ARTICLE 22 (Art. 256, 266, 269, 289 et 289 bis du code général des impôts, Art. L. 80 F, L. 102 B et L. 102 C du livre des procédures fiscales) : Transposition de la directive 2010/45/UE du 13 juillet 2010 modifiant la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en ce qui concerne les règles de facturation
Commentaire : le présent article propose de transposer la directive 2010/45/UE du 13 juillet 2010 modifiant la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afin de clarifier et de simplifier les règles de facturation, ainsi que d'étendre le recours à la facture électronique.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE (TVA)
L'article 256 du code général des impôts (CGI) précise les opérations, parmi les livraisons de biens et les prestations de services à titre onéreux, qui entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Le III de cet article prévoit notamment les cas dans lesquels un assujetti n'est pas réputé réaliser, en matière de TVA, un transfert de bien à destination d'un autre Etat membre de la Communauté européenne. A cet égard, n'est pas considéré comme un transfert l'expédition ou le transport d'un bien qui, dans l'Etat membre d'arrivée, est destiné à faire l'objet de travaux , à condition que le bien soit réexpédié ou transporté en France à destination de cet assujetti.
B. LE RÉGIME DE L'ASSIETTE DE LA TVA
L'article 266 du CGI définit la base imposable en matière de TVA.
En particulier, le 1 bis de cet article précise le taux de change à appliquer lorsque les montants exprimés sur une facture sont exprimés dans une autre devise que l'euro.
Ce taux est celui du dernier taux déterminé par référence au cours publié par la Banque de France à partir du cours fixé par la Banque centrale européenne (BCE), connu au jour de l'exigibilité de la taxe.
C. LE FAIT GÉNÉRATEUR ET L'EXIGIBILITÉ DE LA TVA
L'article 269 du CGI prévoit les règles applicables pour déterminer à quel moment intervient le fait générateur de la taxe et la date à laquelle celle-ci devient exigible par le Trésor.
D. LES OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE FACTURATION
L'article 289 du CGI prévoit les règles applicables en matière de facturation.
En particulier, le c du 1 du I de cet article prévoit l'obligation d'émettre une facture lorsque des acomptes sont versés dans le cadre d'une livraison de biens ou d'une prestation de services imposable, effectuée pour un autre assujetti ou une personne morale non assujettie. Cette obligation d'émettre une facture d'acompte s'étend par ailleurs aux livraisons de biens relevant du régime de la vente à distance, ainsi qu'aux livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter du CGI et du II de l'article 298 sexies du même code ( cf. infra ).
Le 2 de l'article 289 du CGI prévoit les règles applicables dans le cas où un mandat de facturation serait confié par l'assujetti au client ou à un tiers, alors habilité à émettre des factures au nom et pour le compte du fournisseur ou du prestataire.
Le 3 du même article pose le principe selon lequel une facture doit être émise dès la réalisation de l'opération, mais prévoit la possibilité d'émettre une facture périodique lorsque l'assujetti réalise plusieurs livraisons de biens ou plusieurs prestations de services au profit d'un même client.
E. LA PROCÉDURE DU DROIT D'ENQUÊTE
L'article L. 80 F du livre de procédure fiscale (LPF) est relatif à la procédure de droit d'enquête.
Cette procédure a pour objectif de rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA en application du CGI ainsi qu'aux dispositions adoptées par les Etats membres pour l'application des articles 217 à 248 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA.
Ainsi, par exemple, les agents des impôts (ayant au moins le grade de contrôleur) peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation . Ils peuvent également procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation.
F. LA CONSERVATION DES FACTURES
Issu de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, l'article L. 102 C du LPF prévoit notamment que les assujettis ne peuvent stocker les factures transmises par voie électronique dans un pays non lié à la France par une convention prévoyant une assistance mutuelle ainsi qu'un droit d'accès en ligne, de téléchargement et d'utilisation de l'ensemble des données concernées.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. UN CHAMP D'APPLICATION DE LA TVA PRÉCISÉ
Le A du I du présent article ajoute un cas à ceux déjà recensés ( cf. supra ) et dans lesquels un assujetti n'est pas réputé réaliser, en matière de TVA, un transfert de bien à destination d'un autre Etat membre de la Communauté européenne. Il s'agit de la situation où le bien doit faire l'objet d' expertises puis revient en France à destination de l'assujetti qui l'a expédié dans un autre Etat membre.
B. LA RÉFÉRENCE AU TAUX DE CHANGE PUBLIÉ PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE)
Le B du I du présent article opère un changement de référence s'agissant du taux de change à retenir lorsque les montants exprimés sur une facture sont exprimés dans une autre devise que l'euro.
Ce taux est désormais directement celui publié par la BCE .
C. LE FAIT GÉNÉRATEUR DE LA TVA DANS LE CAS DES LIVRAISONS ET DES TRANSFERTS EFFECTUÉS DE MANIÈRE CONTINUE
Le 1° du C du I du présent article prévoit que le fait générateur de la taxe se produit à l'expiration de chaque mois civil pour les livraisons et transferts mentionnés au I de l'article 262 ter du CGI effectués de manière continue pendant une période de plus d'un mois civil.
Il convient à cet égard de rappeler que le I de l 'article 262 ter du CGI concerne les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie :
- lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'a pas d'activité réelle ;
- lorsque les livraisons sont effectuées par des assujettis visés à l'article 293 B du même code et qu'il s'agit de livraisons de biens autres que des alcools, des boissons alcooliques, des huiles minérales et des tabacs manufacturés ou des moyens de transport neufs, expédiés ou transportés à destination des personnes mentionnées au a du 1° du I de l'article 258 A du même code ;
- lorsque les livraisons concernent des biens d'occasion, des oeuvres d'art, des objets de collection ou d'antiquité et qu'elles sont effectuées par des assujettis revendeurs qui appliquent les dispositions de l'article 297 A du même code.
D. L'EXIGIBILITÉ DE LA TVA
S'agissant des livraisons et des transferts mentionnés au I de l'article 262 ter du CGI ( cf. supra ), la taxe est exigible le 15 du mois suivant celui au cours duquel s'est produit le fait générateur , en application du 2° du C du I présent article.
E. LES RÉGLES DE FACTURATION
Le D du I du présent article introduit un nouvel article 289-0 dans le CGI en vertu duquel les règles de facturation prévues par l'article 289 ( cf. supra ) s'appliquent aux opérations réputées situées en France en application des articles 258 à 259 D du même code, à l'exclusion de celles qui sont réalisées par un assujetti qui a établi le siège de son activité économique dans un autre Etat membre, ou qui y dispose d'un établissement stable à partir duquel la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle, et pour lesquelles l'acquéreur ou le preneur établi en France est redevable de la taxe, sauf si l'assujetti leur a donné mandat pour facturer en son nom et pour son compte.
Ces règles s'appliquent également aux opérations dont le lieu d'imposition n'est pas situé en France mais qui sont réalisées par un assujetti qui a établi le siège de son activité économique en France ou qui y dispose d'un établissement stable à partir duquel la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle :
- lorsque l'acquéreur ou le preneur établi dans un autre Etat membre est redevable de la taxe, sauf si l'assujetti leur a donné mandat pour facturer en son nom et pour son compte ;
- lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est réputée ne pas être effectuée dans l'UE en application du titre V de la directive précitée du 28 novembre 2006.
Le a du 1° du E du I du présent article lève l'obligation d'émettre une facture lorsque des acomptes sont versés dans le cadre des livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter du CGI et du II de l'article 298 sexies du même code (c'est-à-dire la livraison par un assujetti d'un moyen de transport neuf expédié ou transporté sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne).
Par ailleurs, le b du 1° du E du I du présent article modifie les dispositions jusqu'à présent en vigueur dans le cas d'un mandat de facturation. Les factures peuvent toujours être matériellement émises par le client ou par un tiers lorsque l'assujetti leur donne mandat à cet effet. Sous réserve de son acceptation par l'assujetti, chaque facture est alors émise en son nom et pour son compte. En revanche, le présent article ajoute qu'un décret en Conseil d'Etat « précise les modalités particulières d'application de ces dispositions lorsque le mandataire est établi dans un pays avec lequel il n'existe aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures et par le règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée ».
Le c du 1° du E du I précise que « pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et du II de l'article 298 sexies et pour les prestations de services pour lesquelles la taxe est due par le preneur en application de l'article 196 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, la facture est émise au plus tard le 15 du mois suivant celui au cours duquel s'est produit le fait générateur ». Elle peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou plusieurs prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil. Cette facture est alors établie au plus tard à la fin de ce même mois.
Les 2°, 3° et 4° du E du I du présent article procèdent à des modifications rédactionnelles.
F. LA FACTURE ÉLECTRONIQUE
Le 5° du E du I du présent article complète l'article 289 du CGI pour préciser que les factures électroniques sont émises et reçues sous une forme électronique quelle qu'elle soit et que leur transmission ainsi que leur mise à disposition sont soumises à l'acceptation du destinataire.
Des contrôles documentés et permanents sont mis en place par l'entreprise pour permettre les contrôles. La signature électronique est également reconnue, un décret encadrant les conditions d'émission, de signature et de stockage de ces factures. La facture peut prendre « la forme d'un message structuré selon une norme convenue entre les parties , permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement ».
G. LE DROIT D'ENQUÊTE ADAPTÉ À LA PRATIQUE DES FACTURES ÉLECTRONIQUES
Les A, B et C du II du présent article adapte la procédure du droit d'enquête, ayant pour objectif de rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA, à la pratique des factures électroniques.
Les agents de l'administration des impôts s'assurent que les contrôles « garantissent l'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité des factures émises ou reçues par le contribuable ».
Pour ce faire, ils vérifient l'ensemble des informations, documents, données, traitements informatiques ou systèmes d'information constitutifs de ces contrôles, ainsi que la documentation décrivant leurs modalités de réalisation.
Si ces contrôles sont effectués sous forme électronique, les contribuables sont tenus de les présenter sous cette forme. Les agents de l'administration peuvent prendre copie des informations ou documents de ces contrôles, ainsi que de leur documentation, par tout moyen et sur tout support.
En cas d'impossibilité d'effectuer ces vérifications ou si les contrôles ne permettent pas d'assurer l'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité des factures, ces dernières ne sont pas considérées comme les factures d'origine.
Les agents de l'administration peuvent intervenir de manière inopinée dans les locaux professionnels des entreprises émettrices et réceptrices, et, s'il y a lieu, dans les locaux professionnels des prestataires de services de télétransmission, pour contrôler la conformité du fonctionnement du système de télétransmission des factures et de la procédure de signature électronique. Un « avis d'intervention » est alors remis au contribuable (ou à son représentant) « précisant les opérations techniques envisagées sur le système de télétransmission des factures ou de procédure de signature électronique ».
En cas d'impossibilité de procéder à ces contrôles ou de manquement aux conditions fixées par décret, les agents de l'administration dressent un procès-verbal. Dans les trente jours de la notification de ce procès-verbal , le contribuable peut formuler ses observations, apporter des justifications ou procéder à la régularisation des conditions de fonctionnement du système. Au-delà de ce délai et en l'absence de justification ou de régularisation, les factures électroniques ne sont plus considérées comme documents tenant lieu de factures d'origine.
Les procès-verbaux ne sont alors opposables au contribuable qu'au regard de la conformité du système de télétransmission des factures et de la procédure de signature électronique.
H. LE DÉLAI ET LES OBLIGATIONS DE CONSERVATION DES FACTURES
Le D du II du présent article prévoit que les informations, les documents, les données, les traitements informatiques ou les systèmes d'information constitutifs des contrôles mentionnés précédemment, ainsi que la documentation décrivant leurs modalités de réalisation, doivent être conservés pendant un délai de six ans .
Les factures doivent être stockées sous la forme originelle, papier ou électronique, sous laquelle elles ont été transmises ou mises à disposition.
Les assujettis ne sont plus tenus de déclarer, en même temps que leur déclaration de résultats ou de bénéfices, « le lieu de stockage de leurs factures ainsi que toute modification de ce lieu lorsque celui-ci est situé hors de France ».
En revanche, les autorités compétentes des Etats membres de la Communauté européenne ont un droit d'accès par voie électronique, de téléchargement et d'utilisation des factures stockées, non seulement sur le territoire français mais aussi « sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un pays lié à la France par une convention prévoyant une assistance mutuelle ».
I. LE CALENDRIER D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE CES MESURES
Le III du présent article prévoit que l'ensemble des dispositions entrent en vigueur à compter du 1 er janvier 2013 .
*
L'Assemblée nationale a adopté dix amendements rédactionnels de la commission des finances.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE TRANSPOSITION NÉCESSAIRE AVANT LE 31 DÉCEMBRE 2012
Le présent article vise à transposer la directive 2010/45/UE du Conseil du 13 juillet 2010 , modifiant la directive précitée du 28 novembre 2006 en ce qui concerne les règles de facturation. Cette directive poursuit un objectif d'harmonisation des règles de facturation des différents Etats membres de l'UE, initié par la directive 2001/115/CE du 20 décembre 2001.
Elle doit être transposée au plus tard le 31 décembre 2012 .
B. UNE SIMPLICATION DES RÈGLES DE FACTURATION
Les modifications proposées ont pour objectif de clarifier et de simplifier les règles de facturation en matière de TVA.
Elles offrent aux entreprises une meilleure sécurité juridique dans le cadre de leurs échanges commerciaux, par la désignation de l'Etat membre dont les règles de facturation s'appliquent.
Le délai d'établissement de la facture dans le cadre de certaines opérations intracommunautaires est harmonisé . Il est fixé au plus tard au quinzième jour du mois qui suit celui au cours duquel s'est produit le fait générateur.
Par ailleurs, les règles d' exigibilité de la TVA sont précisées en ce qui concerne les livraisons de biens effectuées de manière continue entre deux Etats membres pendant une période de plus d'un mois civil.
C. UNE INCITATION AU RECOURS À LA FACTURE ÉLECTRONIQUE
Les nouvelles règles introduites visent également à assurer un traitement identique des factures papier et des factures électroniques.
La directive précitée du 13 juillet 2010, tout en maintenant les échanges de données sous forme de message structuré et la signature avec un certificat qualifié comme exemples de dispositifs autorisés, prévoit que les entreprises peuvent désormais user de tout moyen technique pour transmettre les factures électroniques . La condition réside dans les garanties apportées s'agissant de l'authenticité de l'origine, de l'intégrité et de la lisibilité à travers des contrôles fiables, permettant d'établir le lien entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou la prestation de services qui en est le fondement.
L'adoption de ces dispositifs doit permettre d' étendre le recours à la facture dématérialisée . Or, la simplification des modalités de recours à la facture électronique mérite d'être encouragée, compte tenu de ses enjeux économiques et environnementaux.
D. UNE ADAPTATION DES VOIES DU CONTROLE
Le développement du recours à la facture électronique doit pouvoir s'accompagner de mesures de contrôle adaptées pour l'administration des impôts .
En l'occurrence, le présent article permet une évolution de la procédure du droit d'enquête en phase avec les conditions de facturation simplifiées et encouragées. Les agents des impôts peuvent procéder à des contrôles inopinés, y compris dans les locaux des prestataires de service de télétransmission. Comme dans le cas des factures papier, des copies des factures électroniques peuvent être réalisées. Enfin, l'ensemble de la chaîne d'édiction de ces factures peut être soumis au contrôle, le système d'information demeurant ainsi « ouvert » à l'administration de contrôle.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.