B. RESPECTER LA VOLONTÉ DES PERSONNES
1. Les personnes incapables de s'exprimer
Qu'en est-il des autres ? Votre rapporteur n'imagine pas que la loi puisse répondre à tous les cas. Cependant il lui apparaît légitime que l'on puisse laisser des directives anticipées sur la manière dont on souhaite que se termine sa vie si l'on n'est plus capable de s'exprimer le moment venu. Bien sûr, la situation de fin de vie est radicalement différente de celle de la bonne santé, et il faut que ces directives soient régulièrement actualisées et conservées. On pourrait par exemple les inscrire dans le dossier médical personnalisé suite à un entretien avec son médecin traitant, ou sur la carte Vitale.
Surtout, votre rapporteur estime que ces directives doivent être respectées. Elles ne sont à l'heure actuelle considérées en pratique que comme des souhaits. Les médecins de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs souhaitent que les directives ne deviennent pas opposables donc qu'on puisse y déroger si on le justifie par écrit. La conférence des citoyens réclame pour sa part l'opposabilité, c'est-à-dire l'application stricte.
Reste le cas de ceux qui n'auront pas laissé de directives anticipées et se trouveront dans l'incapacité de s'exprimer sur la manière dont ils entendent terminer leur vie. Pour eux, la loi dite Leonetti propose déjà une solution en interdisant l'obstination déraisonnable, ce que l'on nomme couramment l'acharnement thérapeutique. Déterminer où commence l'obstination déraisonnable relève de l'équipe médicale, des aides-soignantes qui sont au chevet du malade jusqu'aux médecins. De ce point de vue, les médecins de soins palliatifs ont alerté votre rapporteur sur le danger que représente la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne si elle devait être confirmée par le Conseil d'Etat. Cet arrêt rendu le 11 janvier concernant l'arrêt des traitements de Vincent Lambert substitue l'appréciation du juge à celle de l'équipe médicale pour juger de ce qu'est l'acharnement thérapeutique. Ceci est contestable sur le principe. Qui plus est, le juge administratif de première instance a retenu une conception particulièrement restrictive de ce qu'est l'obstination, puisque tout traitement permettant de maintenir une interaction avec le monde extérieur est jugé raisonnable. Ceci, ont indiqué les médecins de soins palliatif, anéantirait tous les progrès réalisés par la médecine palliative depuis quinze ans. La décision du Conseil d'Etat est attendue dans les prochains jours.
Votre rapporteur note que l'ensemble des personnes auditionnées lui ont indiqué que les dispositions de la loi Leonetti ne sont pas connues des soignants, huit ans après son vote. Le Pr Sicard considère que ceci est sans doute lié à l'origine parlementaire du texte qui n'a pas bénéficié du plein appui des administrations.
2. Le droit d'obtenir une mort rapide et sans douleur
Le malade en fin de vie, s'il peut s'exprimer, peut demander la fin des traitements qui le maintiennent en vie. Dans plusieurs cas, comme celui des patients sous dialyse ou sous assistance respiratoire, cela entraînera sa mort à brève échéance. Dans d'autre cas, comme celui des patients en coma végétatif, l'absence de traitement ne changera que peu l'état de santé du malade. C'est la fin de la nutrition et, surtout, de l'hydratation qui entraîneront le décès. Ces cas suscitent à juste titre beaucoup d'attention. Peut-on faire mourir quelqu'un de soif ? Il y aurait là quelque chose de difficilement acceptable. Certains pensent d'ailleurs que l'on ne peut jamais interrompre l'hydratation ou l'alimentation, qui ne seraient pas des traitements, mais des soins. Pour la médecine palliative, la soif est un symptôme qui peut être pris en charge, et l'on peut être privé d'hydratation sans subir les symptômes de la soif. Surtout, la sensation de soif disparaît si le malade est en phase de sédation profonde.
L'augmentation progressive des traitements antidouleur jusqu'au point de donner la mort est déjà possible dans le cadre de la loi Leonetti. Mais la sédation profonde ou terminale n'est pas possible à la demande du patient. Sur ce point, l'ensemble des rapports remis souhaite ou admet une évolution de la loi. On respecterait la volonté de la personne, sans pour autant donner une mort immédiate.
Pourtant, dès lors que l'on accepte de faire advenir le décès, pourquoi refuser que celui-ci soit immédiat, par un acte volontaire ? L'argument qui a le plus souvent été avancé serait la violence de l'acte pour les familles et les personnels chargés de l'injection létale. Pour ces derniers, donner la mort serait de surcroît perdre un repère fondateur de leur mission de soignants. Il apparaît cependant à votre rapporteur que la position des professionnels varie considérablement d'un pays à l'autre. Au Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et le Collège des médecins du Québec ont sollicité le passage d'une loi sur l'aide médicale à mourir.
Si la volonté de la personne est claire et libre de toute influence les professionnels de santé qui sont prêts à le faire devraient pouvoir lui procurer l'assistance qu'elle souhaite pour une mort immédiate et sans douleur.
Reste un dernier cas, celui des personnes qui ne sont pas en fin de vie, mais se trouvent réduites à une situation physique qu'elles jugent intolérables. Evidemment, le seul point de vue fondamental est celui du malade lui-même, l'unique personne capable de juger de la dignité de sa vie. La proposition de loi dispose que, dans certains cas précis, ces personnes puissent également bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir.
La situation de fin de vie est complexe et soulève de nombreuses questions. Néanmoins le débat est aujourd'hui fortement engagé dans la société et le législateur doit y répondre.