B. UNE ORIENTATION PRO-EUROPÉENNE CONFIRMÉE

L'orientation pro-européenne de la Moldavie s'est progressivement affirmée au cours des années 2000, et n'a pas été remise en cause depuis, malgré une succession de crises politiques. L'alliance des partis pro-européens, qui s'est constituée en 2009, a accentué cette orientation, confirmée par le résultat des élections législatives successives. Les dernières élections, qui ont eu lieu le 30 novembre 2014, devraient aboutir prochainement à la formation d'un nouveau gouvernement de coalition, d'orientation pro-européenne.

1. Une orientation pro-européenne sans rupture malgré plusieurs crises politiques

Le régime politique moldave a, très tôt après l'indépendance, fait la preuve de son pluralisme et de sa capacité à réaliser l'alternance . Ce régime « est certainement le plus ouvert des pays de l'espace postsoviétique, en dehors des États baltes. Ainsi, plusieurs présidents en exercice ont quitté leur poste après une défaite électorale (Mircea Snegur en 1996 et Petru Lucinschi en 2001), ce qui démontre les possibilités d'alternance par des moyens démocratiques. Le sommet de l'État a rencontré des contre-pouvoirs influents, que ce soit au Parlement, dans les institutions ou dans la société » 19 ( * ) .

Tandis que la constitution de 1994 accordait de larges pouvoirs à un président de la République élu au suffrage universel direct, une modification intervenue en 2000, à la suite d'une crise entre la présidence et le parlement, aboutit à une transformation du système institutionnel. Cette réforme dispose, en effet, que le président de la République sera désormais élu par le parlement, à une majorité qualifiée des 3/5 ème . Pour être élu, il doit rassembler les voix de 61 parlementaires (le nombre total de parlementaires étant de 101).

En 2001, dix ans après l'indépendance, le parti communiste de la république de Moldavie (PCRM) revient au pouvoir, et y restera jusqu'en 2009, Vladimir Voronine exerçant les fonctions de président de la République. Malgré le retour du parti communiste, la politique de rapprochement avec l'Union européenne est poursuivie, comme en témoigne la signature, en 2005, du plan d'action déterminant les objectifs de la coopération entre la Moldavie et l'UE, dans le cadre de la politique européenne de voisinage, précédemment évoquée par le présent rapport.

En 2009 , le lancement du partenariat oriental a coïncidé avec l'alternance , obtenue à l'issue d'une grave crise politique . Les manifestations provoquées par une victoire contestée du PCRM, en avril 2009, qui constituèrent l'une des premières « révolutions » dite, de façon excessive, révolution « Twitter », ont été marquées par une violente répression policière. La dissolution du Parlement a conduit à la victoire, en juillet 2009, d'une « Alliance pour l'intégration européenne ». Cette alliance n'a néanmoins pas obtenu une majorité suffisante pour faire élire le président de la République.

Après près de trois ans de blocage institutionnel , marqué par de nouvelles élections législatives et une tentative de référendum constitutionnel, un nouveau président de la République est finalement élu le 16 mars 2012 .

Une réforme de l'article 78 de la Constitution moldave, relatif à la procédure d'élection du président de la République, paraît indispensable pour assurer la stabilité politique dont ce pays a besoin pour accomplir les réformes nécessaires.

À cette crise institutionnelle a succédé une crise politique, de janvier à mai 2013, à la suite de la révélation de graves dysfonctionnements des institutions judiciaires et policières (cf encadré ci-après).

Les origines de la crise politique de 2013

Les origines de la crise politique de 2013 sont rappelées dans un rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le respect des obligations et engagements de la République de Moldova :

« La vie politique a été marquée dernièrement par les conséquences de l'affaire de « l'accident de chasse », survenu le 23 décembre 2012. Un homme d'affaires a été abattu accidentellement dans la réserve naturelle Padurea Domneasca, dans le district de Falesti. Plusieurs hauts responsables de l'État (...), des juges et des membres des services secrets moldaves participaient à cette partie de chasse. Toutefois, ce n'est que le 6 janvier 2013 que l'accident est rendu public par le Directeur du mouvement anti-mafia, (...), alimentant de nombreuses spéculations sur le fait de savoir si l'information a été cachée par le parquet, si la victime a eu accès à des soins médicaux appropriés, etc. Cet événement a mis au jour des dysfonctionnements au sein de certaines institutions de l'État et provoqué de graves tensions politiques parmi les partis de la coalition au pouvoir (...). Le 30 mai 2013, le Président Timofti nomme M. Leanca, ancien ministre des Affaires étrangères et de l'Intégration européenne, Premier ministre, mettant fin à une crise politique de cinq mois et évitant ainsi des élections parlementaires anticipées. »

Source : Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova, Rapport de la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), de Mme Lise Christoffersen (Norvège, groupe socialiste) et M. Piotr Wach (Pologne, Groupe du parti populaire européen), Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Les crises politiques et institutionnelles qu'a connues la Moldavie, au cours des années récentes, ne l'ont pas empêchée de conduire un programme de modernisation et d'amélioration du climat des affaires, voulue par les deux coalitions de centre-droit successives, au pouvoir depuis 2009 .

Les progrès réalisés par la République de Moldavie sur la voie des réformes sont reconnues dans le rapport de suivi publié par la Commission européenne en mars 2014 , dans le cadre de la politique de voisinage. Ce rapport souligne qu'après la crise politique de l'année 2013, le dialogue politique a repris, permettant à la Moldavie de traiter plusieurs des recommandations qui lui avaient été préalablement adressées, notamment dans les domaines suivants :

- L'application du plan d'action, qui a permis la libéralisation des visas, précédemment évoquée ;

- L'adoption d'une réforme du système judiciaire, renforçant la responsabilité des juges, sur le plan disciplinaire, pour réduire la corruption ;

- L'adoption de dispositions anti-corruption, prévoyant des sanctions renforcées en cas d'acte illicite commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ;

- Un travail qui s'est poursuivi, en vue de dépolitiser et de professionnaliser l'administration publique centrale et locale.

- Des progrès sont également observés dans le domaine des droits de l'homme et, plus spécifiquement, des droits des minorités. Un plan d'action en soutien à la communauté rom est notamment mis en oeuvre depuis 2011.

2. Une orientation pro-européenne confirmée par les élections de 2014

Les élections législatives du 30 novembre dernier ont confirmé l'orientation pro-européenne de la Moldavie, bien que le score des partis au pouvoir ait subi les conséquences d'une érosion de la confiance , en conséquence des multiples crises politiques et affaires de corruption qui ont émaillé l'actualité, au cours des années récentes.

Résultats des élections législatives du 30 novembre 2014

Formation politique

Leader(s)

% voix

Nombre de sièges au Parlement

Parti libéral-démocrate (PLDM)

M. Vlad Filat
M. Iuri Leanca

20,16%

23

Parti démocrate (PDM)

M. Marian Lupu

15,80%

19

Parti libéral (PL)

M. Mihai Ghimpu

9,67%

13

Total des partis pro-européens

55

Parti socialiste (PSRM)

M. Igor Dodon

20,51%

25

Parti communiste (PCRM)

M. Vladimir Voronine

17,48%

21

Total

101

Participation 55,85 %

Le gouvernement précédent, dirigé par M. Iurie Leanca, est démissionnaire depuis le 10 décembre 2014, ce qui a ouvert une période de vacance de pouvoir , inachevée à la date de rédaction du présent rapport.

Ce nouvel épisode de la vie politique moldave, s'il se prolongeait, serait susceptible d'être préjudiciable au rapprochement avec l'Union européenne , puisqu'il ralentit le processus de réformes engagé , et risque d'affaiblir encore un peu plus la confiance de l'opinion dans la coalition des partis pro-européens, dont la victoire est fragile.

Les suites incertaines des élections du 30 novembre 2014

Des élections législatives se sont déroulées le 30 novembre dernier. La majorité des sièges (25 sur 101) a été remportée par le Parti socialiste (PSRM) qui fait son entrée au Parlement. Soutenu ouvertement par Moscou, il devrait constituer une opposition non négligeable, surtout dans la perspective des élections locales du printemps prochain. Le PSRM ne peut cependant pas gouverner seul. L'autre parti d'opposition, le Parti communiste (PCRM), même s'il fait des ouvertures et a commencé des discussions avec d'autres partis, n'exprime pas clairement une volonté de faire alliance. Une session extraordinaire du parlement moldave s'est ouverte le 21 janvier mais n'a pas, pour le moment, permis de nommer un nouveau gouvernement. Les négociations entre les trois partis de la coalition «Alliance pour l'Intégration européenne » de 2009 (Parti libéral démocrate - PLDM, Parti démocrate - PDM et Parti libéral -PL), qui ont obtenu au total 55 sièges, n'ont pas abouti. Le 23 janvier, le Parti libéral-démocrate et le Parti démocrate ont signé un accord de coalition minoritaire pour former un nouveau gouvernement ; ne disposant, à eux deux, que de 42 députés (sur 101), ils devront compter sur l'appui du Parti communiste (21 sièges), qui a indiqué sa disposition à coopération sans pour autant participer à l'exercice du pouvoir (soutien sans participation). Le Parti libéral restera donc dans l'opposition. Le gouvernement actuel, dirigé par le Premier ministre Iurie Leanca, est démissionnaire depuis le 10 décembre, son mandat s'étant achevé après les élections législatives du 30 novembre. Il expédie les affaires courantes en attendant la formation du nouveau gouvernement.

Source : réponses du ministère des affaires étrangères et du développement international au questionnaire de votre rapporteur

3. Une orientation européenne confirmée au plan économique

En 2013, l'Union européenne représentait 45,4 % du commerce extérieur de la Moldavie, soit 54 % des exportations de la Moldavie et 45% de ses importations . La Moldavie représentait, quant à elle, 0,1 % du commerce extérieur de l'Union. Le volume des échanges s'élevait à 3,24 milliards d'euros, contre 1,22 milliards d'euros en 2003.

Les exportations européennes vers la Moldavie s'élevaient à 2,28 milliards d'euros en 2013. Elles ont augmenté de 12,1 % entre 2012 et 2013, et en moyenne de 16,4 % par an entre 2009 et 2013. Les principaux postes d'exportations sont les machines-outils, les produits minéraux, les équipements de transport et les produits chimiques.

Les importations européennes en provenance de Moldavie s'élevaient à 962 millions d'euros en 2013. Elles ont augmenté de 2% entre 2012 et 2013, et en moyenne de 16,7 % par an entre 2009 et 2013. Les principaux postes d'importation étaient le textile et les articles textiles, les machines-outils, les produits végétaux et autres produits alimentaires et boissons.

Structure du commerce extérieur de la Moldavie par pays et par zones (2013)

Principaux clients

Principaux fournisseurs

Par pays

Russie

26,3 %

Russie

14,9 %

Roumanie

17 %

Roumanie

13 %

Italie

7,7 %

Ukraine

12 %

Ukraine

5,9 %

Chine

8,7 %

Allemagne

4,7 %

Par zones

Union européenne

54 %

Union européenne

45 %

Union douanière

32 %

Union douanière

18 %

Le tableau ci-dessus montre que la Russie demeure le premier pays partenaire de la Moldavie, sur le plan économique. S'il y a bien une réorientation vers l'ouest, il ne s'agit pas véritablement à ce stade d'un basculement, mais plutôt d'un rééquilibrage .

Cette inflexion pourrait toutefois s'accentuer , en raison des événements en Ukraine, de la situation économique de la Russie, et des sanctions infligées par ce pays à la Moldavie. Lors de son entretien 20 ( * ) récent avec les membres de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Iurie Leanca, Premier ministre de la République de Moldavie, a indiqué que le commerce extérieur de son pays avec l'Ukraine, la Russie et la Biélorussie avait diminué de 45 % au cours de l'année écoulée.

4. Une orientation européenne qui s'arrête aux portes de l'OTAN

Par souci d'équilibre, la constitution moldave proclame la neutralité du pays. Il existe néanmoins un dispositif de coopération entre l'OTAN et la Moldavie, qui a adhéré, en 1994, au partenariat pour la paix (PPP).

Si certaines voix ont pu s'élever en faveur d'un abandon de la neutralité, et si des militaires moldaves participent à l'opération de maintien de la paix au Kosovo, la Moldavie n'a toutefois pas manifesté le souhait d'adhérer à l'OTAN .


* 19 « La Moldavie, un succès majeur pour le Partenariat oriental ? », de M. Florent Parmentier, docteur en science politique et enseignant à Sciences po, Questions d'Europe n° 186 (22 novembre 2010).

* 20 Comptes rendus de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (entretien du 17 juin 2014).

Page mise à jour le

Partager cette page