ARTICLE 24 : Départementalisation de Mayotte
Commentaire : le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires à l'application à Mayotte des législations fiscales et douanières en vigueur en métropole et dans les départements et régions d'outre-mer.
I. LE DROIT EXISTANT
Le 31 mars 2011, Mayotte est devenue un département d'outre-mer , régi par les dispositions de l'article 73 de la Constitution. Ce changement institutionnel se traduit par une application progressive à cette collectivité de la législation applicable aux autres départements français .
L'article 68 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte 288 ( * ) prévoyait l'application du code général des impôts (CGI) et du code des douanes au 1 er janvier 2007. L'article 3 de la loi 289 ( * ) organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a introduit deux articles L.O. 6161-22 et L.O. 6161-24 dans le code général des collectivités territoriales, repoussant, pour chacun de ces codes, cette entrée en vigueur au 1 er janvier 2014.
Ces deux articles du statut organique de Mayotte seront abrogés le 1 er janvier 2014, supprimant ainsi toute indication dans le droit positif de l'application à Mayotte du droit commun en matière fiscale et douanière. La loi relative au département de Mayotte 290 ( * ) (article 11) a donc prévu, à l'initiative du Sénat, une mention expresse de l'application du CGI et du code des douanes à Mayotte au 1 er janvier 2014.
Le département de Mayotte aura ainsi perdu son autonomie fiscale au plus tard le 1 er janvier 2014 et se verra appliquer le droit commun, ce qui nécessite des mesures législatives d'adaptation.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
La direction générale des finances publiques (DGFiP) et la délégation générale à l'Outre-mer (DEGEOM) ont mené un travail de recensement des impôts nécessitant une adaptation.
Ces adaptations concerneront un nombre important de sujets :
? En matière d'impôt sur le revenu :
- la retenue à la source (supprimée au bénéficie du système déclaratif appliqué en métropole et dans les autres DOM) ;
- les déficits catégoriels (prévoir la possibilité de report des déficits catégoriels lors du passage au droit commun) ;
- la défiscalisation (le report des réductions d'impôts pendant 5 ans pour les mahorais lors du passage aux règles de droit commun se pose) ;
- l'application de la réfaction à l'impôt sur le revenu (article 197 du code général des impôts) ;
? En matière d'impôt sur les sociétés :
- la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés (problématique du report des déficits générés sous l'empire du droit fiscal mahorais lors du passage au droit commun) ;
- l'instauration de dispositifs prévoyant des exonérations et abattements en matière de bénéfices (problématique des zones franches) ;
? En matière de fiscalité directe locale :
- les modalités de mise en place d'impôts fonciers ;
- les modalités de mise en place de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Le Gouvernement souhaite, pour procéder à ces adaptations, légiférer par ordonnance, en application de l'article 38 de la Constitution. Tel est l'objet du présent article, qui vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance « les mesures nécessaires pour rendre applicables à Mayotte, avec les adaptations tenant compte des intérêts propres à ce territoire dans l'ensemble des intérêts de la République et de la situation particulière de Mayotte, les législations fiscales et douanières en vigueur en métropole et dans les départements et régions d'outre mer ».
La durée d'habilitation est fixée à neuf mois à compter de la publication de la présente loi - soit jusqu'à fin septembre 2013 - et le projet de loi de ratification doit être déposé avant le 15 décembre 2013.
*
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La complexité et la diversité des sujets abordés justifient le recours à un outil souple et donc le souhait du Gouvernement de légiférer par ordonnance. La loi du 7 décembre 2010 précitée avait d'ailleurs prévu, pour l'adaptation à Mayotte de la législation en vigueur, une habilitation très étendue. Christian Cointat avait à ce propos souligné dans son rapport 291 ( * ) sur ce texte que « c'est aux ordonnances que le projet de loi renvoie pour l'essentiel des extensions ou adaptations de législation en vigueur ».
Le fait de demander une habilitation à légiférer par ordonnance dans une loi de finances peut sembler insolite mais se justifie néanmoins.
Tout d'abord, l'article 34 de la LOLF 292 ( * ) dispose que la seconde partie de la loi de finances de l'année peut comporter « des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire » et l'article 35 étend cette possibilité aux lois de finances rectificatives. Le présent article se rattache donc bien au champ des lois de finances.
D'autre part, la jurisprudence 293 ( * ) du Conseil constitutionnel empêchant le recours aux ordonnances dans le domaine des lois de finances ne concerne que le domaine réservé de celles-ci.
Enfin, un précédent peut être souligné : l'article 26 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, dont le Conseil constitutionnel a été saisi 294 ( * ) , contenait une habilitation relative à la réforme du « régime de l'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ».
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 288 Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.
* 289 Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
* 290 Loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte.
* 291 Rapport n° 17 (2010-2011).
* 292 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.
* 293 Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 (Cons. 15).
* 294 Décision n° 2010-623 DC du 28 décembre 2010.