B. L'ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
Maintenue comme instance centrale de représentation des Français établis hors de France par le présent projet de loi, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) serait renouvelée tant sur le plan de son élection, de sa composition que de ses compétences.
Si l'AFE ne saurait être assimilée à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale, dès lors qu'elle n'a ni territoire ni population ni budget à administrer et que le législateur ne lui a attribué aucun pouvoir décisionnel à l'égard des Français établis hors de France, en revanche son organisation et son fonctionnement pourraient utilement s'inspirer des assemblées locales, tout en tenant compte de sa nature actuelle d'instance consultative.
1. Les compétences de l'Assemblée des Français de l'étranger
L'Assemblée des Français de l'étranger conserverait son rôle consultatif sur les sujets intéressant nos compatriotes d'outre-frontière ( articles 21 et 22 ), le ministre des affaires étrangères étant tenu de présenter annuellement un rapport dressant le bilan des actions gouvernementales sur des sujets relatifs aux Français de l'étranger ( article 20 ).L'Assemblée conserve son pouvoir de réaliser, d'initiative des études, d'émettre des voeux et d'adopter des avis et motions. En revanche, sa consultation facultative par le Gouvernement sur les projets de textes législatifs et règlementaires, actuellement prévue par l'article 1 er A de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982, n'est pas reprise par le projet de loi.
2. L'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Sur le plan de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, le projet de loi marque une rupture. Confirmant la tendance à la réduction du nombre de personnalités qualifiées non élus et siégeant à l'Assemblée, cette instance serait désormais composée uniquement d'élus au suffrage universel ( article 23 ). Son président qui ne serait plus le ministre des affaires étrangères serait élu parmi ses membres.
Le nombre des conseillers serait réduit de 155 à 81. Leur mandat serait maintenu à six ans mais le renouvellement de l'Assemblée s'opérerait de manière intégrale et non plus, comme actuellement, en deux séries ( article 23 ).Cette élection aurait lieu au sein de seize circonscriptions, le projet de loi assurant, conformément à l'article 34 de la Constitution, le découpage des circonscriptions et la répartition des sièges entre elles ( article 24 ).
Une dernière innovation est l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger au scrutin indirect par les conseillers consulaires. Seuls seraient éligibles les conseillers consulaires, la perte de ce mandat entraînant la démission d'office pour le conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger ( article 23 ). Les règles électorales applicables à l'élection des conseillers de l'AFE sont reprises parmi celles édictées pour les conseillers consulaires ( article 25 ), assurant, là encore, un rapprochement louable avec le droit commun des élections politiques.
Pour les opérations électorales ( articles 27 et 28 ), il est prévu un vote au sein de bureaux de vote ou par remise en mains propres à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire du bulletin sous enveloppe fermée ( article 26 ). Le contentieux de l'élection des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger continuerait à relever du Conseil d'État ( article 35 ).
3. Les mandats en cours des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Pour permettre l'élaboration législative et réglementaire de la réforme des instances de représentation des Français établis hors de France, le projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger prévoit la prorogation jusqu'en juin 2014 du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger élus ou nommés en 2006, dont le mandat avait déjà été prorogé jusqu'en juin 2013 pour tenir compte des élections nationales devant intervenir en 2012.
Le projet de loi relatif à la représentation politique des Français établis hors de France prévoit parallèlement l'organisation, au plus tard, en juin 2014 des prochaines élections pour l'Assemblée des Français de l'étranger ainsi que les premières des conseillers consulaires et des délégués consulaires ( article 37 ).
A compter de ces élections, la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger serait abrogée. A compter de la même date, il serait mis fin aux mandats en cours des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger.
La jurisprudence constitutionnelle relative à la modification de la durée des mandats électifs Lorsque la loi proroge ou abrège un mandat électif, elle définit en creux la durée de ce mandat, par dérogation à la durée de principe qu'elle a pu fixer. Ce faisant, le législateur intervient sur le régime électoral de l'instance en cause. Or, l'article 34 de la Constitution confère au législateur la compétence pour fixer les règles relatives au régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France. Introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, cette précision consacré une jurisprudence précédemment dégagée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier, s'appuyant sur la participation du conseil supérieur des Français de l'étranger à l'élection de sénateurs, conformément à l'article 24 de la Constitution , avait estimé que relevaient « du domaine de la loi les règles relatives à la composition de ce Conseil et à l'élection de ses membres, au nombre desquelles figurent la délimitation des circonscriptions électorales, le nombre de sièges attribué à chacune d'elles, le mode de scrutin, le droit de suffrage, l'éligibilité, ainsi que le régime contentieux de l'élection 36 ( * ) ». Aussi, la loi doit-elle respecter une jurisprudence constitutionnelle ancienne mais constante qui enserre la liberté du législateur dans son pouvoir de fixation de la durée des mandats. Le juge constitutionnel veille à ce que la prorogation d'un mandat soit justifiée par un motif d'intérêt général et que la prorogation ainsi proposée soit cohérente avec l'objectif poursuivi. Cependant, n'étant pas doté d'un « pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement », il se refuse à contrôler l'opportunité du choix présidant à cette prorogation. Le juge constitutionnel veille à ce que la loi ne remette pas en cause le droit des électeurs d'exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable ». Aussi, n'admet-il qu'une prorogation à caractère exceptionnel, transitoire et limitée dans le temps. Lors de l'examen parlementaire de la prorogation d'un an des mandats des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger par la loi n°2011-663 du 15 juin 2011, notre collègue Jean-Jacques Hyest relevait que cette disposition législative ne se heurtait, compte-tenu de ses caractéristiques - notamment sa durée - conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à aucun obstacle constitutionnel. S'agissant de l'abréviation d'un mandat, le Conseil constitutionnel l'admet sous des conditions similaires. Ainsi, a-t-il jugé conforme à la Constitution, pour l'Assemblée de la Polynésie française, l'abréviation de mandats électifs en cours 37 ( * ) . A cette occasion, il avait accepté une abréviation du mandat de près de 16 mois. |
* 36 CC, 6 octobre 1999, n° 99-187 L.
* 37 CC, 6 décembre 2007, n° 2007-559 DC.