N° 277
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 janvier 2014 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi Mme Laurence COHEN et plusieurs de ses collègues tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de service et d' établissements de santé ou leur regroupement ,
Par Mme Laurence COHEN,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin . |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
708 (2012-2013) et 278 (2013-2014) |
AVANT-PROPOS
« La Nation garantit à tous, notamment
à l'enfant, à la mère
et aux vieux travailleurs, la
protection de la santé [...] ».
Préambule de la Constitution de 1946
Mesdames, Messieurs,
Depuis une dizaine d'années, l'hôpital est malmené, miné par des décisions ou des réformes qui se révèlent désastreuses au fil du temps. Alors que depuis des siècles l'hospice puis l'hôpital constituent le socle de la prise en charge des patients, l'hôpital a subi une succession d'attaques qui, ensemble, remettent insidieusement en cause son organisation et son bon fonctionnement au service de la population : absence des recrutements nécessaires à la mise en place des 35 heures ; tarification à l'activité qui ne vise que la « production » de soins, aucunement la qualité de la prise en charge globale du patient ; convergence tarifaire arbitraire ; assimilation sous un même statut de tous les établissements de santé, publics et privés à but lucratif ; disparition du service public hospitalier du fait de la loi HPST ; etc...
En outre, alors que les ordonnances Debré de 1958 avaient organisé un système de nature pyramidale avec des centres hospitaliers universitaires « têtes de réseau », des centres hospitaliers généraux et des hôpitaux de proximité, la pyramide devient au mieux un cylindre, voire s'inverse... En effet, le nombre d'établissements de proximité a beaucoup diminué depuis les années 1990 et quand ils perdurent, leur nombre de lits ou de services s'est effondré. On assiste ainsi, à la fois pour des motifs affichés de sécurité et de financement, à une concentration très importante de l'activité hospitalière dans des grands centres, ce qui éloigne les soins de la population et renforce encore la technicisation de la prise en charge. Ce constat est largement partagé par l'ensemble des acteurs pour ce qui concerne les maternités puisque celles de niveau I, qui devraient par principe accueillir une grande majorité de femmes, ne représentent plus qu'un tiers des lits.
Or, ce mouvement de concentration n'a pas été évalué scientifiquement, tant a priori qu' a posteriori , alors même que de nombreuses études tendent à montrer les inconvénients majeurs de la grande taille pour un hôpital.
Qui plus est, la France dispose d'un territoire plus vaste et souvent plus varié que celui de ses voisins, avec des zones isolées, par exemple en montagne. La population n'est plus répartie dans le pays de manière relativement uniforme, elle s'est concentrée sur le littoral et dans les métropoles. Pour autant, le reste du pays n'est pas vide et ne doit pas le devenir ! De ce fait, le lien qui était inconsciemment établi entre la nécessité de la présence d'un hôpital et son bassin de population ne peut plus être appréhendé comme il l'était jusque dans les années 1960-1970.
Enfin, les décisions de fermetures de lits, de services ou d'établissement de santé sont prises, dans une très grande majorité des cas, sans concertation préalable avec les populations et les acteurs concernés, notamment la communauté hospitalière. L'expérience montre que des « consultations » ont bien lieu, mais après que la décision a effectivement été prise.
Dans ce contexte et en tenant compte des contraintes de l'initiative parlementaire qui ne permettent pas de proposer une réforme complète du système de santé, cette proposition de loi prévoit de soumettre toute décision de fermeture de services et d'établissements hospitaliers ou leur regroupement à l'avis favorable du conseil de surveillance de l'établissement et de la conférence de territoire. Il s'agit donc d'abord d'imposer une élaboration collective et coopérative de la décision et d'instaurer ainsi une réelle démocratie sanitaire.