C. LES ENGAGEMENTS HORS BILAN DE L'ÉTAT : LES ENJEUX D'UN RECENSEMENT ET D'UNE ÉVALUATION PLUS EXHAUSTIVE

1. Un ensemble divers représentant un encours agrégé de 3 091 milliards d'euros

Depuis l'entrée en vigueur en 2006 de l'ensemble des dispositions de la LOLF, les documents budgétaires présentent non seulement les engagements inscrits au bilan de l'Etat, tant en actif qu'au passif, mais aussi les engagements hors bilan , c'est-à-dire les obligations qui, sans réunir les critères d'inscription au bilan de l'Etat, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur la soutenabilité de sa situation financière et son appréciation par les agences de notation : ils traduisent des aléas financiers auxquels est exposé l'Etat du fait de ses obligations à l'égard de tiers qui ne sont pas sous son contrôle direct.

Il s'agit, par exemple, des engagements de retraite de l'Etat au titre des droits à pensions futures des actifs et des inactifs 97 ( * ) , des garanties de dette ou de passifs, ou encore des engagements de l'Etat au titre de sa mission de régulateur économique et social, comme les aides au logement ou le financement de l'audiovisuel public.

Selon le compte général de l'Etat annexé au projet de loi de règlement pour 2012, l'agrégat des encours des engagements hors bilan de l'Etat s'élevait fin 2012 à 3 091 milliards d'euros , soit 152 % du PIB et près de deux fois plus que le passif total de l'Etat (soit 1 859 milliards d'euros).

Cet encours est constitué, pour plus de la moitié du total (soit 54 %), des engagements de retraite portés par l'Etat (1 679 milliards d'euros). Les autres engagements hors bilan sont constitués par les dettes financières pour un montant de 1 412 milliards d'euros.

2. Une préoccupation ancienne de la commission des finances du Sénat

Votre commission des finances a formulé de longue date des observations récurrentes sur le recensement, le suivi et l'évaluation des engagements hors bilan de l'Etat.

Lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2011, votre rapporteur général avait présenté un amendement tendant à ce que le compte général de l'Etat annexé au projet de loi de règlement comporte, chaque année, une annexe détaillant l'ensemble des garanties accordées par l'Etat et, pour chacune d'entre elles, les limites dans lesquelles elle a été accordée. Cet amendement avait été retiré en séance publique, suite à un engagement du Gouvernement de recenser de manière plus fiable et plus exhaustive les engagements hors bilan de l'Etat au titre des garanties qu'il accorde.

Toutefois, si le compte général de l'Etat 2012 énumère les principales garanties en termes d'encours, cette liste reste incomplète.

Des progrès ont par ailleurs été réalisés cette année dans la présentation des engagements hors bilan figurant au compte général de l'Etat , en étendant leur évaluation à « la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques avec leurs montants et leurs dates d'échéances », suite à l'adoption d'un amendement de notre collègue Jean Arthuis lors de la discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Le compte général de l'année 2012 présente des informations relatives aux baux emphytéotiques dont une liste a été établie par France Domaine, précisant le nombre de baux ainsi que leur valeur nette comptable. Ces éléments figurent dans la partie 6.5 relative aux « autres informations ». S'agissant des contrats de partenariat, ces informations étaient déjà produites dans l'annexe au compte général de l'Etat. Au 31 décembre 2012, les partenariats publics privés (PPP) représentaient un investissement de 1,7 milliard d'euros et une dette associée de 1,8 milliard d'euros au passif de l'Etat (opérations assimilées à une acquisition à crédit). Par ailleurs, le montant des PPP dont la livraison est prévue au cours des prochaines années est estimé par la direction du budget à 3,3 milliards d'euros pour la seule part relative aux investissements.

3. Des progrès restant à réaliser

Au regard des enjeux et des progrès à réaliser, en application de l'article 58-2° de la LOLF la Cour des comptes a réalisé une enquête, à la demande de votre commission des finances, sur les engagements hors bilan de l'Etat. Sur cette base, la commission a procédé à une audition le 15 mai 2013, en présence des magistrats instructeurs de la Cour des comptes et des représentants du ministère de l'économie et des finances. Ces travaux ont été publiés dans un rapport d'information de notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat » 98 ( * ) .

L'enquête menée par la Cour des comptes a montré que la France est l'un des pays les plus avancés pour le recensement et la comptabilisation des engagements hors bilan de l'Etat . C'est pourquoi les travaux menés en France, et qui doivent à présent trouver un prolongement dans le cadre communautaire par des référentiels comptables harmonisés, sont de nature à garantir la fiabilité et la transparence des comptes publics et donc, in fine, à renforcer la solidité du système financier public.

Ces travaux ont fait apparaître plusieurs pistes d'amélioration.

Des procédures doivent être mises en place pour un véritable suivi et un pilotage politique effectif de l'évolution des engagements hors bilan en cours d'exercice budgétaire . A cet égard, le Parlement ne doit pas seulement constater ex post le niveau et l'évolution de ces engagements.

La Cour des comptes recommande tout d'abord une révision annuelle des engagements hors bilan dont les conclusions seraient communiquées au Parlement et aux différentes instances de suivi des risques.

Elle propose, en cours d'exécution, d' alerter le Parlement - en pratique, les commissions des finances - dès lors qu'en cours d'exercice, un engagement hors bilan significatif connaît une croissance rapide de son encours ou une hausse de sa probabilité de réalisation .

Lors de son audition par la commission des finances, le 12 juin 2013, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, a indiqué, en réponse à votre rapporteur spécial, qu'il serait procédé à une information des commissions des finances du Parlement :

« Un travail est mené avec la Cour des comptes s'agissant des engagements hors bilan. Nous faisons nôtre la recommandation n° 4, qui vise à mettre en place une information des commissions lorsqu'il y a des risques d'encours. Cette recommandation est de nature à permettre une bonne information du Parlement ».

Par ailleurs, il apparaît souhaitable de progresser vers une comptabilisation des engagements hors bilan de toutes les personnes publiques, notamment les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale .


* 97 Le calcul des engagements de l'Etat au titre des retraites consiste à évaluer, à législation constante, la valeur actualisée des pensions qui seront versées aux retraités et aux actifs présents à la date d'évaluation. Les pensions futures des actifs, évaluées sur la base de leur évolution de carrière probable à l'aide des paramètres actuels du régime, sont prises en compte au prorata des années de services effectuées à la date d'évaluation sur le nombre d'années de services au moment du départ à la retraite.

* 98 Jean-Claude Frécon, rapport d'information n° 579 (2012-2013) : « Recenser et évaluer les engagements hors bilan de l'État : un enjeu pour la transparence et la soutenabilité des finances publiques ».

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