H. AUDITION DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET (17 JUIN 2015)
Réunie le mercredi 17 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 et mise en oeuvre de la recommandation du 10 mars 2015 du Conseil de l'Union européenne visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit excessif en France.
Mme Michèle André , présidente . - Nous accueillons avec grand plaisir le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, dont le retard s'explique par le fait qu'il a dû se rendre au conseil de ministres pour traiter d'un sujet qui va sans doute nous occuper dans les mois qui viennent.
L'ordre du jour initial portait sur le projet de loi de règlement pour 2014 que nous examinerons en commission le 8 juillet, et en séance publique le 9 juillet dans l'après-midi, ainsi que la mise en oeuvre de la recommandation adressée à la France par le Conseil de l'Union européenne le 10 mars, en application de laquelle des informations supplémentaires devaient être transmise à la Commission avant le 10 juin.
Je suis persuadée que le ministre souhaitera également revenir sur le sujet d'actualité du moment ; je lui cède donc sans plus tarder la parole.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget . - Je vous prie d'accepter mes excuses. Le conseil des ministres a commencé tardivement, le conseil de défense qui le précédait ayant duré plus longtemps que prévu ; en outre, le dossier concernant les migrants a retenu l'attention du Président de la République et du conseil des ministres. Ce n'est donc pas le sujet consacré au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu qui est donc la seule cause de ce retard !
Traditionnellement, nous évoquons lors de cette séance la loi de règlement pour 2014 ; elle est l'occasion de parler également de 2015, voire de 2016. Nous sommes aujourd'hui dans une phase très active de la préparation de la loi de finances pour 2016 et, très souvent, les questions portent sur ces points. Je suis prêt à y répondre.
La loi de règlement est soumise à votre approbation. Vous en connaissez les grandes lignes : le 28 janvier dernier, nous avons échangé à ce sujet, ainsi que le 15 avril, lors de la présentation du programme de stabilité. C'est l'occasion de montrer que, parfois, le passé éclaire l'avenir.
Je sais que le rapport de la Cour des comptes a fait l'objet de nombreux commentaires. Je rappelle que la France est le seul État de la zone euro à présenter des comptes certifiés. C'est un gage de crédibilité et de qualité de l'information pour les finances de l'État.
Les comptes de l'État, ce sont les opérations budgétaires bien sûr, ce sont les dettes et autres passifs, mais aussi les actifs détenus par l'État, qui représentent un montant considérable. Je reviendrai le cas échéant sur la question du patrimoine immobilier et de la politique immobilière de l'État, qui fait souvent l'objet de commentaires qui méritent une réaction.
Il faut saluer l'amélioration continue de la qualité des comptes que l'on constate depuis 2006. La démarche de qualité comptable est d'ailleurs transversale dans l'ensemble des administrations publiques, aussi bien dans les hôpitaux que dans les universités, même si des progrès restent à réaliser.
J'en viens aux résultats obtenus en 2014 sur la maîtrise de la dépense de l'État. Dans le budget de l'État, les indicateurs les plus élémentaires, ceux qui structurent notre gestion budgétaire, ce sont les normes de dépenses. Or, la Cour des comptes n'a de cesse que de modifier les périmètres. Les interprétations sur ce qui entre dans la norme de dépenses peuvent être différentes : programme d'investissements d'avenir (PIA), prélèvements, etc.
Ce sont des débats qui ne datent pas d'aujourd'hui ; toujours est-il que la norme en vigueur que le Gouvernement utilise a été créée lors de la loi de finances pour 2011 - la date est importante - et exclut la charge de la dette et des pensions. Il serait donc faux de dire que la présentation que nous en faisons « surfe » sur la diminution de la charge de la dette, puisqu'elle est en est exclue.
Sur ce périmètre, la dépense passe de 280 milliards d'euros en 2013 à 276,7 milliards d'euros en 2014, soit une baisse en exécution de 3,3 milliards d'euros. On peut toujours décider de changer la norme si on le souhaite ! C'est bien sur cette base que le Gouvernement a présenté le budget.
Le déficit de l'État s'élève pour sa part à 85,6 milliards d'euros en 2014. Comme c'était prévu dès la loi de finances initiale, il augmente par rapport à 2013, du fait du lancement du PIA.
Le déficit de l'ensemble des administrations publiques, quant à lui, est évalué par l'INSEE - et non par le Gouvernement - à 4 % du PIB en 2014, contre 4,1 % en 2013. C'est son niveau le plus bas depuis 2008. Les dépenses publiques ont augmenté dans une proportion limitée de 0,9 %, hors crédit d'impôt, ce qui est le plus faible chiffre enregistré depuis des lustres - auraient dit nos prédécesseurs !
Le déficit structurel enfin, qui a fait l'objet de l'article liminaire, s'établit à 2,1 %. Cet effort, nous allons le poursuivre. La baisse continuera en 2015 et 2016.
Madame la présidente, vous faisiez allusion aux mesures déjà prises pour 2015 ; un récent décret d'annulation de près de 700 millions d'euros de crédits vous a été transmis pour information. Il vient très récemment de matérialiser les mesures complémentaires pour 2015, conformément à ce que nous avons annoncé dans la transmission du programme de stabilité que nous avons déjà évoqué ensemble.
En parallèle, nous avons engagé plusieurs dépenses nouvelles depuis le début de l'année. Un premier décret d'avance a été pris en avril dernier : des crédits supplémentaires ont été ouverts, en particulier pour soutenir la lutte contre le terrorisme, et des économies ont été dégagées sur les autres ministères pour gager ces dépenses.
Le Gouvernement a également annoncé des moyens supplémentaires en faveur de l'emploi : là encore, nous ferons les économies nécessaires pour compenser le coût de ces nouvelles mesures.
Enfin, le débat d'orientation des finances publiques, début juillet, sera la prochaine étape pour évoquer les premières orientations sur la dépense de l'État en 2016.
Vous savez, à cet égard, que certaines dépenses nouvelles seront à financer l'an prochain : nous prenons évidemment en compte ces mesures dans la construction du budget pour 2016, et elles devront s'intégrer dans la trajectoire fixée par le programme de stabilité.
Je vous remercie de votre attention.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On peut indéfiniment discuter des divergences d'appréciation avec la Cour des comptes, mais vous venez de citer le même chiffre que la Cour des comptes, celui du déficit budgétaire de l'État en 2014, soit 85,6 milliards d'euros, en augmentation d'environ 10 milliards d'euros par rapport à 2013.
Il est vrai que l'on retrouve dans ce déficit l'impact des dépenses du PIA ; cependant, la Cour des comptes affirme que si l'on neutralise celles-ci, le déficit s'est aggravé en 2014 de 5,5 milliards d'euros par rapport à 2013. Peut-on s'accorder sur ce point ?
Ma première question portera sur les risques. Il existe aujourd'hui un certain nombre de contentieux dont on parle régulièrement. Où en est-on ? Je pense au contentieux agricole avec l'Europe, au contentieux concernant la contribution sociale généralisée (CSG) pour les non-résidents. Quels en sont les montants ? Si j'ai bien compris, on attend une décision du Conseil d'État sur ce dernier point mi-juillet. À quel niveau ce risque se situe-t-il ? Il existe aussi un certain nombre d'autres contentieux. Peut-on en avoir une idée ?
Par ailleurs, la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) étant moins importante que prévue, ne risque-t-on pas de connaître un report de la créance sur les années à venir ?
Une question sur la procédure de déficit excessif : vous avez adressé à la Commission le détail à propos des 4 milliards d'euros. Je vois qu'on annonce même 5 milliards d'euros. Ce détail a-t-il été porté à la connaissance des institutions européennes ? Le Parlement va-t-il en être informé ? À quel moment ?
Enfin, une communication vient d'intervenir devant le conseil des ministres à propos du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement semble vouloir inscrire un certain nombre de principes dans le projet de loi de finances pour 2016. Confirmez-vous le fait que, si ce système devait être mis en place, les contribuables paieraient en 2017 sur les revenus de l'année n - 1 et, en 2018, sur les revenus de 2018 ? Il n'y aurait donc pas, pour le contribuable, d'année sans impôt ; en revanche, il y aurait bien une année blanche pour l'État. Est-il possible de clarifier ce principe ?
Cette réforme est certainement utile, mais elle est aussi complexe, notamment du fait que la France recourt à un système de barème familialisé et une imposition par foyer fiscal.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Vous m'interrogez sur les contentieux en cours ou à venir. Commençons par les contentieux passés. Vous avez fait allusion au contentieux agricole. Je suis preneur d'une réunion avec votre commission entièrement consacrée à ce sujet, sur lequel il est nécessaire d'informer le Parlement quand nous aurons un peu plus de temps.
On a parlé à ce sujet de 4 milliards d'euros de risques. C'était la position initiale de la Commission européenne. Nous sommes arrivés à un accord avec la Commission sur environ 1,1 milliard d'euros. Le paiement est étalé sur trois ans. Il s'agit d'un sujet qui part avec un « handicap » d'environ 360 millions d'euros, dont ce Gouvernement n'est en rien responsable.
Vous évoquez la question de la CSG des non-résidents et l'arrêt « de Ruyter ». Le risque est actuellement évalué à environ 500 millions d'euros. Prenez ce chiffre avec prudence, tout n'étant pas terminé. Nous attendons la décision du Conseil d'État. Nous travaillons beaucoup sur la question de la dérégularisation envisagée pour le passé, ainsi que sur l'attitude à avoir pour le présent et pour l'avenir. Nous sommes mobilisés sur ce sujet très complexe et très technique.
S'agissant du CICE, nous ne sommes pas très loin du chiffre annoncé au moment de sa mise en place - certes un peu en-dessous, mais pas très loin - puisqu'on est autour de 10,8 milliards d'euros, alors qu'une douzaine de milliards étaient prévus en termes de dépenses fiscales. Il faut en outre tenir compte du fait que les demandes de versement pour les grandes entreprises s'étalent sur les trois années à venir. Elles sont bien entendu incluses dans notre trajectoire : les créances déjà établies par les entreprises sont prises en compte dans nos prévisions budgétaires. Il n'y a donc pas de surprise à craindre de ce côté.
Votre deuxième question portait sur la déclinaison des différentes mesures que nous avons transmises à Bruxelles pour 2015. Les 4 milliards d'euros ont fait l'objet d'une communication le 10 juin à la Commission. Elles ont été matérialisées par les décrets qui vous ont été transmis. Elles sont également parfaitement documentées concernant les autres secteurs de la dépense publique.
Nous attendons l'analyse de la Commission européenne sur cette transmission, qui doit intervenir d'ici une quinzaine de jour si mes informations sont bonnes, même si c'est le ministre des finances qui se charge de ces questions.
En ce qui concerne les 5 milliards, je pense que vous évoquez ce qui est prévu pour 2016 ; nous aurons l'occasion, lors du débat d'orientation sur les finances publiques, d'en voir la déclinaison encore plus concrètement que ce que vous en connaissez déjà. Nous avions indiqué une ventilation par secteur. Nous travaillons sur ce sujet dans le cadre de la préparation de la loi de finances. Je ne sais à quelle date le débat d'orientation des finances publiques (DOFP) a lieu au Sénat.
Mme Michèle André , présidente . - Le 9 juillet, dans l'après-midi.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - C'est donc le même jour à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous le ferons avec plaisir, et avec le maximum de précisions possibles.
Troisième élément concernant la retenue à la source, qui fait l'objet de nombreux commentaires ou interrogations légitimes. C'est un débat qui agite la classe politico-fiscale depuis quarante ans et qui a donné lieu à la production de beaucoup d'ouvrages ou de rapports, comme celui du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Didier Migaud s'est également livré à cet exercice en son temps. Beaucoup y ont contribué.
Le conseil des ministres de ce matin a adopté la mise en place de la retenue à la source au 1 er janvier 2018 . Pourquoi aussi tard ? La question n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser, vous le savez. Il existe quelques difficultés techniques sur lesquelles je reviendrai.
Cela change-t-il le mode de calcul de l'impôt ? Cela remet-il en cause le principe de la familialisation, le quotient familial, les crédits d'impôt ? La réponse est non ! Il s'agit d'un changement du moment où l'on prélève l'impôt, ou on le paie. Les Français sont assez allants à ce sujet. Pourquoi ?
Prenons quelqu'un qui part à la retraite ou qui son emploi : il se retrouve, l'année durant laquelle il perçoit moins, à payer l'impôt sur l'année précédente, qui a généré un impôt important. C'est là une source de difficultés, chacun peut le comprendre.
À l'inverse quelqu'un qui entre dans l'emploi ou dans la vie active pense la première année que ses revenus bruts sont égaux à ses revenus nets, s'y habitue et, l'année suivante, découvre que l'on doit payer des impôts.
On rapproche le moment où l'on paie l'impôt du moment où l'on perçoit ses revenus. Il existe déjà des moyens de le faire. Aujourd'hui, si l'on télédéclare, on connaît immédiatement, dans la majorité des cas, l'impôt qui sera notifié en septembre ou en octobre, et l'on peut adapter ses mensualités. Que constate-t-on ? Seuls un peu moins de 40 % des Français télédéclarent ! Si 60 % d'entre eux sont mensualisés, une petite minorité modifie ces mensualités. On peut le faire en ligne, en deux clics, mais très peu de personnes le font, même s'ils savent qu'ils auront moins d'impôt à payer l'année suivante. Ils se privent ainsi d'un revenu pourtant disponible immédiatement.
En outre, les contribuables qui utilisent la télédéclaration peuvent prétendre à des remboursements plus rapides que ceux qui ne télédéclarent pas. Il faut donc encourager la télédéclaration pour ces raisons-là, ainsi que la mensualisation. Ce sont des choses que nous essayerons de faire assez rapidement.
J'entends parler de cadeau, d'année blanche ou d'année à risque pour l'État, qui se priverait de recettes pendant un an. Soyons clairs sur ce point : si, par hypothèse, nous mettons en oeuvre la retenue à la source le 1 er janvier 2018, cela signifie qu'en 2017, les contribuables paieront comme d'habitude leur impôt sur le revenu sur la base de leurs revenus 2016. Le 1 er janvier 2018, ils paieront toujours des impôts, mais sur la base de leurs revenus perçus en 2018.
Certains nous reprochent de faire cadeau de l'année 2017. Il s'agit en fait d'une sorte de report d'une année ou de décalage à l'infini. C'est l'année de référence qui va disparaître, non l'année de paiement ! Conclusion : les contribuables paieront tous les ans leur impôt sur le revenu, et l'État encaissera tous les ans une année d'impôt sur le revenu. C'est le cas le plus simple pour les salariés dont la situation n'aurait pas changé, ou peu changé. Cela permettra une continuité parfaite.
Se poseront quelques difficultés, à propos desquelles nous vous proposons de travailler avec nous : il se peut qu'en 2017, certains décident de percevoir des revenus exceptionnels. Lesquels ? Pas les plus-values des valeurs immobilières, celles-ci faisant l'objet d'une retenue à la source calculée et perçue par les notaires sur le produit de la vente. Il peut s'agir de plus-values de valeurs mobilières, de la perception de rentes ou de produits capitalisés. Nous devrons travailler pour éviter les effets d'aubaine ou d'optimisation. Il nous faudra bien sûr élaborer des dispositifs pour éviter ce genre de difficultés.
Une autre question se pose à propos des revenus non-salariés, bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou revenus des professions libérales. Il faudra mettre en place un dispositif pour que nous puissions prévoir, au fil de l'eau, une modalité de paiement. Ce ne sera pas nouveau que de faire payer des acomptes, des dixièmes, des douzièmes, ni qu'une régularisation intervienne en fin d'année.
Pour maintenir les principes généraux - quotient familial, familialisation, mode de calcul de l'impôt -, chaque contribuable sera conduit à faire une déclaration annuelle, ne serait-ce que pour agréger l'ensemble des questions touchant à sa fiscalité.
L'attente est aujourd'hui très vive. J'ai d'ailleurs renoncé à un certain nombre de communications sur des chaînes de télévision ou des stations de radio pour vous rejoindre mais, si vous avez d'autres questions, je suis prêt à y répondre.
M. Vincent Delahaye . - On aura un débat de fond en séance, mais j'aimerais savoir si vous avez une vue globale des reports de charge pour 2014. A-t-on la comparaison avec 2013 ?
Par ailleurs, la Cour des comptes a réalisé une évaluation des dépenses de personnel, qui augmentent de 1 %, alors qu'on nous avait annoncé qu'elles n'augmenteraient pas. Cela étant, je ne suis pas étonné : je n'y croyais pas.
Parmi les augmentations figure l'évaluation des jours de grève, qui présente un surcoût de 75 millions d'euros. De quelle base part-on pour évaluer les retenus sur les jours de grève ?
Parmi les économies proposées, pouvez-vous nous communiquer la décomposition des 670 millions d'euros, entre les mesures qui l'on peut considérer comme structurelles, qui vont avoir des effets sur plusieurs exercices, et celles qui n'ont d'effet que sur 2015 ?
Mme Fabienne Keller . - Je me permets de revenir sur le prélèvement à la source. Il y a quelques semaines était apparue dans la presse l'idée d'une transition en sifflet entre le système actuel et le prélèvement à la source. Des chiffrages de 15 %, 40 %, 60 % avaient été évoqués. Cette hypothèse est-elle écartée ou est-elle encore à l'étude ?
Deuxièmement, des baisses d'impôt pour la même année ont été annoncées par Michel Sapin en même temps que le prélèvement à la source. Pouvez nous communiquer des éléments factuels à ce sujet ?
M. Michel Bouvard . - Je crois qu'on peut se réjouir collectivement de la démarche de certification engagée avec la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), à laquelle le Premier président Philippe Séguin s'était beaucoup consacré.
Au-delà, je voudrais revenir sur la dette. L'annuité de la dette bénéficie de la baisse des taux d'intérêt et de la faiblesse de l'inflation, qui représentent 3,5 milliards d'euros de moins que ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale. Certes, on peut s'en réjouir, et sans modifier la norme de dépenses à l'infini, comme vous l'évoquez, on peut néanmoins s'inquiéter du fait que l'on ait parallèlement une dette dont le stock continue de s'accroître et surtout, depuis 2008, un effet boule de neige.
En clair, la croissance du stock de dettes et les intérêts liés à cette croissance sont plus rapides que la croissance du PIB du pays. C'est ce qu'il y a de plus inquiétant. Le seul moyen d'enrayer cette situation serait d'avoir un excédent budgétaire primaire, ce qui est loin d'être le cas, moyennant quoi nous allons atteindre 95 % du PIB en termes d'endettement.
Sans parler du respect de la norme de dépenses et de la problématique de l'annuité de la dette qui lui est liée, considérez-vous qu'il existe une vraie menace ? Doit-on prendre des mesures radicales à cet effet boule de neige ?
Enfin, je fais partie de ceux qui ont soutenu la création du PIA en son temps. Je n'ai donc pas d'état d'âme à ce sujet. Force est de constater que le PIA est devenu, au fil des années, un outil de débudgétisation d'une partie de l'investissement. C'était déjà le cas au départ, et cela s'est accru. Pour autant, on ne doit pas s'en satisfaire, et la norme de dépenses a peut-être eu le tort de ne pas prendre suffisamment les choses en compte.
Pouvez-vous indiquer les mesures qui sont prises pour éviter l'emploi de ces outils de débudgétisation, surtout quand on en voit d'autres poindre à l'horizon ? Je suis à moitié rassuré de ce qui figure dans la loi de transition énergétique concernant le mode de financement du fonds de financement de la transition énergétique, dont je découvre qu'il serait alimenté par un prélèvement amont sur le reversement de la Caisse des dépôts et consignations à l'État qui, en toute logique, devrait partir vers le budget général.
L'imagination est sans limite en matière de débudgétisation. Ce n'est pas de votre fait et ce n'est pas nouveau, mais que fait-on pour arriver à ferme les sabords qui ne font que s'ouvrir ?
M. Philippe Dallier . - Voici un moment qui est devenu un classique : en tant que ministre, vous êtes dans votre rôle en regardant le verre à moitié plein, et l'opposition dans le sien en vous interrogeant et en considérant le verre à moitié vide. Cela ne changera pas !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - J'ai connu des époques où il était complètement vide !
M. Philippe Dallier . - En tous cas, cette loi de règlement est marquée - et la Cour des comptes le souligne - par un événement particulier qui n'était pas arrivé depuis 2010 : le déficit s'est en effet accru d'environ 10 milliards d'euros ! Même sans tenir compte des sommes relevant du PIA, on est à plus de 5 milliards d'euros.
En outre, un certain nombre de dettes de l'État sont en train de se reconstituer dans les différentes missions : 173 millions d'euros en matière de logement sur l'aide personnalisée au logement (APL) qui, nous dit-on, s'élèveront à 300 millions d'euros à la fin de l'année ! Un certain nombre de chiffres ne figurent pas dans l'exécution. Si l'on en faisait la somme, il y aurait sans doute plusieurs centaines de millions d'euros, voire plus d'un milliard d'euros à y rajouter. On ne peut donc vous décerner de satisfecit aujourd'hui.
Combien manquerait-il s'il fallait jouer le jeu de la vérité des chiffres ? La Cour des comptes a également relevé le fait que l'État ne verse pas les pénalités qu'il doit au fameux Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) lorsqu'il a été condamné par le tribunal administratif pour défaut de relogement, dans le cadre de la loi sur le droit au logement opposable (DALO). On pourrait multiplier ainsi les exemples. Il serait donc intéressant de connaître le chiffre global.
La Cour des comptes évoque d'ailleurs la légalité de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui permet de financer les aides à la pierre par la mutualisation.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - La CGLLS dispose pourtant de réserves !
M. Philippe Dallier . - Je partage votre point de vue : j'ai toujours été favorable à cette mutualisation des moyens, mais si les aides à la pierre figuraient auparavant dans le budget de l'État, il n'en existe aujourd'hui quasiment plus, et l'on va piocher l'argent ailleurs. C'est pourquoi la Cour des comptes s'interroge sur la légalité de ce moyen.
Un mot sur le prélèvement à la source. Nos concitoyens y sont en effet favorables, mais je ne suis pas sûr qu'ils aient tous compris ce qui allait se passer. Certains pensent qu'il y aura une année blanche durant laquelle on ne paiera pas d'impôts. On a bien vu que ce ne serait pas le cas. Tout le monde n'a pas compris qu'on devra quand même faire une déclaration en fin d'année. Pour certains, un reliquat sera probablement à verser ou un chèque à percevoir du Trésor public. C'est la même mécanique qu'aujourd'hui !
Pourquoi se lancer dans cette opération, qui va être extrêmement compliquée et qui présente un autre inconvénient, celui de devoir demander à toutes les entreprises, petites, moyennes ou grandes, de jouer au percepteur, avec les difficultés que cela va engendrer ? On a développé la déclaration par Internet, qui commence à donner de bons résultats. Elle va monter en puissance. C'était déjà une simplification. On peut être prélevé mensuellement. On n'était donc pas très loin de ce qui va être proposé, mais l'inconvénient de ce système, c'est que l'on va transformer les entreprises et les collectivités locales en percepteurs. En tant que maire, je m'inquiète quelque peu !
La commission des finances du Sénat travaille sur la TVA et l'évaporation des bases fiscales. On a en effet demandé aux entreprises de jouer ce rôle : elles prélèvent et compensent, mais l'on voit les difficultés que cela pose en matière de recouvrement. On est en train de travailler sur une logique inverse, qui ferait que l'on prélèverait la TVA à la source au moment des paiements, afin d'alléger le travail des entreprises et de vous rendre le contrôle plus simple.
En matière d'impôt sur le revenu, on va mettre en place un système complexe qui n'en vaut pas la peine ! Existe-t-il une évaluation du coût de la mise en place de cette affaire ? Il va falloir adapter tous les systèmes informatiques : cela va être d'une certaine complexité ! A-t-on une étude comparative pour s'en faire au moins une idée ?
M. Yannick Botrel . - La retenue de l'impôt à la source est un grand sujet de débat chez nos concitoyens : il suffit de prendre le taxi ou un café le matin au comptoir pour être interpellé sur ce sujet.
Que peut-on répondre à nos concitoyens qui craignent la perte de la confidentialité, à laquelle ils tiennent particulièrement, que pourrait provoquer la retenue à la source, puisqu'il appartiendra en effet à l'employeur de collecter l'impôt ?
En second lieu, on met souvent en avant le fait qu'en l'état actuel 47 % de nos concitoyens échappent à l'imposition sur le revenu : est-il envisagé un élargissement de la base des contributeurs ?
M. François Marc . - Je pense que les choses sont relativement claires et transparentes à propos de la loi de règlement. En France, la certification des comptes constitue une garantie. Si, dans d'autres pays, aujourd'hui en situation délicate, cette certification avait existé au cours des décennies passées, on n'aurait peut-être pas connu les crises que nous traversons !
Par ailleurs, vous avez souligné que la dépense publique était maîtrisée pour la première fois depuis nombre d'années. C'est une évolution qu'on ne peut que saluer.
Vous indiquez également que, s'agissant du déficit des comptes, vous avez transmis avant le 10 juin les éléments nécessaires à Bruxelles. Il n'y a pas de contestation sur ce point, la France respectant ses engagements. Je crois donc qu'il faut vous décerner un satisfecit, sinon sur le niveau du déficit, que tout le monde déplore, du moins sur la façon dont la tenue des comptes et le budget sont maîtrisés.
S'agissant du prélèvement à la source, la modification que l'on veut introduire en France est tout à fait légitime. On ne peut pas vraiment la contester. Parmi les 47 % de Français qui paient l'impôt, beaucoup ont des trajectoires professionnelles qui les conduisent dans des pays étrangers à un moment ou un autre de leur carrière. Il n'est pas maladroit de rapprocher nos dispositifs de ce qui est en vigueur dans les autres pays. C'est une forme de standardisation des modes de prélèvement de l'impôt qui paraît légitime. La France est l'un des trois pays au monde, avec Singapour, qui n'a pas encore adopté ce mode de fonctionnement.
Une question sur l'organisation de cette réforme, tant en ce qui concerne la préparation du budget 2016 que du budget 2017 : on sait que celle-ci entrera en application le 1 er janvier 2018, mais quelles dispositions va-t-on déjà introduire dans la loi de finances pour 2016 ? Je pense en particulier à la télédéclaration et à la mensualisation. Je sais que cela soulève un problème constitutionnel, mais ne pourrait-on, dès le budget 2016, obliger tout le monde à s'inscrire dans un mode de fonctionnement qui facilite les choses ? Si on n'introduit pas de garde-fous, de contraintes, et si on ne manifeste pas d'exigences du point de vue réglementaire, peut-être les choses seront-elles plus difficiles à mettre en place. Dès lors quelles dispositions verra-t-on apparaître dans la loi de finances initiale pour 2016 ? Qu'est-il prévu pour 2017 ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Un contribuable mensualisé qui utilise la télédéclaration a la possibilité de demander la modification de ses prélèvements, voire leur interruption, si ses revenus changent. Qu'est-ce que cela va apporter concrètement ? Il est vrai que si l'on se trompe de plus de 10 %, on risque des pénalités. C'est peut-être ce qui explique le peu de recours à ce système...
Or, aujourd'hui, si les contribuables utilisent beaucoup la mensualisation, peu ont recours à la télédéclaration, alors que le système fonctionne objectivement bien. Il faut rendre hommage à la DGFiP sur ce point.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - François Marc m'a interrogé sur les méthodes de retenue de l'impôt à la source et les méthodes de travail. Nous aurons à y travailler. Dès septembre, le Gouvernement lancera un débat avec l'ensemble des partenaires. Nous aurons jusqu'au premier semestre 2016 pour mettre noir sur blanc les principes, les difficultés, les méthodes qui pourraient faire consensus. Quelles pourraient être les premières mesures ? Nous travaillerons ensemble sur ces sujets...
Vous souhaitez que l'on incite le contribuable à télédéclarer et à se mensualiser. La meilleure incitation, c'est d'en faire la promotion et d'expliquer, comme vient de le faire à l'instant le rapporteur général, qu'elles fonctionnent bien.
J'ai par exemple été surpris que ceux qui utilisent le chèque emploi service universel (CESU) trouvent préremplis les montants de leurs dépenses au titre de l'emploi de salariés à domicile, ainsi que le nom et l'adresse de ceux-ci.
Tout cela s'améliore régulièrement, tous les ans, grâce au travail de nos équipes. Certains pensent que c'est facile : or on compte 37 millions de foyers fiscaux et 150 millions d'informations transmises aux services fiscaux d'origine diverses - banques, employeurs, CESU, etc. ! Tout est vérifié, et il faut saluer ce travail.
Qu'est-ce qui va changer ? Principalement le fait que l'impôt à payer concernera l'année des revenus que l'on percevra : cela évitera les décalages temporels que j'évoquais tout à l'heure. Ce sont des difficultés que vous rencontrez dans vos permanences : on demande des délais, des facilités de paiement, etc. L'un des objectifs est de rapprocher le moment où l'on paie l'impôt de celui où l'on perçoit le revenu : c'est essentiel !
Nous n'avons pas l'intention d'obliger l'ensemble des contribuables à télédéclarer. Un certain nombre de personnes ne sont en effet pas en mesure de le faire, et ce pour diverses raisons - raisons personnelles, idéologiques, matérielles, du fait d'une mauvaise connexion à Internet, par exemple. Il faut continuer à travailler sur ces sujets.
Vincent Delahaye s'interroge sur les reports de charges. C'est très clair dans les comptes de l'État, même s'il est vrai qu'on ne le voit pas dans la comptabilité budgétaire. Fin 2013, l'État devait 6,7 milliards d'euros à ses fournisseurs ; fin 2014, l'État doit 7 milliards d'euros, hors effet des apurements communautaires, soit une très légère augmentation de 300 millions d'euros. On a donc contenu les choses. Tous les rapporteurs spéciaux ont accès à toutes les informations concernant les comptes détaillés de chacun de leur secteur.
Pour ce qui est des jours de grève, je n'ai pas de réponse, j'en suis désolé. La question est précise.
Parmi les économies réalisées en 2015, lesquelles sont structurelles, lesquelles sont conjoncturelles ? Je vous propose d'ouvrir le débat ce soir et, peut-être, d'y passer la nuit ! J'entends souvent le mot « structurel » répété quinze de fois de suite dans certaines interventions - je n'ai pas dit que c'était le cas ici, mais cela arrive... Je préférerais que ceux qui appellent sans cesse de leurs voeux des réformes structurelles en proposent seulement quatre. C'est un bon débat, mais il est difficile à trancher. Le débat d'orientation des finances publiques, j'imagine, nous permettra d'y revenir.
Fabienne Keller a posé deux questions. En premier lieu, a-t-on conservé l'idée d'un règlement en sifflet de la retenue à la source, avec une répartition de l'année que certains qualifient un peu à tort de « blanche » les années suivantes ? C'est une proposition qui circule. J'ai dit clairement ce qu'il en était pour les revenus salariés : il n'est pas question de reporter l'impôt dû en 2017 sur les années suivantes, et de le cumuler avec l'impôt dû au titre de 2018.
Nous aurons à traiter le cas des revenus exceptionnels, ponctuels - plus-values mobilières perçues ou réalisées en 2017. Cela ne change rien : un revenu exceptionnel, en 2017, aurait de toute façon donné lieu à un impôt exceptionnel en 2017 ! Si l'impôt exceptionnel est réparti sur les années suivantes, en quoi cela pénaliserait-il le contribuable ? J'ai même le sentiment qu'il peut en tirer un avantage. ! Cela fait partie des points que nous aurons à traiter dans le cadre de nos travaux.
Vous évoquez en second lieu des baisses d'impôt. Vous avez raison, madame la sénatrice, il existe des baisses d'impôt : avec la suppression de la première tranche, 9 millions de foyers vont voir leur impôt diminuer dès 2015. Nous le vérifierons ensemble. Y en aura-t-il d'autres en 2016 et 2017 ? Nous sommes en train de travailler sur la loi de finances initiale. Nous verrons bien dans quelle mesure les propositions du Gouvernement ou les propositions parlementaires pourront modifier la structuration. Le Gouvernement n'acceptera en tout cas aucune hausse d'impôt supplémentaire, même si elles sont proposées par les parlementaires. Il ne vous en proposera pas non plus, et il tentera de s'y opposer, même si le Parlement décide en dernier ressort.
Michel Bouvard a évoqué la question de la dette et des taux d'intérêt, question régulièrement posée à juste titre, parfois sous forme de risque. J'ai failli anticiper ma réponse tout à l'heure...
Les documents et les trajectoires budgétaires ont été élaborés suivant des prévisions concernant le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) qui sont les suivantes : le taux des OAT devrait s'élever à 1,2 % en 2015, 2,1 % en 2016, 3 % en 2017, et 3,5 % en 2018. Aujourd'hui, le taux des OAT, qui vient d'augmenter, tourne entre 1,1 % et 1,2 %. Ces OAT ont dix ans, et un spread qui a assez peu varié par rapport à nos voisins. À ce stade de l'année, nos émissions couvrent déjà une large part de nos besoins. Nous avons essayé de profiter des taux faibles, qui sont en train de légèrement remonter - je pense que l'incertitude que peut engendrer la situation grecque n'y est pas complètement étrangère. Nous l'avons évoquée en conseil des ministres il y a deux heures.
Les taux d'OAT inclus dans nos trajectoires budgétaires sont particulièrement prudents, puisqu'il faudrait un doublement de l'OAT pour que cela ait des conséquences en 2016.
Il existe un autre impact, celui de l'inflation. Beaucoup de nos produits sont indexés sur l'inflation. À ce stade, nous en avons assez généreusement profité. L'inflation, semble-t-il, connaît un regain de hausse selon les dernières prévisions. Comme le disait Pierre Dac : « Les prévisions sont toujours difficiles, surtout quand elles concernent l'avenir. » !
M. Michel Bouvard . - Il disait aussi que les économistes avaient été inventés pour que les météorologues se sentent moins seuls !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Vous m'interrogez également sur le PIA et les possibilités de débudgétisation, et vous vous inquiétez à propos du fonds de financement de la transition énergétique. Je crois reconnaître là des propos du commissaire-surveillant de la Caisse des dépôts, que vous fûtes !
C'est une interrogation traditionnelle. Nous essayons, avec le Commissariat général à l'investissement (CGI), de piloter au mieux les dépenses du PIA, qui sont bien qualifiées de « dépenses publiques », et sont prises en compte dans le champ des dépenses de l'État. Nous en suivons les décaissements. Ils sont souvent très progressifs, et nous faisons régulièrement le point à ce sujet.
Quant aux questions concernant la transition énergétique, je reçois ce soir Ségolène Royal pour travailler sur la loi de finances initiale. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Pour répondre à Philippe Dallier, combien manque-t-il ? Il n'y a pas de poussière sous le tapis ! Vous dites que la CGLLS a été critiquée par la Cour des comptes. On demande aux organismes sociaux de se garantir contre un risque bancaire par une cotisation à la CGLLS, qui n'a d'ailleurs été que très rarement appelée en recours comme garantie d'emprunt, sauf une fois, je crois, à hauteur de 400 000 euros, ce qui est sans rapport avec les centaines de millions d'euros actuellement capitalisés dans la CGLLS.
Un travail est mené sur la mutualisation ; nous aurons peut-être l'occasion de l'évoquer avec le sénateur Georges Patient au sujet d'une difficulté que connaît son département. Nous travaillons sur ce sujet avec Alain Cacheux, qui préside le conseil d'administration et Jean-Louis Dumont, au titre de l'Union sociale pour l'habitat (USH), pour optimiser les fonds de la CGLLS.
Vous dites qu'il s'agit d'un transfert des aides à la pierre : l'important est qu'elles puissent être mises en oeuvre pour accompagner les opérations de construction de logements. Pourquoi immobiliser de l'argent ? Cela a été le cas très longtemps. Pourquoi ne pas les mettre au service du logement social ? C'est ce que nous nous employons à faire.
Vous avez posé une question très précise et légitime sur les charges que pourrait occasionner la retenue à la source aux entreprises. Nous travaillons sur plusieurs pistes en ce qui concerne celui qui prélèvera l'impôt. Vous craignez que les entreprises ne se transforment en percepteurs. C'est déjà assez largement le cas : le bulletin de paye comporte ainsi plusieurs lignes concernant la TVA, la CSG, etc. Nous travaillons d'ailleurs sur une simplification du bulletin de paye. Si on enlève cinq lignes et qu'on en ajoute une, on en aura néanmoins supprimé quatre !
Des réunions ont lieu tous les quinze jours avec les concepteurs de logiciels de paye, avec les entreprises, les organisations professionnelles. Si c'est l'entreprise qui joue le rôle de collecteur, il faudra veiller que cela respecte certains principes.
D'autres pistes sont explorées : on parle d'une interface qui permettrait, dès que le salaire est versé sur le compte bancaire, d'effectuer immédiatement le prélèvement. Cela fait partie de ce qui sera mis au débat et des choix qui devront être faits dans le cadre du Livre blanc.
Se pose également la question de la confidentialité. Il faudra bien qu'à un moment donné, quelqu'un utilise un taux d'imposition : l'employeur, le banquier, ou celui qui se trouve entre les deux. Que va révéler ce taux d'imposition ? Pas grand-chose ! En effet, un grand nombre de facteurs interviennent dans le calcul de celui-ci, comme la structure familiale, l'ampleur des revenus des uns et des autres, la présence ou non de revenus exceptionnels ou d'autres revenus. Un taux s'explique par un grand nombre de choses. Il y a donc déjà là une protection. Nous aurons l'occasion d'en débattre avec l'ensemble des acteurs du secteur.
J'ajoute que nous disposons d'un outil qui se développe, celui de la déclaration sociale nominative (DSN), qui va progressivement devenir obligatoire dans toutes les entreprises. C'est un facteur très important. Cela va grandement simplifier la vie des entreprises, qui n'auront plus à renseigner les états qu'elles doivent remplir, mais pourront directement avoir communication des montants versés.
C'est un facteur de simplification très important pour les entreprises. Pour la sphère publique, cela permet d'avoir connaissance, au fil de l'eau, des revenus dans leur détail et dans leur répartition.
L'année dernière, le Parlement nous a suivis en instaurant le versement d'une prime aux retraités destinée à compenser la non-revalorisation des pensions. Nous avons eu des difficultés à mettre en place ce dispositif. Pourquoi ? Aujourd'hui, nous n'avons pas connaissance de l'ensemble des revenus que touchent les retraités - retraite principale ou retraites complémentaires. On est parvenu à le faire en croisant les données issues de plusieurs systèmes informatiques, mais cela n'a pas été simple. Avec la DSN, je pense que nous aurons davantage de facilités pour le faire. Cela nous donnera des informations statistiques.
L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), par exemple, vient d'annoncer que la masse salariale, au premier trimestre, a augmenté de 0,9 %. Nous pourrons ainsi, mois par mois, suivre l'évolution de la masse salariale ce qui, dans le suivi de nos prévisions de recettes, ou en matière de cotisations sociales, nous permettra d'améliorer nos connaissances. Nous pourrions même accélérer le calendrier, mais je sais que cela pose quelques difficultés.
François Marc a rappelé que nous étions l'un des rares pays à ne pas pratiquer la retenue à la source, avec la Suisse et Singapour. Par ailleurs, nous ne sommes pas seuls à tenir compte de la situation familiale : c'est également le cas du Grand-Duché du Luxembourg. Ce principe n'est pas remis en cause. J'entends dire que l'on va vers une individualisation de l'impôt : non !
La déclaration annuelle continuera d'être de mise. La plupart des pays qui pratiquent la retenue à la source continuent d'en avoir une, qu'il s'agisse de l'Allemagne, des États-Unis, ou des pays du nord. En Allemagne, elle n'est pas obligatoire, ce pays prélevant systématiquement plus que l'impôt qui est dû. Beaucoup de contribuables allemands, si les sommes sont faibles ou si la complexité est trop grande, renoncent même à leur déclaration finale. On dit que quelques milliards d'euros par an sont ainsi conservés par l'État. Ce n'est pas le but : le but est que l'impôt soit juste et corresponde à ce qui est dû. Ce système sera consolidé en fin d'année par une déclaration annuelle préremplie : c'est mieux, plus rapide et plus efficace.
Aujourd'hui, comment peut-on encore gâcher des tonnes de papier, alors que la télédéclaration apparaît très efficace ? Elle est souhaitée par les entreprises, qui ont parfois un tour d'avance sur la sphère administrative en ce qui concerne les évolutions technologiques. Je pense donc que nous devons accompagner ce mouvement.
Voilà quelques éléments de réponse. Comme d'habitude, nous aurons l'occasion d'y revenir.
Mme Michèle André , présidente . - Merci pour votre disponibilité et vos réponses. Nous aurons en effet l'occasion d'y revenir.