B. DISSIPER LA CONFUSION ENTRE LES PROTÉINES ANIMALES TRANSFORMÉES (PAT) VISÉES PAR LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ET LES FARINES ANIMALES DU PASSÉ

1. La mémoire des farines animales et de la maladie de la vache folle
a) Les farines animales britanniques sont soupçonnées d'être à l'origine de la maladie de la vache folle en Europe

Avant son identification au Royaume-Uni (RU) au cours des années 1985 à 1986, l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB) n'avait jamais été décrite dans aucun pays.

ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE (ESB) OU MALADIE DE LA VACHE FOLLE

L'ESB est une infection dégénérative du système nerveux central des bovins liée à la propagation ou multiplication de prions. Le délai d'incubation de cette maladie mortelle est d'environ cinq ans chez l'animal. Les premiers symptômes de l'ESB consistent en une modification du comportement avec apparition de troubles locomoteurs. Le diagnostic de certitude de la maladie ne peut s'effectuer qu'après la mort de l'animal, par un examen histo-pathologique ou un test de type Western Blot effectué à partir d'un prélèvement de tronc cérébral (base du cerveau). Cette maladie animale, transmissible par l'alimentation, a pris une tournure dramatique lorsque la possibilité de transmission de la maladie à l'homme a été mise en évidence, en liaison avec la consommation de produits carnés « contaminés ». A ce jour, il n'existe aucun traitement curatif de l'ESB. Seules des mesures de prévention constamment renforcées de 1989 à 2001 ont permis d'enrayer l'extension de la maladie puis de la contrôler.

Prion : PRoteinaceous Infectious Only particle (particule protéique infectieuse), agent pathogène vecteur des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) qui provoque une dégénérescence de la cellule hôte. La protéine concernée existe sous une forme non pathologique, dite PrC, dont le rôle dans le fonctionnement des cellules reste mal connu. La forme pathologique, le prion ou PrSC, résulte d'une conformation ou d'un repliement anormal(e) de la protéine initiale.

Source : avis n°70 du Conseil national de l'alimentation du 1 er décembre 2011

Pour mémoire, et comme le rappelle le Conseil national de l'alimentation, en ce qui concerne les espèces contaminées, il convient de signaler que dès la fin des années 1980, des bovidés sauvages (Nyala, grand Kudu, gazelle, Oryx), nourries avec des farines de viandes et d'os (FVO) dans des zoos ont été atteints d'ESB. Au début des années 1990, au Royaume Uni, des félidés sauvages (guépard) ou domestiques (chats) ont également été infectés. Cependant, des travaux expérimentaux ont montré l'impossibilité d'infection du porc par voie orale. D'autres vertébrés comme les oiseaux ou les poissons se montrent également non réceptifs.

S'agissant de la nature des tissus contaminants - c'est-à-dire capables de transmettre l'ESB à la suite de leur ingestion - chez les bovins infectés, les recherches ont permis d'identifier l'agent de l'ESB dans un nombre très limité d'organes et de tissus comprenant :

- d'une part, le système nerveux central (cerveau, oeil, moelle épinière et ganglions nerveux associés),

- d'autre part, certains organes riches en tissus lymphoïdes comme les amygdales, une partie médiale de l'intestin (parois de l'iléon et de la valvule iléo-caecale) et la rate.

L'agent de l'ESB ne se retrouve ni dans le muscle (viande) ni dans la plupart des organes internes (foie, rein, thymus, poumons...) ou la graisse. La diffusion de l'agent de l'ESB dans l'organisme d'un bovin infecté est donc limitée, beaucoup plus que celle de l'agent de la tremblante dans celui d'un ovin.

b) L'interdiction des farines animales a favorisé l'éradication de l'ESB en Europe

Tout au long des années 1990, des travaux ont été menés dans l'Union européenne pour comprendre et contrôler l'infectivité des farines de viandes et d'os (FVO). L'interdiction en 2001 d'utiliser des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage a constitué l'une des mesures de police sanitaire les plus contraignantes et efficaces pour maîtriser l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en interrompant le circuit de transmission entre bovins.

Calendrier des mesures d'interdiction progressive des FVO dans l'alimentation des animaux

Bovins

Tous ruminants

Tous animaux

Royaume-Uni

juillet 1988

juillet 1990

1996

France

juillet 1990

décembre 1994

novembre 2000

Union européenne

Juin 1994

Juin 1994

décembre 2000

Références des mesures :

? Royaume-Uni : The bovine Spongiform Encephalopathy Order 1988, (SI 1988/1039), 14 et 21 juin 1988, prolongé par The Bovin Encephalopathy (n°2) Amendment Order (SI 1989/2326) ; The Bovine Spongiform Encephalopathy (Amemdment) Order 1996 (SI 1996/962).

? France : 24/07/1990: Arrêté ; 20/12/94: Arrêté : extension de l'interdiction de l'emploi des FVO, y compris les farines de sang, à tous les ruminants ; les seules protéines animales pouvant être incorporées à l'alimentation des ruminants sont celles du lait et des produits laitiers ; 8/07/96 : interdiction des protéines animales dans l'alimentation des ruminants (retrait de la dérogation relative aux ovoproduits et poissons)

? Union européenne : 27/06/94 : Décision 94/381/CE de la Commission du 27 juin 1994 (abrogée par le Règlement CE 1326/2001 de la Commission du 29 juin 2001) ; décisions 2000/766/CE et 2001/9/CE : extension de la suspension des farines animales pour l'ensemble des espèces non ruminantes.

L'apparition des tests rapides a permis de mettre en oeuvre une surveillance épidémiologique exhaustive dès 2001, dont on a tiré des données particulièrement fiables sur l'évolution de l'ESB en France et dans l'Union européenne.

Aujourd'hui, la prévalence de la maladie a considérablement diminué : de 36 000 cas identifiés en 1992 au Royaume-Uni au pic de l'épidémie, le chiffre est descendu à moins de 30 en 2011 dans toute l'Union européenne.

NOMBRE DE CAS D'ESB IDENTIFIÉS EN FRANCE ET DANS L'UNION EUROPÉENNE

France

Union européenne

2001

274

2 167

2002

239

2 124

2003

137

1 376

2004

54

865

2005

31

561

2006

8

320

2007

9

175

2008

8

125

2009

10

67

2010

5

43

2011

3

28

2012

1

n.c

En ce qui concerne la contamination humaine, on a recensé, au 1 er septembre 2011, quelques 222 cas de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (V-MCJ) dans le monde, dont 175 au Royaume-Uni et 25 en France, le dernier cas ayant été constaté en 2009. Le nombre de personnes infectées au Royaume-Uni décroit régulièrement depuis 2000, ce qui apparait comme un bon indicateur de l'efficacité des mesures mises en place. Le CNA estime cependant probable qu'un petit nombre de cas pourra y être constaté pendant encore quelques années et qu'il sera peut-être possible d'observer quelques cas sporadiques dans les autres États membres de l'Union européenne. Cette décroissance asymptotique est une caractéristique des maladies à longue incubation, elle ne fait que traduire l'existence de cas à incubation très supérieure à la moyenne, infectés avant la mise en oeuvre d'un contrôle efficace.

2. L'évocation du « retour des farines animales » à propos des PAT: une désinformation anxiogène

Partant du constat que l'interdiction des farines animales a permis l'éradication de l'ESB, la perspective de leur « réintroduction », évoquée de manière simplificatrice par la presse, soulève des craintes parfaitement compréhensibles.

Or le devoir d'objectivité  à l'égard du consommateur exige avant tout de ne pas escamoter la différence de nature entre les protéines animales transformées et les farines animales du passé.

S'agissant de ces dernières, qui ne sont pas concernées par le règlement européen, le Conseil de l'alimentation animale fait observer que la considérable diminution du taux d'infection des bovins réduit nécessairement celui des « matériels à risque spécifiés » (MRS) associées aux anciennes farines de viandes et d'os (FVO).

Il convient avant tout de souligner que la différence entre les Protéines Animales Transformées (PAT) et les farines animales d'autrefois est à peu près comparable à celle qui distingue l'eau de source des eaux usées, selon une formule imagée utilisée dans les délibérations de scientifiques de renom.

Votre rapporteur estime fondamental, pour éviter de s'égarer dans de fausses croyances, de préciser en détail les caractéristiques des PAT , en s'appuyant sur les constatations du CNA qui a synthétisé l'ensemble des analyses disponibles :

- les PAT sont issues de sous-produits d' animaux sains qui ne sont pas destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales, culturelles ou technologiques (parties osseuses, viscères, gras, sang...) et collectés notamment dans les abattoirs et les ateliers de découpe ;

- elles proviennent de porcs, volailles et poissons, espèces monogastriques (c'est-à-dire non ruminants) chez lesquelles aucune EST n'a été mise en évidence dans des conditions naturelles ;

- elles sont destinées à l'alimentation des poissons, puis, selon le schéma qui est envisagé au niveau européen, aux porcs et volailles qui sont des espèces naturellement omnivores ou carnivores - tout en excluant le recyclage intra-espèce .

Il ne s'agit donc en aucun cas :

- ni de « farines animales » utilisées avant 1994, lesquelles étaient issues en particulier de l'activité d'équarrissage et étaient élaborées notamment à partir d'animaux morts avant l'abattoir, de matériels à risque spécifiés (MRS3), de saisies sanitaires...

- ni de ruminants, que ce soit comme espèces d'origine des protéines ou comme espèces destinataires des aliments incorporant des PAT.

Certes, dans les années 1990, les choses étaient moins claires. D'une part, farines et PAT étaient généralement mélangées dans les filières de valorisation des sous-produits ; d'autre part, l'ESB était une maladie émergente, totalement inconnue. Des mesures de gestion drastiques et larges ont donc été prises, notamment dans le domaine des aliments pour animaux, qui s'avéraient la principale voie de diffusion du prion.

Mais, depuis lors les filières de traitement des sous-produits et de l'alimentation animale se sont réorganisées et peuvent assurer la séparation des produits (PAT/déchets) et des espèces (ruminants/porcs/volailles...). C'est précisément cette étanchéité que la Feuille de route européenne pose comme socle d'une nouvelle évolution réglementaire, la filière de transformation des sous-produits animaux s'étant d'ores et déjà organisée en productions dédiées. En second lieu, les EST ont fait l'objet de nombreuses recherches au niveau mondial et sont beaucoup mieux connues. Enfin des mesures de gestion coûteuses, appliquées avec rigueur depuis plus de 15 ans dans l'Union européenne, permettent de considérer l'ESB classique comme quasi éradiquée chez les bovins en Europe, et donc de garantir la sécurité sanitaire des PAT issues de cette espèce en cas de croisement fortuit entre les PAT de ruminants, qui sont valorisées dans la fabrication d'aliments pour animaux de compagnie, et celles issues d'autres espèces.

RÉCAPITULATIF : SOUS-PRODUITS, FARINES, PROTÉINES ANIMALES TRANSFORMÉES : DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les sous-produits animaux sont des matières animales ou d'origine animale qui ne sont pas destinées à la consommation humaine. Les sous-produits animaux recouvrent des matières qui sont écartées de l'alimentation humaine :

- de par leur nature intrinsèque (cadavres d'animaux, viandes saisies en abattoir, cuirs, plumes...),

- ou du fait du choix d'un opérateur (orientation d'abats propres à la consommation humaine vers la production d'aliments pour animaux de compagnie par exemple).

Les sous-produits animaux sont classés en trois catégories, définies aux articles 8, 9 et 10 du règlement européen n°1069/2009, selon le niveau de risque sanitaire qui leur est attribué.

La catégorie 1 (dite C1) est la catégorie à plus haut risque (risque « prion », risque lié à des contaminants de l'environnement...).

La catégorie 2 (C2) représente un risque moindre, souvent d'ordre microbiologique.

La catégorie 3 (C3) ne présente aucun risque spécifique ; elle regroupe des matières issues d'animaux sains.

Les sous-produits animaux sont, sauf cas particulier, collectés à l'état « cru » sur les sites où ils sont générés : exploitations d'élevage, abattoirs, industries agro-alimentaires au sens large (atelier de découpe, laiterie...), points de vente au détail (grande et moyenne distribution, petits commerces...).

Ils sont acheminés vers des établissements de transformation spécialisés et agréés où ils sont soumis à des traitements spécifiques très encadrés. La transformation des sous-produits génère deux grandes familles de produits : les protéines (farines de viandes et d'os - C1 et C2- et PAT -C3) et les graisses (issues de la cuisson - C1 et C2/C3 - ou de la fonte des sous-produits animaux - C3 ou alimentaires).

Les farines de viandes et d'os (FVO) , communément appelées « farines animales », proviennent de la transformation de sous-produits animaux des catégories C1 et C2. Elles sont réglementairement interdites d'usage en alimentation animale, comme le sont les graisses issues de ces mêmes catégories de sous-produits.

Les protéines animales transformées (PAT) sont produites exclusivement à partir de sous-produits de catégorie C3. Elles peuvent aussi incorporer, de façon marginale, des « produits alimentaires » issus de l'alimentation humaine mais non utilisés par celle-ci. Elles sont actuellement interdites pour les animaux d'élevage, sauf quelques exceptions présentées dans le tableau 2 ; elles peuvent entrer dans la composition des aliments pour animaux de compagnie (chiens, chats). Ce sont bien les PAT qui font l'objet de la présente réflexion.

Rappel : l'herbivore se nourrit de végétaux, herbes, feuilles ; le carnivore se nourrit de chair ; le carnassier se nourrit de proies animales vivantes ou, dans un sens plus large, de chair crue. L'omnivore, lui, mange de tout et se nourrit d'aliments d'origine animale et végétale : l'homme est omnivore. Le porc, les volailles et de nombreux poissons le sont également.

Source : Conseil national de l'alimentation.

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