EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Saisie en deuxième lecture d'une proposition de loi du député François Sauvadet et de ses collègues du groupe UDI à l'Assemblée nationale, votre commission est conduite à traiter de la reconnaissance du vote blanc, près d'un an après l'adoption en première lecture de ce texte. Cette initiative parlementaire reprend plusieurs propositions de loi déposées depuis une quinzaine d'années par des collègues de l'ensemble des formations politiques, témoignant de l'intérêt pour ce sujet qui ne s'exprime pas que dans notre pays 1 ( * ) .
Au cours de la première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat se sont accordés sur le principe mettant fin à l'assimilation, lors de la proclamation des résultats d'un scrutin, des bulletins blancs et nuls. En effet, cette assimilation ne permet pas de connaître aujourd'hui l'ampleur du vote blanc.
De même, nos deux assemblées parlementaires ont rejeté la mesure initialement prévue dans ce texte consistant à intégrer désormais les bulletins blancs, à la différence des bulletins nuls, parmi les suffrages exprimés.
Plusieurs considérations ont conduit notre Haute Assemblée à s'opposer à cette évolution. Tout d'abord, si l'élection ou la consultation ont vocation à aboutir à une décision, il serait paradoxal que le bulletin blanc, marquant un refus de l'offre politique ou de la question posée, soit considéré comme un suffrage exprimé. En outre, sans connaître les motivations pour un électeur de déposer un bulletin blanc, il paraît délicat d'en tirer des conséquences précises - faut-il, par exemple, procéder à une nouvelle élection ? - alors même que les motivations du vote blanc peuvent être multiples. L'adoption d'une telle règle ouvrirait donc la voie à un bouleversement profond du droit électoral. Enfin, la prise en compte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés provoquerait mécaniquement une élévation des seuils exprimés, au sein des dispositions électorales, en fonction des suffrages exprimés : remboursement forfaitaire des frais de campagne, accès d'une liste ou possibilité pour des listes de fusionner au second tour, accès à la répartition des sièges, etc.
Par ailleurs, les mesures de coordination et d'application outre-mer relatives à ce principe de distinction entre bulletins blancs et nuls ont été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées ( articles 2, 3 et 4 ), à l'exception d'une seule mesure rejetée au Sénat mais finalement adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale ( article 2 bis ).
La discussion en deuxième lecture ne porte donc que sur les modalités offertes à un électeur pour voter « blanc » ( article 1 er ). Si en première lecture, l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a introduit une équivalence entre une enveloppe vide et un bulletin blanc, remettant ainsi en cause la jurisprudence actuelle qui l'assimile à un bulletin nul 2 ( * ) , votre commission, saisie en première lecture a supprimé cette disposition.
Ainsi, au regard de la jurisprudence particulièrement libérale en la matière, le Sénat a estimé que le vote blanc étant un acte délibéré, il doit se traduire par un acte positif que serait l'introduction du bulletin blanc afin d'éviter toute équivoque quant à la portée du geste de l'électeur. En effet, une enveloppe vide peut résulter d'une omission involontaire de l'électeur, ce qui invite à l'assimiler à un vote nul.
Parallèlement, en première lecture, le Sénat avait introduit le principe d'une entrée en vigueur différée, à l'initiative du groupe socialiste et avec l'avis favorable de la commission, au 1 er mars 2014. L'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale a également conduit, à l'initiative du Gouvernement et malgré l'avis défavorable de la commission, les députés à repousser la date d'entrée en vigueur de cette proposition de loi au 1 er avril 2014, soit après les prochaines élections municipales de mars 2014 mais avant les élections européennes de mai 2014.
En deuxième lecture, votre commission a souhaité mettre fin à la navette parlementaire, jugeant qu'un accord existait sur le principe de la modification envisagée. Votre commission s'est notamment ralliée à la proposition de l'Assemblée nationale selon laquelle une enveloppe vide vaut un bulletin blanc. Cette solution pragmatique lui est apparu logique dès lors qu'il ne paraissait pas souhaitable que des bulletins blancs soient mis à disposition des électeurs dans les bureaux de vote. À défaut, le risque pour un électeur confectionnant lui-même son bulletin blanc serait qu'il soit considéré, lors des opérations de dépouillement, comme un bulletin nul du fait de ses « imperfections » (papier légèrement teinté, rayures discrètes, etc.).
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Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification.
* 1 En 1996, la Knesset israélienne a décidé de ne plus considérer un bulletin blanc comme un suffrage exprimé tandis qu'en 2007, la Douma russe a maintenu l'existence, lors du scrutin, d'un bulletin portant la mention « Pour aucun des candidats ».
* 2 CE, 24 octobre 2008, M. Jean-Luc L. et Mme Joëlle M., n° 317548.