Section 5 bis - Simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité
Article 97 quinquies (nouveau) (art. L. 4161-1, L. 4161-2, L. 4162-2, L. 4162-3, L. 4162-12 à L. 4162-14 et L. 4163-2 du code du travail, art. L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et art. L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime) - Simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité
Objet : cet article additionnel, inséré par votre commission spéciale sur proposition de votre rapporteur, apporte des modifications au régime juridique du compte personnel de prévention de la pénibilité afin d'en simplifier la tenue pour les employeurs et de le recentrer sur des facteurs de risques professionnels aisément quantifiables.
Traduisant une proposition formulée par le rapport Moreau 530 ( * ) , la loi du 20 janvier 2014 531 ( * ) a créé le compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP). Tout salarié du secteur privé ou d'une personne publique employé dans les conditions du droit privé acquiert des droits au titre de ce compte en fonction de son exposition , dans le cadre de son travail, à l'un des dix facteurs de risques professionnels définis par décret 532 ( * ) et identifiés comme ayant des conséquences sur la qualité et l'espérance de vie en bonne santé à la retraite.
Chaque année, le CPPP d'un salarié exposé à l'un de ces facteurs est crédité de quatre points , ou de huit points en cas de polyexposition , dans la limite d'un plafond de cent points . Ils peuvent être utilisés pour financer une action de formation visant à acquérir les qualifications nécessaires pour obtenir un poste moins pénible, pour passer à temps partiel avec une prise en charge de la différence de rémunération et de cotisations sociales ou pour bénéficier d'un départ anticipé à la retraite . Une fiche individuelle retraçant l'exposition de chaque salarié aux facteurs de risques professionnels doit être conservée par l'employeur afin de la déclarer, chaque année, à la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).
Lors de l'examen de la loi du 20 janvier 2014, l'opposition sénatoriale d'alors, et notamment votre rapporteur, avait alerté le Gouvernement sur les difficultés insurmontables que la mise en oeuvre du CPPP allait engendrer dans certains secteurs, comme le bâtiment, où tous les métiers sont « pénibles » au sens de la loi. Outre une stigmatisation symbolique de ces activités , les modalités retenues donnent naissance à des tâches bureaucratiques que la très grande majorité des entreprises, à l'exception peut-être de celles disposant d'un service des ressources humaines dédié, ne sont pas en capacité de remplir. C'est particulièrement vrai pour les PME , qui constituent la très grande majorité des entreprises françaises.
La prise de conscience tardive du Président de la République et du Gouvernement sur ce sujet ne s'est pas traduite dans les faits . Ainsi, malgré les engagements pris lors de la grande conférence sociale de juillet 2014, un décret du 9 octobre 2014 533 ( * ) est venu définir les seuils d'exposition aux dix facteurs de pénibilité retenus , alors que seuls quatre d'entre eux (le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif et les activités exercées en milieu hyperbare) entraient en vigueur le 1 er janvier 2015. Pour certains des six restants, les critères de mesure choisis sont proprement ubuesques . Il en va ainsi des postures pénibles , définies comme positions forcées des articulations, qui relèvent du CPPP si, pendant au moins 900 heures par an, un salarié a maintenu ses bras « en l'air à une hauteur située au-dessus des épaules » ou s'est trouvé dans des « positions accroupies ou à genoux ou [des] positions du torse en torsion à 30 degrés ou [des] positions du torse fléchi à 45 degrés ».
Considérant qu'il n'est pas possible d'attendre le rapport de la mission d'évaluation et d'aménagement de ce dispositif, confiée par le Premier ministre en janvier dernier à notre collègue député Christophe Sirugue et à Gérard Huot, président de la chambre de commerce et d'industrie de l'Essonne et qui doit être remis au mois de juin, votre rapporteur a décidé de proposer à votre commission spéciale des modifications significatives du CPPP, sans remettre en cause le principe même de la prévention de la pénibilité et de la compensation de l'exposition à cette dernière , qui est issu de la loi « Woerth » de 2010 534 ( * ) .
Cet article 97 quinquies nouveau supprime la fiche individuelle retraçant l'exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité, alors que la plupart des employeurs ne disposent pas des moyens humains et techniques nécessaires pour la remplir et la maintenir à jour.
Il simplifie également les facteurs de pénibilité pris en compte . Il inscrit dans la loi le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare, qui sont les trois facteurs dont l'exposition est facile à mesurer . Tant que le Gouvernement ne sera pas parvenu à recueillir l'approbation des partenaires sociaux sur des modalités de mesure de l'exposition aux autres facteurs définis par le décret du 9 octobre 2014 (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, températures extrêmes, bruit, travail répétitif) plus simples et que le législateur n'aura pas eu la possibilité de les apprécier, ils ne pourront pas entrer en vigueur . Si dans le courant de l'année 2015, les concertations sur ce thème aboutissent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 pourrait venir les inscrire dans la loi.
Votre commission spéciale a adopté cet article additionnel.
* 530 Yannick Moreau, Nos retraites demain : équilibre financier et justice , rapport au Premier ministre, juin 2013.
* 531 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, art. 10.
* 532 Ce sont, selon l'article D. 4162-2 du code du travail, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif, les activités exercées en milieu hyperbare, les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit.
* 533 Décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l'exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité.
* 534 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, art. 60 et 79.