SECONDE PARTIE - LES BÉNÉFICIAIRES D'ÉXONÉRATIONS ET DE DÉGRÈVEMENTS DE TAXE D'HABITATION
Les finances locales ont connu des changements considérables ces dernières années.
Tout d'abord, la suppression en 2010 de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) a profondément modifié l'imposition locale des entreprises.
D'autre part, un autre grand chantier des finances locales a été ouvert, avec la révision des bases locatives . Il a été décidé de distinguer locaux d'habitation et locaux professionnels et la révision des valeurs locatives des locaux professionnels est déjà bien avancée. Quant aux locaux d'habitation, le lancement de l'expérimentation visant à préparer la révision générale des valeurs locatives est prévu en 2014, pour une prise en compte des valeurs locatives révisées pour la taxation de l'année 2018.
Ces réformes ont été - ou seront - analysées à partir des changements qu'elles impliquent dans la répartition de la ressource fiscale, des conséquences financières pour les collectivités ou de leurs effets sur les contribuables. Mais leurs conséquences sur les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux sont rarement étudiées. Cette analyse serait d'ailleurs extrêmement difficile à mener, tant l'information sur les bénéficiaires de ces dispositifs est limitée.
Pourtant, les conséquences de ces réformes peuvent s'avérer considérables. La réforme de la taxe professionnelle a ainsi conduit, entre autre, à réduire considérablement le poids pour l'État de sa « participation à la fiscalité locale » ( cf. supra le B du III de la première partie) : le ratio de prise en charge globale par l'État de la fiscalité directe locale est ainsi passé d'un maximum de 26,3 % en 2008 à 15,8 % en 2012.
De même, la révision des bases locatives aura des conséquences très importantes à la fois pour les contribuables, mais aussi pour les collectivités et pour l'État. Ces conséquences devront être précisément mesurées au stade de l'expérimentation. En effet, en fonction des transferts de charge entre contribuables, les coûts des dégrèvements pourront augmenter ou au contraire diminuer. Ainsi, s'agissant de la taxe d'habitation, le dégrèvement lié au plafonnement en fonction du revenu pourrait voir son montant significativement réduit si une forte proportion de personnes aux revenus modestes voyait la valeur locative de son logement diminuer.
L'absence de données relatives au profil des bénéficiaires de dégrèvements et d'exonérations des impositions assises sur la valeur locative rend particulièrement difficile toute estimation, ex ante , des effets de la révision des valeurs locatives.
Aussi, votre rapporteure spéciale a souhaité disposer d'informations précises sur l'évolution de la taxe d'habitation ces dernières années et sur les bénéficiaires de dégrèvements et d'exonérations de taxe d'habitation .
Ces données visent à apprécier l'efficacité socioéconomique de ces dispositifs et à apporter des informations utiles sur un sujet où les données disponibles sont extrêmement rares.
I. LA TAXE D'HABITATION DEPUIS 1995
Le produit de la taxe d'habitation s'est élevé à 17,4 milliards d'euros en 2010 , pour une base totale de plus de 76 milliards d'euros et un taux moyen de 22,9 %.
La base et le produit de TH varient cependant fortement d'un département à l'autre.
Le montant de la base moyenne par habitant est de 1 169 euros . En métropole 14 ( * ) , il varie de 647 euros dans le Nord à 2 245 euros à Paris. 65 départements ont une base par habitant comprise entre 850 et 1 250 euros. La base de 13 départements est inférieure à 850 euros, alors que celle de 18 d'entre eux est supérieure à 1 250 euros.
Le montant du produit moyen par habitant s'élève pour sa part à 267,61 euros . En métropole, il varie de 130 euros en Haute-Saône à 484 euros dans les Alpes-Maritimes. Le produit par habitant est compris entre 200 et 300 euros pour 61 départements. Pour 18 départements, le produit moyen par habitant est inférieur à 200 euros, alors que pour 17 départements, il est supérieur à 300 euros.
Au cours des dernières années, le produit de la taxe d'habitation a connu une progression importante : il est ainsi passé de 9,19 milliards d'euros en 1995 à 17,4 milliards d'euros en 2010, soit une augmentation de 8,2 milliards d'euros (+ 89 %) .
Évolution de la base et du produit de TH entre 1995 et 2010
(en milliards d'euros)
(en millions d'euros)
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
|
Base |
46 289,1 |
53 712,3 |
63 708,9 |
76 045,9 |
Produit |
9 186,8 |
11 367,2 |
13 366,2 |
17 402,5 |
Taux moyen |
19,80 % |
21,16 % |
20,98 % |
22,88 % |
Source : commission des finances du Sénat à partir de données de la DGFiP
Cette évolution est due à plus de 70 % à une progression de la base (qui a augmenté de 64 %, soit un effet volume de 5,9 milliards d'euros) et à 30 % à une augmentation du taux moyen de la taxe d'habitation (qui a augmenté de 15 %, soit un effet prix de 2,3 milliards d'euros).
Cette évolution est cependant très variable d'un département à l'autre . Ainsi, 57 départements ont connu une croissance de leur base supérieure à l'augmentation moyenne de 64 %. Dans cinq départements, la croissance de la base de taxe d'habitation est inférieure à 50 %.
La plus faible croissance des bases locatives est observée à Paris (40 %), alors qu'au contraire, la croissance la plus forte est constatée à La Réunion (181 %).
Départements ayant connu les évolutions
les plus fortes et les plus faibles
de leur base de TH entre 1995 et
2010
Augmentations les plus importantes |
Augmentations les moins importantes |
||
Département |
Augmentation de la base |
Département |
Augmentation de la base |
La Réunion |
+ 181 % |
Hauts-de-Seine |
+ 52 % |
Guyane |
+ 141 % |
Ardennes |
+ 52 % |
Martinique |
+ 136 % |
Essonne |
+ 52 % |
Guadeloupe |
+ 104 % |
Val d'Oise |
+ 50 % |
Ille-et-Vilaine |
+ 97 % |
Yvelines |
+ 50 % |
Vendée |
+ 94 % |
Val-de-Marne |
+ 50 % |
Morbihan |
+ 93 % |
Haute-Marne |
+ 49 % |
Gard |
+ 88 % |
Nièvre |
+ 46 % |
Haute-Garonne |
+ 87 % |
Seine-Saint-Denis |
+ 45 % |
Charente-Maritime |
+ 86 % |
Paris |
+ 40 % |
Source : commission des finances du Sénat à partir de données de la DGFiP
On peut noter que les 7 départements franciliens figurent parmi les dix départements ayant connu l'augmentation de base de taxe d'habitation la plus faible (en pourcentage).
L'augmentation des bases au sein d'un département s'explique essentiellement par les mouvements de population, à travers les constructions neuves notamment . Ainsi, le taux de corrélation entre l'évolution de la base et celle de la population est de 70 %.
En revanche, la richesse du département ou de ses habitants ne sont pas des critères significatifs expliquant l'évolution des bases, pas plus que le caractère rural ou urbain du département. Ainsi, d'après les données recueillies par votre rapporteure spéciale, on ne peut établir de typologie des départements ayant connu une hausse importante de leur base de TH : il s'agit aussi bien de départements peuplés que moins peuplés, au potentiel financier élevé ou bas.
* 14 Dans les départements d'outre-mer (hors Mayotte), il est compris entre 319 euros par habitant (Guyane) et 639 euros par habitant (Guadeloupe).