Section 4 - Dispositions diverses

Article 50 A - Cession et location de matériel militaire

Objet : cet article, introduit en séance publique par l'Assemblée nationale, tend à lever des obstacles juridiques à la mise en place de sociétés de projet en vue de la cession-bail de matériel militaire.

I - Le dispositif proposé

A. La réponse du Gouvernement au besoin de financement du ministère de la défense : les sociétés de projet

1. Le besoin de financement de la défense

L'équilibre de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 repose sur la réalisation de ressources exceptionnelles (REX), particulièrement en début de période, la part des REX devant progressivement reculer au profit de crédits budgétaires.

La loi de finances pour 2015 305 ( * ) est revenue sur cette trajectoire en minorant les crédits budgétaire de 600 millions d'euros et en majorant les REX attendues du même montant.

Comparaison LPM/LFI 2015

(en milliards d'euros)

2015

Écart

LPM

PLF

Crédits budgétaires

29,6

29,1

- 0,6

- 2 %

Ressources exceptionnelles

1,8

2,4

+ 0,6

+ 33 %

Total

31,4

31,4

0

0 %

Ces recettes reposent :

- pour 230 millions d'euros sur la cession des emprises parisiennes libérées par le déménagement à Balard ;

- pour 2,17 milliards d'euros au titre de la cession de la bande des fréquences 694-790 MHz (dite « bande des 700 MHz ») libérée par les évolutions de format de la télévision terrestre numérique (TNT).

Le calendrier de cession de la bande des 700 MHz apparaît difficilement tenable .

Compte tenu des délais de consultation et de rédaction du cahier des charges, l'ARCEP ne devrait lancer l'appel d'offre qu'à l'été 2015 pour une attribution au plus tôt à la toute fin de l'année 2015 , ce qui ne permettra pas la perception du produit de cession en temps utile pour financer les programmes d'armement du ministère de la défense.

Il faut relever que le budget de la défense est déjà fragilisé par plusieurs facteurs, notamment :

- un report de charge de 3,4 milliards d'euros constaté fin 2013, qui devrait s'établir à 3,8 milliards d'euros fin 2014, au détriment des fournisseurs de la défense ;

- un surcoût des opérations extérieures supérieur de près de 750 millions d'euros à la prévision , en 2013 comme en 2014. Le dépassement est financé par la « réserve de précaution », qui pèse elle-même au moins à hauteur de 20 % sur la mission « Défense » ;

- un coût de régénération des matériels de retour d'OPEX très supérieur aux prévisions, conjugué au coût du prolongement de la vie de matériels anciens ;

- le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme à la suite des attentats de janvier dernier, notamment la mise en oeuvre de l'opération intérieure Sentinelle, qui mobilise 10 500 militaires et coûte environ un million d'euros par jour selon le ministre de la défense.

L e budget de la défense n'a pas la capacité d'absorber une éventuelle insuffisance des recettes exceptionnelles , sauf à remettre en cause le modèle d'armée défini par la LPM, déjà réduit par rapport à la programmation précédente.

C'est d'ailleurs pour cette raison que la LPM comprend, à l'initiative du Sénat, une « clause de sauvegarde » . Son article 3 dispose ainsi que, « dans l'hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel ».

2. Les sociétés de projet

Comme l'indique l'exposé sommaire de l'amendement présenté par le Gouvernement, celui-ci « a décidé de mettre en oeuvre un dispositif de cession/relocation d'équipements militaires visant à obtenir en 2015 les recettes exceptionnelles prévues par la Loi de Programmation militaire.

Ce dispositif s'articule autour des opérations suivantes :

- l'État identifie un équipement précédemment acquis ou en cours d'acquisition dans le cadre d'un marché public de fourniture déjà notifié ;

- l'État, éventuellement associé à un ou plusieurs partenaires privés créent une ou plusieurs sociétés à capitaux majoritairement publics dédiées à l'acquisition et la location de l'équipement ;

- l'État cède à la société de projet la propriété de l'équipement (il pourrait s'agir soit d'une cession d'un matériel déjà livré au ministère de la défense, soit d'une vente à terme d'un équipement en cours de construction) ;

- une fois réceptionné par l'État, l'équipement devient la propriété de la société de projet et est immédiatement loué au ministère de la défense ;

- le ministère de la défense dispose, pendant toute la période de location, de la faculté d'acquérir la propriété de l'équipement. »

B. Le dispositif proposé

1. L'autorisation de cession de matériels militaires

Le dispositif proposé autorise le ministre de la défense à céder des matériels alors même qu'ils continueraient à être utilisés par ses services ou auraient vocation à l'être.

Cette autorisation législative vise à lever l'obstacle que représentent les dispositions de l'article L. 3211-17 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) permettant la vente de biens du domaine privé de l'État et de ses établissements publics « lorsqu'ils ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'État ou un établissement public de l'État ».

Elle porte sur les matériels dont l'exportation est soumise à autorisation au titre des articles L. 2335-2 et L. 2335-9 du code de la propriété et de l'article L. 2335-18 du code de la défense.

2. Les garanties tenant à la continuité du service public de la défense nationale

Le dispositif proposé précise que les matériels continueraient à être utilisés dans le cadre d'un contrat de location, avec une société à participation publique majoritaire.

Il indique que ce contrat de location devra comporter des « clauses permettant de préserver la continuité du service public » de la défense nationale.

Il soumet à l'accord préalable de l'État « tout acte de cession, apport ou création de sûreté portant sur les biens aliénés », qui, à défaut, serait frappé de nullité. De même, les biens vendus par le ministère de la défense ne pourraient faire l'objet d'aucune saisie.

3. La levée des obstacles légaux tenant au financement des opérations de vente et de location de matériels militaires

Le présent article prévoit que, contrairement aux interdictions posées par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, les sociétés rachetant les matériels militaires pour les louer à l'État pourront effectuer des opérations de crédit à titre habituel, normalement réservées aux établissements de crédit ou aux sociétés de financement.

Comme l'explique l'exposé sommaire de l'amendement du Gouvernement, cette disposition vise à « éviter que les sociétés de projet créées exclusivement pour les besoins de ces opérations, qui pourraient être assimilées à des opérations de crédit-bail, soient soumises aux contraintes que les dispositions du code monétaire et financier font peser sur les établissements de crédit et les sociétés de financement, notamment en termes d'obtention de l'agrément d'agrément préalable par l'autorité de contrôle prudentiel et de régulation ou de capitalisation ».

Le dispositif proposé tend également à faire échapper ces sociétés aux dispositions de l'article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 qui interdit aux organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux en vigueur, autres que l'État, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l'État, de contracter auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ou d'émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée.

Selon l'exposé sommaire de l'amendement du Gouvernement, cette disposition constituerait une « précaution », pour le cas où les sociétés de projet « répondraient aux critères d'appartenance à la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté ».

4. La demande de rapport au Gouvernement

À l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour et avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un sous-amendement afin de prévoir que le Gouvernement remet au Parlement un rapport :

« 1° Présentant la liste exhaustive des matériels potentiellement concernés par le I du présent article, en précisant l'échéance envisagée pour le rachat en pleine propriété de chacun de ces matériels par l'État ;

2° Exposant les conditions posées à la participation d'investisseurs privés au capital des sociétés de projet ainsi que les garanties qui permettront d'y prévenir la présence d'investisseurs étrangers ;

3° Établissant les modalités de rémunération des sociétés de projet ainsi que l'impact prévisible du dispositif sur l'endettement public. »

Aucun délai n'est prévu pour la remise de ce rapport.

II - La position de la commission

De manière constante, le Sénat a considéré qu' il était indispensable de garantir au ministère de la défense les ressources prévues par la loi de programmation militaire (LPM). En effet, le respect de la programmation conditionne la capacité des forces armées à faire face à la dégradation de la situation sécuritaire sur le plan international et national. L'enjeu est également considérable sur le plan industriel et de l'emploi .

La fragilité des hypothèses du Gouvernement concernant les recettes exceptionnelles du ministère de la défense a maintes fois été dénoncée au Sénat, que cela soit au moment du vote de la loi de programmation militaire 2014-2019 ou de la loi de finances pour 2015.

Cette fragilité est désormais reconnue par le Gouvernement qui a introduit dans le présent projet de loi un amendement visant à lever les obstacles juridiques pour la mise en place de sociétés de projet.

Alors que le montage envisagé par le Gouvernement paraissait encore très flou, les travaux de votre commission et de vos rapporteurs ont permis de clarifier un certain nombre de points :

- l'opération viendrait aggraver le déficit public maastrichtien ;

- les sociétés seraient dans un premier temps exclusivement publiques mais pourraient par la suite accueillir des investisseurs privés ;

- des sociétés pourraient être créées de manière pérenne et fournir des services complémentaires au ministère de la défense.

En revanche, ni le ministère de la défense, ni les ministères de l'économie et des finances n'ont fourni de réponse à la question du coût pour les finances de l'État, que cela soit la rémunération des capitaux investis ou le manque à gagner lié à la cession de participations publiques.

Il apparaît ainsi que, si les sociétés de projet permettent effectivement à court terme de garantir les ressources prévues par la loi de programmation militaire , elles ne sont pas sans risque sur le plan financier et pourraient contribuer à moyen terme à une précarisation supplémentaire des moyens du ministère de la défense, au travers d'une débudgétisation et d'une externalisation croissante .

Cette solution est donc loin d'être idéale mais pourrait être acceptée s'il apparaissait qu'elle était la seule à même d'assurer le financement dont le ministère de la défense a besoin.

Sur ce point, le Gouvernement maintient une grande ambiguïté , que la réponse du Premier ministre au courrier de M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangère et de la défense, n'a fait que confirmer : le « scénario central » serait encore l'attribution du produit de cession de fréquences au ministère de la défense avant la fin de l'année, les sociétés de projet n'étant qu'un plan de repli en cours d'étude.

Les déclarations publiques du ministre des finances, complétées par les éléments recueillis lors de l'audition par votre rapporteur du cabinet du secrétaire d'État au budget, laissent penser qu' une troisième solution est également étudiée par les services de Bercy , qui présenterait moins d'inconvénients que les sociétés de projet mais ne serait pas encore aboutie.

Vos rapporteurs considèrent que ces atermoiements sont particulièrement tardifs . Le ministère de la défense a besoin d'être assuré de ses ressources afin de pouvoir réaliser le programme d'investissement prévu par la LPM. Toute ambiguïté doit donc être levée  au plus vite.

C'est pourquoi vos rapporteurs vous proposent de supprimer l'article 50 A, afin que d'ici l'examen en séance publique du présent projet de loi, les arbitrages du Gouvernement, qui n'ont que trop tardé, soient clairement exposés. Cette suppression constitue un appel solennel au Gouvernement pour qu'il garantisse dans les faits, et non plus seulement dans le discours, le financement de nos forces armées . Pour cela, le Parlement doit être mis en mesure de statuer sur la meilleure solution permettant d'atteindre ce but, y compris, le échéant, si elle consiste en la création de sociétés de projet.

Votre commission spéciale a supprimé cet article.

Article 50 (art. 31-2 [nouveau] de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Obligation de proposer une offre aux salariés
en cas de transfert au secteur privé

Objet : cet article réintroduit dans le droit positif l'obligation de proposer aux salariés des actions de leur société, lorsque l'État procède au transfert au secteur privé d'une partie du capital de cette société.

I - Le dispositif proposé

Avant la publication de l'ordonnance n° 2014-948, l'article 11 de la loi n° 86-912 (seconde loi de privatisation) prévoyait que, en cas de cession d'une participation de l'État sur le marché financier, une partie des titres cédés devait être proposée aux salariés et anciens salariés, à concurrence de 10 % du montant de l'opération.

L'ordonnance n° 2014-948 a abrogé cet article 11. En effet, ce mécanisme était jugé lourd à mettre en oeuvre tout en ne permettant pas de structurer efficacement un actionnariat salarié. De fait, il faut d'abord que l'État décide une cession d'actions pour que les salariés puissent en acquérir.

Le Gouvernement avait donc fait le choix de soumettre les sociétés détenues par l'État au droit commun applicable aux autres sociétés, dans lesquelles l'actionnariat salarié est prioritairement constitué à partir d'augmentations de capital réservées aux salariés (articles L. 3332-18 et suivants du code du travail).

Afin de réaffirmer « l'intention de l'État de jouer un rôle moteur dans le développement de l'actionnariat salarié », selon les termes de l'exposé des motifs du présent projet de loi, le présent article propose de réintroduire un mécanisme de participation pour les salariés des sociétés dont les titres sont cédés par l'État.

Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoyait que lors de toute opération de cession de titres sur le marché financier, une assemblée générale extraordinaire devait se prononcer sur un projet de résolution tendant à réaliser une augmentation de capital dans les conditions prévues par le code du travail.

À l'initiative des rapporteurs et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a réécrit le dispositif afin de revenir à un état du droit très proche de celui en vigueur avec l'article 11 de la loi de 1986.

En effet, dans son rapport, notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, explique que « la rédaction de l'article 50 apparaît [...] trop restrictive, puisque l'augmentation du capital est décidée, ou non, par l'assemblée générale, qui peut ne pas avoir intérêt à une telle opération. Elle est également en décalage par rapport à la proposition n° 18 du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (COPIESAS), qui consiste à prévoir un pourcentage de titres réservé aux salariés ou anciens salariés en cas de cession d'une partie du capital dans les sociétés à participation publique.

« L'actionnariat salarié permettant à la fois d'associer plus étroitement les salariés aux évolutions de l'entreprise et la création d'un actionnariat stable, il est proposé de rendre obligatoire une telle offre dans la limite de 10 % de la cession, charge à l'entreprise de consentir des conditions avantageuses pour constituer un tel actionnariat ».

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels.

Ainsi, le présent article prévoit que, pour toute opération de cession de participation sur les marchés financiers entraînant un transfert au secteur privé, « une fraction des titres cédés par l'État, qui ne peut être supérieure à 10 %, est proposée » aux salariés et anciens salariés de la société et de ses filiales adhérents à un plan d'épargne d'entreprise. Cette dernière condition permet d'organiser plus facilement la procédure de cession aux salariés.

Il est également prévu que le conseil d'administration ou le directoire puisse décider que l'entreprise prenne à sa charge une part du prix à la place des salariés, qui ne peut excéder 20 % du prix de cession, ou bien qu'elle accorde un délai de paiement, qui ne peut être supérieur à trois ans.

L'État peut également décider, en accord avec l'entreprise, de lui céder directement les titres, charge à cette dernière de les remettre aux souscripteurs de l'offre. Dans ce cas, les titres détenus par elle ne sont pas comptés dans le calcul du plafond d'auto-contrôle prévu à l'article L. 225-210 du code de commerce et les droits de vote attachés à ces titres sont suspendus.

Les titres non cédés à l'issue d'un délai de trois ans sont vendus sur le marché.

II - La position de votre commission

L'offre réservée aux salariés concomitante à une cession de l'État est en réalité complémentaire des procédures d'augmentation de capital prévues par le code du travail, même si ces dernières apparaissent plus efficaces pour structurer un actionnariat salarié. Votre rapporteur a donc souhaité maintenir le principe d'une offre réservée aux salariés.

Toutefois, à son initiative, votre commission spéciale a adopté un amendement qui procède à plusieurs ajustements rédactionnels. Il prévoit également qu'un arrêté du ministre de l'économie viendra fixer les éléments essentiels de l'offre réservée aux salariés : fraction des titres proposée aux salariés, durée de l'offre, identité du cessionnaire, plafond individuel de souscription ainsi que les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre.

Ces éléments sont indispensables pour garantir que le présent article puisse être opérant.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié .

Article 51 (art. L. 2111-10-1 du code des transports) - Définition des ratios d'investissement assurant la soutenabilité du modèle ferroviaire français conformément à la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire

Objet : cet article définit le ratio à partir duquel sont évalués les financements des investissements de développement du réseau ferré national .

I - Le dispositif proposé

L'article L. 2111-10-1 du code des transports prévoit que « les règles de financement des investissements de SNCF Réseau 306 ( * ) sont établies selon les principes suivants : [...]

« les investissements de développement du réseau ferré national sont évalués au regard de ratios définis par le Parlement.

« En cas de dépassement d'un de ces ratios, les projets d'investissements de développement sont financés par l'État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur ».

Ces dispositions, résultant pour une large part des amendements du Sénat lors de l'examen du projet de loi portant réforme ferroviaire, visent à éviter que SNCF Réseau ne s'endette au-delà du raisonnable - au regard de sa dette actuelle - pour financer de nouvelles lignes.

Toutefois, la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire n'a pas précisé les ratios en question, se contentant d'établir qu'ils seront « définis par le Parlement ». L'objet du présent article est donc de définir ces ratios.

Au lieu d'une batterie de ratios, comme cela avait pu être évoqué lors de l'examen du projet de loi portant réforme ferroviaire, le Gouvernement a fait le choix d'en retenir qu'un seul : celui du rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau . Cet indicateur évalue la capacité de désendettement. Ainsi, pour une marge opérationnelle connue, il donne le nombre d'années nécessaires pour rembourser l'intégralité de la dette (sans endettement nouveau).

En outre, il est également prévu que « les modalités d'application du présent article, notamment le mode de calcul des éléments du ratio [...] et son niveau plafond, sont définies par décret ».

II - La position de votre commission

Au 31 décembre 2014, la dette financière nette de SNCF Réseau est d'environ 36,8 milliards d'euros, tandis que la marge opérationnelle s'élève à 2,1 milliards d'euros. Le ratio dette financière nette sur marge opérationnelle s'établit donc à 17,5.

Il convient de noter l'extrême sensibilité de ce ratio à l'évolution du numérateur ou du dénominateur. Par exemple, pour un même niveau de dette, avec une marge opérationnelle de 1,9 milliard d'euros, le ratio serait de 19,4.

Lors de son audition par votre commission spéciale, Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, n'a pas apporté d'éléments précis sur le mode de calcul du ratio ou, plus encore, sur le niveau plafond envisagé par le Gouvernement. Or, le présent article renvoie pour l'essentiel à un décret, en contradiction avec la volonté affichée par le législateur dans la loi portant réforme ferroviaire.

Faute de disposer d'informations suffisantes, votre rapporteur a proposé un amendement tendant à fixer un plafond maximal du ratio à 25, sachant que le décret pourra retenir un plafond inférieur. Il est même hautement souhaitable, au regard de l'évolution de l'endettement de SNCF Réseau, que le Gouvernement retienne un plafond bien inférieur afin, d'une part, d'assurer la priorité à la maintenance du réseau et, d'autre part, de créer les conditions d'un désendettement de l'entreprise .

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié .

Article 52 (art. 7 de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle) - Dérogation à l'obligation de déposer une offre publique d'acquisition du fait de l'attribution de droits de vote double

Objet : cet article corrige la rédaction de la dérogation à l'obligation de déposer une offre publique d'acquisition du fait de l'entrée en vigueur de l'attribution de droits de vote double dans les sociétés cotées.

I - Le dispositif proposé

Dans une société par actions, une action donne normalement droit à une voix au sein de l'assemblée générale (« une action = une voix »). Par dérogation à ce principe, l'article 7 de la loi de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange », a procédé à la généralisation des droits de vote double dans les sociétés cotées.

Concrètement, un investisseur qui détient une action au nominatif 307 ( * ) depuis plus de deux ans verra le droit de vote attaché à cette action doublé (une action = deux voix), lui donnant ainsi plus de poids au sein de l'assemblée générale. Cette disposition vise à renforcer la présence des investisseurs de long terme dans le capital des sociétés cotées françaises.

Le V de l'article 7 précité a prévu une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique d'acquisition (OPA) pour les investisseurs qui, du fait de l'obtention de droits de vote suite à la « loi Florange », viendraient à dépasser les seuils à partir desquels une telle offre est obligatoire.

Pour cela, il faut que, pendant la période dérogatoire, le niveau de détention des droits de vote par un investisseur ne dépasse jamais son niveau de détention à la date du 2 avril 2014 (date d'entrée en vigueur de la « loi Florange »).

L'encadré ci-dessous donne un exemple de l'application de cette dérogation.

Exemple

Le dépôt d'une OPA est obligatoire si un actionnaire dépasse le seuil de 30 % des droits de vote.

Au 2 avril 2014, un actionnaire possède 32 % des droits de vote.

Afin de conserver un niveau d'influence identique après l'attribution des droits de vote double, il commence d'abord par réduire sa participation en-dessous du seuil des 30 % (par exemple à 28 %).

Dès que les droits de vote lui sont attribués, son niveau de détention s'établit à nouveau à 32 %.

Puisqu'il ne dépasse pas son niveau de détention à la date du 2 avril 2014, il n'est pas obligé de déposer une OPA alors même qu'il a franchi le seuil de 30 %.

Dans sa rédaction actuelle, cette dérogation est valable jusqu'au 2 avril 2016. Or les premiers droits de vote double pourront, au plus tôt, être attribués à compter de cette date, de sorte que la dérogation devient inopérante .

En outre, il existe deux cas qui conduisent à déposer une OPA :

- si l'actionnaire détient moins de 30 % du capital ou des droits de vote et qu'il dépasse ce seuil ;

- si l'actionnaire détient entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote et qu'il augmente, sur une période de douze mois glissants, sa participation de plus de 1 % en capital ou en droits de vote - dispositif dit de « l'excès de vitesse ».

La dérogation telle qu'elle est écrite dans le droit actuel ne prend en compte que le premier cas.

Le présent article corrige ces deux points. D'une part, il prolonge la période dérogatoire jusqu'au 31 décembre 2018. D'autre part, il étend la dérogation aux actionnaires qui tomberaient sous le coup du dispositif dit de l'excès de vitesse.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté un amendement tendant à préciser que la dérogation n'est valable que si l'actionnaire ne dépasse pas, de manière continue jusqu'au 31 décembre 2018 son niveau de détention à la date du 2 avril 2014. En effet, le texte du Gouvernement prévoyait que ce niveau ne devait pas être dépassé seulement à la date du 31 décembre 2018.

II - La position de votre commission

Le présent article, comme le suivant, vient corriger une scorie résultant d'un examen dans la précipitation, pour des raisons d'affichage politique, de la loi dite « Florange ».

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 53 (art. L. 433-1-2 du code monétaire et financier) - Correction du dispositif de caducité d'une OPA

Objet : cet article corrige une scorie dans le dispositif encadrant le régime de caducité des offres publiques d'acquisition.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 433-1-2 du code monétaire et financier établit les conditions dans lesquelles une offre publique d'acquisition (OPA) est caduque, c'est-à-dire lorsque l'auteur de l'offre n'a pas réussi à prendre le contrôle de la société par l'acquisition d'une part des actions représentant plus de 50 % du capital ou des droits de vote de la société.

Il faut d'abord rappeler qu'il existe deux cas qui conduisent à déposer une OPA :

- si l'actionnaire détient moins de 30 % du capital ou des droits de vote et qu'il dépasse ce seuil ;

- si l'actionnaire détient entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote et qu'il augmente, sur une période de douze mois glissants, sa participation de plus de 1 % en capital ou en droits de vote - dispositif dit de « l'excès de vitesse ».

Lorsque l'OPA est déclarée caduque, toutes les actions acquises lors de l'OPA sont privées de droits de vote 308 ( * ) . Toutefois, cette sanction ne s'applique pas à celles de ces actions qui auraient pu être acquises sans déclencher une OPA.

En effet, un investisseur qui détient 28 % du capital pourrait tout à fait monter jusqu'à 30 % sans lancer d'OPA. Il apparaît donc normal que les actions - acquises lors d'une OPA caduque - qui permettent ce passage de 28 % à 30 % ne soient pas privées de leurs droits de vote. La sanction ne doit s'appliquer qu'à celles des actions qui permettent de dépasser ce seuil.

S'agissant du dispositif « d'excès de vitesse », le même raisonnement devrait s'appliquer mais une erreur de rédaction du code monétaire et financier conduit à une législation plus permissive.

L'évaluation préalable annexé au présent projet de loi illustre ce problème par l'exemple suivant : « dans le cas d'un initiateur qui dispose de 35 % du capital et des droits de vote d'une société qui réalise l'achat d'un bloc de 5 % et atteint ainsi 40 %, il doit donc déposer une offre du fait du dépassement du seuil d'excès de vitesse. S'il n'atteint que 45 % du capital de la cible à l'issue de l'offre, elle devient caduque. Selon les termes de la loi, l'initiateur reviendra alors à 40 % de capital [...] , alors que la volonté du législateur était qu'il revienne à 36 %
- c'est-à-dire à sa détention initiale augmentée d'un pourcent qui correspond à l'excès de vitesse, seuil dont le dépassement constitue le fait générateur de l'obligation de dépôt du projet d'offre publique
».

Le présent article corrige donc l'article L. 433-1-2 du code monétaire et financier afin de mettre en cohérence la lettre de la loi avec l'intention initiale du législateur.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté un amendement de précision rédactionnelle.

II - La position de votre commission

Le présent article, comme le précédent, vient corriger une scorie résultant d'un examen dans la précipitation, pour des raisons d'affichage politique, de la loi dite « Florange ».

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 53 bis A - Port autonome de Strasbourg

À l'initiative de notre collègue député Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, d'une part, et de nos collègues députés Antoine Herth et Patrick Hetzel, d'autre part, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit le présent article.

Il prévoit que, « en cas de transfert d'une activité du port autonome de Strasbourg à [une de ses filiales] , les salariés statutaires du port concourant à titre exclusif ou principal à l'activité transférée sont mis à la disposition de cette société.

« Une convention conclue entre le port autonome de Strasbourg et sa filiale détermine les conditions de mise à disposition du salarié. Elle prévoit les modalités de remboursement au port autonome de la rémunération du salarié ainsi que toutes les cotisations et contributions y afférentes.

« En cas de difficultés économiques conduisant à la suppression de l'emploi occupé par le salarié mis à disposition, la filiale peut résilier la convention de mise à disposition. Le salarié réintègre alors de plein droit le port autonome de Strasbourg. La filiale verse au port autonome de Strasbourg une somme d'un montant égal à l'indemnité qui aurait été due au salarié s'il avait été licencié pour motif économique ».

L'exposé des motifs des deux amendements souligne qu'ils visent « à permettre au port autonome fluvial de Strasbourg de mettre à disposition certains de ses personnels auprès de filiales qu'il souhaite créer pour développer son activité . Le port envisage de créer deux filiales, dans le domaine de l'exploitation portuaire d'une part, et dans le secteur du transport touristique, d'autre part. [...]

« Aucun texte ne prévoyant que des personnels statutaires du port puissent travailler pour le compte de filiales, une disposition législative s'avère nécessaire ».

Le présent article vise à clarifier la situation du personnel statutaire du port autonome et donc à sécuriser, d'un point de vue juridique, le développement du port.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 53 bis - Changement de dénomination de BPI-Groupe

La Banque publique d'investissement a été créée par la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement .

Du point de vue juridique, cette entité se nomme « BPI-Groupe ».

Or, en pratique, la banque a retenu le nom commercial de « Bpifrance », qui figure sur son logo. En effet, le nom BPI est déjà utilisé par une banque portugaise (Banco BPI).

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a introduit le présent article qui remplace dans toutes les dispositions législatives en vigueur la mention de « BPI-Groupe » par celle de « Bpifrance », afin de mettre le droit en cohérence avec la pratique retenue.

Il convient de relever que le présent article devrait être complété par une modification de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, dont l'annexe vise la société anonyme « BPI-Groupe ».

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 53 ter (art. 40-1 [nouveau] de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière) - Habilitation des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour contrôler le respect des délais de paiement par les entreprises publiques

Objet : cet article habilite les agents de la DGCCRF à contrôler le respect des délais de paiement dans les entreprises publiques.

I - Le dispositif proposé

Les articles 37 à 44 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ont établi un cadre juridique visant à lutter contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. Or, pour les entreprises publiques soumises à ces dispositions, seuls le Contrôle général économique et financier et les juridictions financières sont habilités à contrôler leur bonne application.

Le présent article, introduit par la commission spéciale, à l'initiative des rapporteurs, avec l'avis favorable du Gouvernement, donne compétence aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour contrôler et sanctionner le respect des délais de paiement par les entreprises publiques 309 ( * ) .

Il prévoit en outre que « le dépassement du délai maximal de paiement fixé par décret [...] est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut dépasser 375 000 euros », montant qui est doublé si le manquement est réitéré dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision est devenue définitive.

II - La position de votre commission

Le présent article vise à rendre plus effective l'application des règles essentielles à la confiance réciproque des acteurs économiques.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 53 quater - Prolongation de la concession du marché d'intérêt national Paris-Rungis

Objet : cet article prolonge jusqu'au 31 décembre 2050 la mission d'aménagement du marché d'intérêt national Paris-Rungis confiée à la société d'économie mixte Semmaris.

L'article 2 du décret n° 65-325 du 27 avril 1965 a confié à la Semmaris - société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne - l'aménagement et la gestion du marché d'intérêt national de Rungis.

Une convention de concession a été conclue entre l'État et la Semmaris. Elle fixe l'issue de la concession à l'année 2034.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, le marché est confronté à un besoin d'investissements substantiels qui pourraient ne pas être amortis avant la date limite de la concession. La Semmaris hésiterait donc à réaliser ces investissements.

Pour cette raison, le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jean-Jacques Bridey, avec un double avis de sagesse de la commission et du Gouvernement, prolonge jusqu'au 31 décembre 2050 la mission d'aménagement et de gestion du marché de Rungis confiée à la Semmaris.

Le principe de cette prolongation n'apparaît pas contestable puisqu'elle est de nature à conforter l'activité du marché. En revanche, la nouvelle date retenue ne doit pas constituer un effet d'aubaine pour la Semmaris et ses actionnaires. À ce titre, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que des études sont en cours pour déterminer la date optimale garantissant l'amortissement des investissements projetés. Dans l'attente de la conclusion de ces travaux, votre commission a adopté cet article sans modification.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .


* 305 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 306 Précédemment Réseau ferré de France.

* 307 Une société cotée ne connaît pas le nom de chacun de ses actionnaires, d'autant qu'ils changent quotidiennement. L'inscription « au nominatif » permet à l'investisseur de se faire connaître auprès de la société. Elle a néanmoins un coût et n'est donc utilisée que par les actionnaires qui réalisent un investissement de long terme.

* 308 Si tel n'était pas le cas, l'investisseur bénéficierait d'un effet d'aubaine puisqu'il aurait accru son influence dans la société, éventuellement de manière significative, sans en payer le prix, ce qui ferait échec à l'esprit de la législation sur les OPA.

* 309 II de l'article 1 er de l'ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004 « on entend par entreprise publique tout organisme qui exerce des activités de production ou de commercialisation de biens ou de services marchands et sur lequel une ou des personnes publiques exercent, directement ou indirectement, une influence dominante en raison de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page