B. LES EFFETS DÉFAVORABLES DE LA PUBLICITÉ SUR LES COMPORTEMENTS D'ACHAT ET SUR L'ÉCONOMIE
1. La publicité télévisée accroît la dépendance des jeunes aux marques
Le taux d'équipement des foyers en postes de télévision reste très élevé puisqu'il est supérieur à 97 % et le taux d'écoute quotidienne des enfants de 4 à 14 ans reste assez stable depuis 2003 à environ 2 heures et 10 secondes par jour, ce qui ne permet pas de confirmer l'idée selon laquelle les jeunes enfants délaisseraient la télévision pour Internet comme c'est sans doute davantage le cas pour leurs aînés.
Les estimations relatives aux heures d'écoute permettent d'établir trois grandes plages horaires : la matinée pendant laquelle 35 % des enfants regardent la télévision, l'après-midi après l'école qui rassemble 60 % des enfants et la soirée où 36 % sont encore devant leur écran.
Cette surexposition à la télévision a des effets directs sur les comportements d'achat qui sont d'autant plus significatifs que le marché « enfants » est évalué à 40 milliards d'euros en France 5 ( * ) .
À travers les enfants, les annonceurs visent en fait trois cibles : les futurs consommateurs qu'ils représentent et qu'il convient de fidéliser, les consommateurs qu'ils sont déjà du fait de leur argent de poche qui croît avec l'âge et leur capacité à influencer les choix de leurs parents en devenant prescripteurs des achats de la famille.
Une étude 6 ( * ) a ainsi permis d'établir que la publicité était impliquée dans trois demandes d'achat sur quatre des enfants. Or l'expérience montre que les demandes des enfants sont souvent acceptées, 40 % des parents reconnaissent même qu'il leur est difficile de résister aux demandes d'achat des enfants.
L'impact des marques sur les enfants est quant à lui devenu une réalité incontournable si l'on en croit les études sur panel qui confirment la très forte préférence des enfants pour les produits des grandes marques (Nestlé, Coca-Cola) par rapport aux marques génériques. Or ces mêmes études ont permis d'établir que les enfants se souvenaient avoir vu des publicités pour ces grandes marques. Ces éléments d'analyse sont confirmés par un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de juillet 2012 qui établit un lien direct entre le marketing alimentaire et les préférences alimentaires des enfants qui y sont exposés .
Il est donc d'autant plus important de protéger nos enfants que, comme l'explique Chantal Jannet , membre de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et siégeant à ce titre au conseil d'administration de France Télévisions, « la publicité a pour but, dès 3 ans, de structurer l'enfant afin d'en faire un futur client des annonceurs. »
Notre ancien collègue Jacques Müller qui a été auditionné au nom du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) insiste également sur les stéréotypes véhiculés par la publicité qui met en valeur les « gagnants » ainsi que l'hypersexualisation des comportements. Il considère ainsi que « la société d'hyperconsommation substitue l'accumulation des biens et l'obsolescence programmée aux rapports entre les personnes » . Les campagnes de publicité créent la rareté artificiellement afin de susciter des besoins.
La définition de la publicité Le décret du 27 mars 1992 définit la publicité comme « toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d'assurer la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée » . Les messages d'intérêt général émanant d'organisations administratives, caritatives ou humanitaires et intéressant l'ensemble de la population, ne présentent pas de caractère publicitaire. Ils peuvent toutefois être diffusés dans les écrans publicitaires. Le CSA veille au respect par les diffuseurs de règles déontologiques et peut notamment sanctionner la diffusion d'une publicité trompeuse, portant atteinte à la dignité de la personne humaine ou à l'ordre public, portant préjudice aux mineurs ou encore de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs. Source : CSA |
2. La publicité télévisée favorise souvent les produits les « moins bons » au détriment des « meilleurs »
Si les produits alimentaires distribués en France sont de bonne qualité sur le plan sanitaire, l'association « UFC - Que choisir ? » insiste sur le fait qu'ils sont de mauvaise qualité nutritionnelle du fait des produits transformés qui en représentent la majorité. L'étiquetage de ces produits est souvent difficilement compréhensible ce qui ne permet pas un choix éclairé du consommateur. L'offre de produits est par ailleurs très déséquilibrée, les producteurs privilégiant le recours à des recettes trop grasses ou trop salées afin d'améliorer le goût.
L' « UFC - Que choisir ? » estime à 20 % la proportion de produits faisant l'objet de publicité télévisée ayant un intérêt nutritionnel. Elle considère que l'adoption d'une publicité « raisonnée » telle que proposée par nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur rapport permettrait de faire baisser les prix de la publicité et de l'ouvrir à d'autres types de produits comme les fruits et les légumes.
L'association a également déploré l'absence de nutritionniste dans les services du CSA pour suivre ces questions ce qui limitait structurellement la capacité du Conseil à pouvoir apprécier le respect des engagements des annonceurs au regard de la charte alimentaire.
3. La publicité télévisée n'est pas accessible aux PME et ne profite pas aux territoires
Une étude a montré que 80 % des dépenses publicitaires étaient réalisées par seulement 550 entreprises qui sont pour l'essentiel des multinationales. La publicité à la télévision exclut donc le tissu des PME qui n'ont pas les moyens d'y accéder et limite même leur développement puisque les grandes marques repoussent les produits artisanaux ou réalisés en petits volumes dans les tréfonds des linéaires du fait même de leur plus grande renommée même si ces derniers sont meilleurs et pas nécessairement plus chers.
Le temps d'antenne consacré à la publicité Le CSA contrôle le temps d'antenne consacré à la programmation de messages publicitaires et intervient auprès des chaînes en cas de dépassement de la durée maximale de publicité fixée par les conventions et les cahiers des missions et des charges des opérateurs, dans les conditions arrêtées par le décret du 27 mars 1992. Sur les chaînes privées, le temps d'antenne consacré à la publicité est encadré différemment selon leur mode de diffusion : - sur les chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre (c'est-à-dire la TNT), il est limité à neuf minutes par heure en moyenne quotidienne sur l'ensemble des périodes de programmation au cours desquelles cette diffusion est autorisée, et à douze minutes pour une heure d'horloge donnée . Afin de favoriser leur essor, les nouvelles chaînes de la TNT bénéficient de règles allégées pendant un délai de sept ans à compter de la date du début des émissions, le temps consacré à la publicité étant seulement limité par le plafond de douze minutes par heure d'horloge donnée. À l'issue de ce délai, elles devront également respecter la durée de neuf minutes par heure en moyenne quotidienne ; - sur les chaînes distribuées par câble, par ADSL ou diffusées par satellite , la durée consacrée à la publicité est fixée par voie conventionnelle avec le CSA. Elle ne peut excéder douze minutes pour une heure d'horloge donnée . Les règles encadrant la durée des messages publicitaires sont plus strictes sur les chaînes publiques : cette durée ne peut dépasser six minutes par heure en moyenne quotidienne, ni huit minutes pour une heure d'horloge donnée . De plus, depuis le 5 janvier 2009, les chaînes de France Télévisions (France 3 Régions exceptées) ne doivent plus diffuser de publicité de marques de 20 heures à 6 heures du matin. Cette interdiction ne s'applique qu'à la publicité et ne concerne donc pas les messages d'intérêt général, les publicités génériques (pour faire la promotion de la pomme, des produits laitiers, etc.) ou les parrainages, qui peuvent continuer à être diffusés. Source : CSA |
* 5 « L'impact du marketing sur les préférences alimentaires des enfants », A. Garde et M. Friant-Perrot, INPES, septembre 2014.
* 6 Lagardère Publicité / IPSOS, décembre 2013.