III. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2014 S'INSCRIT DANS UNE RÉFORME D'ENSEMBLE DU SYSTÈME DE SANTÉ
A. L'ORGANISATION DES SOINS PRIMAIRES
1. L'exercice interprofessionnel et la coordination des soins
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a ouvert une expérimentation pour mettre en place de nouveaux modes de rémunération (NMR) destinés à compléter le paiement à l'acte, voire s'y substituer. Cette expérimentation a été lancée tardivement et finance aujourd'hui 147 maisons et centres de santé pour un montant proche de 13 millions d'euros.
La loi de financement pour 2013 a permis à l'assurance maladie et aux professionnels et structures de santé de négocier un accord conventionnel interprofessionnel pour succéder de manière pérenne aux NMR. Malheureusement, les partenaires conventionnels n'ont pas entamé les négociations mais elle est annoncée pour les prochains mois.
Dans ces conditions, l' article 27 prolonge d'une année l'expérimentation des NMR et le Gouvernement a annoncé que 150 nouvelles équipes pourraient être financées sur cette base. Par ailleurs, le même article organise une procédure en cas de rupture des négociations ou d'opposition à un accord : comme pour les conventions avec les professionnels de santé, un arbitre pourra être désigné et il arrêtera un règlement qui s'appliquera dans l'attente de l'aboutissement des négociations.
L' article 28 propose d'ajouter au système de validation des protocoles de coopération entre professionnels de santé, prévus par l'article 51 de la loi HPST, un examen par un collège de financeurs dans le cas où le protocole nécessite la mise en place d'un mode de rémunération dérogatoire. Dans les cas où la mise en place de cette forme de rémunération sera jugée inopportune par le collège, le processus de validation sera interrompu et le protocole ne pourra être mis en oeuvre.
2. De nouveaux modes d'organisation et de financement
Le système de santé français souffre de multiples cloisonnements entre acteurs, administrations, sources de financement etc... Qui plus est, le développement des maladies chroniques, le vieillissement de la population et l'amélioration des techniques médicales aboutit à « changer le regard » sur la manière d'appréhender la santé : l'approche traditionnelle par pathologie doit être complétée pour offrir un accompagnement global du patient.
Dans cette perspective, l' article 34 met en place des expérimentations liées au parcours de soins pour deux pathologies : l'insuffisance rénale chronique (IRC), qui pourrait concerner 10 % de la population selon certaines études épidémiologiques, et le traitement du cancer par radiothérapie externe .
Pour l'IRC, l'expérimentation vise à s'orienter vers un financement forfaitisé de l'ensemble du parcours, l'étude d'impact évoquant même un aspect qui pourrait être considéré révolutionnaire en France, à savoir le fait que le promoteur du projet pourrait être chargé de la répartition des crédits entre les différents acteurs. Il est vrai que la prise en charge des malades rénaux demande l'intervention de nombreux professionnels aux statuts variés.
Pour le cancer, l'expérimentation vise plutôt à moderniser les modalités de rémunérations qui sont en outre, aujourd'hui, différentes entre les établissements publics financés au nombre de séance et les établissements privés financés à la dose de radiation. Le nouveau modèle de financement intégré porterait dans un premier temps sur les cancers du sein et de la prostate.
Les deux expérimentations de cet article 34 rejoignent les conclusions du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat de juillet 2012 sur le financement des établissements de santé , puisque la mission estimait que la T2A, plus centrée sur la maladie que sur le malade, peut constituer un handicap pour la mise en place d'un parcours de santé. Elle proposait ainsi de lancer rapidement, pour certaines pathologies, des expérimentations en vue d'instaurer un financement global qui comprenne la prise en charge en ville et en établissement .
Par ailleurs, alors que la loi HPST a posé, en 2009, les bases légales de la télémédecine , ses modalités de financement n'ont jamais été véritablement abordées. Le ministère de la santé a lancé des travaux approfondis pour accompagner les acteurs mais l'impulsion globale n'a guère été au rendez-vous. Or, la télémédecine, qui ne constitue pas une « solution miracle », peut répondre à de nombreux problèmes d'accès aux soins découlant soit de l'isolement d'un territoire, soit d'un manque de professionnels, notamment de spécialistes. D'ailleurs, le pacte territoire - santé de lutte contre les déserts médicaux, présentée par la ministre des affaires sociales et de la santé en décembre 2012 contient un volet destiné à développer cet outil.
Dans ce contexte, l' article 29 met en oeuvre une expérimentation portant sur le déploiement de la télémédecine pour les patients pris en charge en ville ou en structure médico-sociale. Elle portera notamment sur des activités de télé-expertise, de téléconsultation et de télésurveillance.
L'Assemblée nationale a adopté un nouvel article , numéroté 27 A, pour définir un cadre général unique lorsque le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre une expérimentation relative à de nouveaux modes d'organisation des soins. Si l'on peut comprendre l'intérêt de ne pas multiplier les articles ad hoc du PLFSS, il n'est pas certain que la rédaction de cet article respecte l'article 37-1 de la Constitution qui autorise les expérimentations « pour un objet et une durée limités » et permettre au Gouvernement de déroger à des règles de niveau législatif, ce qui est au fond le but d'une expérimentation, doit aussi respecter les droits du Parlement.
Enfin, l' article 31 met en oeuvre une expérimentation dans le domaine des transports sanitaires , qui constituent un pan du système de santé et de l'accès aux soins. Alors que les dépenses de l'assurance maladie consacrées à cette prise en charge progressent rapidement, même si ce rythme est moins rapide ces dernières années, plusieurs expérimentations ont été prévues dans divers PLFSS mais rarement mises en oeuvre sur le terrain. Cet article prévoit que les établissements de santé élaborent une convention définissant les modalités optimales de prise en charge et les transporteurs y adhèrent, s'ils le souhaitent. Si un patient ne choisissait pas un transporteur adhérent, il ne serait pas remboursé par l'assurance maladie.