l'autorité afin d'en assurer la crédibilité. Dans ce contexte, je souscris à l'amendement de notre rapporteur.
En outre, des discussions sont en cours avec nos collègues de l'Assemblée nationale. Pour mémoire, en 2013, le député Philippe Gomès n'était pas favorable à l'incompatibilité telle qu'elle existe. Le premier texte voté par l'Assemblée n'a pas permis la mise en place de cette autorité et il convient donc de le modifier.
M. Jean-Pierre Sueur et moi-même avons prévu des garde-fous pour garantir l'indépendance des membres de l'autorité. L'enjeu est donc de faire émerger un compromis avec nos collègues députés. Je rappelle que l'Assemblée nationale et le Sénat ont toujours recherché, pour des raisons évidentes, le consensus au sujet de la Nouvelle-Calédonie.
Il est donc souhaitable de rapprocher les points de vue. L'un des points de désaccord restant pourrait être le délai de carence imposé avant la nomination des membres de l'autorité. Je privilégie la solution de notre rapporteur mais, à titre personnel, je pense qu'il est envisageable de réduire ce délai afin d'obtenir le consensus.
M. Pierre-Yves Collombat . - Je m'en voudrais de priver la Nouvelle-Calédonie de cet instrument de modernité qu'est une autorité administrative indépendante, oxymore juridique comme le rappelait notre ancien collègue Patrice Gélard.
Toutefois, la commission d'enquête sénatoriale sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes préconise la suppression du titre « d'autorité administrative indépendante » pour la moitié d'entre elles.
Je suis donc réservé sur la création par le Parlement d'une nouvelle autorité indépendante. À titre personnel, je m'abstiendrai sur ce texte.
M. Mathieu Darnaud . - Pour répondre à notre collègue Pierre-Yves Collombat, ce texte ne crée aucune autorité administrative indépendante supplémentaire. Il se borne à donner les moyens au congrès de la Nouvelle-Calédonie de réellement créer une autorité compétente en matière de régulation de la concurrence.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. François Pillet , président . - Je considère que l'amendement présenté par le rapporteur a été défendu et je le mets aux voix.
L'amendement COM-1 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
M. Darnaud, rapporteur |
1 |
Distinction du régime d'incompatibilité professionnelle du président et des autres membres d'une autorité administrative indépendante calédonienne et fixation d'un délai de carence pour leur désignation |
Adopté |
PERSONNE ENTENDUE
Mme Catherine Tasca , sénatrice, auteur de la proposition de loi organique
* 1 Avis n° 781 (2011-2012) de M. Thani Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a11-781/a11-781.html.
* 2 Rapport d'information n° 104 (2014-2015) de Mme Sophie Joissains, M. Jean-Pierre Sueur et Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des lois, Nouvelle-Calédonie : continuer à avancer vers le destin commun, 19 novembre 2014. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r14-104/r14-104.html.
* 3 Geneviève Wibaux, rapport relatif aux structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie, 21 septembre 2012 - Thibault Decruyenaere et Philippe Sauze, rapport relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation en Nouvelle-Calédonie, 21 septembre 2012.
* 4 Geneviève Wibaux, rapport relatif aux structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie, 21 septembre 2012
* 5 Rapport n° 777 (2012-2013) de Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des lois, 17 juillet 2013
* 6 La communication audiovisuelle est une compétence de l'État que, en application de l'article 27 de la loi organique du 19 mars 1999, sera transférée dès lors que le congrès de la Nouvelle-Calédonie le sollicitera.
* 7 II de l'article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
* 8 Article 56 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.
* 9 Article 75 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer.
* 10 Geneviève Wibaux, rapport relatif aux structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie, 21 septembre 2012.
* 11 Conseil constitutionnel, 1 er octobre 2013, n° 2013-3 LP.
* 12 Une injonction structurelle désigne le pouvoir d'une autorité de régulation d'enjoindre à un acteur économique de céder une partie de ses actifs pour modifier la structure de marché.
* 13 L'article 30-1 de la loi organique n° 2004-192 portant statut d'autonomie de la Polynésie française a été introduit par l'article 8 de la loi organique n° 2011-918 du 1 er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
* 14 Assemblée nationale (XIVème législature - session extraordinaire 2014-2015), compte-rendu intégral de la deuxième séance du mercredi 15 juillet 2015.
* 15 Assemblée nationale (XIVème législature - session extraordinaire 2014-2015), compte-rendu intégral de la deuxième séance du mercredi 15 juillet 2015