D. LA SUPPRESSION DU MONOPOLE DES POURSUITES PAR LE PARQUET
Enfin, la proposition de loi propose de supprimer la condition, posée à l'article 689-11 du code de procédure pénale, de monopole de l'exercice des poursuites par le ministère public.
Rappelons que la France est l'un des rares pays, avec la Belgique, à admettre que l'action publique puisse être mise en mouvement, soit par le ministère public, soit par les victimes elles-mêmes.
Aux termes des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale, il appartient au procureur de la République de recevoir les plaintes et les dénonciations et d'apprécier la suite à leur donner. Conformément au principe d'opportunité des poursuites , il peut, dès lors que les faits constituent bien une infraction pénale, qu'ils ont été commis par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, décider s'il est opportun d'engager des poursuites, de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites, ou de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient.
De son côté, la victime peut, en se constituant partie civile par voie d'action, déclencher elle-même l'action publique. Elle peut le faire, soit en saisissant un tribunal correctionnel par une citation directe (s'agissant de délits uniquement), soit en saisissant un juge d'instruction. Toutefois, en matière délictuelle, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable que lorsque, saisi préalablement d'une plainte simple, le procureur de la République a décidé de classer celle-ci sans suite ou qu'il n'a pas donné suite dans un délai de trois mois (article 85 du code de procédure pénale).
Afin de prévenir d'éventuelles plaintes abusives ou infondées, le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile a par ailleurs été encadré par un certain nombre de conditions (exigence d'une consignation, etc.).
Les dispositions de la proposition de loi tendant à supprimer le monopole de l'engagement des poursuites par le parquet permettraient ainsi la mise en mouvement de l'action publique par les victimes elles-mêmes ou , comme le permet l'article 2-4 du code de procédure pénale, par les associations se proposant, par leurs statuts, de combattre les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre .
Les magistrats du pôle « crimes contre l'humanité » du TGI de Paris ont observé qu'en l'état du droit, certaines victimes portent plainte avec constitution de partie civile contre de tels crimes sur le fondement de la convention de New York sur la torture. Dans ces cas, il appartient au juge d'instruction saisi de se prononcer sur la qualification des faits afin de pouvoir déterminer si la plainte est recevable. Souvent, ces dossiers n'aboutissent pas, faute pour les magistrats saisis par cette voie de pouvoir qualifier les faits d'actes de torture ou de barbarie. De ce point de vue, la proposition de loi permettrait de mettre un terme à de telles pratiques qui ne vont pas dans le sens d'une bonne administration de la justice.
Enfin, les partisans de la suppression de ce monopole du parquet soulignent qu'une telle disposition permettrait aux victimes des crimes les plus graves de faire valoir leurs droits et d'obtenir réparation - les stipulations du Statut de Rome ne permettant pas aux victimes, en l'état, de saisir directement la Cour pénale internationale, même si elles peuvent fournir au Procureur les éléments de preuve dont elles disposent.