II. LE DISPOSITIF RETENU : UNE VALIDATION LÉGISLATIVE STRICTEMENT DÉLIMITÉE

A. LES VALIDATIONS LÉGISLATIVES : UNE PRATIQUE TRÈS ENCADRÉE

La validation législative vise à soustraire un acte ou une série d'actes, généralement administratifs, au risque de leur annulation par le juge administratif ou judiciaire, en réputant régulière, de manière rétroactive, l'illégalité susceptible de fonder cette annulation. Le nombre de validations législatives varie de quelques unités à une vingtaine par an 12 ( * ) .

Du fait de leur caractère rétroactif et de leurs conséquences sur les procès en cours ou les droits des justiciables, les lois de validations font l'objet d'un encadrement juridique strict.

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé dès 1980 sur le sujet 13 ( * ) . Suivant en cela la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), le Conseil d'État et la Cour de cassation ont pour leur part soumis ces lois de validation au respect de plusieurs exigences découlant de la convention européenne des droits de l'homme 14 ( * ) .

• Le respect des exigences constitutionnelles

Estimant que la validation d'actes illégaux interdit rétroactivement aux justiciables d'obtenir la sanction devant le juge de cette illégalité, le Conseil constitutionnel considère que de telles mesures, qui marquent une immixtion du pouvoir législatif dans l'exercice juridictionnel, sont susceptibles de mettre en cause tant le principe de la séparation des pouvoirs que le droit à un recours juridictionnel effectif, qui tous deux découlent de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il appuie aussi son contrôle des lois de validation sur le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions, tiré de l'article 8 de la même déclaration.

Dans le dernier état de sa jurisprudence 15 ( * ) , et conformément aux principes qu'il a ainsi dégagés, le Conseil constitutionnel soumet la conformité d'une validation législative à la Constitution au respect de cinq conditions :

- la validation doit être justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. La formule, identique à celle utilisée par la CEDH, apparaît plus exigeante que la notion d'intérêt général suffisant à laquelle le Conseil recourrait jusqu'à présent ;

- elle doit respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée. À défaut, le principe de la séparation des pouvoirs serait méconnu ;

- elle doit respecter le principe de la non-rétroactivité des peines et des sanctions ;

- l'acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel refuse ainsi que la validation puisse couvrir une inconstitutionnalité, mais accepte celle rendue nécessaire par la conciliation entre elles de plusieurs exigences constitutionnelles ;

- la portée de la validation doit être strictement délimitée. La catégorie des actes validés doit être clairement définie, ainsi que le motif précis dont le législateur entend purger les actes contestés 16 ( * ) .

• Le respect des exigences conventionnelles

Le contrôle des lois de validation opéré, par les juges nationaux ou celui de Strasbourg, à partir de la convention européenne des droits de l'homme est proche, dans ses résultats, du contrôle mis en oeuvre par le Conseil constitutionnel.

Il s'appuie principalement sur l'article 6-1 de la convention 17 ( * ) , consacré au droit à un procès équitable. Conformément à la jurisprudence de la CEDH 18 ( * ) , les juges s'assurent que la validation répond bien à un motif impérieux d'intérêt général. Le juge de Strasbourg tient compte aussi du caractère prévisible de l'intervention législative, lorsqu'il s'agit uniquement de remédier à une maladresse ou une irrégularité formelle 19 ( * ) .


* 12 Un document de travail du service des études juridiques du Sénat, datant de 2006, a ainsi calculé qu'« inférieur à la dizaine de 1999 à 2001, le nombre de mesures de validation approche la vingtaine en 1998 ou 2002. Les lois publiées au cours de l'année 2005 contiennent une quinzaine de ces mesures (une douzaine en 2004 ) ». Le même document souligne qu'« il est difficile d'en établir un décompte objectif car un article de loi peut procéder à une série de validation purgeant différents types d'actes de différentes illégalité, ces actes traitant du même sujet ».

* 13 CC, n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes administratifs , Rec . p. 46.

* 14 Avant même les décisions du Conseil constitutionnel, le Conseil d'État limitait la portée des validations législatives en refusant les validations implicites (CE, 21 mai 1965, Joulia , Lebon 294) ou indirectes (CE, ass., 28 mai 1971, Barrat et autres , Lebon 387).

* 15 CC, n° 2013-366 QPC du 14 février 2014.

* 16 CC, n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, Rec . p. 143.

* 17 La Cour examine aussi la conformité de la loi de validation à l'article 1 er du protocole n° 1 additionnel à la convention, qui consacre le respect dû aux biens des justiciables.

* 18 CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal c. France .

* 19 CEDH, 23 octobre 1997, National and Provincial Building Society et autres c. Royaume-Uni .

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