II. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI

A. UNE RÉFORME ATTENDUE

1. Un large consensus sur la nécessité d'une réforme

Organisées à l'automne 2011 par la ministre de l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet et le ministre des transports Thierry Mariani, les assises du ferroviaire ont fait apparaître un consensus sur la nécessité de réformer le système ferroviaire français. Plusieurs des pistes proposées à cette occasion figurent dans le présent projet de loi, par exemple :

- l'instauration d'une gouvernance publique claire et forte reposant sur un État stratège, des capacités d'infrastructures équitablement accessibles et gérées, un régulateur puissant et indépendant et des financements programmés et proportionnés aux objectifs stratégiques définis par la puissance publique ;

- la mise en place d'un cadre social permettant une concurrence équitable entre tous les opérateurs ;

- une gouvernance du système ferroviaire donnant une plus grande place aux nouveaux entrants et aux régions ;

- la réunification des métiers de gestionnaire de l'infrastructure.

2. Les enjeux de la réforme

Pour préparer cette réforme, le ministre des transports Frédéric Cuvillier a confié à Jean-Louis Bianco, ancien ministre des transports, une mission de concertation articulée autour de quatre objectifs qu'il a ainsi résumés devant votre commission 32 ( * ) :

- mettre en oeuvre une organisation unifiée du système ferroviaire capable de répondre pleinement aux besoins des usagers ;

- assurer l'efficacité économique et la pérennité financière d'un système ferroviaire lourdement endetté ;

- construire un nouveau pacte social fondé sur un cadre moderne applicable à l'ensemble des entreprises de la branche ;

- préparer l'ouverture à la concurrence à l'horizon 2019 dans des conditions équitables.

En parallèle, Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire et de la commission « infrastructures et transport » de l'association des régions de France, a été chargé de formaliser les attentes et les propositions des régions en tant qu'autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs.

Ils ont remis leurs conclusions en avril 2013 33 ( * ) .

3. Un calendrier contraint, dicté par l'actualité européenne
a) L'urgence : peser sur les discussions en cours autour du « quatrième paquet ferroviaire »

Le 30 janvier 2013, la Commission européenne a adopté six propositions de directives, désignées sous le terme de « quatrième paquet ferroviaire », dont l'objectif principal est de lever les dernières entraves à la concurrence 34 ( * ) . Il se traduit par un renforcement de l'interopérabilité et une harmonisation accrue de la sécurité du réseau ferroviaire, par de nouvelles règles relatives à la gouvernance du système ferroviaire et par des mesures d'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs.

Dans ce cadre, la Commission a souhaité imposer la séparation totale des activités de gestion de l'infrastructure et d'exploitation des services de transport et interdire à terme les entreprises ferroviaires verticalement intégrées, qui comprennent en leur sein des entités responsables de ces deux types d'activité. Le texte qu'elle a proposé autorisait le seul maintien des entreprises verticalement intégrées déjà existantes à la date d'entrée en vigueur de la directive.

C'est aussi dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire que la Commission a préconisé l'ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs à l'horizon 2019.

Le Gouvernement français, par l'intermédiaire du ministre des transports Frédéric Cuvillier, s'est fermement opposé à l'interdiction des structures verticalement intégrées, en s'appuyant sur l'expérience française passée et les dysfonctionnements observés à la suite de la réforme de 1997. Le 16 octobre 2013, il a présenté le présent projet de loi en conseil des ministres, dont la mesure-phare consiste en la création d'une structure verticalement intégrée.

Le 26 février 2014, le Parlement européen a adopté le quatrième paquet ferroviaire en y apportant des modifications. Il a notamment restauré la possibilité, pour les États membres, de choisir entre une structure verticalement intégrée ou une séparation totale entre la gestion du réseau et l'exploitation des services de transport.

Il revient désormais au Conseil de se prononcer sur le travail du Parlement. Dans ce contexte, l'adoption sans plus tarder de la réforme permettra d'appuyer le travail réalisé jusqu'à présent par le ministre.

En outre, même si ce texte ne prévoit aucune disposition d'ouverture à la concurrence, il tient compte de la perspective d'une libéralisation à venir du transport national de voyageurs . Il permet en effet au système ferroviaire de prendre un nouveau départ, afin qu'il puisse aborder cette étape sereinement, lorsque Bruxelles l'imposera. Il pose par ailleurs les bases d'une concurrence équitable entre les différents acteurs, en écartant les risques de dumping social.

b) Une occasion de transposer la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen (refonte)

S'il est important de peser sur les négociations européennes en cours en adoptant cette réforme, il ne s'agit pas de présager du contenu définitif du quatrième paquet ferroviaire ni d'anticiper l'application de mesures qui n'ont pas encore été adoptées, même si ce contexte doit bien évidemment être pris en compte.

En revanche, le présent projet de loi offre l'opportunité de transposer la directive n° 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen (refonte), qui rassemble les trois directives du premier « paquet ferroviaire », tout en les modifiant, et dont le délai de transposition a été fixé au 15 juin 2015.

Cette directive étend par exemple les compétences de l'« organisme de contrôle » du secteur ferroviaire (en France, l'ARAF), et ses garanties d'indépendance et d'impartialité.


* 32 Audition du 25 mars 2013.

* 33 Jean-Louis Bianco, Claude Sardais, Réussir la réforme du système ferroviaire, avril 2013 ; Jacques Auxiette, Un nouveau destin pour le service public ferroviaire français : les propositions des régions, avril 2013.

* 34 Ces mesures sont détaillées dans le rapport de notre collègue Jean-Jacques Filleul sur les « enjeux du quatrième paquet ferroviaire », n° 55, Sénat, 2013-2014.

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