B. DES AJOUTS QUI PARAISSENT DÉPASSER LE CADRE DU PRÉSENT TEXTE
Votre commission a supprimé trois articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture qui ne lui ont pas paru présenter un lien suffisant avec le texte en discussion. La question de leur conformité aux prescriptions de l'article 45 de la Constitution se pose. Elle souligne à cet égard que la procédure accélérée réduit nécessairement la marge de manoeuvre du Sénat s'agissant des articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale, puisque, lorsqu'il est saisi en premier, il ne peut soumettre à cette dernière, à travers la navette parlementaire, des propositions d'évolution.
Le premier article additionnel ainsi supprimé par votre commission, l'article 1 er bis , concerne les modifications relatives au statut juridique des animaux dans le code civil, consistant, d'une part, à reconnaître aux animaux le statut d'être sensibles, et, d'autre part, à ne plus les assimiler à proprement parler à des biens, mais à les soumettre au régime des biens.
La question est entièrement nouvelle dans un texte qui ne concernait, s'agissant du droit civil, que le droit immobilier, celui des successions, des tutelles, du divorce et des obligations. Son lien avec les objectifs de simplification ou de modernisation du droit est pour le moins ténu. En outre, elle mériterait un débat plus consistant que celui qu'autorise un amendement de séance publique, devant la seconde assemblée saisie, alors que la procédure accélérée est engagée.
Les deux autres articles additionnels supprimés par votre commission pour défaut d'un lien suffisant avec l'objet initial du texte sont les articles 9 bis et 9 ter . Adoptés à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, ils visent, d'une part, à autoriser les stagiaires à la formation de moniteur d'auto-école à donner, sous certaines conditions, des cours rémunérés aux apprentis conducteurs, et, d'autre part, à lever une incertitude rédactionnelle relative à la non soumission au permis à points du permis relatif aux voiturettes.
C. DES GARANTIES INSUFFISANTES
Votre commission a jugé nécessaire de rétablir ou d'apporter certaines garanties à plusieurs dispositifs adoptés par les députés.
Ainsi, à l'article 2 , elle a rétabli la procédure du double interprétariat pour l'établissement d'un testament authentique devant notaire, lorsque le testateur est sourd-muet ou qu'il ne parle pas français 3 ( * ) . La solution de l'interprète assermenté unique défendue par l'Assemblée nationale ne semble pas régler toutes les difficultés : si elle est en moyenne moins coûteuse, elle présente l'inconvénient de ne pas garantir de double contrôle, et de dépendre pour sa bonne mise en oeuvre de la présence d'interprètes assermentés en tout point du territoire, ce qui n'est pas acquis et a conduit l'Assemblée nationale à devoir prévoir un régime tout à fait exorbitant du droit commun pour les habitants de Polynésie française.
L'Assemblée nationale a créé, à l'article 2 bis A une procédure simplifiée d'accès aux fonds disponibles sur le compte bancaire du défunt, qui se substitue à la demande d'habilitation en ce sens adoptée par le Sénat à l'article 2. Si elle en a renforcé les garanties, en nouvelle lecture, en prévoyant notamment que cette procédure ne s'appliquerait pas aux successions comptant des biens immobiliers, elle n'a pas repris les modifications que votre rapporteur avait suggérées en commission mixte paritaire. Il s'agissait de garantir que la procédure ne jouerait effectivement que pour les petites successions, en évitant qu'elle puisse être mise en oeuvre indépendamment pour chaque compte bancaire détenu par le défunt, ce qui aurait pour conséquence la possibilité de retirer, par addition des plafonds de retrait pour chacun de ces comptes, un montant bien supérieur au plafond fixé par le ministre de l'économie. Le dispositif adéquat consisterait à obliger les héritiers à obtenir, comme ils peuvent le faire très facilement, l'état des comptes du défunt auprès du fichier des comptes bancaires (FICOBA). Votre commission a par conséquent adopté un amendement prévoyant ce dispositif.
Au même article, elle a autorisé l'accès au compte bancaire du défunt pour payer les dépenses conservatoires de la succession, même si la succession contient des biens immobiliers. En effet, si cette limitation d'accès se justifie lorsqu'il s'agit de clôturer les comptes et liquider la succession, parce que l'existence d'un bien immobilier signale que la succession n'est pas modeste, elle ne se justifie plus lorsqu'il s'agit seulement de payer des dépenses conservatoires urgentes.
À l'article 8 , l'Assemblée nationale a suivi le Gouvernement pour supprimer la garantie adoptée par le Sénat consistant, lorsqu'il est fait usage d'un mode de communication électronique en matière pénale, en lieu et place d'une lettre recommandée avec accusé de réception, à imposer que ce mode de communication permette de s'assurer que le destinataire effectif de l'envoi est bien celui auquel il était adressé.
Votre commission a rétabli cette garantie pour deux raisons : en premier lieu, il lui est apparu regrettable et dangereux que la signification électronique présente matériellement moins de garanties que la signification papier. S'agissant d'un contentieux aussi sensible que le contentieux pénal, la question de la constitutionnalité de cette rupture d'égalité dans la procédure peut se poser.
En second lieu, elle a estimé que, contrairement à ce que défendait le Gouvernement, des procédés électroniques simples et peu coûteux permettaient de satisfaire à cette exigence 4 ( * ) .
Enfin, à l'article 14 bis , votre commission a supprimé les dispositions relatives au commissaire du Gouvernement de la Polynésie française, introduites à l'Assemblée nationale en séance publique, à l'initiative du Gouvernement.
Elle n'a pas jugé opportun qu'une personnalité représentant le Gouvernement de la Polynésie française, qui ne serait pas un magistrat, produise des conclusions dans chaque affaire examinée par le tribunal foncier, que le territoire soit concerné ou non par la procédure en cause.
Elle a en outre estimé que le renvoi à un décret en Conseil d'État des conditions de désignation et des attributions de ce commissaire du Gouvernement risquait de constituer un cas d'incompétence négative du législateur, car ces éléments touchent au droit à un procès équitable et notamment au principe du respect du contradictoire, constitutionnellement garantis .
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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.
* 3 À l'origine, cette possibilité d'établissement d'un testament authentique ne concernait que les sourds-muets. En première lecture, l'Assemblée nationale en a étendu le champ aux testateurs ne parlant pas le français.
* 4 Il en va ainsi, par exemple, de la remise à l'intéressé d'un code confidentiel à ré-adresser au service émetteur pour lui confirmer la remise du document, ou bien du signalement à l'intéressé qu'il doit se connecter à un compte mail sécurisé pour consulter l'avis qui lui a été adressé.