B. AGIR DÈS 2016 POUR PRÉPARER UNE RÉFORME DES RETRAITES PLUS AMBITIEUSE APRÈS 2017
1. Une réforme ambitieuse des retraites ne pourra désormais intervenir qu'après les élections de 2017
a) Le report de l'âge légal est la solution la plus efficace et juste
Le retour à l'équilibre de la branche vieillesse dans son ensemble n'apparaît pas comme un objectif crédible à législation constante. La réforme de 2014 n'a pas apporté une réponse suffisante aux enjeux soulevés par les perspectives financières très négatives du système des retraites.
La mesure d'allongement de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension de retraite à taux plein, prévue par la loi du 20 janvier 2014, permet d'augmenter cette période de 6 trimestres soit 1,5 an. Elle va ainsi passer de 166 trimestres à 172 trimestres entre 2020 et 2035, en vertu de l'article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale. L'impact de cette mesure sur les finances de la branche vieillesse ne se fera pas sentir à court terme.
Or, les besoins de rééquilibrage des comptes sont immédiats . Parmi les trois leviers à la disposition des pouvoirs publics, celui du relèvement de l'âge légal semble le plus pertinent pour l'avenir.
Comme le rappelle le COR, le rôle joué par les différents paramètres varie considérablement selon les périodes :
- entre 2003 et 2010, c'est l'augmentation des prélèvements obligatoires qui a le plus contribué à la couverture du besoin de financement lié au vieillissement ; en effet, les mesures de report sur l'âge ont toutes été compensées par la mise en place du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue ;
- de 2011 à 2020, le relèvement des âges légaux et l'allongement de la durée de cotisation pourraient couvrir 60 à 80 % de l'accroissement du besoin de financement lié au vieillissement ;
- de 2020 à 2040, la principale contribution au besoin de financement sera la diminution de la pension moyenne relative des retraités, due à l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, et ce d'autant plus que la croissance et donc la hausse des salaires sera forte. Le relèvement de l'âge moyen de départ à la retraite permettrait encore de couvrir entre 40 et 50 % du besoin de financement du système de retraite lié au vieillissement.
Dans le rapport de la Mecss de juillet dernier, votre rapporteur faisait l'analyse que le levier des prélèvements obligatoires ne pouvait plus raisonnablement être utilisé, après la forte hausse des taux de cotisation vieillesse intervenue entre 2012 et 2014 et pesant sur le coût du travail. De même, la baisse relative des pensions par rapport aux revenus des actifs dans les prochaines années en raison de l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, conjuguée au report de la date de revalorisation au 1 er octobre et à la nécessité de maintenir le pouvoir d'achat des retraités, interdit toute diminution des pensions. Par conséquent, le levier de l'âge légal de départ à la retraite est celui qui permet le plus de marge de manoeuvre.
Ce levier doit être actionné en priorité.
b) Le Sénat soutient vigoureusement cette option
Cette analyse avait conduit le Sénat a adopté, l'année dernière lors de l'examen du PLFSS pour 2015, un report de l'âge légal à 64 ans à l'horizon 2021 ainsi que de l'âge d'annulation de la décote à 69 ans, dans le prolongement de la réforme de 2010.
Figure n° 9 : Age légal de départ à la retraite à la suite de la réforme de 2010
Génération |
Age légal de départ |
Avant le 1 er juillet 1951 |
60 ans |
A partir du 1 er juillet 1951 |
60 ans et 4 mois |
A partir du 1 er janvier 1952 |
60 ans et 9 mois |
A partir du 1 er janvier 1953 |
61 ans et 2 mois |
A partir du 1 er janvier 1954 |
61 ans et 7 mois |
A partir du 1 er janvier 1955 |
62 ans |
Générations suivantes |
62 ans |
Figure n° 10 : Le relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite tel qu'il résulterait d'une poursuite du mouvement entamé par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites au-delà de 2017 et jusqu'en 2024
Génération |
Age légal de départ |
A partir du 1 er janvier 1955 |
62 ans |
A partir du 1 er janvier 1956 |
62 ans et 5 mois |
A partir du 1 er janvier 1957 |
62 ans et 10 mois |
A partir du 1 er janvier 1958 |
63 ans et 3 mois |
A partir du 1 er janvier 1959 |
63 ans et 8 mois |
A partir du 1 er janvier 1960 |
64 ans |
Outre les perspectives financières négatives, votre rapporteur considère que l'opinion publique est consciente du caractère inéluctable de la poursuite du relèvement de l'âge légal. Un récent sondage a montré que 92 % des Français se disent inquiets pour l'avenir de leur retraite.
Ce rapport à l'assurance vieillesse est assez paradoxal pour l'une des branches de la sécurité sociale qui a sans doute été la plus réformée depuis le début des années 1990 28 ( * ) .
La question des retraites devrait figurer en bonne place dans le débat présidentiel de 2017.
Dans l'attente d'une réforme d'envergure, votre rapporteur souhaite tirer les conclusions de l'accord Agirc-Arrco sur l'introduction d'une nouvelle disparité entre public et privé et répondre au retour du déficit des régimes de base à l'horizon 2019 ainsi qu'à la persistance du déficit du FSV.
C'est l'objet de l'amendement qu'il a déposé et qui a été adopté devant votre commission.
2. Dès 2016, augmenter progressivement l'âge légal de la retraite à 63 ans pour éviter d'introduire une nouvelle disparité entre les secteurs public et privé et répondre à la persistance du déficit de la branche vieillesse
Votre commission a adopté un article additionnel au projet de loi visant à prolonger, au-delà du 1 er janvier 2017, le relèvement graduel de l'âge légal prévu par la réforme de 2010, pour le porter à 63 ans à compter de la génération née après le 1 er janvier 1957 à compter de 2019.
La mise en oeuvre de cette mesure nécessite de modifier le rythme de relèvement pour les générations nées à partir du 1 er janvier 1956 en le faisant passer de 5 à 6 mois par génération selon le calendrier suivant :
Date de naissance |
Age légal
|
Date d'entrée
|
À partir du 1 er juillet 1951 |
60 ans et 4 mois |
1 er juillet 2013 |
À partir du 1 er janvier 1952 |
60 ans et 9 mois |
1 er janvier 2014 |
À partir du 1 er janvier 1953 |
61 ans et 2 mois |
1 er janvier 2015 |
À partir du 1 er janvier 1954 |
61 ans et 7 mois |
1 er janvier 2016 |
À partir du 1 er janvier 1955 |
62 ans |
1 er janvier 2017 |
À partir du 1 er janvier 1956 |
62 ans et 6 mois |
1 er janvier 2018 |
À partir du 1 er janvier 1957 |
63 ans |
1 er janvier 2019 |
En revanche, votre commission n'a pas souhaité relever l'âge d'annulation de la décote au-delà de 67 ans pour ne pas pénaliser à court terme les personnes ayant eu une carrière incomplète . D'après les statistiques de la Cnav, le flux de personnes liquidant une pension à l'âge d'annulation de la décote est faible (inférieur à 10 %) et concerne majoritairement des petites pensions.
S'il est difficile de chiffrer précisément l'impact financier du recul de l'âge légal qui diffère selon les générations, il semble raisonnable de considérer que cette mesure pourrait générer des économies permettant de ramener durablement à l'équilibre le système des retraites en effaçant le déficit du FSV.
Soucieuse de l'avenir du système de retraites par répartition, votre commission a donc privilégié cette solution équilibrée.
* 28 L'étude récente de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux montre que le cumul des réformes des retraites depuis 1993 conduira à l'augmentation, à terme, de l'âge moyen de départ de deux ans et demi (n° 915, avril 2015). Il est donc faux de dire que rien n'a été fait pour les retraites !