LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Table ronde du mardi 23 juin 2015
- M. Arnaud LUCAUSSY de la société TDF
- MM. Hugues MARTINET, Towercast, et Christophe CORNILLET, directeur du pôle Experts du groupe NRJ
- M. Frédéric DENIZET, directeur des opérations, de ITAS TIM
- M. Jean-Michel COUNILLON, secrétaire général de TF1
- Mme Marie GRAU-CHEVALLEREAU, directrice des études règlementaires, de M6
- Mme Delphine D'AMARZIT, secrétaire générale, et M. Denis MINOUX, directeur des moyens de diffusion, du Groupe Canal+
- MM. Fabrice LACROIX, directeur général délégué, et Jacques DONAT-BOUILLUD, directeur de la gestion des opérateurs de diffusion et de distribution, de France Télévisions
Mardi 30 juin 2015
- M. Olivier SCHRAMECK, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), accompagné de MM. Nicolas ABOUT et Nicolas CURIEN, membres du Collège, M. Jean-Baptiste GOURDIN, directeur de cabinet du président, et M. Julien MOURLON, adjoint au directeur des technologies
- M. Bertrand SCHNEITER, président de la Commission des participations et des transferts, accompagné de M. Dominique AUGUSTIN, secrétaire général
- Mme Aude ACCARY-BONNERY, conseillère chargée de l'audiovisuel et du cinéma au cabinet de la ministre de la culture et de la communication, M. Martin AJDARI, directeur général des médias et des industries culturelles, et MM. Matthieu COURANJOU, chef du bureau des technologies et des réseaux, et Sébastien CROIX, chef du bureau du régime juridique de l'audiovisuel
Jeudi 2 juillet 2015
- M. Pascal LAMY, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), auteur d'un rapport à la Commission européenne sur l'utilisation de la bande ultra haute fréquence
- M. Gilles BREGANT, directeur général de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), accompagné de M. Jean-Pierre LUGUERN, directeur en charge du projet bande 700 et de Mme Isabelle HAUTBOIS, responsable de la communication et des relations institutionnelles
- MM. Sébastien SORIANO, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), Benoît LOUTREL, directeur général, Stéphane LHERMITTE, directeur des affaires économiques et de la prospective, Rémi STEFANINI, directeur de l'accès mobile et des relations avec les équipementiers, Romain DELASSUS, conseiller du président
ANNEXES
Lettre de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, à M. Manuel Valls, Premier ministre
Compte rendu de la réunion de la commission de la culture, de l'éducation du 5 février 2015 - Audition de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Monsieur Schrameck, la commission des affaires économiques et son président Jean-Claude Lenoir se joignent à nous pour vous entendre sur le dossier de la bande 700 MHz. L'avis que le CSA a rendu en novembre dernier sur la modification du tableau de répartition de la bande de fréquences, décidée par le Gouvernement, vient après celui de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). La bande 700 MHz sert à diffuser la télévision numérique terrestre (TNT). Quelles seront les conséquences techniques et financières de sa réaffectation ? Le calendrier fixé est-il pertinent ? Quelles mesures législatives et budgétaires pourraient faciliter ce transfert ?
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques . - Je remercie Catherine Morin-Desailly de nous avoir invités. Hier, devant la commission des affaires économiques, M. Soriano, président de l'Arcep, a apporté des réponses aux nombreuses interrogations que pose ce sujet sensible, en termes de couverture du territoire, de financement ou de conséquences pour les entreprises. Vous pourrez les compléter.
M. Olivier Schrameck, président du CSA. - J'apprécie de pouvoir m'exprimer pour la première fois devant une commission parlementaire sur le projet de réallocation de la bande 700 MHz, sujet d'une extrême importance. Bien que déterminantes, les modalités de ce basculement restent incertaines sur des objectifs essentiels.
En décidant de transférer à d'autres services que celui de la radiodiffusion les fréquences de la bande 700 MHz, qui représente 30 % de la ressource hertzienne totale actuellement utilisée par la TNT, le Gouvernement espère un gain de 2,1 milliards d'euros. Le communiqué de décembre 2014 a été confirmé par l'arrêté du 6 janvier 2015 qui précise que l'attribution des fréquences aux opérateurs de télécommunications se déroulera en décembre 2015. Leur transfert effectif aura lieu entre le 1er octobre 2017 et le 30 juin 2019, à l'exception de quelques zones où ces derniers pourraient les utiliser dès avril 2016. Il indique également que la norme de compression MPEG-4 pour la diffusion de la TNT sera généralisée en avril 2016, avec pour conséquence l'arrêt de la diffusion en MPEG-2. Un plan d'accompagnement sera mis en place pour qu'aucun foyer ne souffre d'un écran noir durant cette période.
Dans son avis du 26 novembre 2014, le CSA prend acte des orientations retenues par le Gouvernement tout en indiquant qu'elles s'inscrivent dans un dispositif juridique plus vaste encore à définir. Le Conseil note qu'un préalable à ce nouveau retrait de fréquences est de pouvoir tirer parti de la généralisation de la technologie de compression MPEG-4 sur la plate-forme métropolitaine afin d'arrêter la norme MPEG-2. Cela suppose que, sur le modèle du passage au tout numérique, la loi institue, d'une part, un dispositif d'accompagnement pour que les téléspectateurs concernés s'équipent de récepteurs compatibles avec la norme MPEG-4, et, d'autre part, un concours financier alloué aux foyers défavorisés ou touchés par d'éventuelles pertes de couverture. Le Conseil incite le Gouvernement à préciser les dispositions précises sur lesquelles il entend s'engager pour mettre en place cet accompagnement. Ces dispositions de nature législative ou réglementaire porteront notamment sur les aides à l'équipement pour les téléspectateurs les plus démunis ; une campagne d'information nationale sur les conséquences de l'arrêt du MPEG-2 ; l'introduction d'un dispositif de retrait des autorisations délivrées aux opérateurs de multiplex, collectivités locales, constructeurs, syndics et propriétaires d'immeuble ; l'accompagnement de la fin de la double diffusion SD et HD ; les éventuelles obligations d'intégration progressive du DVB-T2/HEVC dans les téléviseurs puis dans les adaptateurs TNT ; l'accompagnement, notamment financier, des collectivités locales ; le financement spécifique de compensation des coûts induits par le transfert des fréquences de la bande 700 MHz du secteur audiovisuel vers les services mobiles de communications électroniques ; enfin, la prise en charge des coûts de résolution des brouillages de la réception de la TNT occasionnés par les nouveaux utilisateurs de la bande 700 MHz.
Le CSA relève que si 1 626 sites de diffusion de la TNT sont financés par les chaînes, un peu plus de 310 sites complémentaires de diffusion sont pris en charge par les collectivités locales au titre de l'article 30-3 de la loi du 30 septembre 1986. Il souligne également que le nouveau retrait de fréquences interfère avec le développement de la plate-forme et notamment le déploiement des six nouvelles chaînes en haute définition (HD) lancées en décembre 2012 sur les 7e et 8e multiplex appelés « R7 » et « R8 ». En effet, la libération de la bande 700 MHz de toute diffusion TNT rendra nécessaire l'extinction de deux multiplex nationaux, c'est-à-dire qu'il sera demandé aux éditeurs et aux diffuseurs d'éteindre une partie des équipements récemment déployés, ou parfois à déployer sur l'ensemble du territoire. Cette perspective induit une dépréciation des investissements consentis. En France métropolitaine, 89 % de la population a accès aux chaînes de la TNT. Deux phases de déploiement sur les treize initialement prévues restent à compléter pour étendre la couverture de la diffusion terrestre et atteindre l'objectif de 99 %. Compte tenu du resserrement considérable des délais, le CSA a décidé un moratoire au moins pour la phase 12 qui devait commencer le 7 avril 2016. C'est dire l'urgence qui caractérise le processus de transfert.
Une fois l'arrêté pris, le CSA a lancé une consultation publique, dont le terme a été fixé au 23 février, toujours sous le signe de l'urgence, afin de recueillir l'avis des acteurs sur le schéma d'arrêt du MPEG-2, mais aussi sur le choix des deux multiplex à arrêter en avril 2016, sur les conséquences du déploiement des six nouvelles chaînes de la TNT en région Rhône-Alpes (R7 et R8).
Le passage au tout MPEG-4 implique que pour continuer à pouvoir regarder la télévision, les foyers qui ne disposent pas d'un adaptateur TNT intégré à leur téléviseur ou externe devront s'équiper, soit 8 % des foyers, fin juin 2014. Le plan d'accompagnement devra comporter un volet relatif à l'aide aux utilisateurs - aide à l'équipement, aide à la réception, assistance technique pour les personnes les plus vulnérables -, ainsi qu'un volet communication. Les usagers devront procéder à des manipulations de recherche et de mémorisation de chaînes, au fur et mesure du passage au tout MPEG-4, plaque par plaque.
L'extraction de la bande 700 MHz fragilisera également la couverture du territoire. Repliée en dessous de cette bande et disposant d'une quantité de spectres nettement réduite par rapport à la situation actuelle, la TNT verra inéluctablement sa réception perturbée. Certains foyers devront passer à un mode de réception alternatif, le satellite par exemple. Des moyens seront nécessaires pour limiter le mécontentement des téléspectateurs et des élus locaux concernés. À cela s'ajoutent les risques de brouillage induits par les systèmes de communication mobile dans la bande 700 MHz, que ce soit par les stations de base - cette situation pourrait être à peu près identique à celle connue en bande 800 MHz - ou par les terminaux mobiles - téléphones, ordiphones ou tablettes - utilisés dans le voisinage d'équipements de réception de la TNT. Le Conseil alerte le Gouvernement sur l'impact de ces brouillages d'un genre nouveau, qui s'introduiront au sein même des foyers, ainsi que sur les modalités de leur prise en charge.
Le Conseil a décidé de consulter les acteurs sur la perspective de réduction des multiplex ; celle-ci concerne les terminaux R7, R8, mais aussi R5, dont le déploiement n'est pas achevé. La suppression d'un ou plusieurs multiplex pourrait bouleverser la situation concurrentielle sur les marchés de gros amont et aval. Par conséquent, le CSA a décidé hier de saisir l'ARCEP d'une demande d'avis qu'elle devra rendre dans un délai de quatre semaines.
Les diffuseurs techniques alternatifs à l'opérateur historique TDF (Towercast et Itas-Tim) ont fait part au Conseil de leurs vives inquiétudes dans un contexte où la concurrence joue un rôle déterminant. L'ensemble des acteurs réclame l'indemnisation complète des pénalités liées aux ruptures de contrat et le remboursement intégral des frais techniques liés à l'opération de transfert.
Enfin, le montant de l'investissement résultant des obligations des chaînes de la TNT dans la production audiovisuelle et cinématographique a dépassé 1,2 milliard d'euros en 2012. La contribution que le secteur audiovisuel apporte à l'économie en utilisant les fréquences de la TNT est comparable à celle du secteur des communications hertziennes. Les opérateurs payent 8 euros par hertz utilisé et par an, contre 6 euros pour les chaînes de la TNT. L'efficacité du dispositif actuel tient aux fortes barrières protégeant la TNT - rareté de la ressource, protection contre les capitaux extra-communautaires -, qui sont maintenues en contrepartie de la contribution des services autorisés au financement et à la promotion des oeuvres cinématographiques françaises. Les partisans d'un basculement rapide, notamment l'Association nationale des fréquences (ANFR), ne mesurent pas les conséquences d'un tel bouleversement sur la production française. L'adaptation de ce dispositif sur les autres plateformes à très haut débit - filaire, ADSL, câble, fibre optique, satellitaire ou Internet ouvert - pour diffuser la TNT doit rester au coeur de la réflexion des pouvoirs publics. Aucun modèle alternatif n'a été identifié à ce jour. Le déclin de la plateforme hertzienne entraînerait une forte diminution de la contribution des éditeurs à l'économie culturelle française.
Le CSA est prêt à éclairer la Commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle sur les conditions et les perspectives de cette vaste opération. Pour arrêter ses choix, le Conseil a besoin de visibilité sur les mesures législatives et réglementaires susceptibles d'être mises en place. Le problème est grave, le temps est compté.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous vous remercions pour cet exposé précis et sans concession. J'ai été membre, ainsi que mon collègue Assouline, de cette Commission. Elle n'a pas siégé depuis octobre 2013. Avec Jean-Claude Lenoir, nous avons adressé un courrier au Premier ministre pour l'alerter sur la nécessité de la réunir.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. - L'arrêté du 6 janvier 2015 a été pris sans que la Commission de modernisation de la diffusion de l'audiovisuel n'ait été réunie. C'est un dysfonctionnement tout à fait regrettable.
Mme Marie-Christine Blandin . - Le 23 mai 2013, j'ai adressé une question écrite sur les risques de diminution de la contribution au soutien de la création française. Dans sa réponse du 7 octobre 2013, la ministre de la culture affirmait qu'elle veillerait à ce que les bénéficiaires du transfert de la bande prennent en charge l'ensemble des coûts induits par l'opération. J'ignore si l'appel à achats y associera obligations et servitudes...
Les écologistes portent un regard plus large. Tous les budgets thématiques ont consenti des efforts, même celui de la défense... qui reçoit un droit de tirage pour recettes nouvelles : le Parlement n'a pas été respecté dans les équilibres budgétaires. Les fréquences sont un bien commun que l'on destine à devenir privé. Cela mérite débat. Pour les écologistes, l'obsolescence programmée est un processus inquiétant. Est-il judicieux de programmer ainsi un gâchis gigantesque au nom d'un changement hasardeux ?
M. David Assouline . - Je regrette que la Commission de modernisation de la diffusion de l'audiovisuel, dont je suis membre, ne se soit pas réunie, même si elle a bien été saisie. Les difficultés dont vous faites état ne doivent en aucun cas remettre en cause le processus de transfert de la bande 700 MHz. En tant que parlementaires, la question de l'évolution des médias nous intéresse ; nous n'en défendons pas moins l'intérêt de nos concitoyens et celui de notre pays. L'État a besoin des fonds qui sortiront de la mise aux enchères. Le ministre nous demande d'aller vite. Nous devons d'ici la fin de l'année poser un cadre légal pour pouvoir avancer. Le président Schrameck a lancé des alertes fortes pour que nous ne minimisions pas les obstacles. Le CSA joue son rôle...
M. Olivier Schrameck . - ... de veilleur...
M. David Assouline . - ... sans remettre en cause le projet.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Le calendrier est-il pertinent ? Le retrait de la bande des 700 MHz ne doit pas se faire de manière trop brutale. Cela demande une préparation importante, des mesures législatives à mettre en place, un engagement financier à prendre. Lors d'une séance de questions au Gouvernement en octobre 2014, Emmanuel Macron indiquait que la vente de la bande 700 MHz pourrait être reportée après 2015, pour optimiser le produit.
M. Olivier Schrameck . - J'ai été extrêmement sensible à l'attention que vous avez bien voulu porter à mes remarques. Le CSA mène un travail de veille et d'anticipation. Il n'est pas question de remettre en cause les décisions des pouvoirs publics. Mon collègue Soriano prévenait que le calendrier était tendu. Je dirais qu'il est tendu à l'extrême ! Le CSA a tenté d'aller aussi vite que possible. Nous attendons les mesures législatives et réglementaires d'organisation. Le Conseil constitutionnel a refusé de se substituer à l'appréciation du pouvoir législatif, le CSA a encore moins à s'immiscer dans un tel débat. Il lui revient de souligner les contraintes de temps et les enjeux financiers, de marquer que le processus aura aussi son coût, que celui-ci devra être partagé entre les différents acteurs mais que son montant n'a pas été cité dans le domaine public.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Le Sénat a l'intention de s'emparer du sujet pour que le transfert se fasse dans le sens de l'intérêt général.
Lettre de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, à M. Manuel Valls, Premier ministre
Lettre de M. Manuel Valls, Premier ministre, à Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication
Avis de la CMDA du 13 mai 2015
Avis de la Commission de la Modernisation de la diffusion audiovisuelle sur le programme national de transfert de la bande des 700 MHz et ses conséquences pour la télévision numérique terrestre
L'article 21 de la loi de 1986 modifiée sur la liberté de communication prévoit que la commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle « est consultée préalablement par le Premier ministre sur tous les projets de réaffectation des fréquences affectées au Conseil supérieur de l'audiovisuel et de modernisation de la diffusion audiovisuelle ».
Dans ce cadre, cette commission, après avoir été saisie le 3 décembre 2014 du projet de transfert de la bande 700 MHz aux services mobiles, puis d'un dossier complémentaire le 2 mars dernier, s'est réunie le 8 avril et le 13 mai pour remettre l'avis ci-dessous sur le projet du gouvernement.
D'une façon générale, la Commission considère que le transfert des fréquences 700 MHz de la télévision numérique terrestre (TNT) aux services mobiles est une décision justifiée sur le fond compte tenu, à la fois, de l'explosion du trafic de données sur l'Internet mobile, de l'opportunité concomitante d'enrichir la TNT, de la valorisation du patrimoine immatériel de l'État qu'elle permet et du fait qu'elle s'assortît de l'engagement de maintenir, conformément aux recommandations du rapport Lamy, le reste de la bande de fréquences UHF (470-694 MHz) affecté au Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la diffusion de la TNT jusqu'au 31 décembre 2030 (avec clause de rendez-vous en 2025).
Elle souhaite néanmoins attirer l'attention du gouvernement sur le caractère exigeant de l'ensemble du calendrier arrêté comme sur les conditions nécessaires à mettre en place, tant en matière de vente de fréquences que de migration de la TNT, pour que ce programme s'effectue dans des conditions satisfaisantes.
Sous la réserve de ces remarques et recommandations, la Commission émet un avis favorable au projet d'arrêté du Premier ministre portant modification du Tableau National de répartition des fréquences.
I Un calendrier global exigeant
La Commission constate en premier lieu que le calendrier de l'ensemble du projet (vente des fréquences, changement de norme et recomposition des multiplex puis réaménagements de la TNT) est tendu et ne comporte guère de marge de manoeuvre. Pour être mené à bien, celui-ci devra en conséquence faire l'objet d'une attention constante et ce alors même qu'il reste encore soumis à une condition impérative : le vote d'une loi avant la fin novembre 2015, avec une première lecture au Parlement avant l'été.
Elle recommande donc au gouvernement d'agir sans délai, de façon continue et concertée avec les régulateurs concernés, s'il veut conduire le transfert de ces fréquences dans le respect des échéances fixées.
1. Une condition impérative au succès du programme : le dépôt et le vote, dans des délais rapides, de la loi nécessaire pour permettre la migration technologique de la TNT
Une loi est doublement nécessaire dans le processus de transfert mis en oeuvre :
- pour autoriser le changement de norme de la TNT indispensable au dégagement effectif de la bande 700 MHz et qui permettra l'enrichissement de l'offre de télévision gratuite ;
- pour apporter aux opérateurs candidats à l'achat des fréquences l'assurance du caractère irréversible du processus et de la tenue du calendrier effectif de transfert des fréquences vendues.
Ce texte permettra également de mettre à la charge des opérateurs mobiles qui seront affectataires d'autorisations dans la bande 700 MHz, les coûts des réaménagements de la TNT nécessaires à la libération de la bande par les éditeurs et de créer une aide à l'acquisition d'un adaptateur compatible MPEG-4 pour les foyers dégrevés de contribution à l'audiovisuel public.
2. Vente des fréquences : la poursuite du processus entamé par l'ARCEP et le gouvernement devrait rendre possible (à la condition législative précitée près) la mise en vente des fréquences en décembre 2015 dans des conditions convenables
L'ARCEP et le gouvernement ont réalisé les premières étapes nécessaires à une mise en vente des fréquences avant la fin de l'année (consultation publique, étude de la banque conseil pour la valorisation de la bande). Une nouvelle modification du Tableau National de répartition des fréquences devrait être publiée en mai, suite au présent avis et une fois rendus ceux de l'ARCEP et du CSA, qui précisera notamment les conditions transitoires de transfert de la bande 700 MHz entre 2016 et 2019 ainsi que les modalités pratiques de déploiement pour les opérateurs mobiles.
Il convient désormais que le dialogue entre l'ARCEP et le gouvernement sur la fixation des différentes conditions de vente puisse déboucher avant l'été pour que l'appel à candidatures soit, comme cela est prévu, lancé en juillet par le régulateur et, enfin, que le texte de loi soit bien déposé et examiné selon le calendrier annoncé.
3. Migration de la TNT
La préparation par les diffuseurs et les éditeurs de l'échéance d'avril 2016 qui, dans une opération d'une ampleur technique inédite, verra se dérouler, à la fois, l'arrêt de la norme MPEG-2, la recomposition de l'offre TNT sur six multiplex ainsi que la libération de la bande 700 MHz sur l'Île-de-France, est rendue plus délicate par l'absence, jusqu'à la fin novembre, d'une loi votée. Avant ce vote, le CSA ne peut en effet prendre de décisions juridiques formelles, par exemple en matière de composition finale des nouveaux multiplex. Cette situation, et le fait qu'une incertitude reste encore présente quant au calendrier effectif du texte de loi (celui-ci conditionnant par ailleurs plusieurs textes d'application : arrêté signal, décret aides, décret sur les modalités de prise en charge par les opérateurs mobiles des frais techniques des émetteurs...), doit inciter le gouvernement à réunir sans délai les conditions nécessaires à la bonne tenue du calendrier arrêté pour cette opération.
La dernière échéance du calendrier, qui porte sur l'essentiel du transfert des fréquences entre octobre 2017 et juin 2019 ne semble pas poser, en revanche, de problème apparent quant à son respect.
II L'attribution des fréquences 700 MHz
1. Valorisation du patrimoine immatériel représenté par ces fréquences
Malgré le caractère précoce de leur vente, tant au regard des besoins de certains opérateurs que du calendrier décalé de mise à disposition effective de la bande pour les futurs acheteurs, les qualités spécifiques de ces fréquences 700 MHz, en termes de couverture du territoire et de pénétration dans les bâtiments, devraient permettre d'assurer l'intérêt des acteurs de téléphonie mobile. Le fait que cette vente ait lieu dès décembre 2015 ne devrait donc pas empêcher leur valorisation à un niveau conforme à leur valeur intrinsèque ou au produit qui en est attendu en loi de finances.
2. Des conditions relatives à l'aménagement du territoire devraient être posées à l'affectation de cette bande
La Commission considère que même si l'affectation des fréquences 700 MHz ne correspondra pas, comme cela avait été le cas pour la bande des 800 MHz, à un service nouveau, celle-ci restera, comme l'a indiqué l'ARCEP dans la synthèse de sa consultation publique, « une ressource mobilisable pour l'aménagement du territoire ». Elle invite donc le gouvernement à intégrer, dans les futures licences, des conditions spécifiques prenant en compte ce dernier critère.
III La migration de la TNT et ses conséquences
Outre les aspects liés à son calendrier, la Commission s'est préoccupée des conséquences de la migration de la TNT pour les téléspectateurs, les éditeurs et les utilisateurs de microphones sans fil.
1. L'accroissement, voire la généralisation, de la HD sur l'offre TNT apparaît comme une perspective positive
La Commission tient tout d'abord à souligner que la possibilité d'obtenir, à l'occasion du passage à la norme MPEG-4, une TNT avec une offre en HD généralisée ou, à défaut, substantiellement accrue, constitue une perspective positive pour l'avenir de la plateforme comme pour la satisfaction de ses publics. Elle encourage donc le régulateur et le gouvernement, en concertation avec les éditeurs, à travailler à la réalisation d'un tel objectif.
2. Prévenir les éventuels effets négatifs pour les téléspectateurs
La Commission prend bonne note que l'arrêt de la diffusion de la norme MPEG-2 n'impliquera en aucun cas, pour les foyers recevant la télévision par la TNT et non encore équipés en MPEG-4, la nécessité d'acheter un nouveau téléviseur puisque l'acquisition d'un adaptateur (d'un coût d'environ 30 euros) permettra à tout téléviseur jusqu'alors non MPEG-4 de continuer à fonctionner après avril 2016. Elle prend acte du projet du plan d'accompagnement (aides et communication) qui lui a été soumis et pour lequel l'Agence nationale des fréquences aura un rôle important à jouer. Elle invite donc le gouvernement à réserver les moyens suffisants pour que cette dernière puisse mener à bien toutes les actions nécessaires afin qu'aucun téléspectateur ne soit victime d'un écran noir lors de cette mutation.
Au-delà des aides à la réception pour les foyers susceptibles d'être les plus affectés, elle recommande que les opérations de réaménagements, qui se dérouleront entre octobre 2017 et juin 2019 pour organiser le repli de la diffusion de la TNT sur la bande 470-694 MHz, soient conduites de façon à minimiser les perturbations pour les téléspectateurs (nombre d'interventions, nouvelle(s) recherche(s) de chaînes ou « rescan ») afin qu'ils ne se détournent pas de cette plateforme.
Elle fait également part de son souhait de voir les collectivités territoriales opérant à leur charge des émetteurs TNT, dits « 30-3 », bénéficier d'une compensation pour couvrir les coûts nécessaires aux différentes opérations techniques afin que les téléspectateurs qui en dépendent ne soient pas affectés.
3. ... pour les chaînes
La Commission a pris note des dispositions spécifiques visant à épargner les éditeurs de certains coûts qui avaient été mis à leur charge lors de l'arrêt de la diffusion en mode analogique (absence de contribution au fonctionnement d'un GIP, prise en charge des frais de réaménagement sur les émetteurs par les opérateurs mobiles jusqu'au terme des opérations liées au dégagement de la bande 700 et au respect des accords internationaux relatifs à cette bande) comme des aspects potentiellement positifs liés à la généralisation de la norme MPEG-4 (suppression de la double diffusion ou « simulcast » SD/HD pour certaines chaînes, accès à la HD à coût potentiellement réduit, etc.).
Elle s'est toutefois inquiétée des conséquences possibles pour les diffuseurs et les chaînes concernées de l'arrêt anticipé de deux multiplex et demande au gouvernement d'étudier les moyens possibles pour limiter les préjudices liés aux contentieux qui pourraient subvenir en la matière.
Elle souhaite également, compte tenu notamment de l'enjeu représenté par la nécessaire adaptation des postes secondaires au MPEG-4, que cette migration ne se traduise pas par une perte d'audience globale de la TNT et incite le gouvernement à prendre en compte cet aspect dans la communication qui sera faite vers les téléspectateurs.
4. ... et les utilisateurs de microphones sans fil
La Commission s'est enfin inquiétée de l'impact du transfert des fréquences de la bande 700 MHz sur les utilisateurs de microphones sans fil (professionnels du spectacle vivant, prestataires de services audiovisuels, producteurs de spectacles culturels, d'émissions d'actualité ou d'événements sportifs) qui sont présents aujourd'hui aussi sur les fréquences de la bande 700 MHz et qui seront amenés, une nouvelle fois après le transfert de la bande 800 MHz à l'occasion de l'arrêt de la diffusion de la télévision en mode analogique, à adapter voire renouveler leurs matériels.
Elle a pris note des dispositions envisagées à cet égard par le gouvernement pour permettre transitoirement, jusqu'en juin 2019, le maintien des microphones sans fil dans les bandes de garde et de séparation entre les deux blocs de la bande 700 MHz qui seront vendus aux opérateurs mobiles (694-703 MHz, 733-758 MHz et 788-790 MHz) afin de faciliter cette transition en laissant le temps aux professionnels d'adapter leurs usages et de permettre l'amortissement des matériels concernés.
Lettre de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
Lettre de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication à Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication