C. DES ÉVOLUTIONS DE LA RÉPARTITION ENTRE LES ZONES DE POLICE ET DE GENDARMERIE SE TRADUISANT PAR DES REDÉPLOIEMENTS D'EFFECTIFS
Depuis 2002, l'évolution des zones de police nationale (ZPN) et de gendarmerie nationale (ZGN) s'inscrit dans le cadre d'une rationalisation, pour éviter des enclaves de police en zone de gendarmerie et étendre les zones de police aux espaces urbains se situant dans la continuité des centres-villes (notamment à Bordeaux, Lille, Lyon et Marseille).
En 2013 et 2014, cinq circonscriptions sont été intégrés dans les zones de gendarmerie : Castelnaudary (Aude), Dinan (Côtes d'Armor), Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), Guebwiller (Haut-Rhin) et Persan-Beaumont (Val d'Oise). En sens inverse, 13 communes relevant de 7 circonscriptions de sécurité publique (CSP) ont été transférées en zone de police : Berriac (CSP de Carcassonne) ; Rosny-sur-Seine (CSP de Mantes-la-Jolie) ; Courdimanche, Menucourt, Puiseux-Pontoise, Boisemont, Jouy-le-Moutier, Neuville-sur-Oise et Vauréal (CSP de Cergy) ; Plérin (CSP de Saint-Brieuc) ; Cesson-Sévigné (CSP de Rennes) ; Vineuil (CSP de Blois) ; Maillot (CSP de Sens).
Ces changements de zone se sont traduits par des redéploiements d'effectifs , à hauteur de 178 ETP pour la gendarmerie (dont 114 postes provenant des unités des communes passant en zone de police, soit un solde de 64 créations de postes pour tenir compte de ces évolutions).
Pour la police nationale, la reprise de communes relevant auparavant des zones de gendarmerie s'est traduite par la création de 14 ETP, alors que 287 postes ont été redéployés dans le réseau suite aux transferts de circonscriptions en zones de gendarmerie. Les redéploiements en zone de police apparaissent donc conduire à ne renforcer qu'en partie les effectifs des commissariats dont la circonscription est ainsi étendue par rapport aux effectifs des unités de gendarmerie qui y opéraient précédemment. Votre rapporteur spécial sera attentif à ce que les évolutions de la répartition entre les zones de police et de gendarmerie ne se traduisent pas par des baisses d'effectifs .
Il convient également que ces redéploiements, qui modifient le rapport des habitants aux forces de sécurité, s'opèrent en parfaite concertation avec les populations et les élus, en respectant une répartition évitant les « zones blanches » sur le territoire national.
D. LES TRANSFÈREMENTS DE DÉTENUS : UN ACCORD (ENFIN) TROUVÉ ENTRE LES MINISTÈRES DE LA JUSTICE ET DE L'INTÉRIEUR SUR LES MODALITÉS DE CE TRANSFERT DE COMPÉTENCES
1. Un transfert répondant à un objectif de lisibilité des compétences et de recentrage de l'action des forces de police sur leur coeur de métier
Aux termes de la réunion interministérielle du 30 septembre 2010, il a été décidé de transférer la mission d'extraction des détenus du ministère de l'intérieur, où elle incombe aux forces de police et de gendarmerie, vers la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice , mettant ainsi un terme aux règles complexes de répartition de compétences, aux termes desquelles :
- les transfèrements administratifs (à savoir, la conduite d'un détenu d'un établissement pénitentiaire à un autre) relevaient de l'administration pénitentiaire, qui pouvait toutefois solliciter le concours de la police ou de la gendarmerie pour les détenus réputés dangereux 2 ( * ) ;
- les extractions (qui consistent à conduire les détenus de l'établissement où ils sont incarcérés jusqu'au palais de justice où ils doivent être présentés ou comparaître, et à en assurer la garde) et les translations judiciaires (à savoir, le transfert des détenus entre deux établissements pénitentiaires) relevaient exclusivement de la police et de la gendarmerie.
Le transfert était initialement prévu sur une durée de trois ans, devant se réaliser progressivement par zone géographique, et s'accompagner du transfert de 800 ETPT (dont 281 ETPT pour la police nationale et 519 ETPT pour la gendarmerie nationale).
Cette mesure était d'autant plus bienvenue qu'elle permettait de recentrer l'action des forces de l'ordre sur leur coeur de métier , en les libérant d'une charge de nature plus judiciaire.
2. Un processus engagé en septembre 2011 puis interrompu à l'automne 2012
Le processus de transfert a commencé en septembre 2011. Il a concerné trois régions administratives (Lorraine, Auvergne, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Picardie, Midi-Pyrénées, Franche-Comté) ainsi que les trois départements franciliens de la cour d'appel de Versailles, pour lesquels les opérations de transfert sont ainsi passées sous la compétence de l'administration pénitentiaire.
Ce transfert a porté sur 19 % du total des extractions judiciaires . Les nouvelles missions ont incombé à 363 personnels de l'administration pénitentiaire, répartis entre les pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ) qui assurent la mission, et les autorités de régulation des extractions judiciaires (ARPEJ), chargées de l'organisation et de la planification.
Les crédits de masse salariale transférés s'élevaient à 2,5 millions d'euros en 2012 et 1 million d'euros en 2013. Des crédits de fonctionnement (tenue, équipement, armement) et des crédits d'équipement en véhicules ont également été transférés au prorata des effectifs.
Le processus de transfert a été interrompu à l'automne 2012.
Dans les réponses aux questionnaires budgétaires des rapporteurs spéciaux des missions « Sécurités » et « Justice », les ministères de l'intérieur et de la justice avancent chacun leurs arguments pour expliquer l'arrêt provisoire du transfert de compétences. Ces justifications, complémentaires, permettent d'identifier les difficultés qui se sont posées, tant en termes de réorganisations internes à l'administration que de formation des personnels .
Selon le ministère de la justice, « le processus (...) a occasionné lors de la mise en oeuvre du transfert un certain nombre de difficultés, l'administration pénitentiaire ayant dû dans un premier temps redéployer ses ressources humaines internes au détriment des établissements afin d'assumer la mission (...).
« Concernant le déploiement du plan de formation des personnels affectés dans les équipes de transfèrements, deux difficultés principales ont été rencontrées. La première difficulté rencontrée concerne la gestion administrative des ressources humaines qu'il faut conjuguer avec les délais très contraints du processus de présélection et celui des commissions administratives paritaires (CAP) des différents grades de personnels de surveillance. Ce processus est le prérequis indispensable pour tout agent souhaitant formuler une demande d'affectation au sein d'une équipe en charge des transfèrements judiciaires (PREJ).
« La seconde difficulté résulte de la capacité d'accueil de l'École Nationale d'Administration Pénitentiaire (ENAP). Pour répondre à la nécessité de former de nombreux personnels sur une période restreinte, la formation initiale des agents affectés en pôles régionaux d'extraction judiciaire se déroulera en deux vagues : une première en avril-mai 2015 pour les agents affectés au 1 er juillet 2015, et une seconde en septembre-octobre 2015 pour ceux affectés en novembre 2015 » 3 ( * ) .
Le ministère de l'intérieur a pointé les mêmes difficultés internes au ministère de la justice :
« Malgré l'accompagnement par les forces de sécurité durant les quinze premiers jours de la reprise de chaque région, les premiers mois de la reprise ont été marqués par les difficultés d'appréhension de cette nouvelle mission par les échelons de direction et d'exécution de l'administration pénitentiaire. En raison de délais de recrutement et de formation importants et du taux d'inexécution par l'administration pénitentiaire, longtemps resté élevé (30 % au début de la reprise), il a été ainsi constaté un décalage dans le calendrier de reprise arrêté lors de l'arbitrage » 4 ( * ) .
Cet arbitrage, conclu dans le cadre d'un accord interministériel le 12 novembre 2013, a porté sur les effectifs concernés et un nouveau calendrier de mise en oeuvre.
3. La reprise en 2015 du processus de transfert de compétences suite à un accord interministériel ayant réévalué à la hausse des effectifs concernés
Le processus de transfert a été interrompu durant toute l'année 2013 et a repris à l'issue de la réunion interministérielle du 12 novembre 2013, à la suite d'un nouvel accord sur les effectifs transférés, réévalués à 1 200 postes , dont 780 pour la gendarmerie nationale et 420 pour la police nationale. Un nouveau calendrier a été défini, couvrant la période 2015-2019 .
Dans ce cadre, la reprise du transfert de compétences doit concerner la région Alsace en juillet 2015, puis la région Nord-Pas-de-Calais et une partie des juridictions situées dans la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Bordeaux en novembre 2015.
Les transferts de crédits correspondants s'élèvent, en masse salariale, à 1,24 million d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015.
* 2 La même règle (compétence de l'administration pénitentiaire, mais concours des forces de l'ordre pour les détenus réputés dangereux) s'applique par ailleurs aux escortes médicales pour consultations.
* 3 Source : réponse au questionnaire budgétaire de la mission « Justice ».
* 4 Source : réponse au questionnaire budgétaire sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».