C. LES LOURDES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DE L'ABANDON DE L'ÉCOTAXE
La taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, dite « taxe poids lourds » (TPL) ou encore écotaxe 11 ( * ) , a été instaurée par l'article 153 de la loi de finances pour 2009. Cette taxe, dont le montant varie entre 8,8 et 15,4 centimes d'euros par kilomètre, devait s'appliquer aux véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes circulant en France sur 15 000 kilomètres de routes nationales et départementales. « Suspendue » par le Premier ministre le 29 octobre 2013, l'écotaxe devait être remplacée par un « péage de transit poids lourds » , limité à un réseau de 4 000 kilomètres, d'après les annonces faites le 22 juin 2014. La recette brute attendue serait de l'ordre de 550 millions d'euros, affectés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), contre 800 millions d'euros attendus auparavant.
L'administration des douanes est chargée du recouvrement de cette taxe , même si l'essentiel des missions de conception, de maintenance et surtout de recouvrement, a été délégué à la société Ecomouv' dans le cadre d'un partenariat public-privé 12 ( * ) . Afin d'assurer le pilotage stratégique de l'écotaxe et le contrôle d' Ecomouv' , la douane a installé à Metz un nouveau service dédié : le service taxe poids lourds (STPL), composé de 130 agents . Dépositaire du pouvoir régalien de l'État, c'est ce service qui, formellement, devait constater les manquements et les infractions, et proposer les éventuelles transactions. Le coût du STPL était estimé à environ 23 millions d'euros en rythme de croisière .
Cependant, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Ségolène Royal, a annoncé le 9 octobre 2014 la « suspension sine die » de l'écotaxe. La résiliation du contrat avec Ecomouv' a quant à elle été annoncée le 30 octobre 2014.
D'une manière générale, votre rapporteur spécial Michel Bouvard regrette que ce dispositif ait été abandonné sans que le Parlement ait eu à se prononcer sur les conséquences, notamment financières, de cette décision . Votre rapporteur spécial pointe le manque de responsabilité collective des élus, qui ont approuvé la création de l'écotaxe à une large majorité, et ont été bien peu à la défendre in fine . Il conviendrait à tout le moins de chiffrer précisément les pertes engendrées par l'abandon de l'écotaxe , non seulement en termes de recettes fiscales mais aussi en dépenses d'indemnisation de la société Ecomouv' et en dépenses annexes pour l'État - avenir du STPL, reconversion des portiques, éventuel contentieux etc. L'audition du secrétaire d'État chargé des transports, Alain Vidalies, conjointement organisée le 29 octobre 2014 par votre commission des finances et la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, n'a pas permis d'obtenir des précisions satisfaisantes à ce sujet. Enfin, il pourrait être opportun d' autoriser les collectivités territoriales volontaires à mener des expérimentations .
En ce qui concerne plus particulièrement le programme 302 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », l'abandon de l'écotaxe pose la question de l'avenir du STPL installé à Metz et des 130 douaniers qui y sont affectés - sans compter les salariés d' Ecomouv' . Le 27 octobre 2014, le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, a précisé que la DGDDI travaillait à l'installation d'un « service à caractère national et pérenne » sur le site de Metz, auquel seraient réaffectés les 130 douaniers initialement chargés de la mise en oeuvre de l'écotaxe. Ce service pourrait être en charge d'une gestion centralisée de la taxe spéciale sur les véhicules routiers (taxe à l'essieu), ce dont on peut s'étonner puisque cette taxe existe déjà, ou du futur service national d'analyse de risque et de ciblage (SARC) 13 ( * ) . Toutefois, le 28 octobre 2014, le ministre du travail, François Rebsamen, a évoqué la possibilité de réaffecter les 130 douaniers au contrôle des entreprises ayant recours aux travailleurs détachés 14 ( * ) . Rien ne semble donc tranché à ce stade, et vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent de voir perdurer cette situation aux lourdes conséquences financières et aux perspectives incertaines .
* 11 Sur l'écotaxe, voir l'avis n° 334 (2012-2013) de notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des finances, sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports, déposé le 5 février 2013.
* 12 Le consortium Ecomouv' , détenu à 70 % par la société italienne l'Autostrade per l'Italia - le reste étant détenu par Thalès (11 %), la SNCF (10 %), SFR (6 %) et Steria (3 %) - a été désigné le 20 octobre 2011 pour une durée d'environ treize ans.
* 13 Source : Acteurs publics, 27 octobre 2014.
* 14 Source : Acteurs publics, 28 octobre 2014.