Rapport n° 614 (2013-2014) de M. Jacques MÉZARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 juin 2014
Disponible au format PDF (300 Koctets)
Tableau comparatif au format PDF (66 Koctets)
N° 614
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2014 |
<
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , permettant la création de sociétés d' économie mixte à opération unique ,
Par M. Jacques MÉZARD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Vincent Capo-Canellas, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, René Garrec, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Mme Isabelle Lajoux, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Roger Madec, Jean Louis Masson, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendlé, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto . |
Voir le(s) numéro(s) :
Première lecture : 78 , 80 , 81 , 199 rect. , 200 et T.A. 47 (2013-2014)
Deuxième lecture : 519 et 615 (2013-2014) |
||
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
Première lecture : 1630 , 1885 et T.A. 336 |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSIONRéunie le mercredi 11 juin 2014, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président , la commission a examiné, sur le rapport, en deuxième lecture, de M. Jacques Mézard , la proposition de loi (n° 519, 2013-2014) permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique, adoptée par l'Assemblée nationale le 7 mai 2014. Après avoir rappelé les caractéristiques de la SEM à opération unique, le rapporteur a indiqué que cette forme inédite de SEM associant une personne publique à un actionnaire opérateur pour la mise en oeuvre d'un contrat représentait un nouvel outil à la disposition des élus locaux qui ne remettait pas en cause les outils déjà existants. Par ailleurs, les SEM à opération unique ne doit pas être confondues avec les contrats de partenariat : la personne publique conserverait la présidence de ces structures et disposerait d'une minorité de blocage. Enfin, cet outil s'appliquerait à des projets de moindre envergure que ceux pouvant faire l'objet d'un contrat de partenariat. Outil de redynamisation des territoires, il est conçu pour permettre aux élus locaux de recourir à des entreprises locales. Le rapporteur a estimé que les améliorations adoptées par l'Assemblée nationale tendaient à renforcer la sécurité juridique du dispositif adopté par le Sénat, en particulier, celles relatives à la sélection du partenaire opérateur dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes. Il a également considéré que la rédaction de la proposition de loi soumise au Sénat en deuxième lecture répondait aux attentes des élus locaux soucieux d'optimiser le fonctionnement des services publics locaux dans un contexte budgétaire difficile tout en garantissant la qualité du service rendu à nos concitoyens. Votre commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Madame, Monsieur,
Notre Haute Assemblée est appelée à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi n° 519 (2013-2014), adoptée par l'Assemblée nationale le 7 mai 2014 et permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique.
Cette proposition de loi de notre collègue, M. Jean-Léonce Dupont, à laquelle ont été jointes deux autres propositions de loi identiques déposées par MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques et Antoine Lefèvre, a été adoptée, par le Sénat, à l'unanimité des suffrages exprimés le 13 décembre 2013. À l'Assemblée nationale, trois autres propositions de loi identiques ont également été déposées à l'initiative de nos collègues, MM. Philippe Vigier, Jean-Marie Sermier et Erwann Binet, ce qui souligne le caractère transpartisan de cette initiative parlementaire visant à créer un nouvel outil à la disposition des élus locaux sous la forme des sociétés d'économie mixte à opération unique.
Cette nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnalisé, selon la terminologie européenne, a pour objectif d'optimiser le fonctionnement des services publics locaux, en réintégrant leur gouvernance au sein des collectivités territoriales tout en cherchant à bénéficier du savoir-faire du secteur privé. Il s'agit d'autoriser la constitution d'une entité mixte, composée d'une personne publique et d'au moins une personne privée qui serait chargée d'exécuter, par contrat, une opération unique qui consisterait soit en la réalisation d'un ouvrage, soit en la gestion d'un service public. Plusieurs États européens ont déjà mis en place un tel instrument, qui a été validé par la Commission européenne et la Cour de justice des communautés européennes.
La SEM à opération unique se caractériserait par l'organisation d'une seule procédure de mise en concurrence, non pas pour l'attribution du contrat à ladite société, mais pour le choix de la personne privée qui participerait à cette entité. La personne privée devrait faire la preuve de son expertise technique, opérationnelle et budgétaire justifiant sa capacité à répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité territoriale.
Par la création des SEM à opération unique, il ne s'agit pas de remplacer les outils traditionnels des partenariats public-privés que sont les sociétés d'économie mixte classiques, ni d'abandonner les formules traditionnelles de gestion des services publics locaux telle que la délégation de service public. L'objectif de ces propositions de loi est de mettre à disposition des élus locaux qui le souhaitent un nouvel outil, destiné à répondre à certains objectifs. Ce nouvel outil ne présente pas plus de risques juridiques ou financiers que les autres outils plus classiques. L'exemple des sociétés publiques locales (SPL), créées en 2010 1 ( * ) , est particulièrement probant à cet égard : la création de cet outil avait soulevé de nombreuses inquiétudes, aussi bien chez les élus locaux que parmi les entreprises du secteur privé. Quatre ans après, malgré son succès, la SPL n'a pas supplanté les autres formes de gestion à la disposition des collectivités territoriales. Par ailleurs, la comparaison avec les contrats de partenariat n'apparaît pas pertinente : le dispositif proposé tend à renforcer la place et le rôle des élus locaux au sein de ces sociétés, afin de préserver la décision politique face aux entreprises privées.
De même, la SEM à opération unique ne doit pas être comparée aux contrats de partenariat, fortement critiqués en raison des risques financiers qu'ils engendrent pour la collectivité publique et par la prééminence des grands groupes de bâtiments et travaux publics. La personne publique disposera, au sein d'une SEM à opération unique, de plusieurs outils destinés à la protéger : présidence de la SEM et minorité de blocage au sein du conseil d'administration. Par ailleurs, les projets pour lesquels les élus locaux utiliseront une SEM à opération unique seront d'une envergure plus modeste que ceux faisant l'objet d'un contrat de partenariat. Enfin, ces SEM sont conçues pour permettre aux élus locaux de recourir à des entreprises locales et donc, comme un outil de redynamisation des territoires.
Guidée par le souci de protéger le rôle des élus locaux au sein de cette nouvelle entité tout en conservant une certaine souplesse afin de garantir son efficacité, votre commission a cherché, en première lecture et à l'initiative de son rapporteur, à assurer la sécurité juridique du dispositif afin que soient respectés les exigences communautaires en matière d'égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, et de permettre aux élus locaux de se saisir pleinement de cet outil.
Parmi les améliorations adoptées, on retiendra :
- le changement de dénomination de SEM contrat, initialement proposée par la proposition de loi, à celle de SEM à opération unique , afin de mettre en exergue le champ d'activité limité à l'exécution d'un contrat unique qui constituerait l'objet de la future SEM, tout en conservant les spécifiques de cette entité (détention de capital, forme juridique, modalités de gouvernance et dissolution de plein droit de la SEM) ;
- la clarification des différentes étapes de création d'une SEM à opération unique et de la conclusion du contrat pour lequel elle serait mise en place. Toute collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales souhaitant recourir à une SEM à opération unique devrait adopter une délibération dans laquelle la personne publique déterminerait ses besoins et définirait les principales caractéristiques de la future société (part de capital minimale et maximale de la personne publique, caractéristiques des équipements de constructions projetés et conditions de leur mise en oeuvre, possibilité de recourir à des contrats de sous-traitance) ;
- la clarification de la procédure de mise en concurrence pour la sélection de l'actionnaire opérateur qui reposerait sur un appel public à manifestation d'intérêt, respectant les principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement et de transparence des procédures. Sur la base de la délibération de la personne publique, les candidats devraient déterminer leur part de capital au sein de la future SEM ainsi que les moyens techniques et financiers permettant la réalisation de l'opération conclue avec cette dernière. À la suite du choix de l'actionnaire opérateur serait créée la SEM à opération unique qui conclurait, avec la personne publique, le contrat à l'origine de la démarche.
Tout en conservant l'esprit et la structure de la proposition de loi adoptée par le Sénat et dans la continuité de ses travaux, la commission des lois de l'Assemblée nationale , à l'initiative de son rapporteur, M. Erwann Binet, a conforté la simplification du dispositif, en réaffirmant le caractère unique de la procédure. Outre plusieurs amendements rédactionnels ou de précision, la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications substantielles au dispositif de la SEM à opération unique adopté par le Sénat :
- elle a substitué à la notion d'actionnaire opérateur celle d' opérateur économique pour désigner la personne privée qui participerait au capital de la SEM à opération unique, afin de ne pas préjuger de la forme juridique et de la propriété du cocontractant. Cette nouvelle dénomination présente l'avantage de ne pas exclure certaines personnes publiques, tels que les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), de la possibilité d'être actionnaires opérateurs ;
- elle a précisé qu'une SEM à opération unique devrait garder le même objet social pendant toute la durée de la concession ;
- elle a prévu que la dissolution d'une SEM à opération unique pourrait intervenir de plein droit dans le cas où le contrat conclu entre la SEM et la collectivité territoriale prendrait fin avant la réalisation de l'opération ou le terme prévu, que ce soit par accord des cocontractants ou dans le cadre d'une résiliation pour faute, par exemple ;
- elle a préféré que la sélection du partenaire opérateur s'organise dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes , alors que le Sénat avait privilégié la mise en place d'une procédure ad hoc simplifiée de mise en concurrence des candidats à l'entrée du capital de la future SEM à opération unique. En d'autres termes, la procédure de mise en place d'une SEM à opération unique serait celle existante pour l'appel public à la concurrence selon la nature du contrat à conclure ;
- elle a supprimé la possibilité d'attribuer des contrats connexes ou de sous-traitance simultanément au choix de l'actionnaire opérateur. De même, le bail emphytéotique administratif (BEA), nécessaire à la réalisation de son objet, pourrait être attribué à une SEM à opération unique ;
- elle a préféré, afin d'affirmer la maîtrise politique de la SEM à opération unique dès sa genèse, l' établissement d'un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, modalités et coût de la structure ainsi mise en place.
En séance publique, l'Assemblée nationale a en outre adopté six amendements parmi lesquels on retiendra les modifications suivantes :
- ne pourrait être confiée à une SEM à opération unique l'exercice d'une mission de souveraineté, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;
- le contrat pourrait inclure la construction des ouvrages ou l'acquisition des biens nécessaires à un service ;
- le quantum minimum de parts attribuables aux actionnaires opérateurs économiques - 15 % - doit être compris pour l'ensemble des acteurs économiques (amendement du Gouvernement) ;
- plusieurs opérateurs économiques pourraient être retenus dans le cadre d'une SEM à opération unique s'ils constituent un groupement pour répondre à l'appel à concurrence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales ;
- enfin, l'Assemblée nationale a introduit un article 1 er ter qui prévoit, à l'instar de l'obligation existante pour les délégations de service public à une SPL, l'intervention de l'organe délibérant pour se prononcer sur le principe et la pertinence du recours à une SEM à opération unique.
Votre commission approuve l'ensemble des modifications adoptées par l'Assemblée nationale. Les dispositions ainsi amendées tendent en effet à renforcer et à conforter la sécurité juridique des SEM à opération unique. Elles répondront aux attentes des élus locaux soucieux d'optimiser le fonctionnement des services publics locaux dans un contexte budgétaire difficile tout en garantissant la qualité du service rendu à nos concitoyens.
Attachée à une entrée en vigueur rapide de la présente proposition de loi afin de permettre aux élus locaux intéressés de se saisir pleinement de ce nouvel outil, votre commission a adopté la présente proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
*
* *
Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
M. Jacques Mézard , rapporteur . - Nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi de M. Jean-Léonce Dupont permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique. Deux propositions identiques ont été déposées, une de M. Daniel Raoul, une autre de M. Antoine Lefèvre ici présent.
En première lecture, ce texte a été adopté au Sénat à l'unanimité ; il a également été soutenu par les diverses sensibilités politiques à l'Assemblée nationale. Il vise à créer une nouvelle forme de partenariat public privé (PPP) institutionnalisé, dont l'objectif est d'optimiser le fonctionnement des services publics locaux en réintégrant leur gouvernance au sein des collectivités territoriales tout en exploitant le savoir-faire du secteur privé, chargée d'exécuter par contrat une opération unique, pouvant consister en la réalisation d'un ouvrage ou en la gestion d'un service public. Ce montage juridique a été validé par la Commission européenne et la Cour de justice des communautés européennes.
Nous avons prévu une seule procédure de mise en concurrence, non pour l'attribution du contrat mais pour choisir la personne privée participant à cette SEM - les candidats devant faire la preuve de leur expertise technique, opérationnelle et budgétaire.
Pour nous, il ne s'agit pas de remplacer les PPP ni d'abandonner les formules traditionnelles de gestion des services publics locaux telle que la délégation de service public, mais de créer un outil supplémentaire au service de nos collectivités, à l'image des sociétés publiques locales créées en 2010 et qui fonctionnent bien.
En première lecture, nous avons assuré la sécurité juridique du dispositif afin de respecter les exigences communautaires en matière d'égalité de traitement, de transparence, de publicité des procédures. Nous avons écarté la dénomination de SEM-contrat, pour retenir celle de SEM à opération unique ou Semop, en insistant sur le champ d'intervention, limité à l'exécution d'un contrat unique. Nous avons clarifié les différentes étapes de création d'une SEM à opération unique et de conclusion du contrat, ainsi que la procédure de mise en concurrence pour la sélection de l'actionnaire privé, dans le cadre d'un appel public à manifestation d'intérêt.
À l'Assemblée nationale, la commission des lois a conforté la simplification du dispositif en réaffirmant le caractère unique de la procédure. Elle a substitué à la notion d'actionnaire opérateur celle d'opérateur économique pour désigner la personne privée participant au capital de la Semop. Elle a précisé que celle-ci devrait garder le même objet social pendant toute la durée de la concession, ce qui est logique. Elle a également prévu que la dissolution de la société pourrait intervenir de plein droit dans le cas où le contrat conclu entre elle et la collectivité prendrait fin avant la réalisation de l'opération, par accord ou par résiliation pour faute. Elle a en outre souhaité que la sélection du partenaire opérateur s'organise dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes. Elle a par ailleurs supprimé la possibilité d'attribuer des contrats connexes ou de sous-traitance simultanément au choix de l'actionnaire opérateur. Enfin, elle a préféré l'établissement d'un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, les modalités et le coût de la structure ainsi mise en place.
En séance publique, l'Assemblée a adopté six amendements, dont deux importants : plusieurs opérateurs économiques pourront être retenus pour créer une SEMOP s'ils constituent un groupement pour répondre à l'appel public de la collectivité. En outre, l'Assemblée a introduit un article 1 er ter qui prévoit, à l'instar de l'obligation existante pour les délégations de service public à une société publique locale, l'intervention de l'organe délibérant pour se prononcer sur le principe et sur la pertinence du recours à une SEM à opération unique.
J'ai reçu deux organisations professionnelles : le conseil national de l'ordre des architectes et le syndicat national de second oeuvre. Certains comparent, à tort, la SEM à opération unique aux PPP qui ont été fortement critiqués en raison des risques financiers qu'ils engendrent parfois pour la collectivité publique et du poids de certains grands groupes dans ces montages. Pour la SEM à opération unique, des dispositions visent à protèger nos collectivités : la présidence de la SEM reviendra à la collectivité qui disposera aussi, au minimum, de la minorité de blocage. Enfin, les projets qui auront recours à un tel dispositif seront d'envergure plus modeste que ceux faisant l'objet de PPP. Certaines expériences ont conduit les collectivités à freiner la conclusion de tels partenariats.
Je vous propose donc d'approuver les modifications adoptées par l'Assemblée nationale et de voter ce texte conforme.
M. Jean-Jacques Hyest . - Les formes de SEM se multiplient. Cela marche bien, dites-vous : oui, jusqu'au jour où il y aura un problème. Soyons donc vigilants : j'approuve les modifications apportées par l'Assemblée.
Cependant, à quoi correspond juridiquement l'expression « opérateur économique » ? Quelle est cette catégorie ? Recouvre-t-elle une filiale de la Caisse des dépôts (CDC)°? Le terme inquiète un certain nombre d'opérateurs. Participer au capital d'une SEM, fort bien ; mais l'important, c'est le contrat...
M. Jean-René Lecerf . - Pour faire écho à ces remarques, je signale la réaction de l'Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC), qui réunit une grande partie des opérateurs économiques potentiels. Elle estime que la suppression par l'Assemblée nationale de la disposition qui permettait à l'actionnaire opérateur économique de joindre des projets de contrats de sous-traitance à son offre retire tout intérêt à la création de la SEM à opérateur unique. Désormais, l'actionnaire opérateur économique sera retenu sur la base d'une offre qui n'est pas engageante et de critères arbitraires dès lors que les conditions techniques et financières qui fondent son offre ne sont pas déterminées mais subordonnées à un appel d'offre dont on ignore par hypothèse quels seront les résultats.
Les opérateurs souhaitent s'engager dans un partage de risques avec le coactionnaire public. Mais sans contrat, ils ne pourront être solidaires du risque éventuellement créé. La disparition de cette disposition ne retire-t-elle pas beaucoup d'intérêt à une proposition de loi initialement novatrice ?
M. Antoine Lefèvre . - Elle reste néanmoins très intéressante. Je me réjouis que l'Assemblée nationale l'ait votée dans un quasi-consensus et sans apporter de modifications de fond. Je suis partisan d'un vote conforme, même si le texte n'est pas parfait.
La SEMOP va susciter des partenariats plus sécurisés et performants. Au moment où l'État réduit ses dotations aux collectivités, nous devons nous doter d'outils économiques innovants pour assurer le maintien de certains services publics de proximité.
M. Vincent Capo-Canellas . - Mon groupe partage cette approche. Les changements introduits par l'Assemblée nationale ne dénaturent pas le texte. Un vote conforme nous convient.
M. René Vandierendonck . - J'ai la même analyse que M. Jean-René Lecerf.
Mme Jacqueline Gourault . - La voix du Nord !
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Des représentants des sous-traitants nous ont saisis : ils craignent, à tort, de voir ressurgir les inconvénients des PPP, sur lesquels M. Hugues Portelli et moi-même préparons un rapport. La version de l'Assemblée nationale prend davantage en compte les sous-traitants, me semble-t-il, avec la procédure qui leur est spécifique. Ou n'ai-je pas bien compris ?
M. Jean-René Lecerf . - Si.
M. Jacques Mézard , rapporteur . - M. Jean-Jacques Hyest cite les filiales de la CDC à juste titre. Je crois pourtant solide l'explication donnée lors du débat à l'Assemblée nationale : si la notion de personne privée est employée par le code général des collectivités territoriales, elle ne correspond pas au vocabulaire de la commande publique, qui utilise la notion d'opérateur économique. Cela ne préjuge pas de la forme juridique du co-contractant.
M. Jean-Jacques Hyest . - C'est une dégradation ! Le code des marchés publics l'emporte sur le code général des collectivités territoriales... et peut-être sur le code civil ?
M. Jacques Mézard , rapporteur . - Nous avions retenu la notion de personne privée ; l'Assemblée a préféré une notion englobant plus facilement un certain nombre de structures. Cela ne fragilise pas le système ni ne crée de véritables difficultés. Je préférais notre formulation mais ne crois pas qu'il y ait lieu de rouvrir le débat. L'Assemblée nationale affirme la maîtrise politique de la SEMOP d'entrée de jeu, avec un document de préfiguration. L'UNSPIC a l'habitude de s'agiter ; souvenons-nous de ses réactions lors du débat sur les sociétés publiques locales... L'ordre des architectes s'inquiète également de la difficulté à répondre en libéral à ces appels d'offres ; la possibilité de se présenter en groupement est néanmoins prévue. Les architectes demandent d'exclure du champ d'application le bâtiment et la construction... autant supprimer tout le texte ! Celui-ci n'est pas parfait, mais nous devrions, comme à notre habitude, faire confiance à l'intelligence des territoires.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Conseil national de l'ordre des architectes
M. Régis Rioton , trésorier
Mme Lydia di Martino , directrice juridique
Syndicat national de second oeuvre
M. Renaud Marquié , délégué général
* 1 Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales.