C. LA SUPPRESSION DU PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
En l'état du droit, l'article 689-11 du code de procédure pénale prévoit que « la poursuite de ces crimes ne peut être exercée [que si] aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l'extradition de la personne. A cette fin, le ministère public s'assure auprès de la Cour pénale internationale qu'elle décline expressément sa compétence et vérifie qu'aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n'a demandé sa remise et qu'aucun autre État n'a demandé son extradition ».
Selon la totalité des personnes entendues par votre rapporteur, cette condition procède d'une interprétation manifestement erronée de la convention de Rome de 1998.
Le Statut de Rome a posé le principe de complémentarité des juridictions nationales et de la Cour pénale internationale, et non de primauté de cette dernière sur les juridictions des États parties. Il diffère sur ce point de la solution retenue lors de la création des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.
Les magistrats entendus par votre rapporteur ont souligné, en outre, que l'exigence de déclinaison de sa compétence par la CPI méconnaissait les conditions de saisine des services de cette dernière, et en particulier du Bureau du Procureur. En effet, comme l'ont observé les représentants du pôle « crimes contre l'humanité » du TGI de Paris, les articles 13 et suivants du Statut de Rome prévoient que la CPI exerce sa compétence à l'égard d'une « situation » dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis, et non directement à l'égard d'une personne nommément désignée.
Si nous en revenons à l'esprit de la convention, comme l'observait notre ancien collègue Robert Badinter, rapporteur de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 pour le Sénat, « le statut de la Cour est ainsi marqué par la volonté de créer un système international efficace de répression des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre les plus graves. Il sauvegarde cependant la compétence juridictionnelle des États adhérents au statut. C'est aux États en effet qu'il revient au premier chef de poursuivre et de condamner les auteurs de ces crimes dans toute la mesure où ils relèvent de leur juridiction . C'est seulement faute pour ces États d'agir, soit par intérêt politique soit par défaut de moyens juridiques, que la Cour assurera la répression selon une procédure respectueuse des principes du procès équitable » 29 ( * ) .
Contraire à la lettre de la convention, la primauté de la Cour pénale internationale sur les juridictions nationales conduirait, enfin, à fragiliser considérablement une juridiction encore jeune - elle vient de fêter son dixième anniversaire -, confrontée par ailleurs à un déficit de coopération de certains États et à un manque de moyens pour accomplir ses missions dans les conditions de sérieux que la lutte contre l'impunité lui impose 30 ( * ) .
Il convient à cet égard de souligner la parfaite collaboration entre la Cour pénale internationale et les juridictions françaises. Les magistrats entendus par votre rapporteur ont mentionné que, sauf circonstances particulières, les autorités judiciaires françaises exécutaient avec diligence les demandes d'entraide judiciaire relatives à la mise en oeuvre de la convention de Rome.
* 29 Rapport n°318 (1998-1999) annexé au procès-verbal de la séance du 28 avril 1999 fait, au nom de la commission des lois du Sénat, par M. Robert Badinter. Ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l98-318/l98-318_mono.html .
* 30 Voir notamment les observations de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, formulées dans un avis adopté en assemblée plénière le 23 octobre 2012, et consultable à l'adresse suivante : http://www.cncdh.fr/sites/default/files/12.10.23_avis_cpi.pdf