VI. AUDITION DE M. PIERRE CARDO
Réunie le mardi 17 juin 2014, la commission a entendu M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), sur le projet de loi portant réforme ferroviaire.
La réunion est ouverte à 15 h 05
M. Raymond Vall , président . - Nous accueillons, après les présidents de la SNCF et de RFF et le ministre Frédéric Cuvillier, M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires. M. Pépy nous a parlé de « muraille de Chine » : votre tâche sera essentielle pour en assurer le respect. Que pensez-vous de ce projet de loi ? Comment y voyez-vous votre rôle ? Quelles améliorations apporter au texte ? Que dire de sa faiblesse, rien n'étant réglé sur l'endettement ? Les chiffres sont si vertigineux - 500 millions d'euros doivent être empruntés chaque mois - qu'il est impossible de ne pas évoquer la question...
M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires . - J'ai certes un avis personnel sur cette réforme ; en tant que régulateur, je n'ai pas à me prononcer sur l'architecture retenue, c'est une décision politique. La création de RFF en 1997 nous a fourni deux sources d'informations - la SNCF d'un côté et RFF de l'autre - et nous a sorti d'une asymétrie de l'information qui pouvait être gênante ; mais elle a aussi créé des tensions très vives ; le système devait évoluer. RFF, avec 1 200 à 1 400 salariés seulement, est nommément gestionnaire d'infrastructure. Sa tâche lui est prétendument facilitée par deux entités restées à la SNCF : SNCF Infrastructure, chargé de l'entretien et la rénovation des voies, avec 35 000 personnes, et la direction des circulations ferroviaires, qui attribue les sillons, avec 14 000 personnes. RFF n'a, concrètement, qu'à régler les factures émises par le gestionnaire d'infrastructure délégué (GID). On voit bien quel peut être le poids de chacun.
En tant que régulateur, la réunion de ces trois entités dans un gestionnaire d'infrastructure unifié (GIU) me paraît une bonne chose, malgré les risques d'asymétrie d'information : tout dépend des pouvoirs que vous nous donnerez. Une liste des informations que nous aurions le droit d'aller chercher, connaissant mes interlocuteurs, serait interprétée comme exclusive. Évitons-la. Régulateur indépendant, nous avons des comptes à vous rendre, à rendre au juge - Conseil d'État et Cour d'appel de Paris. Il faut donner à l'Araf les moyens de son indépendance.
Le règlement des différends nous apprend beaucoup sur les problèmes du ferroviaire : les acteurs se plaignent tout particulièrement des incertitudes sur les sillons, ainsi que des sillons précaires, objets de plages travaux, ou inutilisés et rendus très tard, ce qui empêche d'optimiser le réseau - et réduit les recettes. SNCF Infrastructure et la direction de la circulation ferroviaire doivent se parler. Dans le GIU, le feront-ils ? Beaucoup dépendra des personnes. Cette réunion semble positive, elle peut engendrer des économies, mais pas au niveau annoncé. Les recettes de RFF devraient être augmentées par une meilleure attribution des sillons, et par les pénalités qui contraindront les opérateurs à rendre dans des délais raisonnables ceux qui sont inutilisés.
Les opposants ont peur de l'ouverture à la concurrence. Mais le véritable concurrent, c'est la route ! Les entreprises cherchent depuis trente ans à fonctionner à flux tendu, donc sans stocks ; faute de pouvoir compter sur une livraison dans un délai précis et assuré par le ferroviaire, elles ont recours à la route, même si c'est plus cher - en l'occurrence, pas beaucoup plus. Compte tenu des subventions versées - quand elles le sont, ce qui ne fut pas le cas l'année dernière - le fret ferroviaire est moins cher qu'en Allemagne. Le problème n'est pas le prix, mais la fiabilité, qui pourrait éviter des gâchis et des tensions. La confiance peut revenir, si l'Araf vérifie qu'il n'y a pas de discrimination dans l'attribution des sillons. Nous ne sommes pas là seulement pour faciliter la concurrence, mais également pour faciliter l'usage du ferroviaire : le réseau ferré est un investissement qui appartient à la nation, qu'il s'agit de rentabiliser au maximum.
Cette structure et SNCF Mobilité seront chapeautées par la SNCF ; je signale à ce propos que la Société nationale des chemins de fer français disparaît. La SNCF devient un groupe de mobilité, comme l'indiquent les propos de son président depuis quelques mois. C'est une évolution logique. Le contenu de cet Epic de tête relève d'une décision du Parlement, sur laquelle je n'ai pas à me prononcer. Quelques questions peuvent néanmoins se poser : quid d'une direction informatique et d'une direction juridique en son sein ? Avec quelles missions ? Pouvons-nous être certains qu'il n'y aura pas d'échanges d'informations avec les deux autres Epic ? Le seul moyen de s'en assurer, c'est que des éléments externes le contrôlent. Le même service juridique ne saurait être chargé de traiter un contentieux où un opérateur attaquerait SNCF Réseau pour discrimination au profit de SNCF Mobilité. Il faut éviter toute suspicion de la part des opérateurs. Dans cette architecture qui se rapproche du modèle allemand, l'Epic de tête se justifie par la volonté de rassurer le monde cheminot, qui craint que l'on démantèle la maison.
Ce système verticalement intégré exige un régulateur fort, qui ne perde pas ses pouvoirs antérieurs. C'est pourquoi je me suis élevé contre la transformation, dans le texte initial, de notre avis conforme sur la tarification des sillons en avis motivé ou simple, qui ne s'impose pas. L'argument, c'est qu'il reviendrait au gestionnaire d'infrastructure de fixer la tarification... C'est vrai, mais notre avis conforme ne s'y oppose pas. Nous devons vérifier que la tarification faite par RFF ne comporte pas de principe discriminant. Nous avons donné un avis négatif une seule fois, l'année dernière, et nous sommes parvenus à un accord dans les deux mois impartis, malgré 9 millions de recettes en moins pour RFF. Le texte de la commission, à l'Assemblée nationale, a rétabli cet avis conforme, qu'il étend à la tarification des gares et connexions et de certaines infrastructures de services, ce qui est très satisfaisant : aujourd'hui, nos interlocuteurs ne sont pas toujours capables de nous indiquer comment le prix a été élaboré, ce qui est contraire au principe de justification de la prestation de service facturée.
Petit aparté sur le problème des cours de marchandises : le fret doit en disposer de manière assez homogène sur le territoire. Les documents de référence du réseau (DRR) en comptaient 400 en 2013 mais seulement 170 aujourd'hui. Dans sa sagesse, le Sénat pourrait prévoir par amendement que le transfert se fonde sur le premier chiffre et non sur le second. Ce n'est pas à la SNCF de déterminer les cours transférées et les cours qu'elle garde pour les mettre en vente, compte tenu du foncier qu'elles représentent. Dans la carte de celles qui restent, l'Ouest de la France est démuni. Qu'il y ait moins de trafic n'est pas un argument. Ce n'est pas en fonction de l'activité actuelle de l'opérateur historique que doit être déterminé le maillage du territoire : c'est au politique, ou du moins au gestionnaire de l'infrastructure, le futur GIU, d'en décider, en fonction des marchés de demain : d'autres opérateurs pourraient répondre aux besoins d'industriels qui ne sont pas clients de la SNCF. Nous venons seulement de découvrir la nouvelle carte, et d'identifier ce problème. Le Sénat appréciera.
Le contrôle du respect de la trajectoire financière du contrat révisé tous les trois ans entre l'État et le futur gestionnaire d'infrastructure est une extension intéressante de notre mission. Nous sommes là pour informer le Parlement : RFF donnera son avis, mais il y aura un deuxième son de cloche. Nous pourrions être davantage impliqués dans la définition du coût complet. Celle qui est donnée dans le projet de loi, manifestement copiée sur le transport routier, n'est pas conforme à la réalité du ferroviaire. Le président Rapoport a envie que le GIU soit un bon outil industriel, fort bien. Mais il voit aussi son intérêt : comme l'État ne lui donne pas assez, et face à sa lourde dette, il a besoin pour abonder sa seule ressource, le péage, d'un coût complet le plus élevé possible. Mais il ne faudrait pas qu'il compte des éléments deux fois... Notre avis sur la question ne devrait pas être de ceux sur lesquels on s'assoit. Comment se terminera le débat entre les présidents de SNCF Mobilité et du GIU SNCF Réseau, au sein du conseil de surveillance ? L'arbitrage est confié au président de ce conseil, qui n'a pourtant pas à remplir une fonction exécutive. Tel est le sens de l'avis - non publié - du Conseil d'État.
M. Michel Teston . - C'est ce que dirait le Conseil d'Etat s'il était saisi ?
M. Pierre Cardo . - Je le crois... J'imagine M. Rapoport voulant des péages élevés pour combler son déficit, Guillaume Pépy se plaignant de ne plus rentabiliser ses TGV. L'arbitrage n'est peut-être pas à confier au conseil de surveillance...
La nouvelle architecture nécessite un régulateur indépendant et fort. Quelle mouche a piqué le gouvernement pour nous imposer ce commissaire du gouvernement, un oeil de Moscou, si j'ose dire ? Nous allons payer un individu à participer à nos réunions...
M. Charles Revet . - Il faut bien en recaser !
M. Pierre Cardo . - Je fais régulièrement des auditions d'acteurs du ferroviaire sans compte-rendu, pour qu'ils soient libres de parole. Avec un commissaire du gouvernement, ils ne le seront pas. Lorsqu'il a été prévu d'en nommer un à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), l'Union européenne l'a immédiatement refusé. Je trouve vexant qu'on juge utile de m'encadrer. Si le gouvernement a des choses à dire au régulateur, il est capable de les dire. Je préférerais avoir des rendez-vous plus fréquents avec le ministre et la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. Le Sénat, dans sa sagesse, fera ce qu'il souhaite.
Autre surprise : qu'il soit jugé utile de modifier la composition du collège après seulement quatre ans de fonctionnement. Il compte aujourd'hui un permanent, désigné par le président de la République, et six vacataires, désignés par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental, par Bercy et par le ministère des transports. Il a d'abord été question de passer à cinq permanents ; Gilles Savary avec qui j'en ai parlé, hostile à rendre permanents tous les membres, a proposé un compromis, refusé par la commission à l'Assemblée nationale mais que le ministre s'est engagé à faire passer par amendement : trois permanents et quatre vacataires. Cela me semble plus équilibré : j'ai besoin de personnes en activité, et qui n'interrompent pas leur carrière pour venir six ans à l'Araf. Les vacataires viennent une demi-journée à une journée par semaine pour repartir à leur activité principale. J'ai été nommé permanent car j'étais en fin de carrière et non susceptible de me faire recruter par un opérateur après ce mandat. Afin d'éviter toute suspicion, cela devrait être le cas des deux vice-présidents permanents. Le texte n'est pas clair et il faut envisager des mesures transitoires : serons-nous trois plus deux ou trois plus quatre, solution que je préfère ? Il est prévu que le premier permanent soit nommé par le ministère et le suivant par le président d'une des chambres du Parlement ; pour redonner une légitimité à l'Araf, je préférerais que les deux soient nommés par les assemblées. En transition, un seul vice-président serait nommé d'abord et le second dans deux ans, afin d'assurer un renouvellement d'un des trois permanents tous les deux ans. L'extension de nos missions - il est question de nous confier la régulation du tunnel sous la Manche et d'autres activités par la suite - peut justifier cette nouvelle composition.
La création d'un Haut Comité du ferroviaire, pour que les acteurs puissent au contact du ministre exprimer leurs difficultés, est intéressante. Mais l'apparition brutale en commission d'un amendement créant un comité des usagers l'est moins, même si la concertation à tous les niveaux peut sembler sympathique. Nous pratiquons la conciliation et nous sommes je crois plus écoutés que ne le serait un petit comité présidé par RFF, juge et partie. Un petit opérateur serait-il entendu ? J'ajoute que notre rôle va au-delà du règlement du différend : notre intervention nous donne à connaître les dysfonctionnements du système, nous détectons ainsi des failles dans le document de référence du réseau et recherchons une amélioration du système, souci que la commission dite de conciliation n'aura pas. La preuve que la disposition envisagée pose un problème, c'est que l'amendement commence par ces mots : « Sans empiéter sur les prérogatives de l'Araf... » Je déplore la création d'une structure de plus, alors qu'il faut simplifier le système. Tout cela a un coût - et nous le faisons gratuitement.
M. Charles Revet . - Cela ne fait rien : la France est riche !
M. Michel Teston . - Je ne vous poserai pas de question en dehors de vos compétences de régulateur, rassurez-vous, car il est bon que chacun reste à sa place dans la réforme... Dans sa forme initiale, le projet de loi ne prévoyait pas le maintien de l'avis conforme pour la tarification des sillons. Vous avez largement oeuvré pour revenir - et je ne vous en fais pas grief - à la situation antérieure, option qui devrait être conservée. L'Assemblée nationale l'a même étendue aux gares et connexions et à certaines infrastructures de services. La mise en place d'un commissaire du gouvernement semble vous inquiéter. Pourtant il en existe un auprès de l'Autorité de la concurrence, de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) : il n'y a rien de vexant à cela. Le projet de loi vous soumet le contrat entre l'État et SNCF Réseau et la part contributive de ce dernier sur chaque projet d'investissement sur le réseau ferré national. L'Araf disposera alors d'un pouvoir de régulation économique, au-delà des compétences habituelles des autorités publiques indépendantes de régulation.
M. Charles Revet . - L'Union européenne nous impose d'organiser le ferroviaire de telle sorte que la concurrence puisse se développer le moment venu : ce projet de loi y pourvoit-il ? Je vous pose aussi une question que j'ai posée à Guillaume Pépy sans obtenir de réponse : l'École polytechnique de Lausanne et la Cour des comptes ont montré en quel état dégradé est tombé le réseau ferroviaire ; ne pourrions-nous confier à l'Araf la mission de chiffrer les travaux nécessaires pour le remettre à niveau ? Enfin la SNCF a levé le pied sur les activités de wagon isolé : le transfert des installations à RFF peut-il changer cet état de choses ?
M. Jean-Jacques Filleul . - Cette réforme, proposée après dix-huit mois de débat, me convient, malgré quelques interrogations. Vous craignez que l'Epic de tête se voie attribuer trop de services. Pour ma part, je ne voudrais pas qu'il s'agisse d'une coquille vide. Votre rôle est de veiller à l'étanchéité. Je suis satisfait de la solution retenue sur votre avis conforme. Doit-on selon vous confier la gestion des gares et connexions au GIU ou, comme le préconise M. Rapoport, à une troisième filiale ? Ce dernier semble vouloir avoir toutes les cours de marchandises à sa disposition.
M. Michel Teston . - La loi le prévoit.
M. Jean-Jacques Filleul . - Avec les péages, seule ressource financière de cette structure, vous soulevez le problème financier, qui est d'une grande gravité mais qui n'est pas résolu. Je voterai la loi mais reste préoccupé. J'avais cru comprendre que la composition du collège de l'Araf était fixée. J'ai moi aussi du mal à accepter la création d'un comité des usagers ; j'aurais préféré que le Haut Conseil du ferroviaire fonctionne plutôt comme autrefois le Conseil supérieur du service public ferroviaire, où tout le monde - SNCF intégrée, ministères et syndicats - se rencontrait. C'est une bonne idée, mais il faut lui donner un contenu.
M. Pierre Cardo . - Merci de souligner les efforts que je déploie pour améliorer certains points dans le projet de loi ; mais en ce domaine, je ne suis qu'un amateur à côté de M. Pépy !
L'Autorité de la concurrence, qui agit ex post , n'a pas le même rôle que l'Araf, dont l'action est préventive. L'Arcep, qui nous est comparable, s'est vu il y a deux ans attribuer un commissaire du gouvernement : l'Union européenne l'a refusé au nom de l'indépendance de cette autorité. Franchement, quel est l'intérêt de cette novation ? Quel en est l'objectif ? La CRE n'a pas le même fonctionnement que nous : l'État a un regard sur ses décisions, alors que l'on attend de nous une expertise indépendante. Notre but, au fond, est de disparaître, après avoir tellement amélioré le système qu'aucun conflit ne serait plus envisageable ! Nous sommes une première instance, mais nous allons surtout chercher la vérité des chiffres, ce qui n'est pas toujours facile - demandez aux régions ! Je vous invite aussi à prendre connaissance du règlement de différend que nous rendrons prochainement concernant le syndicat des transports d'Île de France (Stif) sur la tarification de Gares et connexions. Nous avons travaillé deux ans sur les règles de la séparation comptable de ce dernier service, mais pas du tout sur le contenu, faute de pouvoir nous exprimer sur la tarification. Le Stif attaquera probablement le coût et notamment le taux de rémunération du capital, trop élevé, car son calcul comprenait un risque inexistant.
Vous dites que je suis « d'accord avec la réforme »... Dès lors qu'elle est adoptée au conseil des ministres, elle devient une décision politique sur laquelle je n'ai pas à me prononcer en tant que régulateur. À titre personnel, je crois que plus les choses sont séparées, plus simples elles sont ! Plus la structure de l'Epic de tête sera étoffée, plus je devrai vérifier que ses fonctions ne contribuent pas au financement d'activités concurrentielles.
Je me réjouis de l'extension des champs de l'avis conforme. Le contrôle sur le contrat entre l'État et SNCF Réseau nous donne un pouvoir économique. Cela ne consistera pas seulement à constater que SNCF Réseau s'écarte de la trajectoire, mais aussi le cas échéant à constater qu'il y est forcé par l'État qui ne remplit pas ses obligations, comme ce fut le cas pour la subvention fret de 135 millions d'euros l'année dernière. Le Parlement a intérêt à avoir un régulateur qui puisse lui fournir des informations non partisanes sur ce sujet.
M. Michel Teston . - L'exemple est éloquent.
M. Pierre Cardo . - Quant à l'ouverture à la concurrence, le projet de loi ne prépare pas grand-chose. La question qui se posera pour le trafic de voyageurs, comme elle se pose déjà pour le fret, est renvoyée aux discussions sur la convention collective et le décret socle. Nous savons que les TER allemands coûtent 20 à 25 % moins cher que les nôtres ; les conducteurs des différentes entreprises, filiales y compris, font beaucoup plus d'heures que ceux de Fret SNCF. Soit les discussions rapprochent les coûts du travail de la concurrence et de Fret SNCF, et ce dernier est sauvé ; soit tout le monde remonte au niveau du coût de Fret SNCF et alors le transport routier prendra l'essentiel du marché.
M. Charles Revet . - Ma question était plutôt : la nouvelle organisation garantira-t-elle un accès équitable au réseau pour tous les opérateurs ?
M. Pierre Cardo . - Si le régulateur a des pouvoirs suffisants, oui. Les opérateurs s'adressent à nous dès qu'ils ont un problème. Le plus souvent, il n'est même pas nécessaire de rendre une décision : les parties se mettent d'accord avant. La loi prévoit le contrôle de l'indépendance de la nomination de la présidence de SNCF Réseau. Tout cela nous prémunit contre les risques de discrimination.
M. Charles Revet . - Très bien !
M. Michel Teston . - Vous pourrez donc voter ce projet de loi !
M. Charles Revet . - Si vous votez tous mes amendements, oui.
M. Pierre Cardo . - La remise en état de l'outil n'est pas notre spécialité. Nous pouvons donner notre avis sur un travail tel que celui de l'École polytechnique de Lausanne, pas le réaliser nous-mêmes. Il serait intéressant de connaître non seulement l'état actuel du réseau, mais aussi celui de son utilisation future. Certains sillons sont gâchés sans raison, certaines voies très peu utilisées. Certaines régions imposent une tarification très faible, et les trains sur certains trajets circulent à vide. Il faut que les personnes en position de décider le fassent en connaissance de cause. Entretenir 30 000 ou 20 000 kilomètres ne représente pas le même coût.
Si l'Allemagne a choisi une organisation intégrée, c'est que la Deutsche Bahn a fait pression pour en garder la maîtrise. Le régulateur allemand, quoique autonome, n'est pas indépendant, à la différence du britannique. Le Haut Comité est intéressant ; mais quelle serait la validité juridique des décisions prises ? Nous ne ferons pas partie de ce comité que RFF présidera : il traitera au coup par coup les problèmes mais ne modifiera pas ses systèmes en profondeur.
M. Michel Vermeulen, secrétaire général de l'Araf . - Il est prévu de soumettre à un avis motivé le montant des concours financiers publics aux projets de développement de SNCF Réseau ; aujourd'hui, RFF ne peut financer qu'à hauteur de ce qu'il peut retirer en péage avec un taux de rentabilité interne de 8 %, montant dont le gouvernement déduit celui de la subvention publique. Vous connaissez les éléments de la discussion : si RFF ne finance pas assez selon les collectivités territoriales, il finance toujours trop pour la direction du budget... Un troisième expert donnera son avis, l'Araf.
M. Pierre Cardo . - Nous sommes satisfaits de voir disparaître le rapporteur pour les sanctions. La commission des sanctions que nous proposons est non seulement plus conforme à la procédure, qui doit séparer l'instruction du prononcé des sanctions, mais coûte beaucoup moins cher qu'un rapporteur payé à titre permanent, puisqu'elle serait constituée de magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes, qui seront payés uniquement lors des réunions. Sachez qu'en quatre ans, nous n'avons jamais eu de sanctions ! Cela résoudrait la QPC soulevée pour l'Arcep.
M. Raymond Vall , président . - Je vous remercie pour ces nombreux éclairages.
La réunion est levée à 16 h 15.