SECTION 3 - La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Article 12 - Composition et organisation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
L'article 12 du projet de loi institue une nouvelle autorité administrative indépendante dont votre commission a précisé la désignation « Haute Autorité pour la transparence financière » -en adoptant un amendement de son rapporteur à l'article 1 er A du projet de loi organique. Elle a donc vocation à remplacer la commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) supprimé par l'article 22 du projet de loi.
Adoptant un amendement de son rapporteur, votre commission a renforcé les garanties d'indépendance de la Haute Autorité en reprenant des dispositions s'inspirant des articles L. 567-3 et L. L. 567-5 du code électoral applicable à la commission prévue par l'article 25 de la Constitution. Les membres de la Haute Autorité ne pourraient, d'une part, ni recevoir, ni solliciter d'instruction d'une autorité extérieure et interdirait, d'autre part, les membres de la Haute Autorité de prendre, à titre personnel, une position publique préjudiciable au bon fonctionnement de la Haute Autorité.
A la différence de la CTFVP, la Haute Autorité ne compterait plus de membres de droit mais uniquement des membres désignés. Le président serait nommé par décret du Président de la République après avis des commissions permanentes des assemblées parlementaires dans le cadre de la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution.
Dans la rédaction initiale du projet de loi, la Haute Autorité comprenait, outre le président, six membres titulaires et six membres suppléants. A l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé les membres suppléants considérant que l'exercice d'une telle fonction nécessitait un plein engagement de ses membres. La Haute Autorité comprendrait ainsi :
- deux conseillers d'État, en activité ou honoraires, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État ;
- deux conseillers à la Cour de cassation, en activité ou honoraires, élus par l'ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la cour ;
- deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, en activité ou honoraires, élus par la chambre du conseil.
En outre, adoptant un amendement de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a prévu que chaque président d'assemblée parlementaire désignerait deux personnalités qualifiées afin d'intégrer aux côtés des membres issus des juridictions, des personnes « ayant une connaissance pratique de la réalité de l'exercice d'une fonction exécutive au sein des collectivités territoriales et des organismes publics et des difficultés déontologiques engendrées », ce que votre commission a pleinement approuvé dans son principe. Gage de la qualité des personnes désignées, ces personnes ne pourraient être nommées qu'avec l'accord de la commission permanente compétente - en l'espèce, la commission des lois - à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, cette règle d'une approbation préalable à une majorité qualifiée étant conforme à la Constitution puisqu'elle s'exerce au sein d'une même assemblée 55 ( * ) . En outre, ces personnes ne pourraient pas avoir été assujettis à des obligations déclaratives que contrôle la Haute Autorité durant les trois années précédant la nomination. En séance publique, l'Assemblée nationale a néanmoins adopté un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale, se ralliant à la position du Gouvernement exprimée en commission, pour proposer la nomination d'une seule personnalité qualifiée par président d'assemblée parlementaire. Votre commission a cependant préféré rétablir la rédaction de la commission des lois de l'Assemblée nationale, jugeant que le président du Sénat et de l'Assemblée nationale devait pouvoir nommer le même nombre de membres que les autres institutions, que le nombre de deux permettait à terme de faciliter la désignation paritaire des membres et qu'enfin, la composition serait mieux équilibrée, les membres ainsi désignés étant à un nombre presque égal aux membres issus des juridictions qui restaient cependant majoritaires face aux quatre personnalités qualifiées et au président de la Haute Autorité. De même, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur supprimant l'absence de rémunération des personnalités qualifiées, cette distinction - à l'origine le gage de l'amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale - ne se justifiant pas.
En outre, la composition devrait respecter l'égale représentation des femmes et des hommes.
Le mandat des membres serait fixé à six ans sans possibilité de renouvellement. En cas de vacance, le siège serait pourvu pour la durée du mandat restant à courir. S'agissant du renouvellement, la commission des lois de l'Assemblée nationale, suivant son rapporteur, a instauré un système conduisant à prévoir un rythme de quatre renouvellements au cours d'une seule période de six ans, ce que votre commission n'a pas jugé de nature à favoriser la stabilité de l'institution. Aussi a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur instaurant un renouvellement par moitié tous les trois ans et modifiant en conséquence les mesures transitoires pour instaurer, lors de l'installation de la Haute Autorité, lors ce renouvellement différé.
La déontologie des membres de la Haute Autorité serait assuré par une série de règles qui :
- empêcherait aux membres de participer aux délibérations ou vérifications portant sur les organismes ou personnes à l'égard desquels ils détiendraient ou auraient détenu, au cours des trois années précédentes, un intérêt direct ou indirect ;
- soumettrait les membres à des obligations déclaratives au même titre que les membres des autres autorités indépendantes ;
- leur imposerait le respect du secret professionnel ;
- rendrait incompatible ces fonctions avec une fonction ou un mandat qui conduit à se soumettre aux obligations déclaratives que la Haute Autorité contrôle.
L'incompatibilité entre ces fonctions et le mandat parlementaire relève du seul législateur organique en application de l'article 25 de la Constitution. Aussi votre commission a-t-elle créé, à l'article 1 er A du projet de loi organique, une inéligibilité, à l'instar du Défenseur des droits ou du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour les membres de la Haute Autorité.
Dans le même esprit, sur proposition de son rapporteur, votre commission a prévu que soit mis fin aux fonctions d'un membre de la Haute Autorité si la Haute Autorité constate, à la majorité des trois-quarts des membres, qu'il se trouve dans une situation d'incompatibilité, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué à ses obligations.
Dans un souci de renforcer l'indépendance de la Haute Autorité, plusieurs dispositions, introduites par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur et modifiées sur la forme par des amendements du rapporteur adoptés par votre commission, prévoit que :
- que la Haute Autorité dispose de l'autonomie financière pour la gestion de ses crédits ;
- qu'elle définit elle-même, au sein de son règlement général, les modalités d'organisation et de fonctionnement ainsi que les procédures applicables devant elle, ce qui est une prérogative notable pour une autorité indépendante dans la mesure où elle bénéficie ainsi d'une délégation conséquente du pouvoir règlementaire par la loi ;
- les agents de la Haute Autorité, comme les membres, seraient soumis au secret professionnel.
Par ailleurs, outre un secrétaire général désigné par le Premier ministre sur proposition du président, la Haute Autorité disposerait de rapporteurs désignés par le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour des comptes et le premier président de la Cour de cassation parmi les membres des juridictions administratives, financières ou judiciaires. Adoptant un amendement de son rapporteur, votre commission a prévu également qu'au besoin, elle puisse recruter des agents contractuels, ce qui pourrait se révéler nécessaire pour des tâches pour lesquelles aucun corps de la fonction publique n'apporte la technicité nécessaire.
Enfin, suivant son rapporteur, votre commission a supprimé une disposition indiquant que la Haute Autorité arrête son budget, ce qui n'est pas conforme à la Constitution, seul le Parlement étant l'autorité budgétaire compétente pour adopter le budget de l'Etat au sein duquel sont compris les crédits affectés à la Haute Autorité.
Sous réserve de précisions rédactionnelles, votre commission a considéré que l'ensemble de ces dispositions contribuaient à garantir l'indépendance et la déontologie des membres de la Haute Autorité.
Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .
Article 13 - Missions et saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
L'article 13 fixe l'ensemble des missions confiées à la Haute Autorité et les voies pour la saisir.
La Haute Autorité est ainsi chargée :
- de recevoir, vérifier, contrôler et publier, lorsque cela est prévu, les différentes déclarations auxquels sont assujettis les membres du Gouvernement, les membres du Parlement, les représentants français au Parlement européen, les titulaires de fonctions exécutives locales, les collaborateurs de cabinets, les membres des autorités indépendantes, les titulaires d'emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement et nommés en conseil des ministres ainsi que les président et directeurs généraux de certains opérateurs de l'Etat ;
- de répondre par des avis non publics aux questions d'ordre déontologique présentées par les personnes précitées ;
- de se prononcer sur la compatibilité de l'exercice d'une activité lucrative privée dans le secteur libéral ou concurrentiel avec les fonctions gouvernementales ou les fonctions exécutives locales exercées au cours des trois années précédentes ;
- de formuler, au besoin d'initiative, des recommandations pour l'application de ce projet de loi en matière notamment de relations avec les représentants d'intérêts et dons et libéralités reçus dans l'exercice des fonctions et mandats, à l'exclusion du mandat parlementaire pour lequel ces questions relèveraient des organes internes de chaque assemblée parlementaire en vertu de la séparation des pouvoirs et comme le rappelle l'article 2 bis du projet de loi ;
- de rendre un rapport public annuel remis au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement sur son activité sans mentionner d'informations nominatives sauf celles révélées dans le cadre de rapports spéciaux.
En cas de méconnaissance par une personne de ses obligations de déclaration, d'abstention et d'information, la Haute Autorité peut être saisie par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ainsi que par des associations agréés dont les statuts leur confèrent comme objet social de lutter contre la corruption. Adoptant un amendement de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a prévu que cet agrément ne serait plus délivré par le pouvoir exécutif mais par la Haute Autorité elle-même selon des critères objectifs définis par son règlement général, ce qui est un gage supplémentaire de l'effectivité de ce mécanisme.
En outre, toujours à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a prévu que la Haute Autorité peut demander toute explication ou tout document nécessaire à l'exercice de ses missions. Le projet de loi initial prévoyait seulement qu'elle puisse entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.
Enfin, à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale en séance publique d'un amendement de son rapporteur, la Haute Autorité pourrait charger un membre ou un rapporteur, dans le cadre de ses missions, de procéder ou de faire procéder, sous son autorité, à des vérifications sur le contenu des déclarations et les informations transmises.
Sous réserve de précisions rédactionnelles, votre commission a approuvé cet article.
Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .
Article 14 - Communication par la Haute Autorité des cas de manquements aux obligations
L'article 14 détaille l'obligation pour la Haute Autorité de communiquer aux autorité compétentes le manquement aux obligations qu'elle constate dans le cadre de ses missions.
Adoptant un amendement de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé pour chaque catégorie de personnes assujetties aux obligations l'autorité qui recevrait ce signalement.
Ainsi, l'autorité qui recevrait communication du manquement serait :
- pour les membres du Gouvernement, le Premier ministre ;
- pour les représentants français au Parlement européen, le président du Parlement européen, à la suite de l'adoption d'un amendement de votre rapporteur qui l'a substitué au Bureau du Parlement européen prévu l'Assemblée nationale mais qui ne dispose pas des mêmes pouvoirs disciplinaires que les bureaux des assemblées parlementaires ;
- pour les élus locaux, du président de l'assemblée délibérante ;
- pour les collaborateurs de cabinets, l'autorité de nomination que votre commission, suivant son rapporteur, à préférer à la notion d'autorité hiérarchique, moins précise en l'espèce ;
- le président de l'autorité indépendante et l'autorité de nomination pour les membres des autorités indépendantes, sachant que pour les autorités indépendantes unipersonnelles, seule l'autorité de nomination serait logiquement destinataire de l'information ;
- le ministre qui a autorité ou qui exerce la tutelle sur l'organisme concerné pour les fonctionnaires et les présidents et directeurs généraux d'opérateurs de l'Etat, ce qui, pour votre rapporteur, implique qu'en cas de double autorité ou tutelle, les deux ministres seraient informés.
Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur prévoyant une hypothèse non envisagée par cette énumération : le cas d'un manquement à une obligation du Premier ministre. Dans ce cas, la communication serait adressé au Président de la République qui, en application de l'article 8 de la Constitution, est son autorité de nomination.
Adoptant un amendement de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé des règles prévoyant la publication du manquement constaté au Journal officiel et la transmission de situations suspectes au parquet, les transférant par cohérence au sein d'autres dispositions du présent projet de loi, ce que votre commission n'a pas modifié.
Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .
Article 15 - Contrôle des activités lucratives privées susceptibles d'être exercés après des fonctions gouvernementales ou exécutives locales
S'inspirant du contrôle de la commission de déontologie de la fonction publique applicable aux agents publics qui souhaitent exercer une activité privée, l'article 15 institue un contrôle par la Haute Autorité des activités lucratives privées dans le secteur libéral et concurrentiel susceptibles de créer un conflit d'intérêts, ce qui exclut les fonctions bénévoles et publiques.
Cette obligation pèserait sur les membres du Gouvernement et sur les titulaires d'une fonction exécutive locale prévue à l'article 3 du projet de loi et s'appliquerait au cours des fonctions ou dans un délai de trois ans après leur cessation, ce qui est, comme le relevait le rapporteur de l'Assemblée nationale, une période identique à celle prévue par les agents publics ou celle retenue dans la définition du délit de prise illégale d'intérêts à l'article L. 432-13 du code pénal.
Saisie par l'intéressé ou par son président, la Haute Autorité rend un avis d'incompatibilité ou une réserve, ce qui a pour effet d'empêcher la personne d'exercer cette activité ou sous les conditions fixées par la Haute Autorité. Au terme du délai de trois semaines à compter de la saine qui peut être prolongée encore d'une semaine par décision du président, la Haute Autorité notifie une décision à la personne intéressée et, le cas échéant, à son employeur. En l'absence d'avis, il est réputé favorable. En cas d'informations transmises insuffisantes, elle peut en revanche émettre une avis d'incompatibilité.
Par délégation de la Haute Autorité et dans un souci d'efficacité, le président est autorisé à rendre un avis de compatibilité devant les cas manifestes ou en cas d'incompétence, d'irrecevabilité ou de non-lieu à statuer.
En cas de violation d'un avis d'incompatibilité ou d'une réserve, la Haute Autorité publie un rapport spécial au Journal officiel avec l'avis rendu et les observations de la personne concernée.
La commission des lois de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a assuré une meilleure effectivité du contrôle préalable en alignant son champ sur la définition donnée par l'article 432-13 du code pénal relatif à la prise illégale d'intérêt, en précisant que la demande d'avis doit être effectuée avant le début de l'activité et en permettant au président de saisir la Haute Autorité quelle que soit la date de début de l'activité. En outre, elle a prévu la notification à l'ensemble des parties de la nullité de tout contrat lorsqu'elle porte sur une activité non autorisée. De même, un avis d'incompatibilité rendu par la Haute autorité suite à la découverte fortuite d'activités exercées sans autorisation préalable serait rendu public par un rapport publié au Journal officiel et la saisine du parquet serait rendue obligatoire, afin qu'il examine si ces faits ne sont pas constitutifs d'une prise illégale d'intérêts.
Votre commission a approuvé dans son principe ce dispositif mais a souhaité lui apporter deux encadrements supplémentaires, à l'initiative de son rapporteur. D'une part, à l'instar des réserves qui ne peuvent être formulées que pour une durée maximale de trois ans, les avis d'incompatibilité ne vaudraient que pour trois ans avec la possibilité pour la Haute Autorité, notamment sur saisine de son président, de les renouveler expressément. Il eût été paradoxal que les réserves qui sont moins contraignantes soient limitées dans le temps et non les incompatibilités. En outre, afin d'inciter à la saisine à l'initiative des personnes concernées elle-même qui peuvent pressentir une incompatibilité, il a été prévu que, dans le cas d'une saisine de la personne intéressée, l'effet de l'avis d'incompatibilité ne soit pas une nullité, avec un effet rétroactif pour le contrat liant la personne intéressée à son employeur, mais l'anéantissement pour l'avenir des effets du contrat. Ce mécanisme accorde ainsi un régime plus favorable à celui qui a saisi lui-même la Haute Autorité qu'à celui qui ne l'a pas saisi pensant pouvoir échapper à son contrôle.
Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .
* 55 CC, 13 décembre 2012, n° 2012-658 DC