EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 février 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Marc et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 389 (2013-2014) de M. Richard YUNG, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le Mécanisme de résolution unique : nouvelle étape de l'Union bancaire.
M. François Marc , rapporteur général . - Je serai bref, car je souscris à cette proposition de résolution européenne. À la suite de l'audition conjointe d'hier, à laquelle je n'ai malheureusement pas pu assister, nous en examinons le texte tel qu'adopté jeudi dernier à l'unanimité par la commission des affaires européennes, à l'initiative de notre excellent collègue Richard Yung.
Cette proposition permet au Sénat de prendre position dans un débat dont les enjeux politiques, économiques et budgétaires sont majeurs.
Quelques éléments de contexte relatifs à l'union bancaire, tout d'abord. L'année 2014 est marquée par la mise en place du superviseur unique européen, en parallèle de la négociation sur le mécanisme de résolution unique. A l'automne 2013, le Parlement européen et le Conseil ont adopté deux textes qui ont transféré à la Banque centrale européenne (BCE) la responsabilité de la supervision de l'ensemble des établissements de crédit de la zone euro : c'est le mécanisme de surveillance unique (MSU), premier pilier de l'union bancaire.
La BCE sera directement en charge de la supervision des 128 établissements les plus importants, soit ceux qui présentent un bilan supérieur à 30 milliards d'euros, ou qui représentent plus de 20 % du PIB de leur pays d'origine, ou encore qui ont requis une aide financière du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou du Mécanisme européen de stabilité (MES). Ainsi, la supervision de la plupart des banques françaises ne sera plus, à l'avenir, assurée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui conservera néanmoins la charge de la surveillance quotidienne des établissements.
Pour lancer sa nouvelle mission sur des bases saines et connaître - mais aussi faire connaître - la réalité de la situation des banques de la zone euro, une revue générale de la qualité des actifs bancaires pour ces 128 établissements a été engagée ; cet exercice se conclura par des tests de résistance.
La présidente du conseil de supervision de la BCE, Danièle Nouy, a d'ores et déjà annoncé, le 7 février, que certains établissements devraient ne pas sortir indemnes de cet exercice : « Nous devons accepter le fait que certaines banques n'ont pas d'avenir. Nous devons en laisser quelques unes disparaître de manière ordonnée, et ne pas forcément essayer de les fusionner avec d'autres institutions. »
M. Jean-Claude Frécon . - On ne peut être plus clair !
M. François Marc , rapporteur général . - La proposition de résolution européenne de notre collègue Richard Yung appelle l'attention sur cet exercice et souligne, à juste titre, qu'il ne sera gage de crédibilité pour la zone euro que si une réponse forte et coordonnée est apportée à la publication des résultats et aux difficultés qui se feraient jour. En ce sens, il est important que la résolution demande, aux alinéas 16 et 17, que soit finalisé l'instrument de recapitalisation directe par le MES des établissements en difficulté. Le principe de cet outil a été maintes fois affirmé par les conseils européens et les conseils Ecofin successifs, et il est nécessaire, pour amortir le résultat de cet exercice, en attendant la mise en place complète du mécanisme de résolution unique. Le sous-directeur du Trésor, Corso Bavagnoli, a, me semble-t-il, indiqué que l'objectif était de parvenir à un accord sur cet instrument d'ici au mois de mars.
Le mécanisme de résolution unique (MRU), deuxième volet de l'union bancaire, doit comprendre une procédure décisionnelle efficace et garantir une responsabilité politique des décisions prises.
La mise en place d'un MRU est le corollaire nécessaire de celle du superviseur unique, afin d'assurer l'articulation entre l'identification des difficultés d'un établissement par le superviseur d'une part, et le lancement d'une procédure de restructuration, d'autre part.
La Commission a présenté une proposition de règlement pour le MRU en juillet 2013, avant même que le MSU ait été formellement adopté. Le Conseil est parvenu à un accord sur cette proposition le 19 décembre dernier. Les négociations sont actuellement en cours entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen.
Le MRU transpose, pour la zone euro, le mécanisme de résolution qui a été harmonisé pour tous les États membres de l'Union par la directive sur le redressement et la résolution des banques dite « BRRD ». Il n'innove donc pas dans la palette des outils de résolution dont disposera l'autorité de résolution : plans de redressement des établissements a priori , établissements-relais, transferts d'actifs, cession ou fermeture d'activités, conversion de certaines créances en capital, etc. L'outil le plus décisif sera, à coup sûr, le renflouement interne, c'est-à-dire la recapitalisation par les créanciers, dont les conséquences sur le refinancement des banques devront être précisément évaluées, sachant que ces créances, plus risquées, seront pour elles plus onéreuses.
La procédure de prise de décision reste un point très débattu : qui aura la faculté d'« appuyer sur le bouton » de la résolution et d'engager le démantèlement d'une banque, avec les conséquences économiques et sociales que cela implique ? La Commission souhaiterait être cette autorité, mais on peut craindre qu'elle ne fasse primer des considérations techniques ou juridiques, alors que le Conseil pourrait trouver un équilibre entre l'appréciation de la viabilité d'un établissement et les considérations politiques, européennes et nationales. Comme l'a dit, je crois, Richard Yung hier : il n'est pas anormal que, tant que les États font fonction de filet de sécurité, ils conservent un pouvoir de décision sur la résolution.
Le système de décision proposé par le compromis du Conseil du 19 décembre 2013, faisant appel à quatre instances, toutes collégiales de surcroît - conseil de résolution unique en session plénière, conseil de résolution unique en session exécutive, Commission, Conseil - est complexe et propice aux blocages institutionnels : lorsque des difficultés sont déclarées, les marchés n'attendent pas pour mettre à mort un établissement. Il est donc nécessaire de prévoir une simplification du processus de décision, voire une procédure d'urgence. C'est l'objet des alinéas 30 et 31 de la proposition de résolution.
Le financement de la résolution doit passer par un fonds de résolution solide et rapidement mutualisé et par un filet de sécurité financier efficace.
C'est l'un des principaux objectifs d'une procédure de résolution que de trouver un financement pour absorber les pertes, afin d'éviter que les difficultés de l'établissement ne se transmettent à ses contreparties non remboursées, créant une crise potentiellement systémique.
Ce financement devra, à l'avenir, être essentiellement privé : d'abord les actionnaires, puis les créanciers, enfin un fonds de résolution alimenté par les banques.
Le premier enjeu réside dans les modalités de constitution de ce fonds, qui doit atteindre, en dix ans, 55 milliards d'euros. Il ne s'agit pas, à travers les règles de calcul, de protéger nos banques nationales par rapport aux banques des autres États membres, mais de faire en sorte que les contributions soient adaptées aux caractéristiques du bilan des établissements et tiennent notamment compte du risque de leurs activités. C'est pourquoi la proposition de résolution demande, à juste titre, l'application du critère des actifs pondérés par les risques, à côté de celui de la taille des établissements. Il s'agit de trouver un bon compromis entre logique de solidarité, inhérente à l'Union bancaire, et dimension assurantielle, responsabilisant les parties prenantes.
Le second enjeu réside dans la vitesse à laquelle les compartiments nationaux, alimentés par les secteurs bancaires nationaux, seront mutualisés dans un fonds unique européen. Si un délai semble justifié pour éviter que la totalité des contributions au fonds dans les premières années soit absorbée par le financement d'une ou plusieurs procédures de résolution dans quelques États membres au secteur bancaire fragile, il n'en demeure pas moins que le rythme de mutualisation de 10 % par an que projette le Conseil réduit considérablement le principe de solidarité : ne pourraient au départ être utilisées que des ressources très limitées - seulement 550 millions d'euros pour toute la zone euro la première année.
C'est pourquoi nous pouvons, je crois, être favorable à la solution de compromis consistant à réduire à cinq ans le délai de mutualisation des compartiments nationaux. C'est le sens de l'alinéa 41 de la proposition de résolution. Au terme de ces cinq ans, le montant-cible du fonds - 55 milliards d'euros - n'aura pas encore été atteint, mais les contributions annuelles des banques seront versées directement au fonds unique, sans transiter par des compartiments nationaux.
Enfin, pour assurer la crédibilité du mécanisme, il est nécessaire de mettre en place une forme de garantie publique en dernier ressort. Le Conseil souhaite que ce filet de sécurité permette de faciliter le recours du fonds de résolution à l'emprunt : ce pourrait être une garantie du MES, ou une garantie conjointe des États participants sur les émissions du fonds de résolution.
En attendant et pour la durée de la période de mutualisation, un filet de sécurité doit être en place : il ne peut s'agir que du MES, doté d'une capacité de recapitalisation directe des établissements.
Ainsi, le risque bancaire ne pourrait plus créer de risque souverain puisqu'à aucun moment la défaillance d'un établissement ne pourrait peser directement sur le budget d'un État membre. Cela ne signifie pas que le soutien public national soit complètement exclu : des garanties publiques, notamment lorsque la banque en difficulté peut être redressée, pourraient continuer d'être accordées. Mais les recapitalisations publiques de banques vouées sans cela à disparaître, telles nous les avons connues, ne devraient plus être possibles.
Je ne propose pas d'amendement à cette proposition de résolution européenne qui traite, de façon précise, l'ensemble des enjeux-clés du mécanisme et va même au-delà en rappelant certains aspects souvent occultés, comme l'exigence d'une régulation des infrastructures de marché et les conséquences du renflouement interne. Sur l'ensemble des questions, elle apporte des réponses qui vont dans le sens d'un dispositif crédible, ambitieux et équilibré.
M. Philippe Marini , président . - Je suis tenté de vous suivre dans cette analyse. Une question, cependant, sur l'alinéa 27 de la résolution, qui juge que les modalités de calcul des contributions ainsi que les principes d'administration et d'investissement du Fonds de résolution ne doivent pas relever d'actes délégués. Cela signifie-t-il que ces dispositions doivent figurer dans l'accord intergouvernemental ?
M. Richard Yung . - Prévoir que ces fonds, qui atteindront pour le moins 55 milliards d'euros, soient gérés selon des règles fixées par des actes délégués, c'est aller loin dans les pouvoirs accordés à la Commission. Il nous semblerait normal que ce soit le comité exécutif du fonds de résolution, où sont présents les États membres, qui assure cette gestion.
M. Philippe Marini , président . - Souhaitez-vous faire d'autres observations ?
M. Richard Yung . - Les parlements nationaux ont bien du mal à suivre et contrôler ces politiques ; nous l'avons touché du doigt à Bruxelles. Nous devons inventer des moyens plus précis de contrôle. Le ministre pourrait venir devant notre commission pour expliquer où en sont les négociations.
M. Philippe Marini , président . - Le 17 avril, nous entendrons Pierre Moscovici sur le programme de stabilité. Nous pourrions en effet en profiter pour l'interroger sur ce sujet.
La proposition de résolution a alors été adoptée sans modification.