II. LA PROPOSITION DE LOI, QUI A LARGEMENT ÉTÉ MODIFIÉE EN COURS D'EXAMEN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE, FAVORISE LA REPRISE DE SITES RENTABLES ET L'ACTIONNARIAT À LONG TERME DES ENTREPRISES COTEES

A. LA PROPOSITION DE LOI A ÉTÉ LARGEMENT MODIFIÉE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE AFIN DE RENFORCER ET SÉCURISER SES DISPOSITIONS

1. Une proposition de loi initiale ambitieuse

La proposition de loi visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 mai 2013. Déposée par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, elle est le fruit d'une réflexion menée au sein d'un groupe de travail, animé par François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le texte comporte deux grands volets : l'un consacré à la reprise d'entreprise (articles 1 er à 3 6 ( * ) ), l'autre dédié aux mesures en faveur de l'actionnariat de long terme (articles 4 à 6).

L' article 1 er , relatif à la recherche d'un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement, constitue la clef de voûte du texte puisqu'il institue de nouvelles obligations pour la recherche d'un repreneur. Ces obligations s'appliquent aux entreprises in bonis , c'est-à-dire hors procédure collective. L'article insérait de nombreux articles dans le code de commerce (articles L. 613-1 à L. 616-1), sans modifier le code du travail.

La possibilité pour le tribunal de commerce d'infliger une sanction égale au maximum à 20 Smic par emploi supprimé à un employeur qui n'a pas respecté la procédure de recherche d'un repreneur ou qui n'a pas donné une suite favorable à une offre sérieuse de reprise sans motif légitime de refus constitue la principale différence du texte par rapport au droit en vigueur (article L. 1233-90-1 du code du travail).

La proposition de loi diffère du droit actuel sur les points suivants :

- le champ d'application de la proposition de loi est plus restreint puisqu'un seuil de 50 salariés est introduit pour les établissements ;

- l'accent est mis sur la recherche d'un repreneur en amont du projet de fermeture d'un site ;

- les obligations de l'employeur à l'égard des représentants du personnel et de l'administration sont renforcées ;

- les obligations de recherche d'un repreneur sont précisément énumérées, notamment à l'égard des entreprises candidates qui veulent accéder aux informations ;

- le comité d'entreprise est davantage informé tout au long de la procédure de recherche de repreneur, il est investi de nouveaux pouvoirs et il peut participer lui-même à cette recherche s'il le souhaite, il a le droit de recourir à l'assistance d'un expert et il peut saisir le président du tribunal de commerce s'il estime que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de recherche d'un repreneur.

L' article 2 vise à demander un rapport au Gouvernement sur les modalités d'affectation de la pénalité susmentionnée, tandis que l' article 3 oblige l'administrateur judiciaire à informer le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel ou les représentants des salariés, de la possibilité qu'ont les salariés de présenter une offre de reprise de l'entreprise.

S'agissant du second volet du texte, l' article 4 abaisse le seuil de déclenchement obligatoire d'une offre publique d'acquisition de 30 % à 25 % du capital ou des droits de vote. L' article 5 pose comme principe la règle du droit de vote double dans les sociétés cotées si les actions nominatives sont détenues depuis deux ans par le même actionnaire. Enfin l' article 6 instaure pour le comité d'entreprise la possibilité d'être assisté par un médiateur en cas d'offre publique d'achat hostile, et de rendre un avis sur cette offre.

Les offres publiques d'acquisition

Une offre publique d'acquisition est une procédure boursière par laquelle une société tente acquérir tout ou partie du capital d'une autre société cotée.

Les offres publiques d'acquisition regroupent désormais les opérations publiques d'achat et les opérations publiques d'échanges. Elles peuvent être volontaires ou obligatoires, amicales ou hostiles, et aboutir soit à une prise de contrôle, soit à un renforcement de la participation dans une société déjà contrôlée (on parle dans ce cas d'OPA technique).

Selon l'AMF, entre le 1 er janvier 2008 et le 31 décembre 2013, 235 offres ont été déposées, réparties de la manière suivante :

- 40 offres de prise de contrôle (procédure normale) ;

- 115 offres de procédure simplifiée (contrôle préexistant) ;

- 4 offres publiques de retrait (contrôle de plus de 95 % du capital) ;

- 40 offres publiques de retrait suivies du retrait obligatoire (contrôle de plus de 95 % du capital) ;

- 23 offres publiques de rachat de ses propres actions ;

- 12 garanties de cours (procédures assimilées aux offres de procédure simplifiée depuis 2011).

Au total, on compte donc en moyenne par an 40 offres publiques et 7 offres de prise de contrôle.

Par ailleurs, toujours depuis 2008, seules 5 offres hostiles ont été déposées : toutes ont reçu une suite positive sauf une, et 3 ont été requalifiées en offres amicales après négociation avec les organes de gouvernance de l'entreprise-cible.

La réglementation européenne est issue de la directive 2004/24/CE dite « OPA », qui prévoit principalement :

- une protection des actionnaires minoritaires en imposant le dépôt obligatoire d'une OPA à un prix équitable en cas de franchissement de certains seuils (fixés librement par les Etats membres) ;

- le caractère public et le contenu de l'information à fournir sur l'OPA ;

- les obligations des organes de direction de la société cible en période d'offre (sur option choisie par les Etats membres ou les sociétés sur une base individuelle) :

- les cas dans lesquels un initiateur peut exiger de tous les détenteurs de titres de lui vendre leurs titres (retrait obligatoire).

L'Autorité des marchés financiers contrôle toutes les offres publiques visant des titres cotés sur le marché réglementé (NYSE Euronext) mais aussi sur Alternext. L'Autorité s'assure du respect des principes essentiels en matière d'OPA : égalité de traitement et d'information, transparence, libre jeu des offres et des surenchères, loyauté dans les transactions et la compétition. Elle fixe le calendrier de l'offre et contrôle l'équité du prix pour certains types d'offres obligatoires.

Il convient de ne pas confondre les OPA avec les offres au public de titres financiers, anciennement appelées « appel public à l'épargne », et qui relèvent de la directive 2003/71/CE dite « Prospectus ».


* 6 L'article 3 n'appartient pas formellement au titre I er de la proposition de loi « obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement », mais au titre II « mesure en faveur de la reprise de l'activité par les salariés ».

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