D. DES COMPTES POUR 2012 CERTIFIÉS RÉGULIERS ET SINCÈRES SOUS SEPT RÉSERVES
Chaque année, la Cour des comptes, en application du 5° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, se prononce sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat, en se référant aux normes internationales d'audit éditées par la fédération internationale des experts comptables (IFAC).
La Cour des comptes a certifié que le compte général de l'Etat de l'exercice clos le 31 décembre 2012 99 ( * ) était régulier et sincère et donnait une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'Etat. Elle a formulé sept réserves, comme en 2011, mais deux ont perdu leur caractère « substantiel ».
L'établissement des comptes de l'Etat et de son bilan s'inscrit donc bien dans un processus continu d'amélioration, qui permet d'envisager une levée progressive des réserves .
1. Les lacunes du système d'information financière et comptable de l'Etat
Jusqu'au déploiement du progiciel Chorus, effective au 1 er janvier 2012, la Cour des comptes avait déploré l'insuffisante intégration des systèmes d'information et l'inadaptation des applications informatiques à la tenue de la comptabilité générale .
Le déploiement de Chorus, qui a pu s'opérer comme prévu en 2012, représente un atout dans le processus de réforme comptable, puisque l'Etat est désormais doté d'un outil unique garantissant une traçabilité de toutes les opérations financières.
Mais un certain nombre d' anomalies ont été constatées, tant en recettes qu'en dépenses, et de lourds travaux intermédiaires de recodification des écritures se sont avérés nécessaires. La fiabilité de l'information consolidée n'est ainsi pas garantie puisque, comme l'observe la Cour des comptes dans son rapport sur la certification des comptes de l'Etat 2012, « les pratiques actuelles ne permettent pas de tirer pleinement parti de tous les avantages liés à l'outil pour sécuriser les enregistrements. Le paramétrage insuffisant des contrôles automatiques, l'utilisation détournée des fonctionnalités et l'insuffisance des procédures de saisie font peser une incertitude sur la qualité des enregistrements, que les contrôles effectués a posteriori ne permettent pas de lever ».
La fiabilisation du progiciel Chorus constitue bien un enjeu majeur pour les comptes de l'Etat.
2. Les insuffisances des dispositifs de contrôle et d'audit internes des ministères
Une nouvelle fois, la Cour des comptes a constaté que certaines améliorations avaient été apportées aux systèmes de contrôle et d'audit interne des ministères.
Toutefois, bien que tous les ministères disposent désormais d'une structure opérationnelle de gouvernance du contrôle interne comptable, la Cour des comptes a estimé qu'ils n'étaient pas en mesure de porter une appréciation suffisamment étayée sur leur degré de maîtrise des risques comptables et financiers .
Des améliorations ont cependant été, une nouvelle fois, constatées en 2012, suite notamment à la publication du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Ce texte, qui définit les règles comptables et budgétaires applicables à la gestion publique, prend en compte le passage à la pluriannualité de l'action publique, ainsi que le développement de la dématérialisation des actes et procédures. Enfin, il décline dans les administrations les dispositions de l'article 47-2 de la Constitution qui imposent la régularité et la sincérité des comptes de toutes les administrations publiques.
3. Des doutes non levés sur l'exacte comptabilisation des produits régaliens et le maintien de sa réserve substantielle par la Cour des comptes
Les produits régaliens de l'Etat correspondent aux impôts et taxes assimilées, amendes et autres pénalités. Ils recouvrent l'ensemble des recettes issues de l'exercice de la souveraineté de l'Etat et correspondent à des opérations sans contrepartie directe équivalente pour les tiers. Leur montant net s'élève à 269 milliards d'euros en 2012 .
La Cour des comptes relève, de manière constante depuis 2006, que la comptabilisation de ces produits régaliens en droits constatés n'est toujours pas possible , faute notamment de pouvoir collecter l'information nécessaire à l'évaluation des engagements de l'Etat et des redevables. Le système d'information demeure donc essentiellement fondé sur le suivi des mouvements de caisse.
Le caractère substantiel de cette réserve résulte directement de son ampleur puisqu'elle laisse planer un doute sur l'exactitude de la comptabilisation de la plus grande partie des ressources financières de l'Etat, même si le déploiement de Chorus et le renforcement du contrôle interne laissent envisager une amélioration de la qualité comptable des informations.
4. La comptabilisation incertaine des passifs d'intervention, des autres passifs non financiers et des engagements hors bilan
La Cour des comptes maintient une réserve sur les passifs d'intervention de l'Etat et les passifs non financiers.
Les passifs d'intervention correspondent à l'ensemble des écritures qui devraient figurer au compte de l'Etat au titre de ses dépenses d'intervention. Or, l'analyse de ces différents dispositifs par l'Etat n'est pas exhaustive et la Cour doute de l'exhaustivité de leur recensement . Elle indique que les passifs à comptabiliser à ce titre et non encore audités par elle représentaient 108 milliards d'euros de charges en 2012. Par ailleurs, pour les dispositifs audités, l'analyse du risque était erronée, révélant des risques élevés de sous-évaluation.
La Cour des comptes pointe également une incertitude sur l'évaluation de la provision pour risque au titre des contentieux fiscaux.
Cette réserve de la Cour vise aussi les insuffisances du recensement et de l'évaluation des engagements hors bilan de l'Etat , examinée ci-dessus.
5. L'exhaustivité et la valorisation des actifs du ministère de la défense dans les comptes de l'Etat
Malgré des efforts de fiabilisation réalisés en 2012, la Cour indique que ses vérifications ont rencontré des limitations importantes s'agissant de l'exhaustivité et de la valorisation des actifs du ministère de la défense .
Au 31 décembre 2012, hors patrimoine immobilier, les immobilisations en service du ministère de la défense s'élevaient à 118 milliards d'euros en valeur brute et 53 milliards d'euros en valeur nette. Les stocks atteignaient plus de 35 milliards d'euros en valeur brute et 30 milliards d'euros en valeur nette. Mais ces données restent à fiabiliser.
Outre des problèmes de non respect de normes comptables, la Cour pointe le défaut d'évaluation de certains coûts de démantèlement des missiles stratégiques et des réacteurs des sous-marins nucléaires, ainsi que des biens mis à disposition d'industriels ou encore des stocks de munitions .
Par ailleurs, grâce à la mise en place du progiciel Diva, les programmes d'armement en cours sont évalués selon la méthode dite d'analyse des marchés. Cependant, la Cour des comptes a observé que de nombreuses immobilisations mises en service figuraient néanmoins en comptabilité pour des valeurs non justifiées au 31 décembre 2012.
6. L'évaluation des participations et autres immobilisations financières de l'Etat
Selon la Cour des comptes, la valorisation et l'exhaustivité, dans les comptes de l'Etat, de ses participations contrôlées et de certaines de ses autres immobilisations financières ne sont pas satisfaisantes.
Au 31 décembre 2012, la valeur des immobilisations financières de l'Etat s'élevait à 299 milliards d'euros, représentant 32 % du total de son bilan. Elles comportaient 1 907 participations financières, d'une valeur de 231 milliards d'euros, des créances rattachées à ces participations pour un montant de 39 milliards d'euros, des prêts et avances pour une valeur nette de 19 milliards d'euros, d'entités sans personnalité morale portant un patrimoine pour le compte de l'Etat d'une valeur de 8 milliards d'euros et d'autres immobilisations pour 1 milliard d'euros.
La Cour des comptes relève en particulier l'absence d'homogénéité dans les référentiels comptables servant à la valorisation des participations contrôlées à l'actif du bilan de l'Etat. De même, une majorité d'opérateurs ne respecte toujours pas les instructions comptables relatives aux actifs.
7. La valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat
Enfin, comme par le passé, la Cour pointe les incertitudes qui pèsent sur la valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat , malgré des progrès importants réalisés en 2012.
Au 31 décembre 2012, le patrimoine immobilier de l'Etat s'élevait à 70 milliards d'euros.
D'anciennes applications informatiques sont toujours utilisées pour recenser et gérer le patrimoine immobilier malgré le déploiement du progiciel Chorus, ce qui empêche de disposer d'une vision consolidée et exhaustive. Par ailleurs, les évaluations sont jugées trop peu fréquentes et les modalités d'évaluation du parc immobilier à l'étranger, inadaptées à une valorisation en valeur de marché.
* 99 Arrêté le 21 mai 2013.