IV. AUDITION DE M. JACQUES RAPOPORT
Réunie le mercredi 11 juin, la commission a entendu M. Jacques Rapoport, président-directeur général de Réseau Ferré de France (RFF), sur le projet de loi portant réforme ferroviaire.
La réunion reprend à 11 heures 05.
M. Raymond Vall , président. - Nous avons le plaisir de recevoir M. Jacques Rapoport, président-directeur général de Réseau ferré de France (RFF), au sujet de la réforme ferroviaire.
Michel Teston, rapporteur du projet de loi, et François Patriat, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances et en tant que président de région, auront de nombreuses questions à vous poser.
Je vous poserai quant à moi quelques questions liées à la ruralité.
M. Jacques Rapoport. - Merci de me donner l'occasion de vous présenter ce projet. Je n'ignore évidemment pas que l'actualité est chargée : nous subissons aujourd'hui une grève de la SNCF déclenchée par deux organisations représentatives sur quatre. Cette grève perturbe fortement le trafic.
Ma pensée va vers les voyageurs, mais également vers les chargeurs. J'étais ce matin au Salon du transport et de la mobilité, Porte de Versailles. Les chargeurs m'ont fait part des graves difficultés que génère le fait que leurs trains soient immobilisés. Des millions de nos concitoyens sont également pénalisés par cette situation, qui ne peut évidemment pas être satisfaisante.
Je voudrais vous faire part de ma vision des choses et de l'intérêt de ce projet. Si l'on mène une réforme, c'est que le diagnostic n'est pas satisfaisant, qu'il y a des dysfonctionnements que l'on cherche si possible à résoudre, du moins à réduire.
Ce système est en place depuis 1997. Quel bilan en tirons-nous, dix-sept ans après ? Nous constatons que notre réseau a beaucoup vieilli ; à certains endroits, ce vieillissement frise la dégradation.
RFF est juridiquement propriétaire de ce patrimoine. Nous sommes en fait affectataires d'un bien national, la valeur juridique étant accessoire. Ma responsabilité est de dresser pour la représentation nationale le tableau de l'état dans lequel se trouve ce patrimoine.
Vous le savez - le rapport de la Cour des comptes que vous avez diligenté a fourni quelques éléments - notre réseau s'est beaucoup dégradé, du fait d'un sous-investissement chronique de trente années. Je ne jette pas la pierre à mes prédécesseurs : en 1980, une pause de cinq à dix ans était probablement justifiée, mais celle-ci a duré trente ans.
Depuis cinq à six ans, les investissements ont repris - et c'est une excellente chose - mais ils ont repris prioritairement sur le réseau régional. Il est vrai qu'il s'agissait du plus dégradé mais, de fait, la partie la plus structurante du réseau, celle où circulent 80 % des trains, a continué à vieillir. Après les efforts très importants accomplis en 2013 et 2014, l'âge moyen du réseau va continuer à augmenter.
Nous avons face à nous nous un mur de travaux dont l'impact économique est considérable. Il comporte des enjeux en matière de circulation des trains, avec une qualité de service tendanciellement à la baisse sur les zones les plus denses, notamment en Île-de-France.
Le second élément négatif concerne l'explosion de la dette. RFF enregistre à ce jour 35 milliards d'euros de dette et la SNCF 7 milliards d'euros. Je ne parlerai pas de cette dernière : pour une entreprise qui fait 38 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 7 milliards de dette pour financer le renouvellement de son patrimoine, ce n'est pas grand-chose. Ce serait mieux qu'il y en ait moins, mais cela ne présente pas de risque, dès lors que cette dette sert à financer des investissements, et non à boucher des trous.
En revanche, les 35 milliards d'euros de dette de RFF constituent une dette dont la validité économique est plus que discutable. L'Insee vient de requalifier en dette publique 10,8 milliards d'euros, à partir d'un calcul assez complexe.
Il est clair que cette part publique de la dette va croître dans les années qui viennent. RFF détient donc une dette mixte, avec une part justifiée par le fait que nous avons des péages, que le trafic augmente, et que nous devons financer des investissements. Une part de cette dette est saine, mais une autre ne l'est pas, et nous ne dégageons pas de capacités de remboursement. Par ailleurs, la dette augmente de 3 à 5 milliards d'euros par an. Non seulement le stock est très élevé, mais le flux est également très défavorable.
Pourquoi cette dette augmente-t-elle tant ? Nous avons en fait un volume d'investissement très important : nous investissons sur le réseau ferroviaire comme jamais en France.
Un ordre de grandeur, pour que l'on se rende bien compte : faire fonctionner le réseau coûte 4 milliards d'euros par an, hors frais financiers. Nous investissons 7,5 milliards, soit quasiment 200 % de notre chiffre d'affaires ! Aucune entreprise ne le fait. Nous avons des investissements considérables : les quatre lignes à grande vitesse (LGV) en travaux représentent, à elles seules, une vingtaine de milliards sur cinq ans.
Ce sont des sommes considérables qui sont investies sur le réseau. Or, il n'existe pas d'autofinancement, qu'il s'agisse de celui dégagé par l'exploitation, qui est de quelques centaines de millions d'euros par an, ou des subventions perçues, qui ne sont évidemment pas suffisantes. Il manque donc 3 milliards d'euros, et ceux-ci viennent augmenter un peu plus la dette chaque année.
Ceci va durer jusqu'en 2017, avec la mise en service des quatre LGV ; tout dépendra après de la suite qui sera donnée au programme TGV et à son mode de financement.
Dernier élément auquel je suis très sensible - mais l'opinion l'a également été récemment : la logique système est mal gérée par la SNCF et RFF, comme l'a montré l'affaire des trains trop larges ou des quais trop étroits.
Les gens qui ont agi comme ils l'ont fait ont respecté les instructions que leur donnait leur entreprise, compte tenu de l'objet social de chacune des deux maisons. Dans cette affaire, les intérêts de deux entreprises publiques, qui partagent le même métier, sont exactement contradictoires. L'une gagne, l'autre perd. On a passé deux ans à dire que c'était à l'autre de payer. Au bout du compte, c'est RFF qui a réglé la facture. Le système ne conduit pas seulement à l'affrontement, mais également à la séparation.
Dans certains pays, les deux entités sont séparées, comme en Angleterre, en Belgique, en Espagne. Dans d'autres, comme l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche, la Suisse, les deux entités ne le sont pas. C'est le cas de la moitié des pays européens environ. Les pays qui ne comportent qu'une seule entité ne connaissent pas d'affrontement ; en France, la SNCF et RFF sont non seulement séparées mais se livrent en outre à des affrontements, les intérêts des deux étant opposés !
Le bilan en a déjà été tiré, qu'il s'agisse des Assises du ferroviaire, du rapport de la Cour des comptes, ou de la commission Duron. Je n'insisterai donc pas, mais il est indispensable de rappeler que le statu quo est un danger majeur. On sait que beaucoup de conflits sociaux se sont terminés par le retrait du projet. Or, vous le savez, la dégradation de notre système ferroviaire s'accélérera si le statu quo perdure. C'est là le risque principal, les Assises du ferroviaire l'ont démontré.
Notre système est unique au monde. Les organisations ferroviaires sont extrêmement variables. À l'une des extrémités se trouve l'Angleterre, où il n'existe plus d'opérateur historique, le système ayant été abandonné à la franchise, avec un gestionnaire de réseau qui, après avoir été privatisé, a été nationalisé à nouveau. À l'autre extrémité, on trouve le Japon, la Russie, et même les États-Unis, où les systèmes sont totalement intégrés. Entre les deux, il y a toute la gamme, mais nulle part au monde l'infrastructure n'est coupée en deux, que ce soit dans un système totalement séparé, à l'anglaise, totalement intégré à la japonaise, ou encore à la suisse, ou que ce soit dans des systèmes intermédiaires à l'allemande, à l'italienne ou à l'autrichienne.
Et même dans les pays où la séparation répond à des principes fondamentaux, comme l'Angleterre, où la notion de service public existe peu, on est en train de recréer des liens forts entre les transporteurs et l'infrastructure, car on constate que la séparation nuit à la vision du système.
Le chemin est donc largement tracé. Le choix se résume entre l'unité de l'infrastructure, qui ne fait l'objet d'aucun débat, et le système intégré ou séparé.
Voyons donc ces options. Il en existe trois ; vous ne serez pas surpris d'apprendre que je propose d'en écarter deux pour n'en retenir qu'une. Le premier choix, c'est celui d'une intégration dans une entreprise SNCF unique, un Établissement public industriel et commercial (Epic) unique. Cette solution, je la qualifierais, de façon peut-être provocante, de seconde étape du démantèlement, la première ayant été la création de RFF.
Dans ce système d'intégration complète, il convient de sortir l'allocation des capacités de l'Epic unique, les règles européennes en vigueur prescrivant que cette allocation ne peut être réalisée par une entreprise assurant un service de transport. C'est là le droit communautaire, qui remonte déjà à plusieurs années. Il n'existe pas un seul pays en Europe où l'allocation des sillons soit réalisée par le transporteur. Cela reviendrait à confier la responsabilité de l'allocation des sillons au ministère des transports, à une administration et non à une entreprise ferroviaire !
En tant que technicien ferroviaire et responsable opérationnel, j'indique ici avec la plus grande clarté que ce système ne peut fonctionner. Pourquoi ? Nous avons quinze ans de travaux devant nous ; or, le sujet fondamental, pour notre système ferroviaire, réside dans l'arbitrage entre sillons et travaux, sujet horriblement compliqué. Les présidents de région savent combien il est difficile. Je me souviens des débats que nous avons eus l'année dernière avec la Bourgogne au sujet du Renouvellement Voie Ballast (RVB) : cela nécessite un effort de tous pour aboutir au meilleur compromis. Si ce sont des fonctionnaires qui effectuent cette tâche, je puis vous garantir que cela ne fonctionnera pas.
L'autre option, à l'opposé, réside dans la séparation, qui est promue par beaucoup d'acteurs du ferroviaire, en s'appuyant sur ce qui se passe dans plusieurs pays d'Europe. Outre l'Angleterre, on peut citer la Suède, la Belgique, ou l'Espagne. Je ne suis pas favorable à la séparation, non pour des raisons de principe, mais pour une raison pratique : je constate que nous avons aujourd'hui un opérateur de transports qui effectue 95 % des circulations. Tout le monde sait que, quel que soit le rythme d'ouverture à la concurrence, l'opérateur historique reste dominant très longtemps - sauf en Angleterre, l'opérateur historique ayant été découpé. Partout ailleurs où l'opérateur a été mis en concurrence, celui-ci reste dominant très longtemps, et ce pour une raison simple : c'est un marché où il existe des barrières à l'entrée, le chemin de fer n'est pas une start up . Quelle que soit l'ampleur de la concurrence, les parts de marché de l'opérateur historique régressent très lentement. Voyez l'Allemagne, ou la Suède. Ajoutons que les pays s'arrangent pour que cela aille encore plus doucement. Chacun le sait.
Un opérateur qui détient 95 % du marché est totalement investi dans la logique du système. Un opérateur qui possède 5 ou 10 % du marché veut être compétitif par rapport à ses concurrents. Savoir comment renouveler les postes d'aiguillage qui datent de 1932 n'est pas le problème de Thello. Thello a ses enjeux d'entreprise, qui reposent sur la compétitivité de son produit. Un opérateur qui a 95 % du marché est concerné par le système global, tout comme le gestionnaire d'infrastructures, dont c'est la mission.
Il faut donc une forte intégration entre le transporteur et le gestionnaire d'infrastructures, parce que tous deux poursuivent le même but, qui est le bon fonctionnement du système. Dans un système totalement séparé à l'anglaise, seul le gestionnaire d'infrastructures est en charge de la logique système. Chaque opérateur a les yeux rivés sur sa propre compétitivité. Un opérateur qui détient des parts de marché très élevées est autant concerné que le gestionnaire d'infrastructures. Qui a été sollicité lors de la catastrophe de Brétigny ou de l'affaire des trains soi-disant trop larges ? La SNCF. Aux yeux de l'opinion publique, c'est la SNCF - et c'est fort bien ainsi. Je n'en ressens aucune animosité. (Rires).
Au-delà de la boutade, j'insiste bien : dès lors qu'on a un opérateur dominant, il ne peut y avoir de séparation avec le gestionnaire d'infrastructures, car ceci conduit à l'affrontement - et je ne fais là aucune idéologie.
La solution est celle qui existe en Allemagne, en Italie ou en Autriche : il s'agit de la holding. Pourquoi un groupe intégré et non une entreprise intégrée ? Je l'ai dit à propos de l'allocation des sillons. J'ajoute qu'il existe un autre problème : dans une grande entreprise publique très intégrée, très soudée, on dit souvent que la gestion est centralisée et la stratégie décentralisée, ce qui est évidemment le contraire de ce qu'il faut faire.
L'intérêt du groupe public va au-delà du maintien de l'allocation des sillons dans le groupe, coeur du réacteur. L'autre intérêt du groupe est que l'on ne se pose plus de questions sur le fait de savoir qui garantit la stratégie et qui est en charge des opérations, puisqu'on a une structure en charge du pilotage global, et deux autres en charge de la réalisation. C'est pourquoi, progressivement, toutes les grandes entreprises s'organisent en groupes et non pas seulement en entreprises. Ceci permet une identification claire des responsabilités entre le stratégique, le pilotage global, la responsabilité économique, le choix des investissements stratégiques, assurés par la structure de tête - la holding - et les opérateurs chargés d'assurer la production, garants du bon fonctionnement technique, économique et social de la production.
Nous devons être leader mondial en matière de techniques ferroviaires. Nous le sommes avec la grande vitesse, il faut qu'on le devienne sur la partie du ferroviaire lourd, du « mass transit ». Les villes de 10 à 20 millions d'habitants poussent comme des champignons à travers le monde : le métro ne leur suffit pas. Il faut du transport ferroviaire lourd, de 50 à 100 kilomètres, qui traverse l'agglomération, ce que nous savons faire avec le RER - mais celui-ci a maintenant vingt-cinq ans d'âge. Nous avons donc des enjeux de maîtrise technologique et de leadership mondial en matière de « mass transit » sur le ferroviaire lourd. Nous avons la capacité de le faire : il faut absolument que nous nous investissions dans ce domaine. C'est l'objet essentiel du grand plan de modernisation du réseau. Il nous faut devenir, sur la partie du ferroviaire dense, pour les transports quotidiens, le même champion mondial que celui que nous sommes en matière de grande vitesse.
Qu'attendre de cette réforme, telle que je viens de l'indiquer ? Deux choses. La première est d'améliorer la qualité de services rendus aux usagers, voyageurs et chargeurs. Ce n'est pas par des incantations que l'on redressera le fret dans ce pays, mais parce qu'on aura un réseau qui lui permettra d'être compétitif par rapport à la route. Tant qu'on n'est pas capable d'allouer des sillons de 1 000 kilomètres fiables, pertinents, rapides, efficaces, à cause de travaux et de bouchons, le fret ne se redressera pas.
L'autoroute ferroviaire Bettembourg-Perpignan le montre bien : lorsque l'offre est compétitive, la demande de fret est là. C'est un exemple qui a maintenant déjà une dizaine d'années, avec un taux de remplissage de 80 %, et la perspective de passer de quatre à six allers-retours par jour. Quand l'offre n'est pas compétitive, la demande se reporte sur les camions. La qualité de service se fait donc par la vision système, l'intégration, la conduite des projets, le partage des priorités. C'est le coeur de ce que l'on doit attendre : le redressement d'un réseau vieillissant, et la qualité de services.
Le second objectif réside dans la performance économique, afin de contribuer à la maîtrise de l'endettement. Guillaume Pepy et moi disons que cette réforme, en simplifiant tous nos « process » , en réunifiant des entités qui s'affrontent, en offrant une vision à moyen et long termes, doit nous permettre de gagner un milliard d'euros par an, 500 millions d'euros du côté du gestionnaire d'infrastructures et 500 millions d'euros du côté du transporteur.
A la lumière de mon expérience, à la RATP ou à La Poste, je sais que nous avons les 500 millions d'euros de productivité, qui représentent moins de 10 % de notre chiffre d'affaires, grâce à une organisation normale que nous n'avons pas aujourd'hui.
Nous demandons en outre aux pouvoirs publics de ne pas payer d'impôt sur les sociétés, et de ne pas verser de dividende, soit environ 500 millions d'euros. Par ailleurs, si les pouvoirs publics décident de nouvelles LGV - ce dont nous serions évidemment ravis- nous demandons à ne pas participer à leur financement. Dans ces conditions, compte tenu de notre volume de dette, nous pensons pouvoir la stabiliser en cinq ans. Nous ne prétendons pas la réduire : si quelqu'un propose qu'on nous la réduise, nous serions très favorables à une telle proposition ! (Sourires).
Quoi que l'on fasse, nous aurons, avec les quatre LGV en cours, 10 milliards d'euros de dette supplémentaires ! Nous demandons donc simplement, pour l'avenir, que les décideurs soient les payeurs.
Ce projet de loi est en préparation depuis deux ans et demi. Il a donné lieu à d'innombrables débats, discussions et rapports, notamment ceux de Jean-Louis Bianco, la Cour des comptes, Jacques Auxiette, ou des Assises du ferroviaire. S'il y a bien une critique que l'on ne peut émettre, c'est qu'on légifère dans la précipitation !
C'est vraiment ma conviction, ce projet de loi représente l'équilibre pertinent pour les dix ans à venir. Il doit permettre aux usagers et à la France de disposer d'un système ferroviaire qui fonctionne mieux, prêt à faire face à la concurrence.
M. Raymond Vall , président. - Merci. Nous apprécions votre parfaite connaissance de ce dossier.
M. Michel Teston , rapporteur. - Vous avez bien fait de rappeler que la situation actuelle du système ferroviaire n'est pas satisfaisante ; j'ajoute que rester dans le statu quo serait, de mon point de vue, irresponsable.
Vous avez parfaitement expliqué comment le choix, entre trois solutions possibles, s'est arrêté sur la solution verticalement intégrée, avec un système qu'on appelle holding en Allemagne, en Autriche ou en Italie, et qui sera, en France, constitué de trois Epic, un Epic de tête et deux Epic « filles », selon la terminologie retenue.
Ma première question concernera le volet financier de la réforme. Il manquait, au moment des Assises du ferroviaire, 1,5 milliard d'euros par an pour assurer l'équilibre du système. Avec l'indispensable action de régénération du réseau classique, qui est en cours, et le financement, en tout ou partie, des quatre lignes à grande vitesse en voie de construction, pour un total de 736 kilomètres, il faudra emprunter chaque année bien plus que 1,5 milliard d'euros pour payer les annuités de la dette. En quoi la création du gestionnaire d'infrastructure unifié (GIU) regroupant RFF, la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), et SNCF Infra améliorera-t-elle la situation ? Vous avez fait état de 1 milliard d'euros d'économies, moitié pour RFF, moitié pour la SNCF. Quelles mesures concrètes pensez-vous retenir pour maintenir ce niveau d'économies, absolument nécessaire à la stabilisation de la dette - je ne parle pas de sa réduction ?
En second lieu, la constitution du GIU va rassembler les 1 700 ou 1 800 personnels de RFF, les 14 000 personnels de la DCF et les 40 000 personnels de SNCF Infra. Les personnels de RFF n'ont pas forcément connu la période antérieure, celle de la SNCF. Comment allez-vous procéder pour intégrer dans les meilleures conditions ces personnels de cultures différentes dans le nouveau GIU ?
En troisième lieu, on sait fort bien que la répartition du foncier et de l'immobilier a fait l'objet d'arbitrages que je qualifierai de « douloureux », sans m'étendre davantage, qui ont duré de nombreuses années, s'agissant de la répartition des biens entre RFF et la SNCF. La réforme doit-elle traiter cette question ? C'est ce que propose l'Autorité de la concurrence, qui suggère de vous transférer la gestion des gares et connexions et des infrastructures de service. Pour l'instant, il est seulement prévu de transférer les cours de marchandises à SNCF Réseau. Êtes-vous prêt à prendre ces nouvelles responsabilités ?
Enfin, un amendement de mon collègue Gilles Savary, en commission du développement durable, à l'Assemblée nationale, pourrait vous autoriser à déléguer certaines de vos missions à des tiers - et pas seulement à des personnes publiques - sur l'ensemble des lignes à faible trafic, soit 12 000 à 13 000 kilomètres de voies. Je suis profondément attaché à l'unité du réseau ferré national, et je m'interroge sur ce sujet. En outre, je ne suis pas certain que ce soit un cadeau pour les régions, qui seront alors en première ligne face aux sollicitations des associations locales, comme la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), ou un certain nombre d'organismes. Qu'en pensez-vous ?
M. François Patriat , rapporteur pour avis. - J'ai trouvé votre propos fort pertinent. Vous avez parlé d'un compromis pour éviter le statu quo ; quel pourrait être, selon vous, les éléments du compromis ?
D'autre part, je préside momentanément une région qui a un des plus grands réseaux ferrés de France. Les conventions entre la SNCF et la région Bourgogne sont passées de 110 à 160 millions d'euros par an, du fait du cadencement - et je ne parle là que du fonctionnement. Ceci m'amène une question ; que peut-on faire pour réduire la dette ? Au-delà même du texte de loi, il nous faut avoir quelque courage par rapport aux choix qui sont à faire. Nous en avons déjà opéré en supprimant des trains qui transportaient peu de voyageurs mais, comme dans beaucoup de domaines, nous maintenons un certain nombre de lignes dont l'intérêt local peut paraître évident aux yeux de certains utilisateurs, alors que l'intérêt général ne l'est absolument pas !
Je prendrai l'exemple d'une voie entre une petite commune du Nord de la Côte d'Or, disposant d'une coopérative céréalière, qui voit passer quarante trains par an et la ligne Paris-Lyon, où la voie est très dégradée, et dont la réhabilitation nécessite 9 millions d'euros. On demande à la région d'apporter 3 millions d'euros. Où voulez-vous, dans le contexte actuel, que la région trouve cet argent, alors que nous payons déjà les péages, les gares, la retraite des cheminots ? Je pense qu'il faut vraiment faire des choix. Je ne parle par des voies ferrées du Morvan ou de celle qui part aujourd'hui de Paris-Bercy pour aller jusqu'à Clamecy. Il nous faut être courageux. Nous devons l'être tous ensemble, après un effort de pédagogie important. Je ne suis pas sûr que l'on réduira la dette par ce biais, mais on ne pourra continuer ainsi pour ce qui concerne un certain nombre de lignes.
En second lieu, on n'a pas encore les contrats de projet, mais il semblerait que ceux-ci ne contiennent pas grand-chose, hormis le volet relatif à la mobilité. Le volet mobilité, pour la Bourgogne, signifie l'électrification d'une ligne Nevers-Dijon-Chagny, qui rejoindrait Montchanin et la remise en état de la Voie ferrée Centre-Europe Atlantique (VFCEA) qui, dit-on, représentera 17 millions d'euros. Comment les financer ? On nous dit que RFF va apporter 15 %. Pour le reste, il faut trouver les cofinancements. L'État fait donc appel à nous, tout comme pour le financement de la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA), sur laquelle nous n'avons pas compétence !
Je suis donc quelque peu inquiet. Il est vrai que la région Bourgogne a bénéficié des premières LGV. C'est pour nous une grande satisfaction. On finira par Rhin-Rhône, et l'on aura ainsi le premier TGV transeuropéen, même s'il n'est terminé à aucune des deux extrémités. Si l'on doit réduire la dette, quelle sont donc vos pistes, monsieur le président ? A quel niveau la dette sera-t-elle stabilisée dans cinq ans ?
Je suis favorable à ces textes, j'en vois l'utilité, j'ai essayé de le démontrer lorsque j'ai rencontré les acteurs sociaux. Je leur ai dit qu'on allait gagner un milliard d'euros par an, ce que vous avez confirmé, et qu'il fallait à tout prix stabiliser cette dette.
Que disent les investisseurs qui achètent la dette de RFF ? Vous avez dit qu'on allait encore avoir besoin de 10 milliards d'euros pour terminer les quatre LGV. SNCF Réseau sera-t-il un émetteur crédible, compte tenu de son endettement ?
Le problème de RFF est lié à sa conception : une telle dette était insensée ! Faut-il que l'État reprenne une partie de la dette ? Comment réaliser la défaisance ? Ces questions risquent d'être pendantes pour les cinq ans à venir !
M. Raymond Vall , président. - Vous avez certainement raison, en tant que président de région, de poser ces questions, mais cela me rappelle nos discussions sur le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT). On avait estimé avoir une certaine responsabilité lorsqu'il ne restait plus qu'une voie ferrée sur un territoire. Certaines régions cumulent les financements. Il faudra en tenir compte, faute de quoi on aura l'impression qu'il existe deux France, celle qui a bénéficié de financements, et celle qui est aujourd'hui face à une contribution à 90 ou 100 % !
M. Louis Nègre . - Monsieur le président, mes chers collègues, la situation n'est pas mirobolante : aujourd'hui, c'est la grève ; hier, c'étaient les trains trop larges. Entre nous soit dit, cette affaire a été montée de toutes pièces par quelques collègues qui se sont laissés aller ! Cela fait des dégâts considérables. Le Financial Times en a même parlé. J'ai d'autres échos internationaux qui touchent directement notre industrie nationale. Je trouve anormal de se tirer ainsi une balle dans le pied de la part de gens censés être en charge de responsabilités !
Le diagnostic est largement partagé : les Assises du ferroviaire, que nous avons mises en place, ont montré qu'il y a bien lieu de s'en préoccuper. Il n'y a donc aucune opposition sur la réforme et sur son principe. J'irai même au-delà : ce que disent Michel Teston ou notre collègue Patriat ne me surprend pas, ne me choque pas. Nous allons donc pouvoir tomber d'accord sur un certain nombre de points, comme le GIU.
Votre présentation était dynamique, pédagogique et motivée. Pour autant, est-elle convaincante ? C'est un autre problème.
Le premier problème que je soulève est celui de la gouvernance. Lorsque nous avons réalisé la scission entre RFF et la SNCF, j'avais dit qu'une chatte n'y retrouverait pas ses petits ! J'avoue que ce que vous proposez là m'apparaît comme une nébuleuse, une galaxie d'institutions. Je ne parlerais pas ici du Haut comité du ferroviaire, qui rappelle étrangement le Conseil national des transports. Qui fait quoi ? Pourquoi complexifier autant les choses ?
Ma deuxième question porte sur la dette. François Patriat en a très bien parlé, et Michel Teston a soulevé le problème. Vous l'avez dit vous-même : « La dette n'apparaît pas clairement dans la réforme ferroviaire ». Hier, le ministre a déclaré au Salon de la mobilité : « Si nous arrivons à la stabiliser, voilà déjà un bel objectif ! ». Je ne suis pas sûr que cet objectif soit suffisant !
Avant même la scission avec RFF, nous avions déjà une dette conséquente de la SNCF en tant qu'entité unique. Quand on évoque le fait de revenir à la SNCF d'antan, vous comprenez mes réactions !
Cette dette présente des chiffres considérables. Vous avez annoncé 2,5 milliards d'euros par an. Hier, Frédéric Cuvillier a annoncé qu'on était à 40 milliards d'euros, et qu'on voguait vers les 80 milliards d'euros !
M. François Patriat , rapporteur pour avis. - 79 milliards d'euros !
M. Louis Nègre . - On n'est plus à un milliard près ! La pente est glissante, mouvante et dangereuse ! Vous avez amené des réponses, mais je suis obligé de constater que les économies que vous préconisez, si elles sont souhaitées, sont loin d'être garanties ! Le fait de faire des économies en rapprochant les deux entités sous-entend-il qu'elles étaient mal gérées ?
Aujourd'hui, 40 % des crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) vont au ferroviaire, Or, l'éco-redevance ayant disparu, l'AFITF n'est plus alimentée financièrement. Les contrats de projets État-région (CPER) sont entièrement vides, alors qu'ils prévoyaient un volet « mobilités » qui, auparavant, n'existait pas. Ni le problème de la dette en général ni celui du financement ne me paraissent donc être traités comme il faut.
Je ne parlerais pas de l'ouverture à la concurrence, à laquelle je suis extrêmement favorable, mon groupe aussi. Quand je vois ce qui se passe à l'étranger avec l'ouverture à la concurrence, je pense, monsieur le président de région, que l'on a gaspillé l'argent public - si vous me permettez ce terme peut-être un peu fort. Aujourd'hui, vous achetez quelque chose 20 à 30 % plus cher que ce qu'il vaut réellement.
On cherche de l'argent pour nos financements : avec une dizaine de milliards d'euros, on gagne tout de suite plus de 480 millions de frais financiers ! Il appartient donc à l'État d'assumer ses responsabilités.
S'agissant des murailles de Chine, celles-ci sont souhaitées et souhaitables, afin d'y voir clair et éviter la discrimination. Elles n'existent qu'à moitié en Allemagne, où il y a un contentieux, et encore moins en Italie ! Quelles murailles de Chine pouvez-vous nous garantir, pour assurer une non-discrimination et une transparence au système ?
Pour terminer, il n'y a aucune visibilité en matière de trains d'équilibre du territoire (TET), ni de matériel, alors que ceci touche directement notre industrie ferroviaire. J'ai appris hier qu'un de nos plus grands constructeurs allait fermer ses usines en 2015, faute de commandes de matériel ferroviaire !
Enfin, où sont passés les usagers ? La réforme ferroviaire est peut-être faite pour les institutions, pour l'État, mais elle est d'abord destinée au client, à l'usager ! Or, cet usager-là n'apparaît pas !
M. Alain Fouché . - M. Nègre a fort bien présenté la situation - même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il a dit.
S'agissant de la dette de RFF, ne devons-nous pas nous en prendre à ceux qui ont géré la France depuis des années ? Ce n'est pas RFF qui s'est endetté, c'est l'État qui a endetté RFF !
J'ai siégé au conseil d'administration de RFF durant quelques mois : j'ai vu les pressions s'exercer de tout bord ! Tous les hommes politiques désiraient des LGV ! RFF, qui n'en a pas les moyens financiers, est obligé d'emprunter.
J'ai également constaté, au cours de ces conseils d'administration, que les rapports avec la SNCF étaient difficiles.
Le problème des quais apparaît effectivement préjudiciable pour l'image de l'entreprise. Si un élu avait géré sa collectivité de cette façon, il aurait sans doute eu de sérieux ennuis mais, en général, en France, la haute administration sort toujours indemne de tous les litiges, alors que les élus sont condamnés ou poursuivis.
Je souligne par ailleurs que, sur la ligne LGV Atlantique, la sous-traitance a très peu ou très mal fonctionné, contrairement aux engagements pris.
Enfin, je souhaiterais vous poser une question : la loi Duflot a pris des mesures que j'estime bonnes concernant les bâtiments délaissés par l'armée ou la SNCF. Quantité d'entre eux ont été abandonnés, alors qu'on aurait pu les vendre dans des conditions fort convenables. On en connaît partout, dans la Vienne comme ailleurs. Avez-vous pu commencer à vendre un certain nombre de ces biens ? L'intérêt de la loi Duflot était de permettre de construire sur ces terrains les logements sociaux dont nous avons besoin !
M. Francis Grignon . - J'ai voté la loi de 1997 avec enthousiasme. Mme Anne-Marie Idrac nous a ensuite dit que c'était impossible à gérer, du fait de milliers de marchés. Je suis aujourd'hui convaincu que c'est une bonne chose que de regrouper tout le monde. Cependant, comment allez-vous faire pour fusionner ces cultures différentes ?
En second lieu, pour la dette, j'ai en tête une somme de 35 milliards d'euros pour RFF, et 7 milliards pour la SNCF, soit 42 milliards d'euros. On n'est donc pas à 80 milliards. Pouvez-vous nous préciser ce point ?
Une des solutions n'est-elle pas ce qui s'est fait à Tours, où un intervenant privé joue le rôle de RFF ? Ne peut-on multiplier ces exemples pour stabiliser la dette ?
S'agissant du financement, il existe en Allemagne une holding. Les péages sont les mêmes pour tout le monde. Peut-être sont-ils un peu chers, mais la Deutsche Bahn (DB) récupère cet argent à travers la holding. Est-ce prévu chez nous ?
Concernant la concurrence, vous avez dit que, sauf en Angleterre, l'opérateur historique garde en général une part élevée du marché. Je suis d'accord, mais cette concurrence constitue un formidable aiguillon pour l'opérateur historique. Allez-vous imposer des comptes de ligne, comme en Suisse, afin que les régions y voient clair, aient une comptabilité analytique et une certaine transparence ? C'est fondamental pour que le système fonctionne !
D'autre part, en matière de fret, 40 % des sillons sont actuellement financés par l'État jusqu'en 2015. Combien cela représente-t-il ? Cela va-t-il continuer ?
Enfin, s'agissant des trains trop larges, j'ai eu l'occasion de discuter avec des responsables de la DB, qui m'ont dit que nous avions eu raison de choisir des trains homologués. L'Allemagne, quant à elle, donne de l'argent aux Lander, qui achètent le matériel qu'ils souhaitent. S'ensuivent des coûts de maintenance extraordinaires, et les trains de Munich ne peuvent rouler à Hanovre !
M. Gérard Cornu . - Vous vous êtes livré à un vibrant plaidoyer pour que l'on ne demeure pas dans le statu quo, en employant des termes assez forts, comme ceux d'intérêts contradictoires. Vous êtes un expert : je n'ai pas à mettre en doute votre jugement !
J'entends encore, en 1997, ces experts nous dire qu'il fallait absolument séparer les deux entreprises, qu'on ne pouvait avoir un opérateur dominant, qu'il ne pourrait pas participer à l'ouverture du marché, ni proposer d'allocations de sillons, etc.
Nous avons suivi les experts, tout en trouvant qu'on avait un peu chargé la barque s'agissant de la dette de RFF. Nous nous interrogions, par pur bon sens, sur la capacité de RFF à rembourser. On nous a expliqué que la situation était la même que celle d'Aéroports de Paris (ADP), qu'il ne s'agissait là que de foncier, et qu'il n'y avait pas de problème.
Aujourd'hui, je ne crois pas à la stabilisation de la dette dans cinq ans ! Je pense qu'on est englué dans cette dette. Il suffit que les taux d'intérêt changent pour que la situation bascule. Je ne pense pas qu'une entité commune résoudra le problème.
Mme Évelyne Didier . - La manière dont vous avez détaillé les trois scénarios est très intéressante.
Je voudrais féliciter l'entreprise pour l'investissement considérable qu'elle réalise. C'est grâce à cet effort que l'on pourra s'en sortir, sans quoi on n'y arrivera pas - je parle là du réseau, bien entendu !
Je vous félicite également pour le nouvel esprit qui existe entre les deux entités. Ce que nous avons vécu dans la période précédente était plutôt gênant, tant pour l'image que pour le fonctionnement de l'ensemble.
S'agissant de la dette, puis-je suggérer que l'on s'intéresse aux banques ? Depuis combien de temps gagnent-elles de l'argent avec la dette, sur le dos des entreprises ? Ne pourraient-elles faire des efforts ?
Si j'ai bien compris ce que vous dites, la seule chose que nous impose l'Europe, c'est de sortir l'attribution des sillons de l'ensemble. Est-ce seulement ce qu'exige l'Europe, ou y a-t-il d'autres demandes ?
Vous avez évoqué la stratégie. Ne pensez-vous pas que la formation et le suivi des personnels pourraient, d'une manière générale, faire davantage partie de la stratégie ?
Je voudrais rebondir sur ce qui a été dit à propos de la grève et du mouvement social qui est en train de se produire, qui remporte tout de même un certain succès. De quoi les cheminots ont-il peur ? Ils redoutent la vente à la découpe. On sait très bien que la séparation des activités a précédé le démantèlement de toutes les entreprises - publiques, mais aussi privées. Je crois donc que les syndicats ont besoin d'être rassurés sur la cohésion et la cohérence que pourraient offrir le nouveau système.
S'agissant du patrimoine, je comprends que l'on soit dans une situation difficile et qu'on ne puisse tout entretenir ; cependant, j'attire votre attention sur le fait que nous avons un réseau unique et exceptionnel, qui a organisé l'aménagement du territoire. Même si l'on décide de ne plus utiliser telle ou telle ligne, il faut conserver les emprises. Le jour où celles-ci disparaîtront, ce sera terminé ! Or, si des entreprises veulent un jour s'installer à certains endroits, on se félicitera d'avoir conservé l'emprise pour reconstituer le réseau.
Quant à l'idée que les décideurs sont aussi les payeurs, je l'ai déjà dit au président Pepy : vous prêchez une convaincue !
Enfin, quelle va être l'incidence du quatrième paquet ferroviaire ?
M. Jean-Jacques Filleul . - Contrairement à Francis Grignon, j'ai voté contre la loi de 1997 et j'ai attendu dix-sept ans pour que le démantèlement soit revu dans un texte dont je partage l'esprit.
Votre discours, monsieur le président, m'a paru d'une très grande qualité, mais je m'interroge face aux 28 % de grévistes que l'on compte aujourd'hui. Pourquoi le système ferroviaire est-il bloqué ?
D'autre part, l'Epic de tête peut-il gérer selon vous l'ensemble du patrimoine actuel de la SNCF ?
L'Association des régions de France (ARF) se pose des questions sur sa présence au sein du conseil d'administration. Elle finance les deux-tiers du trafic et souhaiterait être représentée à la même hauteur que l'État. Un seul représentant est-il selon vous suffisant ?
Vous avez évoqué la requalification par l'Insee de 10 milliards d'euros de dette. Je trouve que c'est une bonne solution, mais je n'ai pas entendu le Gouvernement en parler. Cette requalification s'impose-t-elle d'elle-même ou faut-il que le Gouvernement décide de la mettre en oeuvre ?
La LGV Sud Europe Atlantique (SEA), qui ouvre en 2017, va être gérée par l'entreprise LISEA. Quel type de relations allez-vous avoir avec elle ? Je connais leur réponse, mais j'aimerais entendre la vôtre. Certaines mauvaises langues considèrent que la ligne devrait être en déficit chronique d'environ 100 millions par an. Est-ce le cas ?
Beaucoup de gens s'interrogent sur le rôle du Haut comité du ferroviaire. Je pense qu'il peut jouer un rôle important, à condition qu'il puisse servir de lieu de débat permanent pour l'ensemble des institutions, comme cela a été le cas du Conseil supérieur du service public ferroviaire (CSSPF), créé à l'époque par Jean-Claude Gayssot. J'ai eu le plaisir de le présider durant plusieurs années. C'était une instance très utile.
Je terminerai par la dette de RFF. Elle provient des infrastructures TGV et aurait dû être requalifiée en dette d'État, ce qui aurait pu se faire à un certain moment. Ce n'est plus le cas à présent. C'est dommage ! Je demeure très sceptique, malgré votre plaidoirie, quant à la baisse de cette dette. Nous sommes malheureusement dans un système très compliqué !
M. Rémy Pointereau . - Je tiens à féliciter le président Rapoport pour sa vision pragmatique et sa logique de chef d'entreprise. C'est plutôt rassurant, dans un projet de loi qui ne fait que réparer une erreur que l'on a certainement commise avec la loi de février 1997. Nous sommes les seuls au monde à détenir un système coupé en deux. On a voulu répondre aux exigences de la concurrence européenne, mais l'Allemagne, elle, n'a pas du tout opté pour ce choix. Si la DB dispose d'un système qui fonctionne bien, pourquoi ne pas s'en inspirer ?
Il nous faut aujourd'hui un seul responsable. Personne n'est responsable de rien : RFF et la SNCF se rejettent souvent la responsabilité. On a le même problème avec EDF et ERDF : on a compliqué les choses, les usagers ne s'y retrouvent pas et on a du mal à trouver des solutions ! Essayons donc de simplifier les choses et de ne pas créer d'imbroglios, comme cela a pu être le cas.
S'agissant de la dette, il faudrait d'abord que l'État arrête de donner des leçons en la matière ! Je dis bien l'État, et non le Gouvernement : autant l'État génère de la dette de fonctionnement, ce qui n'est pas bon, autant RFF produit de la dette liée à des investissements. C'est complètement différent. Il s'agit selon moi d'une bonne dette. Quand une entreprise investit dans son outil de travail et qu'elle emprunte, il y a derrière du capital, de la rentabilité, du retour sur investissement ! Il me paraît important d'ouvrir les investissements aux partenariats privés. Ma collègue évoquait les banquiers : des groupes comme Vinci ou d'autres pourraient aussi participer à ces investissements pour soulager la dette de RFF.
Les régions les plus riches ont pu réaliser leurs investissements, mais un certain nombre n'en a pas eu la possibilité, et on ferme des lignes faute d'usagers. On est dans une spirale infernale : moins il y a d'usagers, plus on ferme de lignes et moins il y a de monde sur les territoires. C'est ainsi que l'on crée la désertification. On nous dit qu'il faut veiller aux enjeux environnementaux, et on remet de plus en plus de monde sur les routes !
Il existe une ligne entre Montluçon, Saint Amand et Bourges qui permet d'aller vers le centre de la France. Face à la pénurie de trains, on met en place des services de bus pour aller de Montluçon à la gare de Vierzon. Les usagers, qui n'apprécient pas cette solution, prennent de plus en plus leur véhicule pour aller de Montluçon à Paris ou ailleurs ! Fermer des lignes n'est donc pas forcément la bonne solution. Ceci amène le déclin. Il faut essayer de donner un peu d'espérance aux territoires qui n'ont pas eu la chance de bénéficier de gros investissements en matière ferroviaire.
M. Raymond Vall , président. - J'ajoute qu'il existe des activités qui ne sont pas délocalisables. Ce sont donc des milliers de camions qu'on va retrouver sur la route, si l'on n'a plus de voies ferrées pour permettre le transport des céréales, par exemple.
On ne peut éluder ce sujet. Je sais que ceci n'entre pas dans la vision des présidents de région. Mais on a un devoir face aux territoires qui ont l'agriculture pour seule activité. Ils produisent des matières premières qu'ils ne peuvent stocker ailleurs que sur place.
M. François Patriat , rapporteur pour avis. - Depuis six ans, toutes les gares-bois sont fermées ! 7 millions d'euros sont ainsi immobilisés dans le Morvan et le Dijonnais. Plus une bille de bois ne part aujourd'hui par le train !
M. Raymond Vall , président. - Je parlais des céréales !
M. Jacques Rapoport. - Vous me donnez l'occasion de préciser quelques-unes de mes vues de chef d'entreprise, qualificatif qui sonne doux à mon oreille !
Tout d'abord, je conteste que la gouvernance du futur groupe public soit complexe. Prenez l'organigramme des groupes Veolia, Vivendi, Renault, Peugeot, Thalès, et prenez l'organigramme du groupe ferroviaire public : en réalité, notre organisation, telle qu'elle est prévue dans le projet de loi, est extrêmement simple, avec une maison-mère et deux filiales. C'est d'une très grande banalité.
Aujourd'hui, le groupe SNCF, avec ses centaines de filiale - Keolis, Geodis, Systra, etc. - est infiniment plus complexe et reste gérable à la condition - qui sera remplie - que la structure de tête joue son rôle. Quand on veut investir 100 millions d'euros, c'est à la structure de tête de décider. Elle établit la stratégie, garantit la cohésion et le contrôle.
S'agissant des murailles, il en existe principalement deux. Nous avons été très attentifs, par souci d'euro-compatibilité, au rôle de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), même s'il y a eu un raté avec l'avis conforme concernant les tarifs. On sait bien que les administrations n'aiment pas les autorités indépendantes ! Messieurs les parlementaires, vous avez là un rôle à jouer !
M. Raymond Vall , président. - Elles n'aiment pas non plus les élus !
M. Jacques Rapoport. - Cette affaire est réglée. En revanche, on ne met pas assez en lumière le renforcement considérable des pouvoirs de l'Araf. Celle-ci devra émettre un avis, ce qui n'est pas rien, sur les équilibres financiers de SNCF Réseau. C'est capital. L'un de vous a expliqué que RFF subit des pressions pour s'endetter. Je le confirme, mais RFF ne sera plus seul. L'Araf pourra attirer l'attention sur le fait que cela plombe le système ! C'est un élément de régulation très fort.
Le directoire de l'Epic de tête est composé des deux présidents des « filles ». On ne l'a pas fait par inadvertance : l'Epic de tête ne pourra prendre de décision dont SNCF Réseau ne voudra pas, le directoire étant sans voix prépondérante. En clair, le président de SNCF Réseau disposera, au sein de la structure de tête, d'un droit de veto.
En cas de désaccord entre les deux présidents, la loi a prévu que c'est le président du conseil de surveillance - dont je ne doute pas que ce sera une personnalité incontestable - qui préside l'EPIC de tête. Le but n'est pas d'arbitrer les désaccords mais que les deux présidents se mettent d'accord entre eux. Il faut bien voir que les deux présidents des « filles » ont des intérêts différents, mais convergents, l'un étant responsable du transport, l'autre du réseau, tous deux étant garants du bon fonctionnement du système.
Je pense que ce choix garantit l'équilibre. Cela étant, je partage une inquiétude exprimée par certains d'entre vous : beaucoup d'organismes gravitent en effet autour. L'Assemblée nationale a créé un Comité des utilisateurs du réseau auprès de SNCF Réseau. Je serai ravi, si le Gouvernement le confirme, de discuter avec les clients, mais un organisme est-il nécessaire pour cela ?
Je crains donc un peu cette nébuleuse, mais pas le groupe public. Le groupe public n'est qu'un décalque simplifié de ce qui existe dans toute entreprise, publique ou privée. La Banque postale est une filiale de La Poste, et c'est bien La Poste qui établit la stratégie de la Banque postale, il n'y a à cela aucun doute ! Cependant, la gestion des activités bancaires relève bien de la Banque postale, et non de La Poste.
Quels sont les termes du compromis pour sortir du conflit social ? Je suis à l'écoute des salariés, et j'ai compris qu'ils ont des inquiétudes à propos de leur statut, ainsi que sur la pérennité de la SNCF. Sur ces deux sujets, des compromis et des solutions sont possibles. La pérennité du groupe et de l'unité de la SNCF passe par la reconnaissance de l'unité économique et sociale. L'entreprise, au sens du droit social, c'est le groupe. On peut le reconnaître, il n'y a là aucun problème.
En second lieu, les activités mutualisées - informatiques, achats, surveillance générale - font que l'Epic de tête sera autre chose qu'une petite structure de gouvernance. J'ai la conviction que l'on crée une structure d'intégration qui ne pourra être « détricotée ». J'ai lu dans la presse qu'on supprimerait la structure de tête en 2017. Je garantis que ce qu'il y a dans le projet de loi et qui doit sortir du dialogue social est une structure « indétricotable ». Cela ne signifie pas que certains n'auront pas envie de le faire ! Mais il n'y aura aucun intérêt à le faire.
Quant à la pérennité du statut et des conditions statutaires, nous avons prévu la compétence exclusive de la structure de tête sur toute la gestion sociale. Les heures de prise service des poseurs de voies, ou l'heure à laquelle le conducteur de train arrête son service ne figureront bien évidemment pas dans la structure de tête. Les conditions de travail pratiques sont à la charge du management opérationnel - comme c'est déjà le cas. Tout ce qui concerne la gestion statutaire - élections professionnelles, représentativité des syndicats - sera réalisé à l'échelon du groupe intégré.
Je parle ici en tant que chef d'entreprise : l'Epic unique, dès lors que les sillons ne figurent pas dedans, représenterait un « croupion ». Ce système ne peut fonctionner. Non qu'il ne soit pas bon en soi : les Suisses, qui ne sont pas soumis aux règles européennes, sont en train de filialiser leurs activités de réseau et de transport. En matière d'unité sociale, il n'y a aucune limite, mais affecter les sillons au ministère des transports et créer une entreprise unique ne peut fonctionner, je me dois de le dire !
Le ministre rencontre les organisations syndicales demain. Je suis confiant sur le fait que l'on sorte rapidement de ce conflit. On connaît l'alternative : c'est le statu quo. Ce serait une catastrophe pour les cheminots. La concurrence arrivant en 2019, elle balayera tout. Je ne devrais pas tenir de tels propos, mais Transdev est prêt. Les présidents de région, en 2022, auront le choix entre plusieurs opérateurs, dont deux entreprises publiques françaises. Cela simplifie les choses du point de vue d'un président de région.
Je le dis : le statu quo, pour les cheminots, représente une gestion accélérée du déclin. Les craintes sont légitimes : il nous appartient d'y apporter les réponses qui conviennent. Jusqu'à présent, hormis Sud, du côté de la CGT, on n'a pas entendu dire que le but de la grève était le retrait du projet.
Par ailleurs, s'agissant de la mise en oeuvre de SNCF Réseau, de l'intégration des cultures et de la politique de ressources humaines, la construction du GIU représentera trois à cinq ans de travail.
C'est effectivement une intégration de plusieurs structures qui ont non seulement des cultures différentes, mais qui se sont en outre affrontées durant quinze ans. Ce travail est faisable, mais il ne faut pas croire que tout sera réglé au 1 er janvier 2015.
Concernant le foncier et les gares, l'intégration des infrastructures de service est prévue. Ce problème est techniquement complexe, l'infrastructure de service, qui peut avoir un enjeu en matière de concurrence, et l'infrastructure dédiée à un opérateur étant entremêlées. Le travail technique est un peu long. C'est pourquoi le projet de loi est prudent mais, il n'y a pas de débat : les infrastructures de service relèvent du gestionnaire d'infrastructures.
Pour ce qui est des gares, ma position, différente de celle de Guillaume Pepy, est cohérente : gérer des gares aujourd'hui, c'est 10 % d'infrastructures et 90 % de services. C'est du marketing, du commercial. C'est un métier de services, différent de celui de l'infrastructure, qui est un métier industriel. Le métier de services, je l'ai pratiqué à La Poste, et je le connais. Si on mélange les deux, on marie l'eau et le feu ! On prendrait le risque, en confiant les gares au GIU, que ce dernier ne puisse exercer son vrai métier, celui de l'infrastructure. Je n'y suis pas favorable et je n'en vois pas l'intérêt à court terme - sauf peut-être le jour où il existera une concurrence très large. Dans ce cas, créons une troisième filiale ! Reconnaissons la spécificité de ce métier. Mais demander à SNCF Réseau de récupérer les gares constitue une fausse bonne solution.
Aujourd'hui, aux heures de pointe, sur Paris-Lyon en TGV, SNCF Voyages paye 30 euros du kilomètre ; pour une ligne de fret, en moyenne, c'est 1,70 euro du kilomètre. La tarification est donc déjà très ciblée en fonction de la capacité contributive des lignes. En matière de fret, nous avons à peine la capacité de couvrir les frais de fonctionnement de la ligne avec les péages. Nous n'avons aucune capacité d'investissement. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons investir, mais c'est de la mauvaise dette !
Avec le président Vall, nous sommes convenus, s'agissant d'une ligne céréalière, que nous assurerions les travaux courants de l'année. Nous ne pourrons toutefois financer le plan de modernisation qui va s'avérer nécessaire dans un an, à l'exception des 15 % correspondant aux économies de maintenance que nous allons pouvoir capitaliser. Lorsqu'une ligne est neuve, on a en effet moins de dépenses pendant dix à quinze ans.
En second lieu, dans le problème du déséquilibre financier de RFF et, demain, de SNCF Réseau, le sujet fondamental, ce sont les LGV, non les petites lignes. Les petites lignes représentent 100 millions d'euros d'investissement par an, et environ 200 millions d'euros de frais de fonctionnement, soit 300 millions sur une dépense d'environ 9 milliards d'euros.
Les LGV, elles, reviennent à 1,5 milliard d'euros par an. Rien n'est facile, dès lors qu'on parle de financement, mais le sujet stratégique pour le devenir du réseau est de savoir qui paye les LGV. Des problèmes se posent bien entendu s'agissant des petites lignes - les élus que vous êtes le savent bien. Ce n'est pas un sujet négligeable, mais le premier enjeu global réside dans le financement des LGV.
En matière immobilière, le découpage des propriétés est d'une complexité inouïe ; ceci a donné lieu à cinq ans de « guerre de tranchées » : je n'ai aucune envie de les revivre. Placer toute la propriété foncière dans le groupe de tête n'est pas possible. Vis-à-vis des marchés financiers, on doit avoir le réseau en face de la dette pour pouvoir emprunter.
La solution que nous avons proposée au Gouvernement, qui l'a retenue, c'est d'unifier la gestion. Un seul service de gestion travaillera pour le compte de deux propriétaires.
Quant au logement social, nous avons été heureux de la loi Duflot, car elle nous demande un rabais de 30 %, mais sur une base pertinente. Auparavant, on ne nous demandait aucun rabais, mais la base était bien plus basse.
Nous réalisons 100 à 150 millions d'euros de cessions immobilières par an. Nous construisons quelques milliers de logements sociaux. Peut-être peut-on en faire plus, la dynamique est en cours.
J'en viens au point financier. Je voudrais revenir sur le scepticisme qui est le vôtre à propos de notre capacité à traiter la dette. Je le répète, nous n'avons aucune capacité à la réduire. Je ne prends donc aucun engagement en ce sens. Nous avons la capacité de la stabiliser en cinq ans, à trois conditions. La première est que chaque entreprise réalise de la productivité. Je vous garantis que nous avons 10 % de productivité sous le pied ! Le système actuel exclut le développement de l'innovation technologique. Est-ce l'affaire de RFF ou de la SNCF de réaliser la surveillance embarquée des voies ? Dans les trains, les contrôleurs sont équipés informatiquement ; sur les voies, les mainteneurs ont un carnet à souche ! Des papiers se perdent en chemin ! On vit au Moyen Âge ! Pourquoi ? Ce n'est pas de la mauvaise volonté !
L'innovation, qui est un gisement considérable dans toutes les entreprises, est massivement sous-exploitée par la séparation. Je réfute donc tout scepticisme !
Quant aux 500 millions de dividendes et d'impôts sur les sociétés que l'État pourrait cesser de prélever, mon espoir est grand, mais non illimité ! Pour ce qui est du fait qu'on ne nous sollicitera plus pour financer les LGV, c'est pour moi une ardente obligation !
Je m'engage, avec Guillaume Pepy, sur l'idée que l'unification va dégager 1 milliard d'euros de productivité en cinq ans. Le trou étant de 3 milliards d'euros, il en reste deux ! Nous allons lancer demain Bordeaux-Toulouse, lors du conseil d'administration de RFF. C'est une étape dans la procédure. On verra le moment venu si l'on nous demande d'ajouter 2 milliards d'euros. Ces 2 milliards d'euros sont soi-disant rentables, mais étant donné le niveau des péages prévu, la SNCF va perdre de l'argent. Or, ces 2 milliards résultent de la capitalisation de péages futurs. Le système ressemble donc à un château de cartes, il est extrêmement fragile.
Concernant les banques, on peut dire que nous empruntons aujourd'hui dans d'excellentes conditions, y compris pour refinancer la dette ancienne, surtout grâce au fait que nous sommes adossés à l'État. Le marché apprécie la dette d'infrastructures, les dettes d'État étant par trop gigantesques. En réalité, nous empruntons 5 milliards d'euros, 3 milliards d'euros de dette nouvelle et 2 milliards d'euros de refinancement, soit un million par heure.
La concession est-elle un bon système ? Elle a pour avantage d'avoir les caractéristiques de la gestion privée, mais un inconvénient : le « PPPiste » s'endette à un coût bien plus élevé que nous, n'ayant pas l'avantage d'être adossé à l'État ! Il n'existe aucune concession ferroviaire qui n'ait jamais fonctionné ! Le contribuable n'a rien investi dans le tunnel sous la Manche, contrairement aux petits actionnaires. Perpignan-Figueras est en grande difficulté, car le trafic n'est pas du tout à la hauteur de ce qui était prévu. Quant à Tours-Bordeaux, le niveau des subventions publiques est bien plus faible que dans un financement classique. In fine, la SNCF va perdre de l'argent.
S'agissant des régions, nous n'avons pas d'état d'âme : qu'on ait des comptes par ligne, qu'elles soient propriétaires du matériel, aient la liberté tarifaire, soient garantes des gares régionales, tout cela ne nous pose absolument aucun problème.
M. Michel Teston , rapporteur. - La réponse que vous avez donnée pour sortir du conflit social actuel m'amène à vous poser une question complémentaire.
Vous avez évoqué la reconnaissance de l'unité sociale du groupe. Cela va-t-il jusqu'à la mise en place d'un Comité central d'entreprise ?
M. Jacques Rapoport. - Oui, tout à fait. Il n'y a pas de doute dans notre esprit. Ce n'est pas mon affaire, mais celle des partenaires sociaux et du Gouvernement. C'est ensuite au Parlement de décider.
Le but est de redresser ce système. On a besoin de cheminots motivés. Si les 150 000 personnels traînent des pieds, on n'avancera pas ! Il y a des capitaux, de la technique, des ingénieurs, mais on a besoin de tout le monde ! Les inutiles sont déjà partis : il n'y a plus que des personnes utiles ! Il faut que le personnel ait le sentiment que ce projet fait avancer les choses.
M. Raymond Vall , président. - Merci pour cette audition qui a été particulièrement intéressante. Vous avez été sincère, passionné, et vous avez démontré vos qualités de chef d'entreprise.
Nous avons fait des erreurs dans le passé ; aujourd'hui, les autoroutes rapportent 2 milliards d'euros, et l'on continue à favoriser le transport routier ! Certaines décisions ont des conséquences graves.
Vous avez montré que vous avez la volonté de réussir. Avec M. Pepy, vous formez un très bon attelage. J'espère que vous réussirez. Je pense qu'un grand nombre de sénateurs vous soutiendront !
La réunion est levée à 12 heures 50.