LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Aucune modification n'a été apportée par l'Assemblée nationale hormis l'adoption d'un amendement rédactionnel modifiant l'article 50 présenté ci-dessus dans la rubrique « Examen des articles rattachés ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 octobre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 48 à 50).
Mme Michèle André , présidente . - Mes chers collègues, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, nous allons maintenant entendre la communication de notre collègue Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Je salue parmi nous Jean-Baptiste Lemoyne, qui est rapporteur pour avis de cette mission à la commission des affaires sociales.
M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Je tiens tout d'abord à souligner l'honneur qui est le mien de rapporter cette mission. La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est une mission interministérielle qui regroupe trois programmes.
Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » a pour objectif de promouvoir l'esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population et qui comprend la Journée défense et citoyenneté (JDC) et la politique de mémoire.
La finalité du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » est de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre, et qui porte les mesures de reconnaissance et de réparation, telles que la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité.
Ces deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre de la défense.
Enfin, le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » porte les trois dispositifs d'indemnisation en faveur les victimes de la Seconde Guerre mondiale et leurs ayants-cause. Il relève du Premier ministre.
Cette mission connaît depuis plusieurs années une diminution régulière de ses crédits. La baisse était de 2,8 % l'année dernière. Elle est plus marquée cette année avec une contraction à hauteur de 7,7 % en crédits de paiement. Toutefois, cette baisse accrue par rapport à 2014 est directement liée au changement de périmètre de la mission. Toutes les dépenses de personnel portées par le programme 167, qui correspondent aux emplois de la direction du service national mobilisés pour l'organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC), soit 75 millions d'euros en loi de finances initiales pour 2014, ont été transférées à la mission « Défense » dans le cadre de la réforme du pilotage des effectifs et de la masse salariale engagée au sein du ministère de la défense.
À périmètre constant, la baisse observée est de 5,3 % des crédits de paiements sur l'ensemble de la mission, soit 153,4 millions d'euros. Elle est due à la diminution des crédits d'intervention des programmes 169 et 158 et s'explique par l'évolution démographique des populations concernées, qui a un effet direct sur les crédits de cette mission composée à hauteur de 96 % de crédits d'intervention.
Je précise que l'effort de la Nation vis-à-vis de ses anciens combattants est plus large que les seuls crédits budgétaires de la mission car il comprend les soutiens en provenance de la mission « Défense » et la dépense fiscale dont bénéficient les anciens combattants, ce qui représente un montant global de 3,57 milliards d'euros.
Au-delà des chiffres, cet effort revêt surtout une dimension humaine dont nous sommes tous convaincus et je profite de cette présentation pour saluer l'engagement associatif et bénévole de ceux qui animent au niveau local les cérémonies de commémoration et entretiennent les sépultures de nos soldats. Je pense par exemple au Souvenir français qui organise le 1 er novembre prochain sa campagne de collecte lors de la Journée nationale des sépultures des Morts pour la France. Je pense également à l'OEuvre nationale du bleuet de France qui organise sa collecte chaque 11 novembre.
Le budget 2015 permet de maintenir les droits des anciens combattants et de financer quelques mesures nouvelles en faveur des militaires engagés en opération extérieure (OPEX), des harkis et des conjoints survivants pour un montant de 3,6 millions d'euros. Ces mesures font l'objet, pour trois d'entre elles, d'articles rattachés que nous examinerons plus loin.
Il permet également de maintenir à un niveau satisfaisant les crédits consacrés à l'action « Politique de mémoire », à hauteur de 22,7 millions d'euros qui permettront de financer les commémorations de l'année 2015 liées au centenaire de la Première Guerre mondiale et au soixante-dixième anniversaire de la Résistance intérieure, de la Libération du territoire national et de la victoire contre le nazisme, ainsi que la rénovation des sépultures de guerre et lieux de mémoire qui accueilleront l'ensemble de ces manifestations.
Je vous propose pour ma part l'adoption des crédits de la mission en vous proposant néanmoins un amendement de crédits.
Par ailleurs, je vous propose également l'adoption sans modification des articles rattachés qui permettent d'améliorer les dispositifs en faveur des conjoints survivants, des harkis et des militaires en opérations extérieures.
L'article 48 vise à accorder 100 points d'indice supplémentaires aux conjoints survivants de grands invalides de guerre, de manière échelonnée sur deux ans. Cette majoration augmenterait la pension accordée au conjoint survivant la première année d'environ 700 euros par an, et à partir de la deuxième année, d'environ 1 400 euros par an. Cette mesure, qui bénéficie aux personnes ayant consacré plus de dix ans à apporter des soins à leur conjoint grand invalide de guerre, au détriment de leur propre carrière professionnelle, aurait un coût de 0,7 million d'euros la première année, puis de 1,3 million d'euros les années suivantes.
L'article 49 vise à augmenter de 167 euros les montants accordés aux rapatriés et harkis au titre de l'allocation annuelle de reconnaissance. Le coût de cette mesure, qui concerne environ 6 000 personnes, est estimé à 1 million d'euros et permet une revalorisation exceptionnelle de l'allocation de reconnaissance versée aux harkis et à leur famille.
L'article 50 propose d'étendre le bénéfice de la carte du combattant aux militaires ayant servi pendant quatre mois en opérations extérieures (OPEX). Cette mesure simplifie les règles d'attribution de la carte du combattant aux militaires ayant servi en OPEX et améliore les conditions de la reconnaissance de la Nation envers la quatrième génération du feu. J'y suis tout à fait attaché, ayant été l'année dernière rapporteur de la proposition de loi de notre ancien collègue Marcel-Pierre Cléach, qui tendait à cette même finalité.
Je présente un amendement de crédits destiné à inciter le Gouvernement à augmenter la retraite du combattant de deux points. Il me semble en effet qu'il est temps de poursuivre la dynamique engagée entre 2007 et 2012 où la retraite du combattant a été régulièrement augmentée pour passer de 35 à 48 points. Ce geste serait un signal fort de reconnaissance envoyé à nos anciens combattants.
M. Jean-Baptiste Lemoyne , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales ne s'étant pas encore penchée sur ces crédits, je suis venu pour écouter avec attention vos travaux et c'est pourquoi je n'ai rien à ajouter à ce stade.
M. Vincent Delahaye . - Je constate au sein des deux opérateurs de la mission, l'Institut national des invalides (INI) et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), des évolutions de plafond d'emplois assez faibles, avec une diminution de 3 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) seulement entre 2014 et 2015 pour un plafond global autorisé de 1 311 emplois. Il serait intéressant de mettre en regard de cette évolution celle du nombre de bénéficiaires de ces opérateurs. Avez-vous par ailleurs les comptes de ces structures qui reçoivent des subventions de fonctionnement à un niveau élevé ? Je souhaiterais connaître le montant de leurs réserves ou fonds de roulement. Bien sûr, le budget de cette mission est en baisse, mais celle-ci est liée à la baisse démographique des bénéficiaires. Dans la conjoncture actuelle des finances publiques, je ne pourrai pas m'associer à votre proposition de revalorisation, que je ne trouve pas responsable, même si elle serait évidemment bienvenue pour les personnes concernées.
M. Michel Bouvard . - Ma première interrogation concerne la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante pour gérer la réparation des conséquences des essais nucléaires français. Je souhaiterais connaître les coûts et moyens de cette structure. Nous multiplions les autorités indépendantes sans toujours savoir ce qu'elles coûtent. Combien coûte le fonctionnement de cette nouvelle autorité indépendante ?
Ma deuxième interrogation porte plus généralement sur le logiciel de pilotage de la gestion publique CHORUS et s'adresse plus à notre rapporteur général. On n'est pas capable actuellement de retracer les coûts complets de la Journée défense et citoyenneté puisque l'on nous assure que le système ne permet pas de reconstituer la totalité des coûts, alors même que nous sommes censés aller progressivement vers une comptabilité analytique grâce à CHORUS. Ceci pose des questions sur les capacités offertes par cet outil.
M. Jean-Claude Requier . - Il me semblerait positif d'augmenter de deux points la retraite du combattant. Je souhaiterais toutefois savoir si cette retraite est indexée sur le coût de la vie ou si sa revalorisation ne peut passer que par une augmentation du nombre de points. Je trouve également positive la mesure qui profitera aux harkis, qui ont beaucoup souffert. Je m'interroge sur l'assouplissement des critères d'attribution de la carte du combattant pour les combattants en OPEX, sans pour autant être contre. Les OPEX concernent l'armée de métier. Faut-il assimiler les militaires de carrière aux anciens combattants, au soldat de 1914, à l'appelé d'Algérie, dont ce n'était pas le métier ? Concernant la Journée défense et citoyenneté, mon expérience d'élu me pousse à m'interroger sur ce que retiennent nos jeunes de ces rendez-vous citoyens, tout en trouvant positif de vouloir les faire se rencontrer. J'aurais également souhaité avoir des précisions sur le plafond d'emplois de l'INI de 436 ETPT, afin de savoir quels emplois recouvre ce chiffre. Je souhaiterais enfin savoir quelle est l'évolution de la question de la décristallisation des pensions des anciens combattants d'Afrique.
M. Jean Germain . - J'ai plusieurs questions, en commençant par les dépenses fiscales. Il s'agit d'un sujet important à mettre en balance avec la retraite du combattant car on ne peut pas avoir à la fois une revalorisation de la retraite du combattant et le maintien de cette dépense fiscale. Nous en avions débattu l'année dernière puisque le président Marini avait présenté un rapport sur cette question. Je pense que le monde combattant est plus intéressé par le maintien de la demi-part fiscale dans la période actuelle. Cette question est très sensible pour les ménages modestes. Où en est-on ? À titre personnel, je serais plus favorable au maintien de cet avantage qu'à l'augmentation de la retraite du combattant. Je souhaiterais également recueillir quelques explications complémentaires concernant le sort des militaires et appelés soumis à des radiations nucléaires. Il s'agit d'une question sensible qui touche beaucoup de monde car il ne faut pas oublier qu'à cette époque, peu de précautions étaient prises.
Sur la Journée défense et citoyenneté, je pense que, même si elle est critiquable, il faut la maintenir car quel est aujourd'hui l'endroit où tous les gens sont réunis au moins une fois dans leur vie avec d'autres gens différents mais qui s'appellent tous des Français. C'est peut être une vision passéiste, mais c'est essentiel. Le fait de recevoir une convocation, d'être obligé d'y aller, de ne pas pouvoir passer certains concours administratifs si on se soustrait à cette obligation, c'est montrer à chacun ce qu'est l'appartenance à un pays qu'on appelle la République française.
M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Concernant les deux opérateurs, je regarderai de près les comptes et les fonds de roulement de ces établissements sur lesquels nous pouvons exercer un droit de regard. Pour répondre à vos interrogations, je m'appuierai sur le rapport récent de Philippe Marini sur l'ONAC-VG, dans lequel il faisait état d'un fonds de roulement de 40,45 millions d'euros en 2011 et de 39,18 millions en 2012. Je regarderai également de près l'INI qui doit signer cette année un nouveau contrat d'objectifs et de performance, et sur lequel un contrôle peut être envisagé. Je veux rappeler l'attachement du monde combattant et des bénévoles à l'action de l'ONAC-VG au sein des départements, et surtout à son action sociale.
S'agissant de la revalorisation de deux points de la retraite du combattant que je vous propose, je vous rappelle que le point d'indice s'élève au 1 er janvier 2014 à 13,96 euros et prend en compte la variation de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État.
S'agissant du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), le budget de cet organisme est désormais porté par la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Il bénéficiera en 2015 de 0,5 million d'euros de titre 2 pour 7 ETPT.
Concernant la dépense fiscale, j'ai découvert récemment le rapport de notre collègue Marini en étant interpellé lors d'une assemblée générale de médaillés militaires sur cette question. J'ai pu mesurer la très grande sensibilité du monde combattant à ce sujet. C'est vrai que le montant de la dépense fiscale représenterait 710 millions d'euros en 2015, ce qui est loin d'être négligeable, mais est-ce là qu'il faut faire des économies ?
Concernant l'extension des conditions d'accès à la carte du combattant pour les combattants en OPEX, il s'agit d'un engagement du ministre rappelé à l'occasion de la discussion de la proposition de loi de notre ancien collègue Marcel-Pierre Cléach. Je précise que cette extension pourra concerner les personnes ayant participé aux OPEX actuelles, mais également aux opérations étant intervenues antérieurement.
Pour répondre à Jean Germain sur le maintien de la Journée défense et citoyenneté, je suis d'accord. Il s'agit d'un engagement très important, même si comme défenseur d'un service militaire actif, je considère que c'est peu. Je pense qu'il y a aussi un travail de fond à engager sur le lien avec l'Éducation nationale.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Concernant CHORUS sur lequel j'ai été interpelé, le sujet est vaste. Je trouve assez inquiétant qu'on ne puisse pas reconstituer les coûts grâce à cet outil et je n'ai pas de réponse précise. Sur cette Journée défense et citoyenneté, j'y suis favorable mais je m'interroge sur le peu de temps qu'occupe le module « défense » dans la Journée, 2 heures 45 sur 8 heures.
M. Jean Germain . - Je pense que cette question n'est pas uniquement budgétaire. C'est un débat connu entre la République et la démocratie. La démocratie implique un certain nombre de règles, mais la République en impose d'autres. Il faut réfléchir globalement et ne pas prendre ces sujets individuellement. On a un peu tendance dans la démocratie d'opinion à oublier la République. De même, on peut s'interroger sur le rôle de l'école. C'est pour cela que je suis totalement hostile à la suppression des bourses au mérite qui mettent en oeuvre un principe républicain de reconnaissance des jeunes gens méritants et qui réussissent, sans nier le principe démocratique qui veille à l'égalité d'accès à l'éducation.
Mme Michèle André , présidente . - Sur CHORUS, j'ai également, lors de mes contrôles en préfecture avec la mission « Administration générale et territoriale de l'État », pu noter les difficultés à faire fonctionner ce système.
M. Michel Bouvard . - Nous avons un réel besoin d'aller vers une comptabilité analytique.
Mme Michèle André , présidente . - Je vais mettre aux voix d'abord l'amendement dont le gage, à titre personnel, ne me semble pas réaliste si l'on veut préserver cette Journée défense et citoyenneté. Enlever 9 millions d'euros sur 19 millions me semble peu réaliste.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il s'agirait surtout d'un amendement d'appel ayant pour objet d'entendre le ministre en séance sur la question du financement de cette journée. Il serait intéressant de le voter aujourd'hui comme un signal envoyé qui permettra d'avoir un débat sur le coût de la Journée défense et citoyenneté et le fonctionnement de CHORUS.
Mme Michèle André , présidente . - Avec cet amendement, on détruit la Journée.
M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Cet amendement est un amendement d'appel, mais qui répond également à une attente légitime de voir la retraite du combattant augmenter.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Dans le contexte d'économies actuel, mon soutien à l'amendement vise à obtenir des éléments sur le coût de la Journée défense et citoyenneté.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de ne pas adopter l'amendement de crédits proposé par M. Marc Laménie, rapporteur spécial et de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission «Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation», ainsi que des articles 48, 49 et 50.
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Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission ainsi que des articles 48, 49 et 50 .