B. DES INCERTITUDES RESTANT ENCORE À LEVER.

1. Mener la réforme à son terme.

Les propositions du GHN ne constituent cependant pas un point d'aboutissement. Il faut encore les traduire dans un texte législatif européen.

La formule d'un texte entièrement nouveau, présenté par la Commission européenne et soumis ensuite au Parlement européen et au Conseil, selon la procédure habituelle de codécision, a été, semble-t-il écartée car elle prendrait trop de temps, probablement plus de deux ans.

Or, la régulation du potentiel de production de vin par les plantations de vigne relève de l'OCM, qui fait l'objet d'une refonte dans le cadre de la réforme en cours de la PAC. Dès lors, il apparaît plus pertinent et plus rapide de proposer une modification de ce texte, pour y intégrer le nouveau dispositif d'encadrement des droits de plantation. D'après les informations fournies à votre rapporteur, la présidence irlandaise de l'Union européenne présenterait un texte, qui serait discuté dans le cadre des discussions en Conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche - qui constitue le cadre de discussion entre États membres des différents projets de règlements communautaires qui composent le paquet de réforme de la PAC.

Le calendrier de cette discussion est très serré, l'objectif de la présidence irlandaise étant de permettre un accord sur la PAC au sein du Conseil en mars 2013 et une négociation avec le Parlement dans le cadre du trilogue entre Conseil, Parlement européen et Commission européenne, qui puisse aboutir au mois de juin 2013.

2. L'amélioration possible des propositions du groupe de haut niveau.
a) Éviter la libéralisation rampante.

Si les conclusions du GHN vont dans le bon sens, elles restent floues sur plusieurs points cruciaux, qui devront être rapidement clarifiés .

Tout d'abord, la durée du nouveau dispositif n'est pas satisfaisante car trop courte . Il est certes impossible de donner à celui-ci une durée indéfinie. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne n'admet de restrictions aux droits de propriété et à la liberté d'entreprendre que lorsque ces restrictions sont proportionnées aux objectifs d'intérêt général poursuivis et a déjà jugé qu'un encadrement de la liberté de plantation de vigne ne pouvait être mis en oeuvre que de manière temporaire 10 ( * ) . Pour autant, limiter à 6 ans la durée du nouveau système lui donnerait un caractère précaire, permettant sa remise en cause et nécessitant pour le sauver de renégocier sa prolongation en position de faiblesse. Il importe également de donner de la visibilité aux viticulteurs.

Ensuite, aucun pourcentage d'augmentation admissible pour les plantations de vigne n'a encore été avancé . Or, cette question est extrêmement sensible. Choisir un taux plafond applicable trop élevé risque de déstabiliser le marché du vin en Europe. Ainsi en France, les plantations nouvelles ne représentent aujourd'hui que 1 900 à 2 300 hectares par an, soit seulement 0,2 % de la surface totale plantée en vignoble évaluée à 806 241 hectares 11 ( * ) . L'Europe dispose de près de 3,3 millions d'hectares de vignobles. Si le taux d'augmentation devait être fixé ne serait-ce qu'à 2 % par an, c'est près de 400 000 hectares qui pourraient être plantés en six ans, soit plus de deux fois plus que les arrachages mis en oeuvre depuis 2008, qui ont concerné 161 164 hectares 12 ( * ) et coûté plus d'un milliard d'euros aux finances européennes. Le choix du taux plafond sera donc extrêmement sensible. Il conviendrait que la Commission ne soit pas seule à décider en la matière, mais agisse sous le contrôle du Parlement européen et du Conseil, dans le cadre des actes délégués.

La déclinaison du taux d'augmentation des plantations nouvelles au niveau de chaque État membre sera tout aussi délicate. Il ne saurait être question que les États membres soient contraints de « coller » au taux plafond. Ceux-ci doivent pouvoir disposer de réelles marges de manoeuvres pour adapter leur politique en fonction de l'état du marché du vin, au niveau européen, mais aussi national et régional, car la situation des différentes régions viticoles peut ne pas être la même. Un débat national ne manquera pas non plus d'avoir lieu pour décider à qui confier la gestion du nouveau dispositif : l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), comme aujourd'hui pour les vins sous signe de qualité, les groupements de producteurs, les interprofessions, ou les Conseils de bassin.

b) La transition entre le système actuel et le futur système d'encadrement des droits de plantation.

Il paraît difficilement praticable de faire coexister l'actuel système et le nouveau dispositif dans l'Union européenne . Or si le régime actuel des droits de plantation est en vigueur pour tous jusqu'au 31 décembre 2015, les États membres ont la faculté de le conserver trois années supplémentaires, jusqu'au 31 décembre 2018. Il serait bien plus cohérent que le nouveau système s'applique pour tous au même moment.

Par ailleurs, les viticulteurs disposent en portefeuille de droits de plantation, qui proviennent d'arrachages ou encore d'acquisitions de droits auprès de la réserve nationale. Ces droits disparaîtront mécaniquement lors du basculement dans le nouveau système. Le rapport Vautrin précité évaluait les droits de plantation et de replantation non utilisés à plus de 50 000 hectares, soit environ 8 % de la surface plantée. Ce taux s'élève aussi à 8 % à l'échelle de l'Union européenne dans son ensemble 13 ( * ) . Il conviendrait donc de laisser le temps aux acteurs économiques concernés d'exercer leurs droits, en fixant la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions au 1 er janvier 2019.


* 10 Arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 13 décembre 1979 - Affaire 44/79 « Liselotte Hauer contre Land Rheinland-Pfalz » - Question préjudicielle sur l'interdiction de nouvelles plantations de vignes.

* 11 Campagne 2010/2011.

* 12 Source : Rapport du 10 décembre 2012 de la Commission au Parlement européen et au Conseil relatif à l'expérience acquise dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme du secteur du vin en 2008.

* 13 Source : Rapport du Groupe de Haut Niveau.

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