TROISIÈME PARTIE : LE FINANCEMENT DE LA RÉSOLUTION : UNE MUTUALISATION SOUS CONDITIONS
L'un des principaux objectifs d'une procédure de résolution est, une fois les pertes chiffrées, de trouver un financement pour absorber ces pertes , sans quoi les difficultés de l'établissement se transmettent à ses contreparties non remboursées, créant une crise potentiellement systémique. Pour répondre à cette nécessité de financement, qui a conduit les Etats à venir au secours des banques lors de la crise financière de 2008, avec des recapitalisations publiques massives, le projet de règlement du MRU transpose à la zone euro le mécanisme de financement de la résolution prévu par la directive BRRD, en faisant d'abord appel au secteur privé , qu'il s'agisse des créanciers de l'établissement ou des autres banques, à travers le fonds de résolution.
LA PRIORITÉ DONNÉE AU RENFLOUEMENT INTERNE
L' ordre d'imputation des pertes est déterminé par la directive BRRD et repris par les articles 18 et 21 du projet de règlement :
- les fonds propres de base, c'est-à-dire les actions ;
- les autres instruments de fonds propres pouvant être convertis en actions, c'est-à-dire les titres subordonnés ;
- les créances non privilégiées, à l'exclusion des dépôts garantis ;
- le fonds de résolution.
La possibilité de convertir en capital et de réduire en conséquence les créances non privilégiées est la grande innovation dans le financement de la résolution permise par la directive BRRD . Elle replace les investisseurs face à leur responsabilité, en leur rappelant que tout financement non garanti comporte un risque. Ce risque a un prix, qui se traduira par un taux d'intérêt plus important pour les obligations émises par les banques et susceptibles de faire l'objet d'une mesure de conversion en capital dans le cadre d'une procédure de résolution (dette dite « bail-inable »). Le coût de refinancement des établissements pourrait donc s'en trouver légèrement augmenté.
Outre ce principe de renflouement interne, applicable à compter du 1 er janvier 2016, la directive BRRD prévoit également que le fonds de résolution ne pourra être mis à contribution que si un renflouement interne à hauteur de 8 % minimum du passif de la banque a auparavant été réalisé. Il y a là une forme de « verrou » à l'utilisation du fonds de résolution, qu'il soit national ou, s'agissant du MRU, européen.
Pour autant que l'instrument du bail-in soit mis en oeuvre conformément aux règles établies, l'utilisation du fonds de résolution sera donc résiduelle et devrait être, en pratique, marginale : d'après les estimations communiquées par BNP Paribas à la commission des affaires européennes, les recapitalisations indispensables au sauvetage des banques grecques auraient représenté, par exemple, seulement 2,3 % de leur passif. Ainsi, le recours au fonds de résolution n'aurait pas été nécessaire pour y procéder.
Cependant, cela implique que les banques disposent d'un volume suffisant de dette « bail-inable » dans la structure de leur passif ; il est en conséquence essentiel, pour la cohérence globale du dispositif et la crédibilité du principe de renflouement interne, que l'objectif fixé par la BRRD pour tous les établissements, de 10 % du passif constitué de dette bail-inable , soit effectivement mis en oeuvre et vérifié par le superviseur européen. C'est, à côté de l'impact en termes de coût de refinancement pour les banques, l'un des principaux objets de l'évaluation établie par la Commission européenne et dont votre rapporteur, rejoignant en cela l'auteur de la proposition de résolution, souhaite que les parlements nationaux soient destinataires.
En tout état de cause, le renflouement interne n'entrera en vigueur qu'au 1 er janvier 2016 , si bien que les mesures de financement qui pourront être prises jusqu'à cette date - en particulier celles prises à l'issue de la revue de la qualité des actifs - ne comprendront pas de renflouement interne, à moins que l'Etat membre concerné n'ait déjà adopté des dispositions de droit national en ce sens. S'agissant de la France, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a prévu un dispositif de renflouement interne, limité toutefois aux seuls créanciers juniors, à l'exclusion des créanciers ordinaires.