LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement minorant de 8 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 114 « Appels en garantie de l'État », « en raison d'un ajustement à la baisse des prévisions de dépenses » et « pour garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 30 octobre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ».
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Je vous ferai d'abord part de mes observations sur la situation des finances publiques, que je trouve alarmante, puis je développerai les solutions qui me semblent nécessaires pour retrouver des finances avec moins de déficits et moins de dettes.
Le Gouvernement prévoit pour 2015 une croissance de 1 %, alors que le président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, indique dans son avis du 15 octobre dernier que cette prévision lui paraît optimiste. Il affirme qu'un tel niveau de croissance suppose « un redémarrage rapide et durable de l'activité que n'annoncent pas les derniers indicateurs conjoncturels ». D'une part, l'environnement international pourrait se révéler moins porteur, comme en attestent les dernières prévisions de croissance du commerce mondial de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). D'autre part, la reprise de l'investissement productif pourrait être significativement retardée.
Il est anormal que les hypothèses de croissance présentées par le Gouvernement ne tiennent aucun compte de l'avis de Didier Migaud. Cela met en cause la crédibilité de ces prévisions. Le Gouvernement n'a même pas cherché à entrer en contact avec lui pour s'en expliquer. On se demande à quoi sert ce Haut Conseil si le Gouvernement ne tient pas compte de ses avis, pas plus d'ailleurs que de ceux de la Cour des comptes.
Il y a deux façons de présenter des prévisions : la plus dangereuse consiste à faire des prévisions optimistes pour donner confiance, au risque de graves échecs dans le cas où elles ne se réalisent pas ; la moins risquée consiste à faire des prévisions pessimistes ou à tout le moins prudentes, qui peuvent être meilleures que prévu, ce qui démontre la qualité de la gestion. C'est cette dernière méthode que pratiquent les entreprises.
Didier Migaud observe que tant que la France ne respectera pas ses engagements européens en termes de réduction de déficits, sa dette publique continuera à augmenter. Alors que l'Allemagne a présenté un budget en équilibre pour 2015 et prévoit de dégager un excédent record de 16,1 milliards d'euros, ce qui lui permet de commencer à rembourser sa dette, la France s'apprête à voter un nouveau budget déficitaire et il ne sera pas le dernier. Cet état de fait d'une France qui ne respecte pas ses engagements est de plus en plus inacceptable pour nos partenaires européens car il montre la légèreté de ses prévisions.
J'en viens au budget 2015 proprement dit. Notre besoin de financement atteindra 196,6 milliards d'euros. Ce montant correspond au déficit budgétaire, soit 75,7 milliards d'euros, et au refinancement de 119,5 milliards d'euros de dette arrivant à échéance en 2015. Le besoin en financement sera couvert par un emprunt de 188 milliards d'euros. Le solde sera financé par 4,1 milliards d'euros de disponibilité du Trésor et 4 milliards d'euros de recettes de cession de participations de l'État.
Nous emprunterons en 2015 environ 188 milliards d'euros : 113 milliards pour rembourser les échéances de notre dette et 75 milliards pour combler le déficit prévisionnel. On emprunte donc pour rembourser. C'est dramatique ; cela s'appelle de la cavalerie.
Notre dette ne commencera à être remboursée qu'avec un équilibre, voire un excédent budgétaire. Ce n'est pas demain la veille ! Les dépenses totales de l'État en 2015 seront en réalité de 491 milliards d'euros, dont 119 milliards d'euros pour financer le remboursement des emprunts venant à échéance en 2015, contre des recettes de 292 milliards d'euros. Nous dépensons presque deux tiers de plus que nous ne percevons de recettes. Nous vivons nettement au-dessus de nos moyens !
Cette situation alarmante de nos finances publiques a aujourd'hui toutes les raisons de perdurer. Les faibles économies proposées, loin d'être réalisées, les augmentations de dépenses qui se multiplient, notamment celle de la masse salariale des fonctionnaires, et l'absence de croissance malgré les annonces optimiste, feront croître notre dette inexorablement, sauf si le Gouvernement se décide à prendre les décisions qui s'imposent.
Tant que la France peut emprunter à des niveaux exceptionnellement bas - c'est la réponse toute faite du Gouvernement à chacune de nos remarques - le mal n'apparaît pas. Mais cela ne durera pas éternellement. Déjà le projet de loi de finances prévoit que le taux à 10 ans passera de 1,25 % actuellement à 1,9 % fin 2014 puis 2 % fin 2015. Un choc plus violent ne peut être exclu, tant les doutes des investisseurs et des agences de notation sur la situation économique et la politique de la France commencent à apparaître, Chaque point de taux d'intérêt supplémentaire représenterait un coût de 2,4 milliards d'euros la première année ; 5,3 milliards d'euros la deuxième ; 7,4 milliards d'euros la troisième. Notre charge de la dette augmentera considérablement et diminuera d'autant nos recettes fiscales. Nous courrons à la catastrophe ! La Commission européenne, les agences de notation et nos investisseurs risquent de ne plus nous faire confiance. Ces derniers refuseront nos emprunts ou les prendront à des taux exorbitants. C'est ce qui est arrivé à l'Argentine en 2002, à la Russie en 1998 ou encore à l'Islande en 2008 et ce sera la cessation de paiement et la faillite.
Comme l'a écrit plusieurs fois le premier président de la Cour des comptes, il faut tout faire pour réduire nos dépenses et nos impôts. Mais pour le Gouvernement, ce n'est pas à la Cour des comptes de gouverner la France, et il ignore ses excellentes propositions : à quoi sert dans ces conditions la Cour des comptes ?
Voilà pourquoi c'est la réduction des déficits qui doit être la priorité absolue du Gouvernement, et non la réforme territoriale, les rythmes scolaire, ou le mariage pour tous avec lesquels il nous amuse. Je vais vous faire maintenant quelques propositions.
M. Richard Yung . - Ah !
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - L'État devrait se doter de nouvelles règles de bonne gestion budgétaires : la règle d'or, qui obligerait tout Gouvernement à présenter des budgets équilibrés, proposée par Nicolas Sarkozy mais abandonnée à cause du refus des socialistes de la voter.
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Préparer les budgets avec une croissance prévisionnelle voisine de 0 %, ne réservant que de bonnes surprises ; le plafonnement de la dette par la Constitution : sans limite, elle augmente de 80 milliards par an ! Ça va vite !
Éliminer drastiquement les crédits d'impôt et les exonérations de charges des entreprises et des contribuables.
Pour arrêter de fabriquer des fonctionnaires à vie, arrêter de titulariser - comme j'ai dû le faire à contrecoeur dans ma ville - tout le personnel des administrations et des collectivités territoriales et appliquer la règle du non remplacement d'un sur deux. Ce n'est pas compliqué ! L'embauche d'un fonctionnaire sur 60 ans - 40 années travaillées et 20 autres de retraite - représente plus de 1,5 million d'euros. Embaucher comme veut le faire le gouvernement 60 000 fonctionnaires dans l'éducation en cinq ans est une dépense d'au moins 90 milliards d'euros que l'on devra financer par l'emprunt, pendant soixante ans.
Mener une vraie politique de croissance en réduisant les impôts des entreprises et des entrepreneurs, les véritables créateurs d'emplois et de richesse, et en supprimant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), au lieu d'assujettir les dividendes aux charges sociales... Les investisseurs français partent et les étrangers ne viennent plus !
Flexibiliser l'emploi pour réduire le chômage, en rendant les licenciements automatiques en cas de baisse d'activité et en créant des emplois de mission, comme les vendangeurs ou dans le secteur du bâtiment. Il faudra supprimer les 35 heures qui paralysent notre économie et relever les seuils sociaux.
Il serait enfin judicieux de refonder notre fiscalité en transformant l'impôt progressif en impôt égalitaire, avec le même taux pour tous les revenus : la Flat Tax , comme la pratique la Russie à 13 %. Ainsi la contribution sociale généralisée (CSG) rapporte plus que l'impôt sur le revenu qui empoisonne tout le monde !
Mes observations rejoignent les analyses de la Commission européenne, du Haut Conseil des finances publiques et des organisations internationales. Ce ne sont pas des réformes de droite ou de gauche, ce sont des réformes de bon sens, pour l'intérêt de la France. Il est souvent dit que « la gauche a du coeur, mais pas de tête, et que la droite a de la tête, mais pas de coeur ».
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Il faut avoir à la fois de la tête et du coeur, il faut à la fois travailler et distribuer pour sortir la France du marasme dans lequel elle est plongée.
M. Richard Yung . - Vous êtes donc du centre !
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Je vous propose d'adopter les crédits de cette mission, car la France doit respecter ses engagements à l'égard de ses créanciers.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Partageant certaines de vos analyses, je crois aussi qu'il serait difficile de rejeter les crédits consacrés aux intérêts de la dette. Je suivrai donc notre rapporteur spécial.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce ».
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Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et des comptes spéciaux.