CHAPITRE II - LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES CHEFS DE FILE ET LA CONFÉRENCE TERRITORIALE DE L'ACTION PUBLIQUE
Cet intitulé a été amendé par notre collègue, M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, en raison de la suppression du pacte de gouvernance territoriale.
SECTION 1 - Les collectivités territoriales chefs de file
Article 3 (art. L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales) - Désignation des collectivités territoriales chefs de file pour l'exercice de certaines compétences
Le présent article tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, qui désigne chaque niveau de collectivités territoriales comme chef de file pour la mise en oeuvre de compétences nécessitant l'intervention de plusieurs collectivités territoriales d'échelons différents.
• Les apports du Sénat en première lecture
Votre commission a modifié ou précisé, à l'initiative de son rapporteur, le choix des compétences pour lesquelles un chef de file serait désigné, certains choix du projet de loi lui apparaissant discutables et, parfois, peu pertinents.
Le chef de filât des régions
La rédaction initiale du projet de loi proposait que les régions soient chefs de file en matière de développement économique et d'organisation des transports.
Votre commission a complété cette liste par les compétences suivantes :
- l' aménagement et le développement durable du territoire ;
- l' innovation , définie comme « l'ensemble des applications de la recherche qui stimulent la création d'emplois sur un territoire » ;
Votre commission avait également compris dans cette liste le développement touristique , confié initialement aux départements. En séance publique, le Sénat a finalement supprimé cette compétence dont l'exercice est partagé par les trois niveaux territoriaux.
Votre commission a également précisé le chef de filât de la région en matière de transports, en l'étendant à l'organisation de la complémentarité entre les modes de transports , en raison de l'éclatement de cette compétence entre les différents échelons territoriaux.
Par ailleurs, la liste des compétences a été complétée, à l'initiative du Gouvernement, par l' internationalisation des entreprises et, à celle de notre collègue, Mme Hélène Lipietz, par la biodiversité , la transition énergétique et l' établissement d'un « Agenda 21 » .
Le chef de filât des départements
Dans le projet de loi initial, les départements étaient désignés chefs de file pour l'organisation de l'exercice des compétences relatives à :
- l' action sociale et le développement social ;
- l' autonomie des personnes ;
- le tourisme ;
- l' aménagement numérique ;
- la solidarité des territoires .
Le Sénat, à l'initiative de votre commission, a modifié cette liste sur deux points. D'une part, il a remplacé la notion de « développement social », qu'elle a jugé peu précise et qui recoupe, pour une large part, celle de l'aide sociale, par celle de cohésion sociale . D'autre part, il a supprimé le tourisme des compétences pour lesquelles serait désigné un chef de file.
Le chef de filât du bloc communal
Le projet de loi initial proposait que les communes ou leurs groupements soient désignés chefs de file pour l'exercice des compétences relatives à la qualité de l'air et à la mobilité durable.
Votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a supprimé ces deux compétences, les jugeant peu pertinentes compte-tenu des difficultés que rencontreraient de nombreuses communes pour en assumer le chef de filât, et les a remplacées par les trois compétences suivantes :
- l'accès aux services publics de proximité ;
- le développement local, défini comme « toute politique destinée à favoriser ou à maintenir le commerce de proximité ou l'artisanat » ;
- l'aménagement de l'espace .
Votre commission a également adopté un amendement de son rapporteur pour préciser que les modalités d'action commune de l'exercice des compétences pour lesquelles un chef de file serait désigné par le présent article seraient définies au sein de la conférence territoriale de l'action publique prévue à l'article 4 du projet de loi.
En séance publique, le Sénat a rappelé, à l'initiative de notre collègue Christian Favier, qu'une collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, en sa qualité de chef de file, pour l'exercice d'une compétence qui nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, principe déjà prévu par le cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
• Les apports de l'Assemblée nationale en première lecture
Le chef de filât des régions
À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a supprimé la compétence « transition énergétique » et les dispositions relatives à l' Agenda 21 régional , en considérant que ces dispositions soulevaient deux difficultés d'application :
- « la transition énergétique ne constitue pas une compétence : il s'agit d'un objectif pour la réalisation duquel peuvent être mobilisées diverses compétences notamment en matière d'énergie, de transports, de logement ;
- seules les métropoles et les communautés urbaines [...] sont dans le projet voté par le Sénat attributaires de cette « compétence ». Il ne paraît donc pas constitutionnellement possible de désigner la région, à qui l'on n'attribue pas cette « compétence », en tant que chef de file, l'article 72 de la Constitution réservant l'application de cette notion aux cas de compétences partagées. »
En séance publique, quatre amendements identiques de Mme Nathalie Appéré, MM. Thierry Braillard, Florent Boudié et Paul Molac ont été adoptés afin de confier à la région le chef de filât en matière de climat et d'énergie .
À l'initiative de la commission des Affaires culturelles et de l'éducation, a également été confié aux régions le rôle de chef de file en matière d' aménagement numérique , plutôt qu'au département. L'Assemblée nationale a considéré que l'échelon régional est « le plus adapté pour veiller à l'équipement numérique, même si certains départements ont mis en place des outils performants, mais leurs résultats sont trop inégaux compte tenu des disparités de taille et de moyens . »
Par ailleurs, sur proposition de MM. Paul Molac et Stéphane Travert, la région serait chef de file en matière de soutien à l'enseignement supérieur et de recherche , en cohérence avec la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche qui prévoit que les régions définissent un schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en cohérence avec les stratégies nationales dans ces domaines et parce que les régions ont vocation aujourd'hui à coordonner les actions de soutien des collectivités territoriales.
Un amendement de M. Jean-Louis Destans appelle à une association effective des départements aux contrats de projet État/région (CPER), à l'instar de ce que prévoit l'article 42 du présent projet de loi pour les communautés urbaines.
Le chef de filât des départements
Pour les départements, par cohérence avec la position adoptée pour les régions, a été supprimé l'aménagement numérique des compétences pour lesquelles le conseil général serait chef de file. En outre, la commission des lois a réintroduit l'expression « développement social » à la place de celle de « cohésion sociale ».
Le chef de filât du bloc communal
Pour le bloc communal, la commission des lois a, à l'initiative de son rapporteur, supprimé les compétences relatives à l'accès aux services publics de proximité ainsi que le développement local. A l'initiative de M. Alexis Bachelay, l'Assemblée nationale a précisé que le bloc communal serait chef de file en matière de mobilité urbaine, en cohérence avec la création des autorités organisatrices de la mobilité urbaine. L'objectif est de ne pas créer de confusion avec le rôle de chef de file de la région en matière d'organisation de l'intermodalité et de la complémentarité des modes de transport.
À l'initiative de notre collègue, M. Sylvain Berrios, a été supprimé de la liste des compétences pour lesquelles le bloc communal serait chef de file l'aménagement local qui, selon l'auteur de l'amendement, relève de la compétence exclusive de la commune et ne serait donc pas une compétence partagée.
Enfin, la commission des lois a supprimé, à l'initiative des rapporteurs de la commission des Affaires culturelles et de l'éducation et de celle du Développement durable et de l'aménagement du territoire, la disposition adoptée par le Sénat selon laquelle une collectivité chef de file ne peut exercer une tutelle sur une autre collectivité territoriale, au motif que cet alinéa ne fait que reprendre des dispositions constitutionnelles déjà existantes.
Projet de loi initial |
Projet de loi issu des travaux du Sénat en première lecture |
Projet de loi issu des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture |
RÉGIONS |
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Développement économique |
Développement économique |
Développement économique |
Organisation des transports |
Complémentarité entre les modes de transport |
Organisation de l'intermodalité et de la complémentarité des modes de transports |
Aménagement et développement durable du territoire |
Aménagement et développement durable du territoire |
|
Biodiversité |
Protection de la biodiversité |
|
Transition énergétique |
Climat et énergie |
|
Innovation |
Soutien à l'innovation |
|
Internationalisation des entreprises |
Internationalisation des entreprises |
|
Élaboration d'un Agenda 21 |
Supprimé |
|
Développement des réseaux de télécommunications électroniques et de leurs usages |
||
Soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche |
||
DÉPARTEMENTS |
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Action sociale |
Action sociale |
Action sociale |
Développement social |
Cohésion sociale |
Développement social |
Autonomie des personnes |
Autonomie des personnes |
Autonomie des personnes |
Tourisme |
Supprimé |
|
Aménagement numérique |
Aménagement numérique |
Supprimé |
Solidarité des territoires |
Solidarité des territoires |
Solidarité des territoires |
COMMUNES ET ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE
COOPÉRATION
|
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Qualité de l'air |
||
Mobilité durable |
Supprimé |
Mobilité durable |
Accès aux services publics de proximité |
Supprimé |
|
Développement local |
Supprimé |
|
Aménagement de l'espace |
Supprimé |
• La position de votre commission
Votre commission estime que l'aménagement numérique, bien que représentant une composante de l'aménagement du territoire dont la région s'est vue reconnaître le chef de filât, participe de la politique de solidarité territoriale qui est l'une des deux vocations du département. En outre, les départements ont conduit une politique active de couverture du territoire en haut débit, en collaboration avec les conseils régionaux. C'est pourquoi elle a rétabli, par trois amendements de son rapporteur et de MM. Christian Favier et Gérard Collomb, le chef de filât des départements sur cette compétence tout en supprimant la compétence de développement des réseaux de communications électroniques et de leurs usages du chef de filât de la région.
De surcroît, votre commission s'étonne de l'introduction de la disposition selon laquelle le département doit être associé à l'élaboration du contrat de projet État/région. Cette disposition n'a aucun lien avec les dispositions du présent article, puisqu'elle ne concerne pas une compétence nécessitant la désignation d'un chef de file. Votre commission a adopté un amendement de suppression de cette disposition, sur proposition de son rapporteur. Elle a également étendu le chef de filât des départements à l'action sociale concourant à la réduction de la précarité énergétique, par l'adoption d'un amendement de notre collègue, Mme Hélène Lipietz.
Enfin, votre commission se félicite de la reconnaissance du bloc communal comme chef de file en matière de « mobilité durable ». En revanche, elle déplore la suppression de la compétence « accès aux services publics de proximité » par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le motif invoqué est l'empiètement des compétences de la commune ou de l'intercommunalité sur celles de l'État. Or, les collectivités territoriales, en particulier le bloc communal et le département, ont mis en place diverses actions visant à maintenir ou à proposer de nouveaux services, notamment dans les territoires ruraux. De même, le développement local, que votre commission, à l'initiative de son rapporteur, avait introduit en première lecture, a également été supprimé. Pourtant, le bloc communal met en oeuvre de nombreux dispositifs pour conserver et stimuler le dynamisme économique dans les zones les moins densément peuplées. C'est pourquoi votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur et de nos collègues MM. Pierre Jarlier et Jean-Noël Guérini, trois amendements réintroduisant le chef de filât du bloc communal en matière de d' offre et d' accès aux services publics de proximité (recouvrant la petite enfance, l'action sociale et les services aux personnes, le maintien du dernier service de proximité en milieu rural, La Poste, etc.), du développement local ainsi que l' aménagement de l'espace , tout en conservant la mobilité durable.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .